4 aoû 2012

Teddy Riner un exemple des contradictions dans le sport

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Ce Jeudi 3 Aout, Teddy Riner est devenu champion olympique de judo dans la catégorie +100 kg. Teddy Riner est un exemple intéressant des contradictions parcourant le sport sous le capitalisme.

A 23 ans seulement, Teddy Riner est déjà le judoka le plus titré de l'histoire de ce sport et n'a perdu qu'un seul combat en 4 ans. Mais Teddy Riner est aussi un phénomène médiatique. Il a signé des contrats de publicité avec plusieurs entreprises et gagnerait plus d'un million d'euro par an, alors que le salaire moyen d'un champion de judo est de 3000 euros par mois. Il est donc un vrai phénomène qu'il est intéressant d'étudier.

Comme tous les rapports sociaux, le sport est soumis aux contradictions parcourant le système capitaliste. Et l'exemple de Teddy Riner les montre bien.

Le judo est un sport contradictoire en lui-même. En effet, au départ le judo a été élaboré à la fin du 19ème siècle par Jigoro Kano comme une méthode mettant en avant la souplesse et la technique afin de permettre aux personnes petites plutôt faible de l'emporter sur des personnes plus fortes ou grandes qu'elles. Il puise pour cela dans les anciennes techniques de combat à mains nues des samouraïs et n'en garde que les techniques de projections et de soumission.

Le judo devient très vite populaire et s'étend rapidement au-delà du Japon. Il est finalement intégré à l'appareil d'Etat de l'impérialisme japonais en pleine expansion à l'époque. Puis enfin, il se transforme en sport avec des catégories de poids et devient un sport olympique en 1964. C'est un des sports les plus pratiqués au monde et la fédération de judo est la troisième fédération sportive française en terme de licenciés.

Le judo a donc un aspect progressiste et moderne – la recherche de techniques souples et efficace en terme de biomécanique – mais est dominé par des valeurs réactionnaire du fait de son lien originel très fort avec l'impérialisme japonais – individualisme forcené, ultra-hiérarchisation, etc. C'est aussi donc un sport extrêmement rigide, pleins de formalismes et de protocoles.

Teddy Riner lui est un jeune guadeloupéen qui a grandit dans les quartiers populaires de Paris. Repéré très tôt, son adolescence puis sa vie de jeune adulte ont donc été façonné entre les institutions sportives et sa famille.

Tout d'abord il représente la jeunesse pleine de vie et d'énergie et qui veut les laisser s'exprimer. Il se montre toujours joyeux, fait des blagues, chambre, laisse exprimer sa joie lors de ses victoires ou sa tristesse lors de ses défaites. Ce qui l'a amené à rentrer en conflit avec les instances internationales du Judo qui lui ont reproché cette manière d'exprimer ses sentiments et ses opinions. Car évidemment, sa façon d'être ne colle tout simplement pas avec le protocole rigide mis en place dans le Judo par les élites japonaises.

Cette contradiction entre le nouveau et l'ancien, entre la vie et le formalisme est en fait parfaitement exprimé par Teddy Riner lors d'une interview donné au magazine Karaté Bushido du mois de Juillet. Il déclarait ainsi :

Je kiffe mon sport, mettre des ippons, progresser, sentir le Judo... Mais tout ce qui est ancestral ne me parle pas. Mes profs ne m'ont jamais appris cela, plutôt le plaisir de faire des belles techniques, jouer, s'amuser.

Teddy Riner met donc en avant une approche du sport vivante voire raffinée. En effet, malgré son physique impressionnant (104 kg pour une taille de 2m), il ne joue pas que sur sa force mais au contraire cherche à avoir la meilleure technique et à développer des schémas tactiques. Il met donc en avant le travail et la progression comme moteurs plus encore que la victoire. Ainsi,dans une interview au journal Le Point un peu avant les JO, il répond à la question de savoir s'il n'est pas lassé de gagner tout le temps :

ce qui me motive par-dessus tout, c'est de franchir des paliers et de sentir que je peux encore progresser.

Teddy Riner exprime régulièrement des valeurs morales positives. Ainsi, il a repoussé plusieurs fois les approches qui lui ont été faites par les différentes organisation professionnelle de combat libre qui souhaiterait le voir combattre pour elles afin de surfer sur sa notoriété. Il a même déclenché une polémique en critiquant le MMA (Mixed Martial Arts, autre nom du combat libre). A la question de savoir s'il regardait les compétitions de MMA, il a ainsi répondu :

Je ne mettrai pas mon enfant « dedans » parce que je ne trouve pas que ce soit un sport. (...) pour moi c’est un sport avec aucune valeur. Il n’y a pas de code moral. Je ne vois pas quel exemple tu peux donner à un enfant à part un mauvais exemple. Quand je vois ça à la télé, je zappe. Le seul truc que je regarde, et c’est parce que mes neveux veulent bien regarder, c’est le catch. Mais je ne suis pas trop fan. Après, ils le font dans les cours d’école et il y a eu un paraplégique déjà.

 

A côté de ces aspects progressistes voire épicuriens, Teddy Riner exprime aussi toute une culture proprement capitaliste.

Il met en avant la figure du « winner » qui écrase les autres. Ainsi justement, il a déjà plusieurs fois chambrer ses adversaires après leur avoir passé une technique éliminatoire (un ippon). Il a aussi déclaré vouloir « devenir invincible », ce qui, en plus d'être absurde, est se nier soi-même en tant qu'être vivant, en tant que forme temporaire en évolution constante de la biosphère.

A côté des valeurs positives qu'il met en avant, Teddy Riner est un individualiste forcené. Il a ainsi choisi de pratiquer le Judo plutôt qu'un sport collectif car en Judo il était « sûr de gagner » ou en tout cas que sa victoire ne dépendrait pas d'une autre personne que lui. Dans une autre interview donnée avant les JO au journal L'Express, il déclarait ainsi  :

En judo, on est entouré par l'équipe, les entraîneurs, le staff médical mais, sur le tapis, on est tout seul.

Teddy Riner se met lui même en scène comme un exemple positif pour la jeunesse issus des quartiers populaires et des minorités nationales en expliquant qu'il est la preuve que « quand on veut on peut ». Ce qui est bien entendu la négation complète de la lutte de classe et participe à la propagande comme quoi le système capitaliste serait un système « ouvert » où règnerait la loi du mérite individuel.

Ces valeurs méritocratiques, qui lui viennent aussi en partie de son éducation catholique, sont justement un aspect incontournable du Judo hérités des codes moraux samouraïs et qui explique pourquoi on retrouve beaucoup d'ex-judokas dans les partis de droite libérale.

Cet aspect capitaliste de Teddy Riner transparaît d'ailleurs clairement dans ses objectifs professionnels d'après sa carrière sportive. Il est entré à SciencePo Paris cette année, mais pour y construire une carrière de business-man. Il a déclaré ainsi

Après le judo, j'aimerais monter mon affaire, devenir capitaine d'industrie et pourquoi pas bâtir mon empire !

 

Comme on l'a vu, Teddy Riner exprime très bien les contradictions parcourant le sport. Le sport qui est né avec l'essor du prolétariat au 19ème siècle est l'expression d'un besoin profond des masses. Mais il est aujourd'hui bloqué dans son expression par le capitalisme en pleine décadence. Il a été assujetti aux trusts de la confection, de la chimie et du spectacle afin d'en tirer le plus de plus-value possible et sert de support à la diffusion dans les masses de l'idéologie barbare individualiste par le biais des fédérations sportives.

Seul le socialisme pourra libérer le sport de la gangue capitaliste qui l'enferme et l'empêche d'être ce moyen formidable de mobilisation d'efforts vers l'élaboration de techniques toujours plus belles, plus en accord avec le corps, vers la mobilisation du corps et du cerveau pour mettre en place des stratégies toujours plus raffinées et complexes.

Seul le socialisme pourra finir de faire éclore le sport pour ce qu'il est : l'expression d'un degré élevé de civilisation et donc de la matière en mouvement dans sa complexité la plus profonde !

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