7 nov 2012

Obama réélu: un faux "moindre mal"

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Obama a été réélu, le chantage a donc marché aux États-Unis : les personnes progressistes ont décidé de soutenir un « moindre mal. » Et en France, le matraquage va continuer sur un Obama « allant dans le sens de l'histoire », une histoire qui serait le progrès dans sa version impérialiste.

De la même manière qu'Obama a été nommé « prix Nobel de la paix », il peut continuer de diriger l'impérialisme américain en faisant tourner à plein régime la machine idéologique de « les choses vont quand même un peu dans le bon sens », alors qu'on court à la catastrophe : la crise écologique généralisée, la crise capitaliste généralisée, la guerre impérialiste.

Tout cela a été regardé avec une grande attention en France, ce qui est normal. Les rapports franco-américains ont toujours été d'une très grande importance; les deux peuples ont toujours porté un regard sur l'autre, et ce dès l'indépendance. Pour des raisons historiques : la royauté française a soutenu la révolution américaine pour contrer l'Angleterre. Puis pour des raisons culturelles : ce sont deux pays qui ont mené leur révolution démocratique en jetant un regard bienveillant sur l'expérience outre-atlantique.

Bien sûr, le modèle « républicain » français est relativement différent du modèle « démocratique » nord-américain, et si les États-Unis ont aidé la France impérialiste en 1914-1918 et en 1939-1945, les concurrences inter-impérialistes ont toujours été très importantes.

La base du fascisme en France, donc y compris de sa variante moderne néo-gaulliste, c'est la trajectoire « en solo » de la France et le rejet des États-Unis. Autant la bourgeoisie traditionnelle célèbre « l'Amérique » comme paradis des entrepreneurs, autant la bourgeoisie impérialiste considère les « USA » comme corrompu, métissé, décadent, etc.

Les masses populaires, plus elles sont cultivées, ont par contre toujours apprécié les productions culturelles américaines. Il en va ici des États-Unis comme du Brésil : le peuple français aime ce qu'il y retrouve, une vision moderne, le mélange culturel et ethnique, les arts populaires et festifs.

C'est le sens du matraquage sur Obama et sur les élections américaines. Des élections non démocratiques, qui sont un festival de matraquage et de magouilles oligarchiques à coups de médias, de millions de dollars, d'irrationalisme militant de type fascistoïde.

Les campagnes électorales d'Obama et Romney ont coûté au total pas moins de 6 milliards de dollars ! C'est dire l'ampleur du matraquage. Et dans ces 6 milliards, il y a 213 millions de dollars dont on ne sait pas officiellement d'où ils viennent. Un argent sale qui est le double de ce qu'il a été en 2008, et qui indique la tendance.

Ce sont les fractions les plus hautes de la bourgeoisie américaine qui s'affrontent lors de ces élections, exerçant une pression idéologique – culturelle terrible sur les masses, afin de les mobiliser de manière réactionnaire.

La répression est ainsi extrêmement forte à l'égard des mouvements activistes ayant eu ligne de masses réelle, car rien ne doit dépasser du cadre. La législation anti-terroriste la plus dure est employée face au « principal ennemi intérieur » qu'est « l'éco-terrorisme », c'est-à-dire les actions clandestines de l'ALF et de l'ELF (fronts de libération animale et de la Terre).

En combattant la stratégique industrielle de l'impérialisme américain et le style de vie qui va avec, ces deux organisations ont réussi à ouvrir une démarche révolutionnaire dans la guerre de positions avec le capitalisme. C'est une conséquence de la compréhension de la terrible contradiction entre les villes et les campagnes.

Mais en l'absence de réelle compréhension de la guerre populaire, le mouvement s'est fait littéralement écrasé, et il n'en reste que des bribes et une culture activiste très riche, mais terriblement affaiblie.

C'est, finalement, exactement la même chose qui est arrivé à l'organisation qui leur servait souvent de référence dans le passé, le Weather Underground, ou bien encore au Black Panthers Party. Aux États-Unis, sortir du cadre signifie l'élimination.

Les masses en France ont toujours davantage soutenu les initiatives révolutionnaires commençant à briser le cadre, en raison du patrimoine révolutionnaire de 1848 et 1871, ainsi que du Parti Communiste de la période 1917-1953. C'est la culture du soulèvement, des barricades, comme démarche collective, alors qu'aux États-Unis le « soulèvement » est l'apanage de la petite-bourgeoisie fanatisée célébrant le repli dans la petite production isolée et anti-étatique.

Les révolutionnaires aux États-Unis sont donc bien plus sociaux, « communautaires » (servir la communauté), qu'idéologiquement très développés. En France, c'était le contraire, puisque l'idéologie était quelque chose parlant au masses, surtout avancées... alors que désormais il n'y a ni idéologie, ni ancrage dans les masses.

Quant au style, faut-il en parler ? L'organisation Voie Prolétarienne organise par exemple « une ballade Montmartre La Commune » ; il est précisé : « Durée environ 3 heures et on boit un coup à la fin.. »

On est ici exactement dans ce qu'il ne faut pas faire : regarder en arrière vers une expérience magnifique, mais limitée et datant d'il y a presque 150 ans, pour qui plus est se balader dans un des lieux devenus les plus branchés et bobos de la capitale, en finissant sur l'inévitable apologie de l'alcool.

Faut-il le dire, cela est absolument impossible aux États-Unis. La conscience des problèmes sociaux causés par l'alcool ou les drogues empêche à la base même de la culture révolutionnaire d'aller dans un sens aussi passéiste et conformiste.

Pourtant, en France, d'ailleurs, ne voit-on pas que la société française ressemble de plus en plus à la société américaine, en raison de la décadence générale du capitalisme ?

La bourgeoisie française se vantait toujours d'être cultivée, par exemple, mais son effondrement culturel prouve le contraire. Les journalistes français servant la bourgeoisie sont par exemple d'une nullité toujours plus grande, même au Figaro ou au Monde ; la consommation des masses populaires -imposée par la bourgeoisie - est aussi faible culturellement qu'aux Etats-Unis.

Sauf qu'aux États-Unis, les masses avancées le savent, alors qu'en France on a encore l'impression que boire un Ricard, c'est populaire et que le tribun Mélenchon a un style vraiment populaire !

C'est exactement par là, évidemment, que les fascistes espèrent passer : en apportant une nouvelle esthétique, sans contenu. Et l'extrême-gauche n'a elle ni contenu ni esthétique, puisque dans le contenu elle est anti-communiste, sans dimension universelle, et que sur le plan esthétique elle en reste, au mieux presque pourrait-on dire, aux années 1970 qui sont idéalisées.

Mais toute fétichisation du passé est réactionnaire. Comme l'a souligné Karl Marx :

« L'examen de ces conjurations des morts de l'histoire révèle immédiatement une différence éclatante. Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les héros, de même que les partis et la masse de la première Révolution française, accomplirent dans le costume romain et en se servant d'une phraséologie romaine la tâche de leur époque, à savoir l'éclosion et l'instauration de la société bourgeoise moderne (…).

La révolution sociale du XIX° siècle ne peut pas tirer sa poésie du passé, mais seulement de l'avenir. Elle ne peut pas commencer avec elle-même avant d'avoir liquidé complètement toute superstition à l'égard du passé.

Les révolutions antérieures avaient besoin de réminiscences historiques pour se dissimuler à elles-mêmes leur propre contenu. La révolution du XIX° siècle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet. Autrefois, la phrase débordait le contenu, maintenant, c'est le contenu qui déborde la phrase. »

La vie l'emporte inévitablement, c'est un enseignement du matérialisme dialectique. La révolution socialiste charrie avec elle toujours plus d'exigences, de valeurs, de perspectives. Ne pas les voir, c'est tomber dans le passé. Voilà pourquoi c'est un regard révolutionnaire qui doit être porté sur les États-Unis, et sur le grand peuple américain et la culture à laquelle il donne naissance !

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