La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx : plus il y a d’ouvriers moins il y en a et inversement

En licenciant, les entreprises perdent la source de leur plus-value, et le taux de profit baisse, alors que pour les capitalistes le fait qu’il y ait des salaires en moins est censé renforcer les profits.

Cependant, cela ne se réalise pas mécaniquement. Karl Marx fait ici une précision très importante, qui peut semble paradoxale.

Il dit que non seulement il peut y avoir plus de prolétaires qui travaillent et baisse tendancielle du taux de profit, mais même que cela doit nécessairement être le cas dans le capitalisme, et que justement cela a un rapport direct avec la baisse tendancielle du taux de profit.

C’est étrange : comment se fait-il que, puisque le capitalisme licencie pour rogner sur les salaires, il y ait pourtant davantage de prolétaires ? Et comment cela pourrait-il être en lien direct, comme deux aspects du même processus ?

Ce qui joue, en effet, c’est le rapport entre la part des machines et des prolétaires dans le travail total. Mais pour qu’il y ait plus de machines, plus de perfectionnement, il faut plus de capitalisme, donc plus d’ouvriers.

En fait, plus il y a d’ouvriers, moins il y en a, et moins il y en a, plus il y en a, par le jeu du capitalisme. Expliquons cela.

Le capital investit par exemple 100 euros dans une entreprise de transformation du textile au Bangladesh. Le matériel et les machines coûtent 20 euros, le travail des ouvriers 80 euros. Seulement, en raison de la concurrence, de l’accumulation des moyens de production inhérents au capitalisme, le capital modifie le rapport entre les machines et les ouvriers.

Les machines coûtent alors, par exemple, 60 euros et les ouvriers 120 euros. Et le processus continue : plus la production est perfectionnée, plus la part d’utilisation de la main d’oeuvre humaine faiblit, et par conséquent la plus-value arrachée aux humains.

On peut intensifier le travail humain si on le veut, bloquer ou abaisser les salaires, c’est-dire renforcer l’exploitation, cela ne change rien : le capital investit 100, mais la partie « utile » pour les profits devient toujours plus petite.

Plus le capitalisme se modernise, plus la partie dédiée en réalité à arracher la plus-value aux humains se rétrécit. Le capitalisme est condamné à ne servir qu’à agrandir les moyens de production avant de disparaître.

Pourquoi, alors, y a-t-il toujours plus d’ouvriers ? Tout simplement parce qu’en se modernisant, il élargit la production de marchandises. Il y a une production toujours plus grande, toujours plus de biens produits, et par conséquent toujours plus d’ouvriers pour les produire.

Il se déroule ainsi un déséquilibre entre les branches les plus développées et celles qui sont plus arriérées. C’est cela qui explique l’explosion du nombre d’ouvriers en Chine et inversement la chute du nombre d’ouvriers en France, ce qui, dit ainsi, reste abstrait car ce n’est valable que pour certains secteurs : la prolétarisation se généralise également en France, car il y a reconversion des travailleurs dans d’autres secteurs.

Cette reconversion se déroulant dans le chaos capitaliste, cela présuppose le chômage, car les chômeurs sont l’armée de réserve industrielle du capital. Selon qu’il y ait plus ou moins de capital disponible selon les périodes, il y a plus ou moins de chômeurs, mais le chômage est inhérent au capitalisme.

Karl Marx note ainsi :

« De la nature du procès d’accumulation capitaliste – simple phase du procès de production capitaliste – il résulte tout naturellement que la masse accrue de moyens de production destinés à être convertis en capital a toujours sous la main une population ouvrière exploitable dont l’accroissement correspond au sien et même le dépasse.

A mesure que progressent les procès de production et d’accumulation, il faut donc que croisse la masse du surtravail appropriable et approprié et, par conséquent, la masse absolue du profit que s’approprie le capital social.

Mais ces mêmes lois régissant la production et l’accumulation font augmenter, avec sa masse, la valeur du capital constant selon une progression croissante plus rapide que celle du capital variable converti en travail vivant.

Donc, ce sont les mêmes lois qui entraînent pour le capital social une hausse absolue de la masse du profit, et une baisse du taux de celui-ci. »

Pour résumer, on pourrait dire ici que le capitalisme croît de manière quantitative et donc les profits, mais que le saut qualitatif consiste en l’effondrement du taux de celui-ci à chaque investissement.

Le capitalisme est alors dans une spirale négative : il produit toujours plus pour obtenir des profits, mais il peut en arracher toujours moins, et plus il bataille pour en arracher par la modernisation, plus il abaisse lui-même le taux de profit, la part d’exploitation concrète, dans l’investissement, ôtant le sol sous ses propres pieds.

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