18 avr 2010

Lire Sternhell est un devoir pour briser l’idéologie national-bourgeoise et son inévitable « anticapitalisme » romantique antisémite

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« Lire Sternhell est un devoir ! »: en mettant en avant ce mot d’ordre, nous rappelons le cadre de la lutte révolutionnaire: la France et son idéologie national-bourgeoise.

Pourquoi cela? Parce que c’est le capitalisme qui a donné naissance à la nation; pour renverser le mode de production capitaliste, il faut donc dépasser la nation.

Il n’y a donc pas lieu de nier la nation, mais de reconnaître son existence, et de comprendre les points positifs et négatifs de la culture qui s’y est développée.

C’est le sens des articles sur Camus, Madame de Staël, Blanqui, Sorel, Guesde, Descartes, etc., dont le nombre augmentera encore et encore, car c’est là le noyau de la critique révolutionnaire de la société française faite par le PCMLM.

Toutes les autres critiques se présentant comme « révolutionnaires » sont soit du type nihiliste (niant toute valeur à la culture produite par le passé), soit du type social-impérialiste (donnant une valeur fondamentale à la « France »).

Le courant anarchiste est typiquement nihiliste dans sa démarche (rejetant la société, la civilisation etc.), tandis que le courant marxiste-léniniste lui est typiquement chauvin (à un meeting avec tous leurs courants le drapeau français peut être déployé sans protestation aucune). Les trotskystes oscillant tantôt l’un vers l’un (Lutte Ouvrière rejette la Résistance anti-nazie comme nationaliste) tantôt vers l’autre (le très patriote Parti des Travailleurs).

A l’opposé, il est nécessaire d’avoir une compréhension dialectique de l’histoire de France. Des phénomènes comme la féodalité et le capitalisme étaient inévitables, il s’agit donc de comprendre ce qui a joué un rôle positif, et ce qui a joué un rôle négatif.

Et la grille de lecture est définie par notre objectif: le communisme, société sans classes ni État, où auront été dépassées les contradictions entre les villes et les campagnes, entre le travail manuel et le travail intellectuel.

Jean de La Fontaine a par exemple joué un rôle éminemment positif dans l’histoire de France; il a élevé le niveau culturel de la société, en étant tourné vers le peuple, dans une démarche de critique des puissants, d’ouverture sur la culture tant du passé (l’antiquité gréco-latine) que des autres pays (les fables indiennes).

Jean Ferrat a par contre mené la même démarche de se tourner vers le peuple, « par en haut », mais dans la seconde moitié du 20ème siècle, alors que le drapeau de la révolution était déjà connu, dans une situation totalement différente de celle de La Fontaine vivant sous la monarchie absolue.

Il n’a donc pas pu élevé le niveau culturel en raison de sa démarche limitée, à l’opposé d’artistes de la même époque, comme Joan Baez, ni du niveau de Bob Dylan.

Voilà ce qui est une critique juste de la société française: peser le pour et peser le contre, selon le niveau artistique et le rapport à la culture; il n’y a pas de place pour le franco-français.

Cela, les anarchistes ne peuvent pas le saisir, car ils refusent toute hiérarchie et toute perspective historique. Cela, les trotskystes et les marxistes-léninistes ne peuvent pas le saisir car ils sont pétris de populisme, toute leur pensée se fonde sur une vision bornée, terre à terre.

Voici par exemple une critique « marxiste-léniniste » faite à un article de Révolution traitant de la question de Ferrat et des artistes d’origine juive, et affirmant que Gainsbourg a plus de valeur que Ferrat, car Gainsbourg a révolutionné le style musical, alors que Ferrat fait de la chanson traditionnelle, correspondant à un niveau de variété (d’où les invitations récurrentes chez Michel Drucker le dimanche).

« Je ne suis pas, à l’instar de certains, prêt à le [=Jean Ferrat] rejeter comme « une figure totalement intégré à l’idéologie dominante », faisant partie de « l’ancien », alors que d’autres, tels Gainsbourg, etc. appartiendraient au « nouveau » (quoi qu’un peu décadent tout de même…).

Je n’en suis pas là. Je n’en suis pas à regretter (secrètement, quoique) que Ferrat n’ai pas souhaité en tant que personne d’origine juive, être enseveli dans un cimetière de l’entité sioniste, comme un certain Benny Levy, l’oracle des personnes dont question.
»

L’antisémitisme suinte par tous les pores de cette remarque: critiquer Ferrat, ce serait être un sioniste, et Contre-Informations ne pourrait être en fait qu’une officine des services secrets israéliens pour oser critiquer Ferrat.

Pourquoi cela? Parce que la critique de Ferrat remet en cause l’idéologie national-bourgeoise, la cohérence bourgeoise du « Français raisonnable. »

Critiquer, c’est être « irrationnel », c’est être un « provocateur », qu’il faut dénoncer, et cette dénonciation doit être la plus française qui soit: elle doit dénoncer comme « juif », afin de disqualifier.

Le rapport à Gainsbourg est donc très intéressant, car l’article sous-entend que Gainsbourg ne serait qu’un cosmopolite barbare, au « physique allant avec », comparé à Ferrat « l’engagé » au nom bien français et à « l’attitude allant avec. »

Voilà un antisémitisme, qui en plus d’être grossier, méconnaît complètement la culture française: bien entendu Gainsbourg était bien plus largement ancré dans la culture poétique et musicale française que Ferrat, qui n’est en comparaison qu’un chanteur de variété proche du P « C » F. Rien que la version funk de « Mon légionnaire » (cchanson onnue notamment dans la version de Piaf) montre la formidable créativité de Gainsbourg comparé aux chansons mélodramatiques de Ferrat.

Quant à la référence à Benny Lévy, on a ici aussi un antisémitisme acharné. Benny Lévy a été le dirigeant de la Gauche Prolétarienne, organisation maoïste du début des années 1970.

Après avoir travaillé avec Sartre, il a suivi les thèses moralistes de celui-ci (« l’existentialisme ») en faisant un retour à la religion et sa vision « moraliste » et ultra-conservatrice, mais donc pas du tout dans sa version mystique et populaire (la « Kabbale »), contrairement à ce que le « marxiste-léniniste » s’imagine (en parlant « d’oracle »).

On est en fait clairement donc dans le fantasme, dans la réaction typiquement national-bourgeoise, dans l’antisémitisme outrancier (et donc ô combien révélateur de la nature des « marxistes-léninistes » pro albanais).

Mais de fait, ce genre de critique est inévitable quand on s’attaque à l’idéologie national-bourgeoise. On se confronte inévitablement aux valeurs populistes, « anticapitalistes » romantiques que justement décrit admirablement bien Zeev Sternhell.

Voilà pourquoi il faut connaître ses travaux, qui soulignent la dimension démocratique du combat révolutionnaire, la dimension antifasciste.

Zeev Sternhell fait toute l’histoire du processus faisant que l’antisémitisme naît dans les rangs de l’extrême-gauche anti-marxiste, comme idéologie « anticapitaliste » romantique.

Dans ses travaux on découvre les théoriciens et les explications, et la présentation de la logique en arrière-plan: la haine des Lumières, le mépris pour les masses.

C’est-à-dire la volonté de retourner en arrière dans le temps, et d’éviter la critique communiste, la haine de l’ancien contre le nouveau. Et cette haine se maquille en « critique » de la société et du capitalisme.

Et cette haine antisémite ne se cache plus. Elle explose en France aujourd’hui, et cette haine se formule comme « anticapitalisme » romantique, comme « critique » de la société, du « mondialisme », du « nouvel ordre mondial. »

Voilà pourquoi il faut lire Sternhell : pour comprendre le sens de cette anti-critique, et donc pour renforcer encore davantage le caractère scientifique de la critique de la société française.

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