17 fév 2012

Arthaud comme « candidate communiste » : le va-tout de L.O.

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Cela passe inaperçu, car il n'y a plus grand monde à maîtriser l'économie politique trotskyste (les trotskystes mutant en « anti-capitalistes » voire même en « maoïstes » pour les cas les plus extrêmes).

Et pourtant, Lutte Ouvrière joue toute sa vie dans les élections présidentielles qui arrivent. Naturellement, l'absence d'Arlette Laguiller pèse très lourd, et c'est cela que remarquent surtout les commentateurs bourgeois ou les gens ne connaissant pas Lutte Ouvrière ni sa stratégie historique.

Mais Lutte Ouvrière connaît un moment historique, un moment où tout va se vérifier... ou bien échouera et l'organisation implosera immanquablement. De quoi s'agit-il pour que cela ait autant d'importance pour Lutte Ouvrière ?

Les trois variantes du trotskysme en France

Il faut savoir que le trotskysme existe sous trois variantes en France (la France étant un bastion du trotskysme historique, rappelons-le).

a) Il y la variante « dialectique des fronts de lutte » qui est mouvementiste et historiquement semi-guévariste (Guevara est trotskyste sans le savoir, les Vietnamiens sont trotskystes sans le savoir, etc.). La « Ligue Communiste Révolutionnaire » en est le représentant historique (avec sa structure internationale le « Secrétariat Unifié de la 4ème Internationale. »

b) Il y a la variante néo-syndicaliste parasitant le Parti Socialiste, portée par « l'Organisation Communiste Internationliste » devenue « Parti Communiste Internationaliste » devenu « Parti des Travailleurs » devenu « Parti Ouvrier Indépendant. »

c) Il y a la variante « ouvriériste » se posant en alternative au Parti « Communiste » français : c'est Lutte Ouvrière.

On comprend maintenant très facilement pourquoi Lutte Ouvrière joue toute son existence dans les prochaines élections. Il n'y aura en effet pas de candidat du Parti « Communiste » français.

Lutte Ouvrière peut donc, enfin, au bout de 50 années d'attente, se poser en défenseur invariant des ouvriers. D'où la campagne : « Arthaud, une candidate communiste. »

Voici comment est présentée la chose dans le numéro de février 2012 de « Lutte de classe », l'organe théorique de Lutte Ouvrière.

L'article résume la stratégie rien que dans son titre : « Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière - Une candidate communiste à l’élection présidentielle de 2012. »

On y lit donc (c'est nous qui soulignons) :

« Le choix de la direction du PCF de mettre le dévouement de ses propres militants à la disposition de Mélenchon est l’aboutissement ultime de toute une évolution.

Il appartient aux électeurs du PCF d’en tirer toutes les conclusions qui en découlent.

Mais il est important que le communisme soit représenté dans cette élection. Important par rapport à cet événement ponctuel que représente l’élection présidentielle de 2012.

Mais important encore plus pour l’avenir. L’élection terminée, restera entier le problème de reconstruire dans ce pays un parti qui, de par ses références passées, continue à représenter ce qu’ont représenté successivement le PS à ses origines lointaines et le PCF à sa naissance, en écho à la révolution prolétarienne de 1917 en Russie ; un parti qui reprenne le flambeau de la lutte pour l’émancipation du prolétariat et pour le renversement révolutionnaire du pouvoir politique et économique de la bourgeoisie.

La crise, qui se traduit dans un premier temps tout naturellement par l’inquiétude et la démoralisation du monde du travail, finira par pousser à la colère. Mais la colère, même lorsqu’elle mène à la violence, ne conduit pas nécessairement à la conscience de classe, à la conscience que la classe ouvrière a la possibilité et les moyens de renverser le pouvoir de la bourgeoisie. Pour cela, un parti communiste révolutionnaire est indispensable.

Un tel parti ne surgira pas des seules élections. Il naîtra et s’aguerrira dans les luttes futures que le prolétariat devra mener pour sa survie et qui feront surgir des femmes, des hommes, des jeunes, prêts à œuvrer pour la transformation sociale.

Le parti ne pourra naître que si des milliers de travailleurs en arrivent à la conscience de cette nécessité-là. Il naîtra lorsque, dans une partie de la jeunesse, y compris intellectuelle, apparaîtra la conscience que la société actuelle est condamnée et que cette jeunesse ne se contentera pas de s’indigner des injustices et de la folie de la société actuelle, mais voudra combattre pour y mettre fin.

Mais il est important, lorsque la vie elle-même, les événements, mèneront à la révolte toute une partie de la jeunesse, qu’elle trouve un courant et des militants pour lui transmettre la tradition communiste révolutionnaire, avec son capital d’expériences tirées de combats antérieurs du mouvement ouvrier.

C’est dans cette perspective que milite Lutte Ouvrière.

C’est cette perspective qu’a incarnée Arlette Laguiller à l’occasion des élections présidentielles précédentes. C’est cette perspective qu’entend incarner Nathalie Arthaud dans l’élection présidentielle d’avril 2012.

Toutes celles et tous ceux qui s’associent à sa campagne, qui participent à la propagation des idées communistes et des objectifs de lutte qui les expriment dans la situation de crise, auront par la même occasion apporté leur pierre à la reconstruction d’un parti ouvrier révolutionnaire, un parti communiste. »

De fins observateurs auront remarqué que la fin de ce long passage ne présente rien d'original en soi : Lutte Ouvrière a toujours dit cela.

Mais justement parce que cette organisation a toujours dit cela, il y a l'importance énorme du début du passage.

Si Lutte Ouvrière n'a jamais encore refondé le « Parti ouvrier » tant nécessaire, c'est parce que l'objectif trotskyste est dans sa matrice, et c'est objectif c'est la destruction du Parti Communiste français « stalinien. »

Bien entendu, le Parti « Communiste » français n'a plus rien à voir avec Staline, et nous qui nous revendiquons de Staline mettons des guillemets au mot « communiste » pour cette raison.

Mais Lutte Ouvrière ne voit pas cela et continue de vivre, depuis 50 années, sur cette obsession, cette démarche anti-communiste s'appuyant d'ailleurs sur les professeurs et l'aristocratie ouvrière.

Et donc, avec ces élections présidentielles, arrive le jour tant attendu, préparé depuis 50 ans (voire plus même en fait, l'organisation étant fondée dans les années 1930 et reconstruite à la fin des années 1940). Celui où Lutte Ouvrière peut « remplacer » le PCF « stalinien. »

L.O. peut-il remplacer le P « C » F  en s'appuyant sur le « programme de transition »?

Est-ce possible ? Non, cela n'a aucun sens, puisque c'est une totalement vision mécanique. Un Parti révolutionnaire authentique est auto-suffisant ; ce n'est pas parce qu'un grand parti s'effondre qu'un petit grandit, mais c'est la vision de Lutte Ouvrière qui raisonne en terme trotskysme/stalinisme, et si le stalinisme disparaît, alors mécaniquement le trotskysme prend sa place.

Pour Lutte Ouvrière, le « faux » communisme » agonisant va, mécaniquement, être remplacé par le « vrai », car le faux était là pour barrer la route au vrai.

Lutte Ouvrière a tout misé dessus, n'hésitant pas à éjecter les gens favorables à une union (notamment avec le NPA), quitte à s'allier aux socialistes aux municipales pour survivre, tout cela au nom du « grand jour. » Le « grand jour » de pouvoir remplacer le PCF « stalinien », en s'appuyant sur officiellement 8400 adhérents qui doivent permettre de diffuser suffisamment le « rappel à l'ordre » pour que la base du PCF rejoigne Lutte Ouvrière donnant alors, enfin, naissance au nouveau parti.

Et d'où vient la conception de Lutte Ouvrière ? Bien entendu, du programme de transition de Léon Trotsky.

Celui-ci explique :

« L'orientation des masses est déterminée, d'une part, par les conditions objectives du capitalisme pourrissant; d'autre part, par la politique de trahison des vieilles organisations ouvrières. De ces deux facteurs, le facteur décisif est, bien entendu, le premier : les lois de l'histoire sont plus puissantes que les appareils bureaucratiques.

Quelle que soit la diversité des méthodes des social-traîtes - de la législation "sociale" de Léon Blum aux falsifications judiciaires de Staline - ils ne réussiront jamais à briser la volonté révolutionnaire du prolétariat.

De plus en plus, leurs efforts désespérés pour arrêter la roue de l'histoire démontreront aux masses que la crise de la direction du prolétariat, qui est devenue la crise de la civilisation humaine, ne peut être résolue que par la IV° Internationale. »

C'est précisément avec ce passage de Trotsky qu'on peut comprendre le passage cité plus haut et tiré de l'organe théorique de Lutte Ouvrière :

« Mais il est important, lorsque la vie elle-même, les événements, mèneront à la révolte toute une partie de la jeunesse, qu’elle trouve un courant et des militants pour lui transmettre la tradition communiste révolutionnaire, avec son capital d’expériences tirées de combats antérieurs du mouvement ouvrier. »

La preuve de cela – s'il en est besoin – est ce que dit Trotsky, toujours dans le programme de transition :

« Contre la cherté de la vie, qui , au fur et à mesure que la guerre se rapprochera, prendra un caractère de plus en plus débridé, on ne peut lutter qu'avec le mot d'ordre de l'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES. Les contrats collectifs doivent assurer l'augmentation automatique des salaires, corrélativement à la montée des prix des articles de consommation. »

Et quel est le mot d'ordre de Lutte Ouvrière ? On l'aura compris, bien évidemment il s'agit de l'échelle mobile des salaires.

Cette revendication de l'échelle mobile est reprise à tous les niveaux dans la propagande de Lutte Ouvrière, elle est présentée dans toutes les situations possibles.

L'inévitable agonie de Lutte Ouvrière

Comme on le voit, la stratégie de Lutte Ouvrière est parfaitement ficelée. Lutte Ouvrière a une approche trotskyste visant à « remplacer » l'anomalie historique qu'aurait été un PCF « stalinien. »

Mais cela n'a pas de sens, pas plus que n'a de sens la tentative du PRCF de revenir aux PC des années 1980, de la Coordination Communiste de revenir à celui des années 1970, de l'URCF de revenir à celui des années 1960, etc.

Un Parti Communiste ne peut naître que comme synthèse scientifique en tant que vision du monde – le socialisme scientifique – dans un processus de fusion avec la classe ouvrière et les larges masses.

Cette synthèse, Voie Lactée y travaille. Mais Lutte Ouvrière n'y travaille pas ; ses positions sont simplement économiques (et de là politiques, ce qui est juste sur ce point car la politique c'est de l'économie condensée comme disait Lénine), cependant, il n'y a pas tout l'arrière-plan qu'est le matérialisme dialectique (que Lutte Ouvrière rejette), ce qui amène des erreurs fatales.

Des erreurs, et des fautes : Lutte Ouvrière ne comprend rien à la Biosphère et à la crise écologique de notre planète, alors que cette organisation prétend partir d'un point de vue « mondial. »

Comment peut-on dire que l'on part du point de vue mondial, que la révolution sera mondiale, et oublier simplement des questions mondiales ? Cela montre le caractère abstrait de Lutte Ouvrière.

Lutte Ouvrière aura ainsi du mal à passer ces élections présidentielles, car un échec comme une réussite montrerait le caractère abstrait, formel, intellectuel bourgeois, de ce plan de remplacement du P « C » F.

Si Lutte Ouvrière a tenu jusqu'à présent, c'est en raison de « l'identité » de ce plan et pas autre chose. Ce plan s'effondrant, Lutte Ouvrière s'effondrera avec son identité en faillite, dans ce qui aura été une démarche d'un formalisme français le plus complet.

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