tragédie

25 oct 2015

Dans la préface de sa pièce Cromwell en 1827, à 25 ans, Victor Hugo donne toute une série d'arguments contre les règles de la tragédie, faisant de ce document un manifeste romantique, censé annoncé la « modernité ».

Or, et c'est une chose frappante du point de vue du matérialisme dialectique, le thème de la vraisemblance est pratiquement oublié, alors qu'il s'agit du concept-clef dans la démarche de la Racine...

24 oct 2015

Le très haut niveau culturel atteint par Jean Racine ne peut être compris qu'à la lumière du matérialisme dialectique, qui permet de saisir en quoi c'est un auteur national. Il est évident que si on regarde les fondements mêmes de l'approche de Jean Racine, on a quelque chose qui appartient au fleuve culturel démocratique.

De fait, lorsque l'accent est porté sur la vraisemblance, cela annonce le réalisme. Et lorsque la bienséance est mise en avant en tant que mise en avant des comportements adéquats, cela annonce la morale socialiste...

23 oct 2015

Jean Racine (1639-1699) est le véritable représentant historique de la tragédie classique française. C'est lui qui parvient à combiner ses fondements : profondeur psychologique allant jusqu'à la portraitisation, simplicité dans l'organisation, symétrie permettant une certaine approche dialectique.

Avec Racine, on se sépare absolument de la tragédie en tant que représentation héroïque-aristocratique ayant une approche simplement morale. On arrive à une véritable dimension humaine, à un regard ample sur la psychologie, son développement, ses crises...

22 oct 2015

Pour que Jean Racine s'affirme, il faut une époque qui le produise matériellement. Il faut une forme et un contenu social adéquats. Or, ce n'est que lentement que le théâtre dispose de véritables locaux. En 1518, les Confrères de la Passion avaient arraché le monopole des représentations théâtrales, s'installant en 1548 dans une des salles de l’Hôtel de Bourgogne.

Mais leurs « mystères », représentations de scènes religieuses, furent interdits la même année, aussi ce sont des troupes ambulantes qui leur louèrent la salle. Le début du Roman comique de Scarron, en 1651, présente l'arrivée d'une troupe ambulante au Mans, de manière pittoresque, voire baroque...

21 oct 2015

A partir du moment où l’État exige des œuvres magnifiques témoignant idéologiquement de son existence, les polémiques ne pouvaient qu'être rapides et enfler aisément. Ce fut le cas lorsque Pierre Corneille publia en 1637 le Cid.

Trois grands problèmes se posent immédiatement...

20 oct 2015

L'œuvre marquante dans le cadre du combat contre l'irrégularité fut celle intitulée Pratique du théâtre, publiée en 1657 par François Hédelin, abbé d’Aubignac. Il synthétise, en effet, la question, en rétablissant ce que doit être la tragédie : non pas une catastrophe et des choses horribles, mais une situation extrêmement difficile pour quelqu'un de responsable.

C'est là le rétablissement de ce qu'aurait dû être la tragédie, si le calvinisme l'avait emporté, mais en remplaçant Dieu et sa morale par l’État et ses exigences...

18 oct 2015

L'intervention du cardinal de Richelieu dans le domaine du théâtre ne consistait pas qu'à encadrer les troupes et les auteurs et les orienter en faveur du régime. On a un saut qualitatif et le théâtre doit le réaliser.

Richelieu s'appuya ici surtout sur Jean Chapelain (1595-1674) et François Hédelin (1604-1676) connu sous le nom d'abbé d'Aubignac, dont la mission était de prôner la régularité dans les œuvres, une vraie recherche culturelle, véritablement approfondie. A ces deux figures s'ajoutent Hippolyte-Jules Pilet de La Mesnardière (16610-1663) et Jean-François Sarrasin (1614-1654)...

17 oct 2015

Ainsi, l'esprit libéré n'est que celui de la décadence baroque, de l'irrationnel. Il s'agit de s'opposer à l'humanisme et au calvinisme, par la fantaisie, le féerique, le fantastique, le romanesque sentimental.

Balthazar Baro (1596-1650) dans Célinde, insère un long passage en vers évoquant la tragédie d'Holopherne, en reprenant le thème biblique. Dans la pièce elle-même, qui est en prose, Célinde poignarde Floridan qu'on veut lui faire épouser sans son accord. Son amante Parthénice se tue, mais tous deux sortent du tombeau, tout n'était qu'illusion...

15 oct 2015

La décadence de la tragédie, associée au rejet des « anciens », correspond à l'idéologie catholique proche de la faction royale. Le divertissement d'une vie sociale et culturelle stupide irait de pair avec la religion comme seule valeur absolue.

L'apogée de ce processus se déroule avec Alexandre Le Hardy (1570-1632) dit Alexandre Hardy. C'est un écrivain typiquement au service d'une mode ; lui-même a affirmé avoir écrit six cent pièces, ce qui en dit long sur son peu d'exigence dans sa production. On ne retrouve de lui aujourd'hui qu'une douzaine de tragédies, 14 tragi-comédies, 3 poèmes dramatiques, 5 pastorales...

15 oct 2015

Sans le protestantisme pour assumer l'individu comme autonome, la tragédie ne pouvait pas se maintenir. Elle présentait les contradictions de l'individu, ses tourments face à la responsabilité : c'était là une problématique propre au calvinisme.

Il pouvait bien y avoir une récupération par la faction culturelle de la monarchie absolue, au moyen de Sénèque et de la vertu à respecter dans le cadre de l’État gérant la société, cela ne suffisait pas...

12 oct 2015

Antoine de Montchrestien (1575-1621) est une figure marquante de l'histoire de la tragédie ; il commence très tôt, avec succès : Sophonisbe jouée et publiée à Caen en 1596 marqua François de Malherbe, et à sa demande elle fut modifiée, sous la forme de La Carthaginoise ou la liberté en 1601.

La même année il écrit La Bergerie, Les Lacènes, David ainsi qu'Aman, L’Escossoise, ou le Desastre, qui devient en 1604 La Reine d’Escosse, et la même année Hector...

11 oct 2015

Regardons comme Robert Garnier, en tant que première grande figure de la tragédie française, aborde la question de la réalité selon l'angle du stoïcisme, s'opposant au calvinisme et se plaçant à distance du catholicisme.

Il s'agit de souligner ici les valeurs essentielles du stoïcisme comme idéologie conforme à l'aristocratie royale : le fait que l'ordre social soit efficace et implacable, que le sort des êtres humains doit être accepté tel quel, que la vertu est la valeur cardinale de la société. C'est là l'idéologie visant à cadrer les masses dans le nouveau régime...

10 oct 2015

Le grand secret de l'origine de la tragédie en France, de son succès, vient donc de là : c'est un moyen de s'opposer au calvinisme. La tragédie française naît du terreau stoïcien ; c'est la tragédie de Sénèque qui est la grande source intellectuelle.

Or, Jean Calvin est directement en opposition avec le stoïcisme, dont il rejette tant le concept d'apathie que celui de destin...

9 oct 2015

On a donc, au départ, une confrontation entre une version protestante de la tragédie et une version stoïcienne. Ce qui allait l'emporter dépendant nécessairement de l'histoire de la France. Si le protestantisme l'emportait, la tragédie serait restée comme esprit de témoignage de l'adversité mais cela aurait été son seul contenu ; cela ne se serait guère maintenu, s'effaçant devant le prêche.

Comme ce ne fut pas le cas, la « tragédie humaniste » s'est maintenue, s'appuyant sur la monarchie absolue se renforçant. Puisqu'on ne peut pas puiser dans le protestantisme et qu'on ne veut pas vraiment puiser dans le catholicisme, alors il reste l'antiquité gréco-romaine, les Sophocle, Euripide et Sénèque...

7 oct 2015

La découverte protestante de la tragédie eut immédiatement une réponse de la part de la Pléiade, le groupe de poètes dont la figure tutélaire est Ronsard et dont le choix fut de soutenir le régime.

La seconde tragédie écrite en français fut ainsi la Cléopâtre captive d'Étienne Jodelle (1532-1573), lui-même un farouche anti-protestant. Sa position, ainsi que celle de la Pléiade, était par contre davantage liée à la monarchie absolue qu'au catholicisme...

4 oct 2015

La grande preuve du caractère indéniablement moderne, français de la tragédie classique française est que la première tragédie écrite et mise en scène l'a été par un protestant, Théodore de Bèze (1519-1605).

En raison des persécutions à l'encontre du calvinisme, Abraham sacrifiant fut jouée à Lausanne, en 1550. Théodore de Bèze était pas moins que le successeur de Jean Calvin, et il est significatif sur le plan de l'histoire de la formation nationale de la France qu'il a qualifié sa pièce de « tragédie française »...

4 oct 2015

La France naît avec François Ier, se développe avec Henri IV, existe en tant que tel avec Louis XIV. Tel est le point de vue matérialiste dialectique sur la nation française, que les gens « de droite » s'imaginent née avec Clovis, que les gens « de gauche » croient fondée avec la révolution française.

La nation apparaît avec les tout début du capitalisme, lorsque se forme la base du marché national, les premières villes qui développent la culture. La langue se généralise sur un certain territoire ; une formation psychique commune se forme...

26 sep 1905

Pierre Corneille - Le Cid - Acte I (1637)

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ACTEURS

DON FERNAND, premier roi de Castille
DONA URRAQUE, infante de Castille
ON DIÈGUE, père de don Rodrigue
DON GOMÈS, comte de Gormas, père de Chimène
DON RODRIGUE, amant de Chimène
DON SANCHE, amoureux de Chimène
DON ARIAS et DON ALONSE, gentilshommes castillans.
HIMÈNE, fille de don Gomès
LÉONOR, gouvernante de l’Infante
ELVIRE, gouvernante de Chimène
Un Page de l’Infante...

26 sep 1905

Jean Racine - Bérénice - Préface (1670)

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Titus reginam Berenicen, cui etiam nuptias pollicitus ferebatur, statim ab Urbe dimisit invitus invitam. 

C'est-à-dire que «Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on croyait, lui avait promis de l'épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire». Cette action est très fameuse dans l'histoire ; et je l'ai trouvée très propre pour le théâtre, par la violence des passions qu'elle y pouvait exciter. En effet, nous n'avons rien de plus touchant dans tous les poètes que la séparation d'Enée et de Didon, dans Virgile...

21 sep 1905

Puisque le jugement que j’ai fait de cet ouvrage est une des principales causes qui a porté Monsieur de Schélandre à le publier, il me semble que je suis responsable de toutes les objections qu’on lui peut faire en cette occasion, et qu’il sera pleinement excusé de tout le blâme qu’il pourrait encourir de cette action, s’il en rejette la faute sur moi.

Je lui ai dit tant de fois que Tyr et Sidon était une bonne pièce, qu’à la fin il s’est laissé persuader qu’elle n’était pas mauvaise, et qu’il pouvait la donner au public à mes périls et fortunes. C’est une chose étrange, que l’homme dont je parle, qui à l’âge de vingt-cinq ans a composé trois livres d’une Stuartide admirée de ce docte roi de la Grande-Bretagne, qui a fait asseoir auprès de lui les Muses dans son propre trône, ait maintenant de la peine à se résoudre de nous faire voir une tragi-comédie qu’il a travaillée avec tant d’art et tant de soin...

21 sep 1905

Qu’on ne s’étonne point que j’aie remis en ce lieu les raisons que j’ai à donner sur cet ouvrage, pour en justifier ensemble et les moindres parties et tout le dessein.

J’ai laissé lire expressément la première Journée, afin qu’on pût en reconnaître les défauts, avant que je les disse ; et comme il est de la nature et de l’ordre des choses de pécher avant que de s’en confesser, je prétends aussi que ma confession me serve d’excuse, et que la raison qui ne peut faillir tienne partie en mon erreur. Je parle hardiment, et de la même sorte que j’ai bien osé commettre un crime contre les maximes de l’ancienne poésie, qui se plaindra que je viole avec effronterie de certaines lois pour le théâtre, que les plus doux esprits ont révérées, et que les plus forts ont reçue...

17 sep 1905

Étienne Jodelle - Cléopâtre captive (1553)

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Prologue


Puis que la terre (ô Roy, des Rois la crainte),
Qui ne refuse estre à tes loix estrainte,
De la grandeur de ton sainct nom s’estonne,
Qu’elle a gravé dans sa double colonne ;
Puis que la mer, qui te fait son Neptune, (5)
Bruit en ses flots ton heureuse fortune,
Et que le ciel riant à ta victoire
Se voit mirer au parfait de ta gloire,
Pourroyent vers toi les Muses telles estre,
De n’adorer et leur pere et leur maistre ? (10)

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