Le rôle de l’argent selon Marx : l’argent et la dépendance vis-à-vis de lui

L’argent apparaît alors comme une menace essentielle pour les anciens modes de production, car la production marchande capitaliste, en se développant, procède à la décomposition et la dissolution des anciennes formes.

Les personnes prisonnières des anciens modes de production le ressentent, elles sont écrasées par l’avalanche des marchandises à faible prix, par l’intégration toujours plus grande des masses paysannes appauvries, par la pression financière sur les campagnes, la dépendance au crédit, la production agricole capitaliste elle-même, etc.

La figure du « Mahatma Gandhi » est ainsi célèbre, parce que justement il a représenté le mode de production arriéré en Inde qui a tenté de s’opposer à la pression capitaliste britannique.

Gandhi avait ainsi lancé le boycott des produits britanniques ; la matière première venait d’Inde mais était transformé en Grande-Bretagne. En apparence, il s’agissait d’un mouvement pour l’indépendance, en réalité Gandhi défendait la simple reproduction des biens, typique de l’Inde féodale.

Gandhi a d’ailleurs théorisé cette revendication de l’auto-suffisance, l’élaborant en système ; il voulait même qu’un rouet soit présent sur le futur drapeau national.

En agissant ainsi, Gandhi montre qu’il n’a compris que l’apparence du rapport des échanges, et non la question du mode de production. La pensée de Gandhi est réactionnaire, elle est une « révolte » contre l’argent.

C’est ce que Marx veut dire quand il dit :

« Lorsqu’on étudie le capital historiquement, dans ses origines, on le voit partout se poser en face de la propriété foncière sous forme d’argent, soit comme fortune monétaire, soit comme capital commercial et comme capital usuraire.

[La note de Marx ajoute :] L’opposition qui existe entre la puissance de la propriété foncière basée sur des rapports personnels de domination et de dépendance et la puissance impersonnelle de l’argent se trouve clairement exprimée dans les deux dictons français : « Nulle terre sans seigneur », « L’argent n’a pas de maître ». »

A ce titre, Gandhi ne remettait pas en cause l’existence des grands propriétaires terriens, qui eux-mêmes avaient tout intérêt à maintenir une reproduction simple de la production et à ne pas subir la concurrence des capitalistes.

Le capitaliste, de son côté, amène l’industrie : une production plus grande d’individus regroupés collectivement, sous sa houlette. Les individus en question reçoivent un salaire : leur rapport au capitaliste passe par l’argent. C’est l’argent qui, en apparence, menace le féodal, bien qu’en fait ce soit le mode de production.

Notons bien que l’effondrement de la base économique a, précisément chez les féodaux (qui ont historiquement par ailleurs entretenu tout un apparat), ajouté aux problèmes financiers causés déjà par les guerres. Louis XIV avec Versailles ne pouvait former un système durable.

Les féodaux, toujours endettés, les États féodaux, en crise sévère au XVIe-XVIIe siècles et parfois même en banqueroute complète, s’endettèrent ainsi. Ce n’est pas un facteur déterminant, mais c’est une réalité importante.

Comme le dit Karl Marx :

« Dans le monde antique, le mouvement de la lutte des classes a surtout la forme d’un combat, toujours renouvelé, entre créanciers et débiteurs, et se termine à Rome par la défaite et la ruine du débiteur plébéien, qui est remplacé par l’esclave.

Au moyen-âge, la lutte se termine par la ruine du débiteur féodal. Celui-là perd la puissance politique dès que croule la base économique qui en faisait le soutien.

Cependant, ce rapport monétaire de créancier à débiteur ne fait, à ces deux époques, que réfléchir à la surface des antagonismes les plus profonds. »

Cependant, cela est vrai dans le capitalisme aussi. En effet, le capitaliste dépense de l’argent pour produire des marchandises et obtenir ainsi plus d’argent qu’il n’en avait au départ.

Cela signifie qu’à chaque cycle, l’argent qu’il faut lancer est plus grand qu’au cycle précèdent.

Au final, il y a donc des investissements de plus en plus grands ; un petit investissement capitaliste ne tient pas la route en comparaison, il est écrasé par la pression des grands investissements capitalistes.

Il y a donc une concurrence acharnée et une dépendance certaine de l’industrie par rapport aux banques, ce que Lénine remarquera, forgeant alors la notion d’impérialisme pour caractériser la fusion des banques et de l’industrie. C’est ce qu’il appellera, de manière parfaitement juste, « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme ».

Voici comment Marx nous parle déjà de cela :

« Nous avons vu ailleurs que, plus le mode de production capitaliste se développe, et plus cela augmente le minimum des avances nécessaires pour exploiter une industrie dans ses conditions normales.

Les petits capitaux affluent donc aux sphères de la production dont la grande industrie ne s’est pas encore emparée, ou dont elle ne s’est emparée que d’une manière imparfaite.

La concurrence y fait rage en raison directe du chiffre et en raison inverse de la grandeur des capitaux engagés.

Elle se termine toujours par la ruine d’un bon nombre de petits capitalistes, dont les capitaux périssent en partie et passent en partie entre les mains des vainqueurs.

Le développement de la production capitaliste enfante une puissance tout à fait nouvelle, le crédit, qui à ses origines s’introduit sournoisement comme une aide modeste de l’accumulation, puis devient bientôt une arme additionnelle et terrible de la guerre de la concurrence, et se transforme enfin en un immense machinisme social destiné à centraliser les capitaux. »

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