9 juin 2013

La base sociale d'Esteban Morillo, meurtrier de Clément Méric

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le matérialisme enseigne que lorsqu'il y a un phénomène, il faut en comprendre la base objective. Les informations quant au profil du meurtrier de Clément Méric permettent de comprendre un aspect de celle-ci, une contradiction par ailleurs terrible dont nous avons déjà parlé (voir La Picardie, des contradictions à l'image de la classe ouvrière).

Clément Méric n'était, en effet, pas parisien, et son meurtrier non plus.

Clément Méric était originaire de Brest, où ses deux parents étaient professeurs de faculté (de droit). Il avait rejoint depuis une année la « prestigieuse » grande école parisienne « Sciences Po », qui forme les cadres de l'appareil d'Etat bourgeois.

Son meurtrier s'appelle Esteban Morillo, et lui vient de la Picardie profonde, du prolétariat rural, terriblement accablé par le capitalisme.

Et comme déjà expliqué, en absence de pensée-guide pour les masses, la dynamique néo-nazie – pour une « communauté » sociale – est un élément culturel extrêmement puissant.

Voici ce que dit le Courrier Picard à son sujet :

« Il a 21 ans. Esteban Morillo est aujourd’hui présenté comme l’auteur présumé des coups qui ont tué Clément Méric. Né le 4 décembre 1992 à Cadix en Espagne, il s’est ensuite installé, avec ses parents, à Neuilly-Saint-Front, non loin de Château-Thierry dans le sud du département de l’Aisne.

En 2010, à la demande du maire de cette petite localité, une enquête est ouverte par la gendarmerie locale. Plusieurs personnes se sont émues du fait que Morillo et trois de ses amis se livrent très régulièrement à des provocations. Des saluts nazis sont effectués lors du passage de témoins. Ces quatre comparses ont tous le crâne rasé et portent des pantalons de treillis noir et des rangers avec lacets blancs.

Les gendarmes effectuent des perquisitions et découvrent divers objets démontrant clairement l’engagement néonazi de ces jeunes gens. C’est ainsi que des drapeaux portant une croix gammée, le sigle SS et la Totenkopf (tête de mort) nazis sont découverts.

Selon nos informations, aucune suite n’a été donnée à cette affaire sur le plan judiciaire et les 4 néonazis ont été laissés libres sur instruction de la justice. Esteban Morillo est parti vivre dans la région parisienne il y a 18 mois avec sa compagne, qui aurait aussi été interpellée dans le cadre de l’enquête sur la mort de Clément Méric. »

L'assassiné et l'assassin ont pratiquement le même âge, et tous deux ne viennent pas de Paris. Et l'extrême-droite a beau jeu de parler du jeune patriote prolétaire en prise avec le punk d'origine bourgeoise et étudiant dans une grande école.

Cela n'est guère surprenant : l'anarcho-trotskysme est un résidu du révisionnisme des années 1960-1980 ; il n'a aucune économie politique et sa base est petite-bourgeoise radicale, passant toujours sous la coupe du Parti Socialiste.

Son antifascisme est donc idéaliste, d'ailleurs systématiquement violemment anti-communiste, et même directement anti-politique, même le mot « anarchiste » passant à la trappe pour un mot pourtant synonyme, « libertaire. »

Il n'est guère difficile pour les fascistes d'affirmer que les « antifas » sont alors seulement « anti », que sans les fascistes ils n'existent pas, etc. etc.

Il est évident, de fait, que le problème se situe à Neuilly-Saint-Front : pourquoi une petite ville de 2000 personnes, en périphérie de l'ogre capitaliste parisien (à un peu plus de 80km, donc avec tous les inconvénients de la présence proche de celui-ci, sans aucun avantage), produit-elle un nazi et non pas un combattant de la guerre populaire pour le communisme ?

Les syndicalistes révolutionnaires disent que c'est en raison de l'absence de syndicat, ce en quoi ils nient la culture et basculent même dans le pire populisme. Voici un extrait de la dernière prose du « comité syndicaliste révolutionnaire » :

« Cette société « démocratique » est aux mains des partis politiques, dont les deux dominants en France sont l’UMP et le PS. L’UMP représente 300.000 adhérents, le PS en représente 180.000… A côté de ça, la confédération syndicale CGT représente à elle seule 700.000 personnes, soit largement plus que les deux partis dominants réunis. L’addition des 5 confédérations syndicales de classe CGT, FO, FSU, SUD, CNT, avec leurs organismes de sociabilité, d’entraide, de culture et de loisirs représente près de 1.700.000 personnes, alors que l’addition de tous les partis politiques réunis ne dépasse pas les 1 million d’adhérents et de militants… »

On a là une incompréhension de la réalité culturelle, passant par une négation des élections bourgeoises (puisque Hollande a été élu par des millions de personnes). Appeler à la « dictature » d'un bloc « CGT, FO, FSU, SUD, CNT » c'est en appeler au corporatisme et c'est vraiment la négation de toute idéologie révolutionnaire.

Comment s'étonner alors que, particulièrement en Picardie, des jeunes ouvriers – même souvent d'origine immigrée (de Pologne, d'Espagne, du Portugal, de l'ex-Yougoslavie, etc.) deviennent des « nationaux-socialistes » ou des « nationalistes autonomes » ?

Tous ces problèmes de fond n'ont pas été abordé par une extrême-gauche agonisante qui a nié le fascisme ces dernières années (que d'attaques contre le PCMLM à ce sujet!) et qui tente maintenant un retournement à 180°, pour mettre en avant un front républicain vaguement populaire (les « antifas » se présentant d'ailleurs comme « ouverts » à tout ce qui est « à gauche du Parti Socialiste »).

A ceci près qu'avec la crise générale du capitalisme, tout cela va prendre une autre ampleur. C'est la question de classe qui va apparaître. Et là, quand il y aura des centaines, des milliers d'Esteban, il faudra bien voir les choses en face : l'alternative est socialisme ou barbarie, il faut assumer le matérialisme dialectique et la guerre populaire !

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