15 Jan 2011

Chute du régime tunisien : l'effondrement de la bureaucratie semi-coloniale

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Comme l'a formulé peu élégamment Talleyrand, on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s'asseoir dessus. Les armes donnent le pouvoir, mais pour le garder il faut avoir l'hégémonie.

Le régime de Ben Ali n'avait aucune légitimité. Alors il en a cherché deux : tout d'abord, celle de l'État policier, jetant une chape de plomb sur le peuple arabe tunisien. Puis, celle du développement économique, qui a marché un temps notamment avec le tourisme.

Cependant, l'accroissement jusqu'au délire de la pression anti-démocratique et les ratés de l'économie capitaliste mondiale ont fait vaciller le régime, et une rébellion s'est engouffrée, poussant à Ben Ali à s'enfuir.

L'effondrement du régime tunisien vérifie donc parfaitement les thèses comme quoi les pays non capitalistes-impérialistes sont de type semi-colonial, semi-féodal, avec un capitalisme plus ou moins développé par en haut, par une bourgeoisie de type bureaucratique.

C'est cela qui explique que le régime de Ben Ali se soit effondré comme un château de cartes : le régime tunisien avait comme seule base la bourgeoisie bureaucratique et l'impérialisme, surtout français.

Le prédécesseur de Ben Ali à la tête de la Tunisie, Habib Bourguiba (1903-2000), avait lui-même théorisé cette soumission à l'impérialisme. Dès 1937, il affirmait :

« L’indépendance ne se réalisera que selon trois formules :

une révolution populaire, violente et généralisée, qui liquidera le protectorat
une défaite militaire française au cours d’une guerre contre un autre État
une solution pacifique, à travers des étapes, avec l’aide de la France et sous son égide.

Le déséquilibre du rapport des forces entre le peuple tunisien et la France élimine toutes les chances d’une victoire populaire. Une défaite militaire française n’aidera pas l’indépendance parce que nous tomberons dans les griffes d’un nouveau colonialisme.

Donc, il ne nous reste que la voie de la délivrance pacifique sous l’égide de la France. »

Dans cette optique, on ne sera pas étonné que Bourguiba se soit nommé président à vie, expliquant en 1975 :

«  Le fait de me désigner à vie à la tête de l’État ne peut être qu’un hommage de reconnaissance rendu aux yeux du monde entier à un homme dont le nom s’identifie à la Tunisie. »

Ben Ali est ainsi un opportuniste se situant simplement dans la tradition de Bourguiba, qu'il a lui-même mis de côté sur la fin de sa vie. Et avec la crise actuelle Ben Ali, après avoir louvoyé puis annoncé l'état d'urgence, a été « sacrifié » et a dû quitter le pays. C'était inévitable afin de sauver l'appareil d'État.

L'appareil d'Etat n'a en effet pas été brisé. Ce qui se passe en Tunisie est une leçon très clair,e montrant le caractère totalement erroné des gens qui en France veulent la « révolution » mais ne posent pas la question du soulèvement armé.

NPA, syndicalistes révolutionnaires, CNT, anarchistes, trotskystes... espèrent que l'État français disparaîtra. Mais un État ne disparaît pas à moins d'être détruit. Il ne suffit pas qu'un régime tombe pour que l'appareil d'État disparaisse. D'ailleurs, c'est le plus proche collaborateur de Ben Ali, Mohamed Ghannouchi, qui prend sa place.

Mohamed Ghannouchi était premier ministre depuis... 1999, alors qu'il est proche de Ben Ali depuis les années 1980 !

Et même dans le cas où l'appareil d'État disparaît sous les coups de boutoir des masses, reste à savoir quelle est la nouvelle structure sociale et politique prenant sa place. En l'absence d'un Parti Communiste authentique dirigeant les masses populaires vers les valeurs communistes, inévitablement la réaction triomphe.

La révolution iranienne est ici une leçon très grande, et sanglante.

A ce titre, il n'y a pas en Tunisie de Parti Communiste authentique, ni de large culture communiste, alors que le patriarcat est extrêmement important, tout comme les valeurs féodales.

Une révolution démocratique s'évalue à la mesure de la participation des femmes. Il est aisé de voir que le soulèvement mettant à bas Ben Ali ne porte pas réellement cette dimension.

Il n'y a donc pas de possibilité d'un développement positif à moyen terme. C'est une loi historique, seulement niée par les spontanéistes dont le rôle est en définitif ici de précipiter les masses dans l'échec, servant ainsi de cinquième colonne de la réaction.

L'aspect principal à court terme est toutefois la chute du régime : la bourgeoisie compradore est le dos au mur. Si elle arrivera sans nul doute à se maintenir, les masses populaires arabes tunisiennes on fait une expérience historique, et surtout permettent au débat démocratique d'exister et de se développer.

80 personnes sont tombées en martyr dans des journées d'affrontement ; est très claire également l'hypocrisie de la France qui prétend « refuser » d'accueillir Ben Ali et soutenir le peuple tunisien.

Pour qu'à moyen terme, ce soulèvement contribue à la lutte de classes de toute sa force, il faut que se fonde un Parti Communiste armé de la science marxiste-léniniste-maoïste, élaborant un programme démocratique pour la Tunisie !

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