28 fév 2016

Les éleveurs, figure réactionnaire de notre époque

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Non, les éleveurs ne meurent pas : ceux qui sont en crise, ce sont les capitalistes qui s'imaginaient avoir trouvé la poule aux œufs d'or avec l'élevage. Mais les règles du capitalisme sont les mêmes pour tout le monde et la concurrence libérale cède la place aux monopoles.

Alors, les petits capitalistes exigent que la société les défende, les soutienne, se soumette à leurs besoins ; leur petit capitalisme devrait être considéré comme sacré ! Pour ce faire, ils masquent leur entreprise capitaliste derrière le « travail » à la ferme, derrière les besoins alimentaires.

Ils diffusent la même chose que les fascistes des années 1930 : une vision anticapitaliste romantique de la petite propriété, de la petite production. Les éleveurs seraient les défenseurs de la « vraie » vie, d'un mode de vie qui serait sain et équilibré.

Et cela marche : un sondage de cette semaine du Parisien montre que 82 % des gens ont une vision positive de l'agriculture, que 87 % défendent le principe des « petites exploitations », que 76 % des gens pensent qu'il faut continuer à subventionner l'agriculture, que 96 % des gens pensent que les agriculteurs sont utiles, 90 % qu'ils sont passionnés, 73 % sympathiques !

Seulement 29 % des gens pensent qu'ils sont passéistes. Voilà où en est la France : aux mains de cet esprit réactionnaire du terroir, de la stabilité d'un pays qui se gouvernerait au « centre », où les « traditions » ont « du bon ».

Lien vers l'article : Crise du capitalisme et intensification de la production - Le rôle des animaux dans la chute de la crise tendancielle du taux de profitNotre pays a été rendu abruti à coups de Titeuf, d'Astérix et Obélix, de Tintin et Milou, de Blake et Mortimer. Cela, dans le prolongement de cette insupportable « France profonde » qui se maintient coûte que coûte, après avoir refusé la Commune de Paris, rejeté la Résistance, combattu Mai 1968.

Facile pour les capitalistes que sont les éleveurs, avec cet arrière-plan, d'apparaître comme les martyrs du grand capital cosmopolite venant les empêcher d'exister.

« Je suis éleveur, je meurs » pouvait-on lire sur les t-shirts des « Jeunes agriculteurs » – la section jeunesse du syndicat FNSEA dirigé par Xavier Beulin (président du groupe agro-industriel Avril, 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013) – hier au Salon de l'Agriculture, qui devrait d'ailleurs bien plutôt s'appeler le « salon des éleveurs ».

Ils y ont bien sûr pratiqué un coup de force, dans le prolongement des bonnets rouges, ou encore de cette vache morte depuis trois semaines pendue à la devanture de la permanence du député Les Républicains à Avranches comme au début du mois.

Le coup de force, très médiatisé, a consisté en une action contre François Hollande, l'insultant, lui jetant du crottin, alors qu'un peu plus tard le stand du ministère de l’Agriculture était saccagé.

Le Monde raconte cette anecdote révélatrice :

« « Vive Marine Le Pen ! », crie un éleveur. « C’est quand qu’on fait un putsch ? Rappelons Massu et Salan, on va la dégager, la gauche caviar », lance un autre un peu plus loin, pourtant trop jeune pour avoir connu la guerre d’Algérie. »

Que dire, à part que les éleveurs sont une figure réactionnaire de notre époque, qu'ils sont la brigade de choc du capitalisme pourrissant ?

Plus personne n'a besoin de ces petits capitalistes : ni les grands monopoles qui triomphent, renforçant la dimension impérialiste de l'économie en liquidant un secteur concurrentiel libéral de plus, ni la civilisation qui n'en a rien faire de ces petits capitalistes arriérés culturellement utilisant avidement la souffrance animale pour tenter de se gorger de profits.

Que pourrait-on attendre de ces gens, qui considèrent normal d'utiliser de manière mécanique et sanglante le fruit de millions d'années d'évolution de la vie ? Que faut-il espérer de personnes appréciant de manier le couteau du boucher, ne voyant en le veau arraché à sa mère qu'une marchandise de plus, sans même s'apercevoir de la souffrance de sa mère ?

Tout cela est un comble d'arriération, de cynisme, d'arriération culturelle ; c'est profondément indigne du XXIe siècle. Il est franchement temps de passer à autre chose et il est évident que dans la société communiste, alliant nature et culture, abolissant la séparation villes-campagnes, il n'y a pas de place pour les éleveurs.

Finissons sur quelques chiffres témoignant que les éleveurs sont bien des capitalistes, qu'ils bénéficient massivement du soutien économique de l’État au service du capitalisme. La source est le Conseil d'analyse économique auprès du premier ministre, le document date de décembre 2015.

« Les agriculteurs français bénéficient chaque année d’un soutien public dépassant 10 milliards d’euros, soit en moyenne de l’ordre de 30 000 euros de transferts directs pour chacune des 320 000 exploitations.

À cela s’ajoutent des exonérations et déductions fiscales (pour aléas, investissements, défiscalisation des produits pétroliers jusqu’en 2016, etc.). Les cotisations sociales des agriculteurs ne couvrent qu’une partie des dépenses du régime agricole, en raison – mais pas seulement – du déséquilibre démographique du secteur.

La forte protection douanière vis-à-vis d’importations agricoles et extracommunautaires comme celle sur des découpes de viande, le sucre ou certains produits laitiers se traduit aussi par un soutien aux producteurs qui n’est pas visible dans les budgets. Ainsi, en 2013, ces aides représentent pour une exploitation moyenne 84 % du revenu agricole.

L’élevage en est particulièrement dépendant, les différentes aides représentant 89 % du revenu dans le lait et 169 % du revenu dans le secteur bovins-viande. Cas extrême, un élevage ovin type des Alpes reçoit de l’ordre de 59 000 euros de transferts publics pour dégager un revenu net de moins de 19 000 euros. »

« Les comparaisons de patrimoine montrent que les agriculteurs, à revenu et âge identiques, possèdent un patrimoine privé brut très supérieur à celui des autres ménages (dans le ménage agricole moyen, les biens professionnels sont estimés à 213 000 euros brut et le patrimoine privé à 275 000 euros). Les agriculteurs sont aussi davantage endettés mais, à 260 000 euros, le patrimoine net moyen reste très supérieur au patrimoine des ménages dans leur ensemble (86 600 euros). »

Le même document fait les remarques suivantes qui sont particulièrement importantes :

« Les dégradations de l’environnement liées à l’agriculture ont d’ores et déjà atteint un point critique dans nombre de zones agricoles, et certaines sont irréversibles. Tous les rapports sur les pollutions des eaux, souterraines comme de surface, montrent l’importance des rejets polluants de l’agriculture, produits phytosanitaires, nitrates.

Des pratiques d’irrigation peu économes, favorisées par un prix de l’eau peu élevé par rapport à ce que l’on peut estimer être son coût social, sont une menace pour les nappes du Centre et du Sud-Ouest. Les taux de matière organique des sols agricoles dans les régions de grande culture ont fortement baissé.

Aujourd’hui, près de 20 % des sols français présentent un risque important d’érosion. La dégradation de la fertilité des sols (baisse de la matière organique, érosion) nécessite un recours plus important aux intrants chimiques pour préserver les rendements. La politique mise en œuvre en France a d’ailleurs parfois contribué à encourager ces dommages à l’environnement.

Par exemple, le soutien spécifique à la culture de maïs fourrage mis en place par la France de 1993 à 2005 a été une cause majeure de disparition de prairies permanentes dont la valeur environnementale est pourtant grande, à la fois comme réservoirs de biodiversité et par leur rôle dans la gestion des crues. La biodiversité décline à un rythme qui s’accélère.

Parmi les quelques indicateurs les mieux suivis, on observe un effondrement rapide de populations d’oiseaux encore considérés comme « communs » des zones agricoles. La disparition de 50 % des papillons en seulement vingt ans illustre la chute plus générale des populations d’invertébrés à la base de la chaîne alimentaire.

L’agriculture n’est pas seule en cause, l’urbanisation participant de cette dégradation ; mais ces phénomènes sont plus accentués en zone agricole. »

Esprit d'entreprise, éloge de la petite propriété, mentalité réactionnaire, influence négative sur la société, pollution, réduction d'êtres vivants à des marchandises… Les éleveurs sont bien une figure réactionnaire de notre époque.

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