8 nov 2012

Aéroport Notre-Dame-des-Landes, l'importance de la contradiction ville-campagne

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Depuis plusieurs semaines, l’État a accéléré la répression à l'encontre des personnes qui vivent sur le site où doit être construit le futur aéroport de Notre Dame des Landes, en périphérie de Nantes (au sujet de Nantes, on peut voir aussi l'article Nantes, capitale verte 2013 : le symbole d’une contradiction explosive).

La plupart des habitations ont été détruites et l’État impose une pression policière quotidienne. Le samedi 17 novembre 2012, une manifestation de « réoccupation » est prévue par les opposants afin de ré-impulser la mobilisation.

Mais quelles sont les perspectives d'un tel mouvement alors qu'il est isolé par rapport aux masses populaire de la région, comment peut se généraliser la résistance alors que l’État a clairement l'intention d'accentuer la pression et qu'il n'y a pas le rapport de force ? 

Pour nous, à Voie Lactée, l'opposition au projet d'aéroport a une importance particulière. Sur notre ancien média, contre-informations, nous affirmions que la résistance contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a une importance culturelle et idéologique énorme. Elle doit être un coup porté à la marche destructrice de la bourgeoisie qui ne cesse d'essayer de soumettre la nature au profit de la reproduction capitaliste.

Et l'opposition devrait porter une perspective d'avenir solide et engageante afin de pouvoir entraîner les masses populaire dans la lutte pour la résolution de la contradiction ville-campagne, dans la quête d'harmonie avec la biosphère.

Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes est totalement arriéré par rapport au exigences de notre époque. Le projet en lui même date des années 1960, mais il a été réactivé dans les années 2000 pour satisfaire aux délires d’expansion de la bourgeoisie nantaise porté par Jean Marc Ayrault (le maire de Nantes depuis 1989 et l'actuel premier ministre), qui rêve d'une grande « métropole de l'Ouest ».

La construction et l'exploitation de l'aéroport est confiée au monopole impérialiste français Vinci, qui possède un certain « savoir-faire » en matière de destruction de la nature.

Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes est un pur produit de l'idéologie bourgeoise qui cherche à bétonner et soumettre la nature pour satisfaire sa quête incessante de plus-value et tenter de surmonter la crise du mode de production capitaliste. Et comme nous le soulignions il y a deux ans, ce projet mortifère à une portée symbolique particulièrement forte dans une région où la contradiction ville-campagne est particulièrement exacerbée. La Région nantaise est un modèle d’étalement urbain et d’empiétement de la société capitaliste sur la nature.

Pour comprendre la signification et l'importance de cela, il faut saisir la réalité de la situation locale et comprendre ses contradictions. Principalement, il faut comprendre la nature de la contradiction ville-campagne et ses articulations avec la contradiction travail intellectuel - travail manuel, les contradictions principales du mode de production capitaliste, telles qu'elles s'expriment dans la réalité de la région nantaise.

Quel est précisément la situation à Notre-Dame-des-Landes ? Quel est la réalité locale ? 

Notre-Dame-des-Landes est une commune rurale, dans une région bocagère typique de l'Ouest de la France, de la Normandie à la Vendée.

Durant le XXe siècle une grande partie de la population paysanne a dû quitter ces régions pour aller gonfler la masses des prolétaires des centres urbains alentour (Nantes, Rennes, Saint Nazaire, ou même Paris). Pendant ce temps, une minorité de plus en plus petite d'agriculteurs et éleveurs capitalistes ont concentrés la production agricole, exploitant parfois quelques ouvriers agricoles.

Mais dans la forme, les paysages ne prennent pas la forme plus répandue de l’agriculture intensive moderne ; les parcelles de tailles moyennes séparées par de la végétation, ce que l'on nomme le bocage, prédominent.

Malgré l'importance des pollutions des eaux et des sols, et même en partie de l'air surtout à cause des odeurs, cela laisse une place à quelques espaces naturels ou semi-naturels, si l'on peut dire.

La grande limite du mouvement d'opposition à l'aéroport, c'est de se contenter de vouloir défendre le bocage, sans être capable de critiquer ce qu'il représente ni de le dépasser. Le mouvement est porté  par deux dynamiques principales : l'une, plutôt locale, constituée d'agriculteurs et d'éleveurs, ou d'élus et personnes rattachées d'une manière ou d'une autre à eux ; l'autre, plutôt idéologique porté par des anarchistes plus ou moins rattachés à la mouvance de la « décroissance ». 

Toutes et tous se retrouvent dans la défense romantique d'une petite agriculture communautaire et isolée. C'est un point de vue petit-bourgeois de défense de la petite propriété (quand bien même soit elle « communautaire »), de promotion de la « débrouille » et plus ou moins d'un culte passéiste, anti-modernité typique de la « décroissance ». Inévitablement, il tombe en partie dans un délire romantique franchement réactionnaire, qui a pu être considéré comme de relent pétainiste

De fait, il n'y a pas de véritables perspectives écologiques qui vont avec, la faiblesse, voir la quasi absence de critique de l'exploitation capitaliste des animaux dans le mouvement d'opposition à l'aéroport étant significatif de cela. Sur ce plan, les quelques écologistes radicaux vegans présent dans les arbres de la forêt de Rohanne ne constituent ou n'ont constitué de leur côté à eux qu'une dynamique en marge du mouvement global (sur le plan idéologique), servant même d'une certaine manière de caution radicale/écologique. 

En 2010, nous avions posé le fait que la victoire du mouvement d'opposition à l'aéroport dépendait de sa capacité à se lier avec le prolétariat des environs qui est la seule force pouvant réellement inverser le rapport de force, sur la base d’un programme de dépassement de la contradiction villes / campagnes. Aujourd'hui, il est clair que le mouvement n'a pas pu conquérir le cœur des masses prolétaires, car il est finalement loin de leurs préoccupations et nécessités, loin de leurs enjeux et de leur réalité. 

Pourtant, ce sont bien les masses prolétaires des zones urbaines dénaturées qui sont les premières agressées par la marche destructrice de la bourgeoisie. Les prolétaires éjectés des campagnes tout au long du développement du capitalisme se sont vus dépossédés de leur rapport à la nature. Aujourd'hui la bourgeoisie les « enferme » dans les déserts culturels des banlieues pavillonnaires ou des petites villes isolées de campagne, ou bien dans l'enfer bétonné des quartiers HLM.

De notre point de vue marxiste-léniniste-maoïste, cela forme l'aspect principal de la question que pose l'aéroport de Notre Dame des Landes, c'est le cœur même de la contradiction.

Le projet de construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'est pas tant une agression contre le bocage, qui en lui-même ne constitue qu'une des formes de la tentative de domination de la nature par l’humanité, c'est-à-dire une forme conforme au mode de production capitaliste. C'est avant tout une agression contre la Biosphère et donc un pas de plus dans la dénaturation de la classe ouvrière qui voit aux portes de la ville détruire les derniers espaces où la nature n'est pas encore largement soumise, niée, massacrée. 

En tant que tel, les quelques agriculteurs de la région qui ne se soumettent pas totalement au capitalisme et sont en contradiction avec les monopoles ne peuvent absolument pas représenter une force capable de renverser la tendance. Et de par leur position, de par leur idéologie, ils ne peuvent pas remettre en cause le fondement de la contradiction, c'est-à-dire la prétention bourgeoise de soumettre la nature. Ils se battent contre les excès du capitalisme, ce qui peut être progressiste en soit, mais qui dérivent dialectiquement sur une tendance réactionnaire passéiste en l'absence de lien avec les masses ouvrières, la seule classe révolutionnaire de notre époque. 

La classe ouvrière par contre, en prenant conscience d'elle-même et en marchant vers le pouvoir, renverse l'ordre bourgeois : elle fait tout vaciller, car elle n'a rien à y perdre que ses chaînes faites d'exploitation, de soumissions culturelles, de bétonnage massif et de pollution automobile. La soumission de la nature et la tendance à la destruction de l'équilibre de la Biosphère sont au cœur de l'idéologie bourgeoise qui ne vise qu'à favoriser la production de plus-value.

La bourgeoisie locale soutient totalement le projet ; tout comme une partie de la petite-bourgeoisie et des classes moyennes, voire des couches les mieux loties du prolétariat qu'elle entraîne derrière elle. Ces couches sont sensibles à la propagande pro-aéroport, selon une vision pragmatique (« dynamiser l'économie de la région », etc). C'est aussi le cas d'une partie de la petite bourgeoisie bretonne, notamment représenté par l'UDB, l'Union Démocratique Bretonne, qui soutient le projet pour renforcer une pseudo indépendance par rapport à « Paris ». 

Pourtant, la réalité est que la grande majorité des masses populaires nantaises se désintéresse largement des enjeux cruciaux de Notre-Dame-des-Landes. Elles restent asphyxiées et apathiques face à la destruction autour d'elles.

Le mouvement d'opposition à la construction de l'aéroport est largement isolé par rapport au masses, et finalement la résistance, aussi courageuse et pleine d'abnégation soit-elle, est assez minime au-delà des réseaux de la gauche alternative locale et d'une partie de la mouvance anarchiste nationale. Les manifestations n'ont jamais recueilli plus de quelques milliers de personnes, ce qui est très peu par rapport à l'importance des enjeux.

Pour conquérir de larges masses vers la lutte pour la défense de la Biosphère et de son équilibre, il faut un programme sérieux et colossal de dépassement de contraction ville-campagne. Cela nécessite une démarche scientifique rigoureuse et moderne, avec une perspective profondément positive. Il faut en fait un projet de civilisation.

Car c'est bien une question de cet ordre-là que pose la construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Voulons-nous d'un monde capitaliste en crise qui sombre dans la barbarie, dans lequel la bourgeoisie se protège dans des centres-villes et des banlieues riches, « vertes » et protégées, avec de « beaux » aéroports « verts » pour s'évader, pendant que les masses subissent toujours plus l'asphyxie urbaine ?

Ou bien au contraire voulons nous d'un monde nouveau, épanoui, dans lequel l'humanité a compris sa place au sein de la Biosphère et a choisi l'harmonie plutôt que la destruction ?

Voilà toute la dimension que pose la question de la contradiction ville-campagne à notre époque. Et c'est une question profondément prolétarienne, qui ne pourra être résolue que lorsque la classe ouvrière, armée de son parti communiste, se mettra en mouvement pour sa propre libération, celle des masses populaires et de la Terre tout entière ! 

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