7 oct 2018

Le Parti Socialiste SFIO – 4e partie : le fédéralisme comme socle

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Pour comprendre à quel point il existait dans le Parti Socialiste SFIO une vaste dispersion à tous les niveaux, il suffit de regarder comment le groupe parlementaire socialiste a voté à la Chambre juste avant la première guerre mondiale. La Chambre a connu 217 votes dans la période allant du 1er mars 1912 au 12 février 1913.

Or, si dans 145 scrutins il y eut unité de vote, dans 11 scrutins il y a eu unanimité moins une voix, dans 26 scrutins unanimité moins deux voix, dans 7 scrutins unanimité moins trois voix, dans 2 scrutins unanimité moins quatre voix, dans 5 scrutins unanimité moins cinq voix. Enfin, dans 21 scrutins, les divergences furent encore plus prononcées.

On ne s'étonnera pas que le dixième congrès, de 1913, qui constate cela, note également que le député de l’Hérault a démissionné, que celui de la Drôme a été exclu, celui du Nord radié. C'est que le Parti Socialiste SFIO est également obligé souvent de faire le ménage face à l'indiscipline générale et cela se reflète bien entendu dans les congrès, qui sont particulièrement tumultueux, les invectives se combinant au bon mot, à la bonne blague, les menaces se formulant parallèlement aux valorisations de l'unité.

C'est le grand paradoxe du Parti Socialiste SFIO. D'un côté, l'unification a imposé tout un appareil central. Cependant, de l'autre côté, cet appareil central vit parallèlement à la vie du Parti. Celui-ci se divise en fédérations, qui disposent d'une très large autonomie. Les plus fortes fédérations disposent d'ailleurs d'une propre presse, de leurs propres permanents, alors qu'elles-mêmes sont divisées en sections qui sont elles-mêmes pratiquement autonomes.

La direction du Parti ne dispose également que de cinq permanents chargés de l'administration, appuyé par environ le même nombre de gens qui sont salariés et chargés d'épauler leur travail. Elle ne fait littéralement pas le poids et n'a aucune emprise sur la base, qui vit à l'écart, et bien souvent sans aucune connaissance des décisions prises par les congrès au sens strict du terme.

Le Parti Socialiste SFIO fonctionne comme une sorte de très grande construction tournant en roue libre. Et à ces divisions en termes de structures s'ajoutent celles sur le plan des idées. Dans le règlement, il est de fait établi que :

« A défaut d'entente préalable, la minorité a droit, s'il y a lieu, à une représentation proportionnelle. »

S'il n'y a pas de fractions organisées au sens formel, cela n'empêche pas Gustave Hervé de publier  La Guerre sociale à partir de 1906 dans l'idée d'unifier anarchistes et socialistes dits insurrectionnels, et Jules Guesde de publier Le socialiste à partir de 1907. Cela signifie que les anciens regroupements se maintiennent, de manière diffuse, ce qui est pire encore car cela ne lit pas.

De plus, l’affirmation selon laquelle tous les socialistes ont rejoint le nouveau parti est erroné. Il y a ainsi tout un courant « républicain-socialiste » qui existe à sa marge, avec un réel succès. Aux élections législatives de 1906, ces « socialistes indépendants » obtinrent 211 659 voix et 24 députés, contre 876 347 et 54 députés pour le Parti socialiste SFIO.

C’est là un poids considérable, surtout que deux députés PS SFIO rejoignirent finalement les indépendants, qui fondèrent un parti républicain-socialiste « résolument et exclusivement réformiste » en 1911, avec environ 5 000 adhérents, après l’échec de la reconstitution d’un Parti socialiste français en 1907.

Parmi les figures importantes, on retrouve le maire de Lyon Jean-Victor Augagneur ; il s‘agissait d’ailleurs d’un parti de notables et d’institutionnels, n’existant en très grande majorité que dans sept départements. Se querellant au sujet de la question du soutien ou non à Raymond Poincaré pour les présidentielles, Joseph Paul-Boncour et Anatole de Monzie se battent même en duel à ce sujet en 1913 !

Sur le papier, le Parti Socialiste SFIO récusait formellement des socialistes indépendants. Toutefois, c'était aux fédérations de décider de leur positionnement durant les élections, il n'y eut jamais aucune unité sur ce plan.

Au 8e Congrès national de 1911, le maintien systématique au second tour est rejeté par 372 voix contre 21, l'interdiction de coalitions au premier tour l'est par 289 contre 102 mandats, l'interdiction de coalitions au second tour l'est par 317 mandants contre 64.

Cela signifie que les fédérations ont une marge de manoeuvre complète dans leurs choix... Et au-delà des socialistes indépendants, il y a surtout l'ombre des radicaux.