13 fév 2016

13 février 2006, 13 février 2016 : «Je suis Ilan»

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lesmaterialistes.com a toujours accordé une place très importante à la lutte contre l'antisémitisme et à la défense de l'apport démocratique populaire juif. Nous savons que le matérialisme dialectique passe par l'apport historique essentiel de Spinoza ; nous avons tout à fait conscience que l'antisémitisme est une pièce essentielle du dispositif anticapitaliste romantique du fascisme.

Nombreuses sont les attaques antisémites que nous avons dû subir également : l'antisémitisme et l'anticommunisme ont le même fondement, à savoir la peur du nouveau, la peur de la réflexion intellectuelle, la peur de la rectitude juridique, la peur de la pensée unifiée comme système.

On ne soulignera jamais à quel point l'antisémitisme est une idéologie servant à discréditer, à nier une personne, à la faire basculer dans une « abstraction ».

C'est précisément cette idéologie faisant des personnes juives une « abstraction », cette démarche réactionnaire anti-humaniste qui a amené cet instant terrible où, il y a dix ans, Ilan Halimi était retrouvé agonisant, le 13 février 2006, décédant rapidement de ses blessures provoquées en trois semaines de séquestration et de torture, avec notamment 80 % du corps brûlé, deux plaies causées par une arme blanche, de multiples hématomes.

Une situation terrible, issue d'une cruauté qui a comme fondement l'esprit antisémite d'extermination. Les masses ont été profondément choquées ; la figure d'Ilan Halimi est devenu un symbole de l'injustice antisémite, de sa folie criminelle.

Une personne, enlevée, torturée, avec une somme folle demandée à ses parents, sur la simple base fantasmatique que ceux-ci auraient de l'argent, car étant juifs… Voilà un crime terrible, ôtant toute dignité à l'individu, à son existence.

Pourtant, sur Wikipedia, il n'y a pas en français de page Ilan Halimi, contrairement à en allemand, en anglais, en italien. On a droit seulement à une « Affaire du gang des barbares », comme si la mort d'Ilan Halimi n'était, somme toute, qu'un aspect tout à fait secondaire, qu'un « fait divers ».

C'est d'ailleurs aussi l'effet produit par l'enquête de police sur la famille d'Ilan au moment de son enlèvement et c'est cela également cela qui a eu alors un impact dévastateur dans la communauté juive. L'impression que la séquestration et la demande de rançon n'aient pas été pris au sérieux par la police a provoqué une profonde amertume.

Cependant, cela était avant Charlie. Si la passivité a été totale dans le camp démocratique au moment des assassinats de Mohammed Merah – nous avons de notre côté au contraire accordé une vaste attention à cela – les attentats contre l'Hypercacher de l'année dernière ont activé un processus de refus catégorique de l'antisémitisme.

Les masses françaises ont compris le danger et ont su dire non. L’État bourgeois a senti qu'il y avait un moment clef et l'Armée a même été à partir de là employée afin de protéger les endroits liés à la communauté juive.

C'était là un moment historique, un refus historique de l'antisémitisme. Reste la tâche indélébile de l'assassinat d'Ilan Halimi, par un groupe de gens issus de l'immigration africaine et soumis à des valeurs semi-féodales très importantes.

C'est là un point important qu'il s'agit de comprendre pour saisir la nature de l'antisémitisme actuel. L'esprit de synthèse a trop triomphé dans les masses pour que l'antisémitisme puisse s'exprimer comme idéologie autonome en tant que telle ; la tendance au métissage est inéluctable.

Pourtant, si les masses ne sont, donc, nullement antisémites, elles disposent cependant de très forts préjugés antisémites, qui se transforment nettement en romantisme anticapitaliste dans certaines parties de la population.

C'est cet esprit populiste, « anti-système », niant la réalité matérielle du capitalisme au profit de fantasmes et d'illusions « rebelles », que flattent Dieudonné, Alain Soral, etc.

L'extrême-gauche, anticommuniste car anarcho-trotskyste, est largement poreuse à cet antisémitisme, car elle en a besoin pour se donner une aura « révolutionnaire ». Il est impressionnant de voir comment la cause démocratique palestinienne a été utilisée massivement pat cette extrême-gauche, sur une base national-révolutionnaire.

L'extrême-gauche anticommuniste est incapable de se confronter réellement au capitalisme, aussi a-t-elle besoin de « l'anti-impérialisme », du régionalisme, des luttes des « minorités » pour se prétendre « révolutionnaire ».

Il est intéressant de voir ce que constate un sondage intitulé « Regards sur les préjugés antisémites 10 ans après la mort d’Ilan Halimi 11 février 2016 Sondage Ifop pour l’Union des Etudiants Juifs de France et SOS Racisme ».

On y lit quelque chose qu'on peut aisément constater : les masses, n'assumant pas la révolution, la rupture franche avec le capitalisme, sont contaminées par le populisme, la vision national-révolutionnaire du monde, un antisémitisme rampant, bref l'anticapitalisme romantique.

« D’autre part, l’adhésion à des préjugés antisémites n’est pas homogène selon les catégories de population.

Certains segments partagent nettement moins que la moyenne l’ensemble des opinions antisémites testées. C’est le cas des femmes, des jeunes de moins de 35 ans, des cadres supérieurs ou professions libérales et des sympathisants socialistes ou du Front de Gauche.

A l’inverse, il est frappant de constater qu’au sein de catégories spécifiques – recoupant des segments majoritaires de la France du « Non » au référendum du 29 mai 2005 – se fait jour une intensité d’adhésion à des opinions antisémites systématiquement plus forte que la moyenne, notamment chez les hommes, les ouvriers, les personnes peu ou pas diplômées et parmi les sympathisants frontistes.

Ainsi, 43% de ces derniers adhèrent au moins à trois affirmations relevant de préjugés antisémites contre 24% pour l’ensemble des personnes interrogées. A titre d’exemple, 52% des sympathisants du Front National considèrent que les juifs sont plus riches que la moyenne, soit 21 points de plus que la moyenne observée. »

Cela rappelle les études de l'historien des idées Zeev Sternhell, qui a bien vu que l'extrême-gauche anticommuniste, n'assumant pas le marxisme, bascule dans l'anticapitalisme romantique, formant les courants idéologiques et culturels vecteurs du fascisme.

10 ans après l'assassinat d'Ilan, on peut à ce titre constater que le mouvement « Je suis Charlie » a freiné, heureusement, la vague de formation d'un nouvel antisémitisme. Cela ne peut être que relatif et la bataille reste à mener jusqu'au bout, car le capitalisme en crise ne peut que donner naissance à des anticapitalismes romantiques chargées d'antisémitisme.

10 ans après l'assassinat d'Ilan, la bataille pour écraser la source de ce crime reste à mener !

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