Karl Marx et la crise de surproduction : l’ultime barrière

Voici un long passage dans lequel Karl Marx explique la nature de « crise » propre au capitalisme. Il faut ici bien faire attention : ce n’est pas une définition terminée, il reste une sous-partie, on n’en est ici qu’à la fin de la seconde sous-partie.

Si l’on s’arrête là, on tombe inévitablement dans l’interprétation erronée d’Eugen Varga, qui a secoué l’Internationale Communiste dans les années 1920-1930. C’est la thèse d’une « crise générale du capitalisme » qui serait un capitalisme perpétuellement en crise, surmontant par moments celle-ci pour une relance cyclique, qui basculerait elle-même dans la crise, etc., dans une sorte d’allers-retours sans fin.

Karl Marx dit la chose suivante :

« La dépréciation périodique du capital existant [car à chaque cycle le capital s’agrandit, donc le capital précédent voit sa part dans le total s’abaisser], qui est un moyen immanent au mode de production capitaliste d’arrêter la baisse du taux de profit et d’accélérer l’accumulation de valeur-capital par la formation de capital neuf, perturbe les conditions données, dans lesquelles s’accomplissent les procès de circulation et de reproduction du capital, et, par suite, s’accompagnent de brusques interruptions et de crises du procès de production.

La baisse relative du capital variable par rapport au capital constant, qui va de pair avec le développement des forces productives, stimule l’accroissement de la population ouvrière, tout en créant constamment une surpopulation artificielle [c’est-à-dire que le chômage est provoqué ici par l’abaissement de la part des ouvriers dans la production, aux dépens des machines].

L’accumulation du capital, au point de vue de sa valeur, est ralentie par la baisse du taux de profit, qui hâte encore l’accumulation de la valeur d’usage [de marchandises utiles, utilisées], tandis que celle-ci, à son tour accélère le cours de l’accumulation quant à sa valeur [car plus de choses sont produites et vendues, donc valorisant le capital].

La production capitaliste tend sans cesse à dépasser ces limites qui lui sont immanentes, mais elle n’y parvient qu’en employant des moyens qui, de nouveau, et à une échelle plus imposante, dressent devant elle les mêmes barrières.

La véritable barrière de la production capitaliste, c’est le capital lui-même. »

Cela signifie ici que le capitalisme est par nature déséquilibré, car il augmente les forces productives, mais en même temps s’appuie sur l’appauvrissement du plus grand nombre, or il faut bien vendre ce qui a été produit pour passer au prochain cycle productif.

Le capitalisme connaît donc une ultime barrière, propre à sa nature, existant de manière interne. Il développe les moyens d’existence de l’humanité, mais le capital étant sa propre fin, il ôte en même temps ce qu’il fournit.

Cependant, cela veut-il dire que les crises du capitalisme ne sont finalement que des situations d’équilibre, et que le capitalisme est toujours en déséquilibre, sans pour autant connaître de crise finale ?

Faut-il alors considérer qu’à un moment, on est tellement proche de la barrière, que le capitalisme ne peut plus vraiment grandir ?

Ou bien qu’il y aura toujours une nouvelle vague de capitalistes produit par le nouveau cycle, et relançant la machine ?

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