5 aoû 2017

La signature de Neymar au Paris Saint-Germain : l'absurdité du «football moderne»

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Jamais le slogan « contre le football moderne », avec le vieux ballon des années 1900 comme symbole, n'aura eu autant de sens. Le transfert de Neymar da Silva Santos Junior du FC Barcelone au Paris Saint-Germain pour un montant historique est un saut qualitatif dans l'absurde. C'est par conséquent une menace complète sur le football en tant que sport.

Le principe du sport est d'être un jeu codifié de manière à ce qu'il y ai un affrontement physique équitable. Lorsqu'un État se paye des joueurs pour écraser la concurrence, cela ne relève donc plus du sport en tant que tel.

L’État du Qatar a acheté le Paris Saint-Germain dans le cadre de sa politique de « soft power », afin de se protéger de ses voisins pétroliers qui comptent bien le faire disparaître. La pression terrible à son encontre ces dernières semaines le montre bien, avec l'Arabie Saoudite et les autres pays arabes de la région exigeant une mise sous tutelle du pays.

Il faut donc que le Paris Saint-Germain rayonne mondialement et gagne la Ligue des Champions, à tout prix. « Neymar » a ainsi affirmé à la fin de sa conférence de presse de présentation, de manière forcément mise en scène, que :

« Le PSG a le potentiel pour devenir le plus grand club du monde. »

On est ici dans le spectacle, qui est d'ailleurs unanimement soutenu par la bourgeoisie parisienne comme moyen de soumettre les masses populaires masculines de la région parisienne.

Le Paris Saint-Germain n'est plus une construction relevant du football. Il relève de l'industrie du divertissement, avec des entraîneurs sans pouvoir et des joueurs achetés comme mercenaires à coups de millions.

Cette critique pouvait déjà être faite à l'encontre du Real de Madrid, club historiquement soutenu par le régime espagnol depuis les années 1950 pour siphonner les meilleurs joueurs et écraser la concurrence au niveau européen. Cela s'est généralisé depuis à d'autres clubs comme Chelsea ou Manchester City.

La signature de « Neymar » au Paris Saint-Germain ce vendredi 4 août 2017 représente à ce titre un vrai saut qualitatif, le football s'effaçant totalement devant le projet industriel.

Le FC Barcelone peut lui aussi être critiqué pour sa politique de formation qui revient à siphonner des jeunes joueurs au niveau mondial, tout en en abandonnant littéralement ceux qui finalement ne font pas l'affaire. Pour autant, le club avait un projet sportif précis, qui relève d'une construction footballistique cohérente et continue depuis de nombreuses années. « Neymar » en faisait partie et le FC Barcelone ne souhaitait pas le vendre. Il y a été contraint, de par les capacités financières immenses qu'a pu mobiliser le Paris Saint-Germain pour annuler le contrat du joueur.

La signature de « Neymar » au PSG n'est effet pas un transfert classique avec une négociation entre deux clubs. C'est un coup de force permis par un montage financier très précis. Le Paris Saint-Germain a payé la clause de 220 millions d'euros permettant à « Neymar » de mettre fin à son contrat, afin de pouvoir le faire signer chez lui.

Cela est critiqué comme étant injuste car l'apport financier est totalement extérieur, il ne correspond pas aux capacités financières réelles du club.

Les clubs de football sont censés être soumis maintenant à une règle dite de fair-play financier, c'est-à-dire ne plus pouvoir s’endetter de manière démesurée. Seulement cette règle s'applique sur la durée entière du contrat d'un joueur. Le Paris Saint-Germain en l’occurrence est en mesure de présenter ce transfert comme un investissement rentable à terme. Il faut penser ici aux droits TV, aux recettes commerciales directes (maillots, billetterie), au contrat avec l'équipementier, aux contrats de sponsoring maillot et aux contrats de sponsorings divers pour l'utilisation de l'image du club et de ses joueurs.

Naturellement, ce contournement des règles du fair-play financier fait littéralement sauter au plafond d'autres équipes. L'entraîneur allemand de Liverpool, Jürgen Klopp qui auparavant était dans un autre club également avec une base populaire énorme, le Borussia Dortmund, a bien résumé la situation en disant que le fair-play financier n'apparaissait que comme une « proposition » et nullement comme une obligation.

Le FC Barcelone a pour sa part expliqué qu'il transmettait directement le dossier à l'UEFA pour contrôle. Le président de la Ligue espagnole de football Javier Tebas a quant à lui expliqué de manière très offensive :

« On va porter l'affaire devant la direction générale de l'Union Européenne de la concurrence. On va aussi porter l'affaire devant l'UEFA. On va aller devant les autorités compétentes suisses, parce que le PSG fausse la Ligue des Champions, et devant les tribunaux de commerce français et espagnol parce que le PSG ne respecte pas les règles de la concurrence édictés dans l'Union européenne. On fera tout ça en même temps. »

« Notre but ? Que Paris soit sanctionné par l'UEFA sur le terrain sportif et qu'il arrête d'avoir des revenus fictifs qui peuvent amener l'Union européenne à décider d'importantes sanctions économiques qui paralyseraient son activité. »

Cela ne donnera certainement rien du tout et le président du Paris Saint-Germain Nasser Al-Khelaïfi a de toutes manières expliqué :

« Le Fair play financier ? On a été transparent dès le début avec l'UEFA. Je n'ai pas de problème avec cela. Ceux qui s'inquiètent de cela, allez prendre un café, soyez tranquilles à ce sujet. »

Le responsable de ce contrôle à l'UEFA, Andrea Traverso, allait dans ce sens jeudi 3 août en affirmant :

« I l est très difficile de juger ce type d'opération par avance. (...) On fera les comptes à la fin. Je pense qu'ils ont bien fait leurs calculs. »

Les traditions historiques du « PSG », lui-même fondé d'ailleurs il y a trente ans seulement contre une centaine d'années pour d'autres en Europe, ont été saccagées.

« Neymar » a fini sa conférence de presse de présentation en disant en français (alors que personne sauf quelques journalistes n'a utilisé le français durant la conférence) :

« Paris Saint Germain est magique ».

Seulement, le vrai slogan historique est « Paris est magique ». Ce n'est pas la même chose. Une filiation historique et culturelle véritable ne s’improvise pas.

Cette approximation devrait avoir une charge symbolique énorme. Mais la centaine de milliers de « supporters » du Paris Saint-Germain, dont une grande partie à défilé en chantant à la manière « ultra » devant le Parc-des-Princes pour accueillir le joueur, ne relèvera probablement jamais cela.

Les propos grandiloquents et surréalistes du président Nasser Al-Khelaïfi feront certainement leur effet pour flatter l'égo des quelques supporters ayant un peu de scrupules avec ce transfert :

« Neymar aurait pu toucher plus d'argent ailleurs. Il est venu pour le projet. C'est positif pour nous, pour lui, pour tout le monde. Ca fait la Une des journaux partout. Tout le monde va en parler pendant longtemps. Il est venu ici pour gagner des titres, pas pour l'argent. »

L’État du Qatar est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié. Il produit des richesses au moyen de masses immigrées (80 % de sa population, originaire en grande partie de pays indiens) pour les vendre aux pays impérialistes qui paient avec le produit de l'exploitation des masses populaires.

« Neymar » est donc payé par les masses populaires mondiales, pour des sommes qui montrent le sens des valeurs : taper dans un ballon est mieux payé que sauver des vies dans un hôpital, que travailler dans une usine.

Ce ne sont pas là nos valeurs et le « football moderne » doit mourir. Jouer au football est un plaisir et les joueurs doivent en vivre en gagnant comme tout le monde, car ils sont déjà privilégiés.

De plus, il n'y aucune raison, de manière matérialiste, qu'un joueur d'une équipe soit davantage payé qu'un autre : c'est l'équipe qui joue, pas un individu en tant que tel.

Du point de vue communiste rien n'est plus faux que la théorie du « génie » : c'est toujours la dimension collective qui donne du sens, pas des individus qui apporteraient quelque chose d'unique. C'est aussi vrai pour les sports individuels, car il y a forcément autour d'un joueur des entraîneurs, des encadrants et des structures, et même des adversaires qui permettent d'exprimer ses talents.

Si des individus apportent des choses, c'est dans le sens où ils contribuent à exprimer quelque chose de collectif ; c'est pour cette raison que le football apprécie tellement le fameux « numéro 10 », c'est-à-dire le numéro associé à celui qui a un rôle de « chef d'orchestre » dans l'équipe.

En apparence, le transfert de « Neymar » correspond à cette idée d'apporter au Paris Saint-Germain un joueur capable d'apporter un plus au collectif, tout en marquant également des buts (une vingtaine par an, ce qui n'en fait pas un buteur au sens strict). Sauf qu'il s'agit ici d'un pur mécano industriel sans rapport avec le football.

Le « football moderne » se généralise à grande vitesse et démolit le sport. Le football est déjà bien abîmé par les intérêts financiers le rongeant. Il pourrait rapidement ne devenir plus qu'un spectacle grossier et insipide.

Les autres clubs les plus riches, même s'ils possèdent une certaine tradition, ne pourront pas tenir et basculeront forcément dans la même démarche que le Paris Saint-Germain.

Le FC Barcelone accepte déjà depuis quelques années la publicité sur son maillot, contrairement à ses traditions. C'est là aussi un signe d'effondrement.

En Angleterre, pays historique du football, les masses n'ont plus accès aux stades, ou alors très difficilement. C'est un non-sens d'un point de vue culturel et social, en plus d'être totalement antidémocratique.

En France, à une moindre échelle, il y a l'exemple du FC Nantes dont l'identité du club a été littéralement terrassée en l'espace de 10 ans par son propriétaire Waldemar Kita. Ce club est d'ailleurs un exemple typique de la logique antisportive du « football moderne ». Il voit systématiquement depuis les années 1990 ses meilleurs joueurs partir ailleurs, sans jamais profiter réellement de l'apport financier de ces transferts.

Ce fut la même chose pour des clubs comme le RC Lens ou l'AS Saint-Etienne.

L'Olympique Lyonnais avec son président Jean-Michel Aulas avait poussé très loin dans les années 2000 la logique antisportive du football moderne consistant à asphyxier ses adversaires. Le club rachetait systématiquement les meilleurs joueurs de la Ligue 1 pour ne pas avoir de concurrence.

La signature de « Neymar » au Paris Saint-Germain est dans la même logique, mais à une échelle bien plus grande et historiquement beaucoup plus significative.

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