16 sep 2005

Les trois nuits d'émeutes armées unionistes montrent la nullité des thèses pacifistes du Sinn Fein et de l'IRA! Étudions le processus de capitulation du Sinn Fein et de l'IRA !

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Les unionistes ont orchestré trois nuits d'émeutes à Belfast, utilisant parfois des armes automatiques, pour « protester » contre l'interdiction pour le défilé organiste de passer dans les quartiers « catholiques. »
 
Les unionistes pouvaient se « lâcher »: ils veulent que le Nord de l'Irlande reste une colonie britannique, et ils savent qu'il n'y aura pas de répression véritable à leur égard.
 
Cela n'est un secret pour personne que ces émeutes ont été organisé par les deux groupes terroristes pratiquant également le gangstérisme, l'UDA (Association de Défense de l'Ulster) et l'UVF (Force des Volontaires de l'Ulster). 
 
Cette débauche de violence réactionnaire ne doit pas surprendre; c'est le lot du Nord de l'Irlande depuis des années. Sauf que maintenant, il n'y aura même de réformisme armé comme celui de l'IRA pour défendre les droits de la nation irlandaise.
 
Pire : le rattachement du nord de l'Irlande au reste de l'Irlande dépend maintenant du véto unioniste.
 
Il faudra que les unionistes soient d'accord pour que l'Irlande soit réunifiée. 
 
Tout cela parce que le Sinn Fein et l'IRA ont parlé d'« époque nouvelle » et préconisé la négociation, qui sera sans nul doute utile pour une « époque nouvelle »... de leur carrière.
 
Le Sinn Fein a en effet au fur et à mesure rejoint les positions anti-républicaines des nationalistes constitutionnels du SDLP (Parti Social-Démocrate Travailliste) qui veulent une autodétermination (et non le rattachement inconditionnel au reste de l'Irlande) et acceptent le véto des unionistes. 
 
Au début des années 1980, la position était claire en ce qui concerne l'IRA : « A part la démocratie indépendante et souveraine des 32 comtés, l'IRA ne s'impliquera pas dans ce qui est appelé de manière vague la politique constitutionnelle. » (« IRA attitude on elections », An Phoblacht/Republican News, 5 Sept 1981)
 
Le rôle du Sinn Fein était d'appuyer la lutte pour la libération en contestant les élections, en se présentant afin de contribuer à la lutte contre la criminalisation du mouvement.
 
L'Etat britannique avait alors plus de mal à accuser les républicains d'être isolés, faibles, sans soutien populaire etc.
 
De plus l'Etat britannique avait appuyé le SDLP, un parti constitutionnel chargé de « représenter» les patriotes irlandais et des les intégrer. L'existence du Sinn Fein se revendiquant ouvertement de la classe ouvrière cassait cette tactique. 
 
C'était la stratégie du «  By Ballot And Bullet» ou du « Armalite and Ballot Box», le fusil et le bulletin de vote.
 
Comme l'expliquait alors Danny Morrison « Sinn Fein luttera dans les élections afin de consolider le soutien républicain et construire une organisation révolutionnaire défendant la lutte, pas un parti constitutionnel pour la remplacer », « Il n'y a pas de route parlementaire vers une Irlande unie ou le socialisme» (Peter Arnlis, The war will go on, APRN, 16 September 1982)
 
Le Sinn Fein et les élections doivent appuyer la lutte armée pour la libération, et donc en aucun cas la remplacer, contrairement à ce qui s'est passé cette année.
 
La raison en est simple: il s'agit de chasser l'armée d'occupation.
 
« Nous savons que les élections, même si importantes, n'amèneront jamais les Britanniques à quitter le territoire. Si le Sinn Fein gagnait chaque élection à laquelle il participait, il n'y aurait toujours pas d'accord pour un départ des Britanniques (...). Nous connaissons la valeur et les limites des succès électoraux.
 
Nous savons que seule la lutte armée révolutionnaire disciplinée de l'IRA mettra fin à la domination britannique». (Martin McGuiness, We will never be slaves again, APRN 28 June 1984)
 
L'IRA était alors formelle : « Cette guerre ira jusqu'à la fin.
 
Il n'y aura pas de pauses... Lorsque nous déposerons les armes, l'Angleterre sera hors d'Irlande et la démocratie irlandaise sera établie dans les 32 comtés avec un gouvernement national.» (APRN, 5 January 1984) 
 
Même Gerry Adams, celui qui a amené le Sinn Fein à capituler, disait alors que « penser que les Britanniques peuvent être « convaincus» de quitter l'Irlande est méprisable.» (The Politics Of Revolution, The main speeches and debates from the 1986 Sinn Fein Ard-Fheis including the presidential address of Gerry Adams).
 
Lors de son arrivée à la direction du Sinn Fein, il affirmait que :
 
« La lutte armée est nécessaire et moralement une forme correcte de résistance dans les six comtés, contre un gouvernement dont la présence est rejetée par la vaste majorité du peuple irlandais (...).
 
Il y a ceux qui nous disent que le gouvernement britannique ne sera pas mis dehors par la lutte armée.
 
Comme il a déjà été dit, l'histoire de l'Irlande et de l'implication coloniale britannique dans le monde nous montre qu'il ne sera pas mis dehors par quoi que ce soit d'autre.» (Presidential Address, APRN 17 November 1983)
 
Mais cela a consisté en de l'idéalisme, qui amènera Gerry Adams à répondre en août 2005 à la revue Newsweek qui lui demandait pourquoi il avait appelé l'IRA à cesser la lutte armée : « Il n'y a pas d'autre voie alternative pour assurer ou réaliser les objectifs républicains». 
 
Pourquoi cela?
 
Pourquoi ce changement?
 
Il faut bien voir que la rhétorique n'a jamais suffi à avoir un programme révolutionnaire. Et le problème fondamentale est que l'idéologie « républicaine» de l'IRA et de Sinn Fein consiste précisément en de la simple rhétorique.
 
Le « républicanisme» est la version irlandaise de l'idéologie petite-bourgeoise, comme la Jamahirya socialiste libyenne, les baasismes irakien et syrien, le Juché coréen (du Nord), les socialismes nationalistes cubain, yougoslave, albanais..
 
Il s'agit d'idéologies défendant les intérêts de la bourgeoisie nationale et de la petite-bourgeoisie. Elles sont donc opposées à l'impérialisme qui les opprime, et partisanes de nationalisations pour renforcer l'économie : voilà en quoi ces idéologies sont « socialistes. » 
 
Mais le « socialisme » est toujours secondaire, car l'objectif pour la bourgeoisie nationale c'est de se libérer, pas d'arriver au communisme.
 
Le discours socialiste doit tromper les masses populaires, et il s'agissait aussi de s'attirer les faveurs de l'ennemi de l'impérialisme les opprimant : l'URSS.
 
Le seul problème est que dans cette époque historique seule la classe ouvrière a la détermination historique pour mener une révolution démocratique de libération nationale.
 
La bourgeoisie nationale a trop peur du vrai socialisme justement, et préfère se vendre à l'impérialisme plutôt que de voir une révolution qui la libérerait se transformer en révolution communiste.
 
Il y a de très nombreux exemples de cela, mais l'un des plus parlants est la Turquie.
 
Mustafa Kémal voulait moderniser la Turquie, mais la bourgeoisie nationale turque a tellement eu peur du communisme qu'elle s'est précipitée dans les bras de l'impérialisme, et la Turquie est depuis un des gendarmes du Moyen-Orient. 
 
Cela est également très clair si l'on voit les prises de positions du Sinn Fein depuis que Gerry en est le dirigeant.
 
Lorsqu'il est élu président du Sinn Fein, Gerry Adams dit: « Nous devons être tout à fait conscient des dangers de l'ultra-gauchisme et se rappeler tout le temps que si notre lutte a un contenu principalement social et économique, l'assurance de l'indépendance irlandaise est la condition pré-requise pour avancer vers une société républicaine socialiste (...). Les républicains ont le devoir de se méfier de toutes les tendances qui rétréciraient nos revendications et notre base. Cela est vrai non seulement de forces en dehors de notre mouvement mais aussi de tendances au sein de notre parti.» (Gerry Adams, Presidential Address, APRN 17 November 1983)
 
De là à la liquidation du programme socialiste, il n'y a qu'un pas, vite franchi : « Le combat républicain ne doit pas, à ce niveau de développement, se dénommer lui-même « républicain socialiste.»
 
Cela impliquerait qu'il n'y a pas de place pour les non-socialistes.» (Gerry Adams, The Politics of Irish Freedon) 
 
« Je ne pense pas que le socialisme soit du tout dans l'agenda dans cette période, à l'exception pour les activistes politiques de gauche.» (Irish Times, 10 December 1986)
 
Cette liquidation est justifiée par le fait que le mouvement républicain serait socialiste de « lui-même», il suffirait donc de se contenter de se dire républicain en ayant le monopole de cette définition.
 
Se dire « républicain socialiste» « rétrécirait la base potentielle de soutien du mouvement républicain and permettrait à d'autres mouvements de se dire « républicain» même s'ils ne sont pas socialistes, par exemple le Fianna Fail ou le SDLP.» (Gerry Adams, Signposts Towards Independence and Socialism)
 
L'objectif de Gerry Adams a toujours été de faire en sorte qu'il n'y ait qu'un seul parti républicain, dirigé par la bourgeoisie nationale.
 
Ce qui signifiait nécessairement négocier avec l'ensemble de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie nationale, ou comme l'a dit Gerry Adams, « Nous avons besoin d'éviter les positions ultra-républicaines (...).
 
Nous devons partir sur la base du plus petit dénominateur commun et le niveau de compréhension des gens le plus bas» (Signposts Towards Independence and Socialism). 
 
« Plutôt que de dénoncer le parti, les républicains doivent avoir une approche constructive avec le SDLP» (« Broadening the Base», APRN, 30 June 1988)
 
Ainsi si le Sinn Fein a soutenu le droit à l'avortement en 1985, l'année d'après il revenait sur cette décision. La culture du parti restait progressiste mais par pragmatisme la ligne défendue devait être la plus large possible.
 
Le Sinn Fein s'est d'ailleurs de plus en plus revendiqué d'un vote « nationaliste», par opposition à l'ancien projet républicain. Cela est en liaison avec sa pénétration dans le Sud de l'Irlande : alors qu'avant le projet était la libération du Nord de l'Irlande, le Sinn Fein vise maintenant à être un parti nationaliste existant dans le sud et dans le nord, défendant les intérêts de la bourgeoisie nationale irlandaise.
 
Lors de son accession à la tête du Parti Adams avait souligné que « En ce qui concerne Leinster House [le parlement irlandais] nous sommes un parti abstentionniste, ce n'est pas mon intention de prôner un changement de cette situation.» (Presidential Address, APRN 17 November 1983) 
 
Résultat, en 1986 le Sinn Fein participait aux élections.
 
Le responsable Martin McGuiness affirmait alors « Je peux faire une déclaration au nom de la direction comme quoi nous n'avons aucune intention d'aller à Westminster ou à Stormfront [Assemblée nord-irlandaise] (...).
 
Notre position est claire et elle ne changera jamais, jamais, jamais.
 
La guerre contre la domination britannique continuera jusqu'à la liberté (...). Nous vous amènerons à la République.»
 
13 années après il était devenu ministre de l'éducation à l'assemblée de Stormfront.
 
L'objectif était initialement de détruire l'Etat fantoche nord-irlandais, mais le Sinn Fein avait déjà accepté que ses élus siègent dans les conseils locaux.
 
Ils devaient y travailler pour montrer qu'ils étaient capable d'être efficaces dans ces structures de base.
 
C'était le début du mécanisme d'intégration dans la machine impérialiste. 
 
De même, alors qu'en 1985 les candidats du Sinn Fein aux élections locales devaient fournir un soutien sans équivoques à l'IRA, mais lorsque le gouvernement britannique a fait une loi en 1989 exigeant un rejet public de toute activité illégale de la part des candidats, le Sinn Fein a accepté que ses candidats signent une déclaration opposée à la « violence.»
 
Et à partir du moment où l'IRA et le Sinn Fein reconnaissait l'Etat irlandais ainsi que les structures nord-irlandaises, c'est-à-dire des structures créées par l'impérialisme, un accord avec celui-ci pouvait être fait.
 
L'administration Clinton puis celle de Bush ont joué à ce titre un grand rôle dans l'intégration du Sinn Fein dans la vie politique « classique».
 
C'est Clinton qui a lancé le processus d'intégration officiel du Sinn Fein, au début des années 1990. 
 
Lui-même est allé trois fois à Belfast et Dublin, notamment pour y rencontrer directement Gerry Adams. A l'endroit de la rue Falls à Belfast où les deux se sont serrés la main, il y a maintenant le bus pour touristes qui s'arrête.
 
Cette « intégration» est typique de l'impérialisme, comme on a pu le voir en Palestine et en Azanie (Afrique du Sud). Dans l'interview à Newsweek d'août 2005 Adams dit d'ailleurs clairement qu'une de ses sources d'inspiration pour sa politique a été précisément ce qui a été en fait la trahison de la libération de l'Azanie, l'« Afrique du Sud» : « Nous avons appris énormément de la situation de l'Afrique du Sud. Ainsi, le dialogue est le mot-clef. Il doit y avoir un dialogue.»
 
En fait, le moment important a été celui où le Sinn Fein et l'IRA ont abandonné, en 1992-1993, la ligne de la libération inconditonnelle de l'Irlande, au profit d'un simple « droit à l'auto-détermination». 
 
« Le peuple irlandais dans son ensemble a le droit à l'auto-détermination» (Sinn Fein, Towards A Lasting Peace (Dublin and Belfast, 1992)
 
Et ce droit, comme cela a été très clairement formulé en 1993, nécessite la consultation de l'ensemble du peuple irlandais. La question n'est plus de chasser les Anglais, mais de « demander» son avis à la nation irlandaise.
 
Ce qui correspond précisément à l'exigence de l'impérialisme britannique.
 
La stratégie avait été lancé dans les années 1970.
 
La déclaration anglaise de Sunningdale prévoyait que les troupes anglaises resteraient tant que la « majorité» de l'Irlande du Nord ne serait pas pour un rattachement à l'Irlande, et prévoyait un partage des pouvoirs entre « communautés», les patriotes irlandais devant être encadré par l'Etat fantoche Irlandais du Sud.
 
Afin de satisfaire cette stratégie, la république d'Irlande a même changé en 1999 les articles de la constitution 2 et 3 affirmant que l'Irlande est une île.
 
Désormais la constitution dit simplement que ceux qui sont nés en Irlande ont le droit de faire partie de la nation irlandaise et exprime le souhait que le peuple d'Irlande du Nord veuille bien un jour aller vers une « unification politique pacifique».
 
Désormais le Sinn Fein est intégré dans les structures impérialistes, et a même pu avoir pour la première fois un de ses représentants élu maire de Belfast (en 2002, posant fièrement dans une pièce avec l'Union Jack).
 
L'IRA a été désarmé, les masses patriotiques démobilisées. 
 
L'unité avec le reste de l'Irlande, désormais, dépend de la « bonne volonté» des unionistes.
 
« Bonne volonté» dont on a pu voir l'expression avec ces trois nuits d'émeutes.
 
Gerry Adams avait déclaré que le processu de paix consistait en « un compromis historique entre le nationalisme et l'unionisme» (A moment in history, APRN 25 November 1999)
 
Il s'agit en fait d'un compromis entre la bourgeoisie nationale et l'impérialisme.
 
Un compromis inéluctable, car nous ne sommes plus dans la période du capitalisme naissant mais dans celle de l'impérialisme. 
 
La faillite de l'IRA et du Sinn Fein était alors inévitable dès lors que les leçons communistes sur la révolution démocratique dans un pays opprimé par l'impérialisme n'ont pas été apprises.
 
Pour avoir contourné la guerre populaire, la guerre des masses sous la direction de la classe ouvrière, le mouvement de libération nationale irlandais s'est rendu dépendant de ses ennemis car la bourgeoisie nationale ne pouvait rien faire d'autre que se mettre à collaborer.
 
Espérons que cette leçon soit profitable aux nations opprimées basque, bretonne, corse, et qu'elles ne cédent rien dans leur lutte pour l'indépendance nationale.
 
 
Pour le PC (MLM), septembre 2005
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