15 Jan 2014

Face à l’antisémitisme, pour l’autodéfense

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« Face à l’antisémitisme, pour l’autodéfense » est un document intéressant, qui est un de ces documents typiques affleurant ces derniers jours, et consistant en la reprise de positions des lesmaterialistes.com, mais bien entendu sans le dire. Hold up politique, donc, et d'autant plus pathétique que par définition, un point de vue matérialiste dialectique ne saurait être repris par une autre idéologie...

En l'occurrence, cet article - intéressant par ailleurs - est un repompage complet (tout au moins une tentative) de la thèse du PCMLM sur la « minorité nationale juive » et du discours sur l'autodéfense qui va avec.

Bien entendu, on peut considérer que l'anarchisme n'a pas à laisser aux maoïstes le monopole d'une telle démarche, encore qu'il faille alors justifier en quoi cela est justement possible... Car pour l'instant, seul le PCMLM a parlé de « minorité nationale juive » en France, et de toutes manières de minorités nationales en France... et certainement pas les anarchistes qui ne parlent absolument jamais de l'antisémitisme, comme le prouve les affaires Merah ou Dieudonné.

Par définition même, pour parler de minorités nationales dans un pays donné, il faut reconnaître le dit pays, et cela demande une analyse matérialiste historique (comme articles à ce sujet, on peut consulter par exemple L’émergence de la question de la minorité nationale arabe en France, et son rapport avec la révolution démocratique arabe ou encore La minorité nationale arabe en France a le droit d’apprendre l’arabe!).

La seule justification du document est d'ailleurs :

La troisième option, c’est celle portée historiquement par le mouvement ouvrier et révolutionnaire juif, théorisée et mise en pratique par des militantEs comme Samuel Schwartzbad, Gustav Landauer, Emma Goldman et bien d’autres.

Il faut croire que tout repose en le « bien d'autres », car si l'on regarde les auteurs cités, on reconnaît l'escroquerie et la tentative anarchiste de hold up.

Samuel Schwartzbad, qui a tué à Paris le pogromiste ukrainien Petlioura, est enterré en Israel, conformément à ses volontés : le présenter comme un juif antisioniste partisan de l'autodéfense est faux...

De la même manière, Emma Goldmann n'a jamais prôné l'auto-défense, ni même oeuvré à l'organisation de la minorité nationale juive. A la fin de sa vie, même si elle rejetait le sionisme, elle reconnaissait le droit à l'indépendance des sionistes en Palestine.

Et, et c'est le point important, elle refusait de soutenir les alliés contre l'Allemagne nazie, car à ses yeux les alliés étaient également des états fascistes... Ce qui, comme lutte contre l'antisémitisme des nazis, est proprement à parler aberrant.

Quant à Gustav Landauer, il n'a même pas pris position au moment de l'affaire Dreyfus, et il n'a jamais été un théoricien de l'autodéfense juive. C'était un nationaliste mystique, mélangeant romantisme allemand et religiosité juive, pour prôner une sorte de messianisme révolutionnaire à laquelle devrait participer les personnes juives qui seraient forcément « au-delà » des nations.

Par définition même, Gustav Landauer rejetait le principe d'une minorité nationale juive comme composante à part entière d'une nation, comme intégrée à une nation et s'assimilant.

Ce point de vue universel est celui du matérialisme dialectique, de l'URSS de Lénine et Staline ; Gustav Landauer voyait la communauté juive comme « à part » et rejoignant une sorte de révolution universelle. A ce titre, Landauer était proche des milieux sionistes de gauche à Berlin.

Car par définition, il n'y a que deux forces ayant reconnu l'existence d'une minorité juive et affirmé l'autodéfense : les communistes d'un côté, les sionistes (de la tendance dite "révisionniste" de Vladimir Jabotinksy) de l'autre. Les anarchistes, par anti-communisme et esprit petit-bourgeois, ont toujours finalement soit nié l'antisémitisme, soit soutenu les projets sionistes de gauche comme les Kibboutz, etc.

 

Face à l’antisémitisme, pour l’autodéfense


Dans la rue, sur internet, au travail : l’antisémitisme explose. Pour la première fois en France depuis la seconde guerre mondiale, des enfants ont été assassiné parce que juifs, à Ozar Hatorah, à Toulouse. Des synagogues sont attaquées, des cimetières et lieux communautaires vandalisés. Des personnes agressées, insultées, parce qu’elles sont juives ou parce qu’elles sont considérés comme telles. Les propos antisémites explosent sur internet : la vieille rengaine puante du « complot juif mondial » se propage à grande vitesse par textes et vidéos...

Comprendre la dynamique antisémite pour mieux la combattre

Contrairement au discours des idéologues sionistes (ou de leur alter-ego « antisionistes » obsédés par la situation en Palestine), cet antisémitisme n’est pas « l’importation du conflit israelo-palestinien » en France. C’est le vieil antisémitisme français, européen, qui revient en force. C’est l’antisémitisme diffusé en Algérie par la ligue antisémitique, qui y voyait un moyen de monter les algériens juifs et mulsumans les uns contre les autres pour protéger le statut quo colonial. C’est l’antisémitisme racialiste des nazis, c’est l’antisémitisme pseudo « révolutionnaire » qui se présente comme « antisystème », alors qu’il est la dernière ressource de la bourgeoisie et du capitalisme pour altérer la conscience populaire, et dévier la révolte populaire vers les juifs et juives présentés comme boucs-émissaires.

« Complot sioniste-illuminatis », le « rebranding » du complot « juif et franc maçon »

C’est une vieille technique de commerçant que de changer la marque d’un produit, quand celui-ci se vend mal, pour relancer les vente en faisant passer pour neuf une vieille recette.

Le thème du complot « juif et franc maçon » était trop associé au nazisme. Pourtant, ce thème est une nécessité pour le fascisme : il permet de se faire passer pour « révolutionnaire », pour un défenseur des « opprimés » contre le « système », associant les juifs et les juives (amalgamés à la finance et au pouvoir) et les franc maçons.

On a donc assisté ces dernières années, avec l’aide d’internet, à un « rebranding » : on nous vend le complot juif et franc maçon sous l’étiquette « complot sioniste et illuminati ».

Le contenu est le même. Le fascisme joue ainsi le rôle de dernière ligne de défense de l’ordre bourgeois : car non seulement, toutes les manifestation de l’idéologie raciste, l’antisémitisme divise les oppriméEs en les dressant les unEs contre les autres. Mais également parce que l’antisémitisme permet de protéger la bourgeoisie, en l’invisibilisant comme classe possédante et dirigeante, en lui substituant dans la conscience populaire la figure du « juif », associé au pouvoir, à l’argent, à la banque par l’idéologie antisémite.

Ce faisant, elle préserve de toute critique concrète la réalité de l’oppression et de l’exploitation capitaliste (l’exploitation salariale, la propriété privée des moyens de production, la hiérarchie, l’impérialisme militariste, la répression et la violence d’Etat), en attribuant la crise non pas au capitalisme lui-même, mais aux « dérives » d’un capitalisme financier, associé par le jeu des préjugés antisémites aux juifs et aux juives.

Celles et ceux qui parlent de « complot sioniste » le font en référence, non pas à l’idéologie sioniste réelle (un nationalisme qui s’est traduit concrètement par un projet et une pratique coloniale en palestine), mais à l’idéologie antisémite forgée dans des classiques du racisme antisémite tels que « La France juive » de Drumont ou le « Protocole des sages de Sion » créé de toute pièce par la police politique de l’Empire russe (L’Okhrana).

Face à cette situation, la violence antisémite ne peut que continuer à exploser. Les institutions communautaires condamnent l’autodéfense juive en appellant les juifs et les juives à chercher le bras protecteur de l’Etat français, à se ranger derrière la légalité bourgeoise.

L’impasse du légitimisme institutionnel bourgeois des institutions communautaires

Mais l’Etat français, s’il fait de grandes déclarations condamnant l’antisémitisme, n’a aucune intention de lutter réellement contre une idéologie vitale pour les intérêts de la bourgeoisie française en période de crise. De telles déclarations n’ont pour but que de contribuer à la fiction d’un « antiracisme d’Etat », masque moral d’un racisme d’Etat bien réel aux quotidien.

Il est significatif que le même Manuel Valls qui prétend interdire les spectacles de Dieudonné, est l’auteur d’une sortie violemment raciste contre les Roms, autres victimes de la politique génocidaire nazie. Que ce même Valls continue de mener une politique raciste anti-immigrée, et que l’Etat français s’en prend quotidiennement aux minorités nationales arabes, noires et roms.

De telles déclarations sont par ailleurs autant d’armes pour le discours antisémite qui présente de telles déclarations comme la preuve de l’influence des juifs et des juives sur l’Etat. Elles permettent en outre de détourner la colère d’une partie des minorités nationales arabes et noires de l’antiracisme vers l’antisémitisme, de la même manière que le sionisme tend à détourner la colère de la minorité nationale juive de l’antiracisme vers le racisme anti-arabe et l’islamophobie.

De même, de telles déclarations ont été le prétexte de l’abandon par une partie conséquente du mouvement ouvrier de la lutte contre l’antisémitisme, assimilé au mieux à un combat d’arrière garde, au pire à un terrain qui ne pourrait bénéficier qu’à l’Etat, aux courants sionistes, ou participer au climat islamophobe ambiant (l’antisémitisme populaire étant de manière erronée considéré comme importé par le conflit israelo-palestinien alors qu’il est une idéologie française et européenne, une constante de l’idéologie nationale française).

En réalité, l’Etat français et la bourgeoisie française se contrefoutent du sort des classes populaires juives, qu’ils et elles sacrifieront sans complexe si nécessaire, comme ils et elles l’ont toujours fait face aux explosions antisémites.

Une telle option ne peut que désarmer les classes populaires juives face à la montée de l’antisémitisme.

L’impasse de l’option sioniste

La deuxième option est diffusée par divers courants sionistes. Si ces courants ne condamnent pas en soi l’autodéfense juive, ils l’enferment dans une dynamique exclusivement communautaire et dans le soutien au colonialisme israelien, ce qui la conduit inévitablement au racisme. Ils isolent ainsi la minorité nationale juive de ses autres alliéEs potentiels dans une dynamique antifasciste : mouvement ouvrier, les autres minorités nationales, les minorités sexuelles. Ils dévoient l’autodéfense juive de ses objectifs premiers (l’autoprotection de la minorité nationale juive) en l’instrumentalisant contre des opposants au colonialisme israelien qui n’ont rien d’antisémite. Ils développent pour les uns des stratégies d’alliances avec certains secteurs des fascistes français (la LDJ organise ainsi des actions conjointes avec les identitaires). Pour les autres, des alliances avec l’ensemble des forces réactionnaires. Enfin, plutôt que d’organiser la lutte contre l’antisémitisme, ils le considèrent comme inéluctable, et consacrent l’essentiel de leur énergie à convaincre les personnes de la minorité nationale juive à émigrer en Israel et à apporter ainsi leur soutien au projet colonial israelien qu’ils présentent comme un « refuge » contre l’antisémitisme. En amalgamant opposition au colonialisme israelien et antisémitisme, ils affaiblissent la compréhension du danger antisémite au sein des classes populaires, et au sein même de la minorité nationale juive. En présentant Israel comme un « refuge » face à l’antisémitisme, ils affaiblissent la lutte contre l’antisémitisme en Europe : car plutôt que de permettre à la minorité nationale juive de consacrer son énergie à l’organisation de son autodéfense et à la construction d’alliances antiracistes, ils dévient son énergie vers le soutien à un projet colonial et à la lutte contre les anticolonialistes.

L’option révolutionnaire : la seule voie pour briser l’antisémitisme

La troisième option, c’est celle portée historiquement par le mouvement ouvrier et révolutionnaire juif, théorisée et mise en pratique par des militantEs comme Samuel Schwartzbad, Gustav Landauer, Emma Goldman et bien d’autres... Elle se structure autour de deux axes complémentaires : autodéfense antifasciste (dont l’autodéfense juive) et lutte au sein du mouvement ouvrier pour la révolution sociale. Le premier axe, pour lutter ici et maintenant contre la violence antisémite. Cette autodéfense doit s’organiser de manière autonome des institutions bourgeoises. Elle doit organiser le combat contre l’antisémitisme ici et maintenant. Elle ne doit pas être dévoyée dans le soutien au projet colonial israelien, qui lui fait se tromper de cible. Cette autodéfense doit s’inscrire dans une dynamique plus large d’autodéfense antiraciste, en cherchant des alliances avec les autres minorités nationales opprimées, et plus largement avec le mouvement ouvrier.

Pour cela, deux choses sont nécessaires :
Au sein du mouvement ouvrier et des autres minorités nationales : Une prise en compte réelle de la nécessité et de l’actualité d’une lutte sans concession contre l’antisémitisme. Cela signifie la fin de toute complaisance vis à vis de courants antisémites, la reconnaissance de la réalité de l’oppression antisémite en France, et de sa montée en puissance, ainsi que la détermination à la combattre sur le plan idéologique comme par l’usage de la force lorsque cela s’avère nécessaire.

Au sein de la minorité nationale juive : Une rupture avec le sionisme qui isole celle-ci et rend impossible concrètement l’alliance antiraciste nécessaire pour briser dans l’oeuf la dynamique antisémite. L’inscription de l’autodéfense juive dans une dynamique d’autodéfense antiraciste, c’est à dire la condamnation des courants racistes et islamophobes qui au sein de la minorité nationale juive cherchent à isoler celle-ci de ses alliéEs naturels pour l’amener à soutenir le projet colonial israelien.

Ces deux conditions sont réalisables et sont vitales, mais elle nécessitent des positionnements très clairs au sein du mouvement ouvrier, au sein des organisations de luttes populaires. Toutes celles et ceux qui sont conscientEs de la progression du mouvement fasciste, du racisme en général et de l’antisémitisme devraient à notre sens s’y consacrer.

Le deuxième axe, quand à lui, consiste dans le combat pour la révolution sociale, contre la société de classe qui nourrit la division raciste et antisémite, puisque cette division est nécessaire aux classes dominantes, à la bourgeoisie, pour « diviser pour mieux rêgner ». Le combat pour la révolution sociale permet de « rendre visible », la classes dirigeante que l’antisémitisme a pour fonction de rendre invisible : la bourgeoisie.

Un anarchiste de la minorité nationale juive en France


Minorité nationale juive : les personnes, qu’elles soient athées ou religieuses dont la judéité fait partie de leur histoire familiale et donc personnelle, qu’il s’agisse de la mémoire de la persécution (en négatif), d’une ou de cultures communes (en positif). Des personnes qui du fait de cette histoire sont exclues par les nationalistes du roman national, du corps national, et donc relégué au rang de « minorité nationale » en France. A ce titre, des personnes qui se définissent ou sont définies comme juives, cibléEs par les antisémites, même si leur rapport avec la judéité est lointain.

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