12 mai 2013

Les philosophes grecs de l'Antiquité - 2e partie : Héraclite

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Héraclite, grande figure de la dialectique

Détail de L'Ecole d'Athènes de Raphaël dépeignant HéracliteEmbrassements
Touts et non-touts
Accordé et désaccordé
Consonant et dissonant
Et de toutes choses l'Un
Et de l'Un toutes choses.

(Héraclite, cité par le pseudo-Aristote, Du monde)

Héraclite a vécu en Grèce à la fin du sixième siècle avant JC ; tout comme Anaxagore, il est une des grandes figures de la dialectique, et d’ailleurs à ce titre l’un des plus connus de la Grèce antique.

On le connaît surtout en tant qu’auteur d’une formule résumée ainsi : « la vie est un fleuve », ou bien « on ne peut pas se baigner deux fois dans un même fleuve. »

La citation est plus exactement celle-ci : « À ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux », mais l’idée est la même. Elle est sans doute formulée plus clairement chez Platon expliquant la pensée d’Héraclite :

Héraclite dit quelque part que tout passe et que rien ne demeure ; et, comparant les existants au flux d’un fleuve, il dit que l’on ne saurait entrer deux fois dans le même fleuve (Cratyle).

Tout comme chez Anaxagore, on a l’idée d’un mouvement ininterrompu, consistant en la dialectique.

Héraclite avait compris cela, en tant que penseur d’une société culturellement très développée, mais à une époque qui ne permettait pas d’en saisir tous les aspects. Tout comme Anaxagore, Héraclite a refusé les honneurs, se méfiait des valeurs dominantes et était à ce titre connu comme « l’obscur » en raison de sa manière de formuler ses conceptions.

Cet isolement des penseurs dialectiques était inévitable à cette époque, tout comme aujourd’hui elle est encore malaisée, en raison du poids des traditions, même si bien entendu la dialectique apparaît nécessairement de plus en plus comme la loi de l’univers.

 tableau de Hendrik ter Brugghen (1628) Heraclitus

Héraclite a compris le caractère universel de la loi, mais il lui était difficile d’en présenter les contours, et plus encore de les faire comprendre.

C’est cela qui fait qu’il a un caractère « obscur » à son expression, obscurité se relativisant à notre époque où l’on comprend désormais ce qu’est la dialectique, grâce au marxisme-léninisme-maoïsme.

Aujourd’hui, il est bien plus aisé pour nous de comprendre la phrase suivante, que les humains vivant à l’époque de la Grèce antique :

le logos : l’ordre divin, ce qui est toujours : ce qui a toujours existé et existera toujours, les hommes sont incapables de le comprendre : l’homme accaparé par ses préoccupations matérielles ne s’en soucie guère.

Le logos, c’est le « discours » en grec, et telle est la dialectique : le mouvement ininterrompu de la matière éternelle, la matière se transformant de manière perpétuelle. Et seul est éternel le mouvement de la matière, le « logos » comme l’appelle ici Héraclite. La matière est nécessairement se transformant. « Car [Héraclite] déclare que toutes choses sont condamnées à disparaître » (cité par Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote).

Héraclite est un formidable précurseur de la dialectique, car il a vu et le mouvement éternel de la matière, et la dynamique propre à la matière.

Voilà pourquoi il dit, de manière obscure sans nul doute à l’époque de la Grèce antique, mais de manière beaucoup plus claire pour nous aujourd’hui :

« Joignez ce qui est complet et ce qui ne l’est pas, ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et en désaccord ; de toutes choses une et d’une, toutes choses. »

« La guerre est le père de toute chose, et de toute chose. »

Impossible de ne pas reconnaître ici les enseignements des classiques du marxisme-léninisme-maoïsme, voire directement des expressions et formulations de Mao Zedong.

Héraclite a parfaitement souligné le caractère dialectique du mouvement, le fait que l’unité des contraires est passagère, selon la loi de l’univers. Ou comme il le dit :

« Il faut connaître que le conflit est universel que la discorde est le droit et que toutes choses naissent et meurent selon discorde et nécessité. » (cité par Origène, Contre Celse)

tableau de Johan Moreelse (1630) HéracliteIl y a également chez Héraclite l’utilisation du concept de « feu » pour expliquer le principe dialectique : rien n’échappe à la division. Aristote expliquant la pensée d’Héraclite dit ainsi :

« Comme le dit Héraclite, tout devient, à un moment, feu. » (Physique)

Cette considération est très importante, car il saute aux yeux que la conception d’Héraclite se rapproche sans nul doute de la conception moderne du rapport entre matière et énergie, du principe d’univers en tant que matière issue d’une grande masse d’énergie, ce qui fait référence au phénomène aujourd'hui connu sous le terme de « Big Bang ».

Voici à ce sujet un résumé de la pensée d’Héraclite fait par Simplicius :

« Héraclite aussi pense qu’à un moment donné le monde s’embrase, et qu’à un autre moment il se reconstitue de nouveau lui-même à partir du feu, selon certaines périodes de temps, dans lesquelles, dit-il, il s’allume en mesure et s’éteint en mesure. » (Commentaire sur le Traité du ciel)

« Ce monde-ci, le même pour tous 
nul des dieux ni des hommes ne l’a fait 
Mais il était toujours est et sera
Feu éternel s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure.
 »
(cité par Clément d’Alexandrie, Stromates)

La formulation d’une telle conception il y a 2500 ans, alors que les connaissances scientifiques étaient si peu avancées, témoigne de la formidable réflexion, de la titanesque capacité de spéculation en Grèce antique en général, et d’Héraclite en particulier.

On peut voir également que sa conception du soleil est très parlante :

« Le Soleil, non seulement, comme le déclare Héraclite, est nouveau chaque jour, mais sans cesse nouveau continûment. » (Aristote, Météorologiques)

Ce n’est pas tout. Héraclite a compris que les humains ne pouvaient comprendre leur condition qu’en se positionnant à partir de ce mouvement global, ce mouvement dialectique.

De la même manière qu’Anaxagore explique que la véritable intelligence est celle du « nous » (l’intellect en grec) qui est le contenu du mouvement éternel, nous avons Héraclite expliquant que l’être humain doit se positionner par rapport au « logos », au discours éternel que nous savons être la dialectique :

« Héraclite déclare explicitement que l’homme n’est pas raisonnable, mais que seule est douée d’intelligence l’enveloppe céleste. » (cité par Aétius, Contre les mathématiciens)

Cette conception du « nous », de « l’intellect », de « l’intelligence », est, tout comme chez Anaxagore, le mouvement dialectique ; la forme de la conception est religieuse, en raison de l’époque où s’est développée la pensée d’Héraclite et d’Anaxagore, mais le contenu ne l’est pas.

Impossible de ne pas voir cela quand on voit comment Héraclite définit Dieu. Comme nous avons vu, les dieux n’ont pas fait l’univers, et en fait le « Dieu » est justement le principe suprême : le mouvement dialectique !

Et tout le monde le voit sans le voir, appelant ce mouvement pour ainsi dire « comme il peut » :

tableau de Peter Paul Rubens (1603) Démocrite et Héraclite« Dieu est jour-nuit, richesse-famine (tous contraires : l’intellect est cela). Il prend des formes variées, tout comme le feu qui, quand il se mêle à des fumées, reçoit un nom conforme au goût de chacun. »

(cité par Hippolyte, Réfutation de toutes les hérésies)

Tout cela est parfaitement logique, car la pensée elle-même est de la matière, de la matière grise, en tant que reflet de la réalité, et il est impossible de ne pas voir, ne serait-ce qu’imparfaitement, le mouvement dialectique.

Un tel mouvement de la pensée correspond de fait au progrès en spirale de la nature et des connaissances. Et plus l’histoire avance, plus le mouvement dialectique apparaît comme évident, mais cela nécessite des sauts.

On retrouve ainsi évidemment l’image de la spirale très nettement chez Héraclite :

« Pour la vis du pressoir, la route est droite et courbe. (Le sillon de la partie du pressoir nommé colimaçon [ou vis] est à la fois droit et circulaire, car la vis avance en tournant). Elle est une et la même, dit-il. » (cité par Hippolyte, Réfutation de toutes les hérésies)

Cette conception du mouvement comme spirale est authentiquement conforme au marxisme-léninisme-maoïsme.

Que vive donc la conception d’Héraclite, la compréhension de la dialectique, avec le PCMLM !