Le rôle de l’argent selon Marx : l’argent, en apparence, s’ajoute à lui-même

L’argent est une réalité frappante dans le capitalisme. Il frappe l’imagination de par sa puissance ; la conscience est impressionnée par sa présence en tous les endroits.

L’argent est un moyen d’échange se présentant comme universel et en apparence, c’est lui qui ferait le capital et permettrait la richesse.

Voir les choses de cette manière est bien entendu incorrect ; ce n’est là qu’illusion. C’est le travail qui permet la richesse, l’argent n’est qu’un outil dans les mains du capital, il n’est pas toujours capital, et d’ailleurs il existait historiquement avant le capital.

Comprendre le capital et ne pas se limiter à voir l’argent est un point fondamental du matérialisme historique.

La grande difficulté historique est ici de voir le capital au-delà de l’argent : le petit-bourgeois s’arrête à l’argent, il ne voit pas le système capitaliste, le mode de production, et il a pour cette raison produit nombre d’anti-capitalismes romantiques, notamment et principalement l’antisémitisme.

En apparence, ce qui saute aux yeux, c’est effectivement le rapport capital => marchandise => capital. Et c’est vrai que :

« Aujourd’hui comme jadis, chaque capital nouveau entre en scène, c’est-à-dire sur le marché – marché des produits, marché du travail, marché de la monnaie – sous forme d’argent, d’argent qui, par des procédés spéciaux doit se transformer en capital. »

C’est en raison de cela qu’apparaît la vision du capitaliste avec son sac rempli d’argent, celle de l’oncle Picsou, du personnage symbolisant le jeu Monopoly, etc., mais aussi bien entendu les images nazis du « juif » vivant par et pour l’argent, parasite qui serait comme un vampire pour la société, etc.

Qu’est-ce que l’argent ? C’est un moyen simplifiant les échanges, pour dépasser le troc. Des pièces de monnaie, valant elles-mêmes quelque chose, sont utilisées comme intermédiaires, comme moyens d’échanges.

Historiquement, ces pièces ont elles-mêmes de la valeur, car elles sont faites d’or, d’argent, etc. Ces métaux précieux ayant une valeur, et étant donné qu’on peut les réduire en petite quantité aisément, ils ont pu jouer un rôle d’échange non seulement à l’intérieur des pays, mais même entre les pays.

Toutefois, l’argent utilisé dans le capitalisme correspond à quelque chose de plus profond qu’un simple moyen d’échange entre équivalents.

En effet, l’argent que le capitaliste utilise dans la production lui revient avec la vente des marchandises, et de manière plus grande qu’au départ. C’est là la dimension « magique » qu’on prête à l’argent dans le capitalisme, et qui s’appuie en réalité sur l’exploitation des travailleurs.

En apparence, le capitaliste arrive et paie des gens pour produire des marchandises, et vend ensuite celles-ci.

On en tire la conclusion, erronée, que comme on achète et on vend les marchandises de manière – en apparence – principale, c’est pour cela qu’on utilise l’argent pour payer les travailleurs, de manière – en apparence – secondaire.

Pour renforcer ce raisonnement, on constate également que l’argent existait avant l’apparition du capitaliste proposant de rémunérer des gens contre un travail. L’argent étant antérieur à l’existence du travailleur libre, celui-ci ne serait que le serviteur de celui-là.

Donc, l’argent serait ce qui compte ; la marchandise ne serait qu’un lieu de passage, le travailleur un personnage secondaire payé à son « juste prix », et le profit, en quelque sorte, miraculeux.

Le capitaliste qui investit « au bon endroit » deviendrait donc riche, grâce aux marchandises qui correspondraient à une « demande » et qui donc « partent comme des petits pains ».

Or, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, bien sûr. Comme nous l’avons vu, Marx a analysé le surtravail arraché par le capitaliste, lors de la production. Là est la source de richesse authentique.

De plus, le type d’échanges (par le troc ou bien l’argent) dépend du mode de production, et non l’inverse. La nature de l’argent est, dans le capitalisme, bien spécifique au mode de production. Comme l’affirme Marx :

« Au fur et à mesure que le travail se fait travail salarié, le producteur se fait capitaliste industriel ; c’est pourquoi la production capitaliste (et par suite la production marchande) n’apparaît avec toute son ampleur que le jour où le producteur agricole direct est un salarié.

C’est le rapport entre le capitaliste et le salarié qui fait du rapport monétaire, du rapport entre l’acheteur et le vendeur, un rapport immanent à la production même.

Mais ce rapport a son fondement dans le caractère social de la production, non du mode d’échange ; au contraire, c’est celui-ci qui résulte de celui-là.

C’est d’ailleurs le lot de la conception bourgeoise, pour laquelle tout se ramène à de bonnes petites affaires, de ne pas voir dans le caractère du mode de production le fondement du mode d’échange qui y correspond mais l’inverse. »

Le capitaliste entend arracher du surtravail, et pour cela il a besoin d’exploiter un travailleur libre et de revendre la marchandise derrière ; pour cette raison, l’argent est nécessaire.

Le capitaliste exploite le travailleur et partant de là lui extorque du travail non payé, lui permettant d’obtenir un capital plus grand à la fin de la production et de la vente.

En ce sens, l’avare perd là où le capitaliste gagne, car l’avare garde son argent, mais le capitaliste authentique a quant à lui de plus en plus d’argent.

Marx nous dit ainsi :

« La valeur d’usage [= l’utilité d’un bien] ne doit donc jamais être considérée comme le but immédiat du capitaliste, pas plus que le gain isolé, mais bien le mouvement incessant du gain toujours renouvelé.

Cette tendance absolue à l’enrichissement, cette chasse passionnée à la valeur d’échange lui sont communes avec le thésauriseur.

Mais tandis que celui-ci n’est qu’un capitaliste maniaque, le capitaliste est un thésauriseur rationnel.

La vie éternelle de la valeur que le thésauriseur croit s’assurer en sauvant l’argent des dangers de la circulation, plus habile, le capitaliste le gagne en lançant toujours de nouveau l’argent dans la circulation. »

Cela veut dire qu’en apparence, ce qui apparaît est simplement que l’argent s’ajoute à lui-même.

C’est comme si l’argent avait toujours existé et que certains avaient trouvé des sortes de chapeaux magiques où, lorsqu’on y jette de l’argent, davantage en ressort.

La réalité est toute autre.

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