29 mar 2012

Mohamed Merah, l'incendiaire français moderne de la bibliothèque de Montaigne

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Mohamed Merah avait une vision salafiste du monde, c'est-à-dire que sa démarche s'appuyait sur les valeurs de l'interprétation de l'Islam selon le salafisme.

C'est, si l'on veut, une sorte de retrait comme précisément celui de Montaigne. Sauf que c'est le contraire.

Expliquons-nous : le salafisme affirme que la vie sociale est corrompue ; la seule manière d'exister correctement est de refuser intégralement le monde moderne et de vivre exactement comme on sait (ou saurait) que le prophète Mahomet vivait, ainsi que ses premiers disciples.

Les textes religieux, le Coran comme les préceptes juridiques fondés sur ce que Mahomet aurait dit (les « hadiths »), sont pris directement, au sens littéral.

Cela est également assumé tel quel. Dans la pensée salafiste, il y a donc une minorité « illuminée », même au sein de l'Islam, qui se tourne vers ce passé, se sépare de tout le reste en adoptant une démarche « pure » dans la vie quotidienne, allant jusqu'à la prôner par les armes éventuellement.

On est dans un type de fondamentalisme tout à fait similaire dans l'esprit à celui de Sayyid Qutb (voir la 7ème partie du document sur la Falsafa). Les salafistes affirment souvent ne pas être d'accord sur tout avec celui-ci, mais en pratique cela revient exactement au même.

Ou pour résumer avec Sayyid Qutb, « le mélange et la coexistence de la vérité et de la non-vérité sont impossibles. »

C'est une démarche de rupture, « rupturiste », que l'on retrouve dans le fascisme (ainsi que dans l'ultra-gauche anarchiste).

Et c'est finalement un refus du monde qui est celui de Montaigne, sauf que chez Montaigne cette rupture n'était pas anti-social. Montaigne était en désaccord fondamental avec la société française de son époque, comme en témoignent les Essais.

Néanmoins, il n'avait pas les moyens de la changer. Il est donc « sorti » du monde, mais sans être anti-social. Il a voulu contribuer à ce que les choses changent après lui, parce qu'il ne pouvait pas faire mieux.

La démarche nazie de Merah est donc à l'exact opposé de la démarche de Montaigne qui constituait une grande bibliothèque, écrivant sur les poutres des phrases en latin, en grec, une seule étant en français, à savoir la traduction d'une phrase latine : « Je suis homme et crois que rien d’humain ne m’est étranger. »

Sans nul doute, la bibliothèque de Montaigne a joué un grand rôle en France, pays où la constitution d'une bibliothèque fournie est obligatoire pour toute famille un tant soit peu cultivée – même si les livres ne sont jamais touchés.

C'est une bibliothèque en quelque sorte symbolique, typique d'un esprit respectueux de l'humanisme, de la culture, de la civilisation.

Les livres permettent de comprendre le monde, et il faut les avoir sous les yeux, dans l'esprit de ce que disait Montaigne : « La forme de ma bibliothèque est ronde et n’a de rectiligne que ce qu’il faut à ma table et à mon siège, et elle m’offre dans sa courbe, d’un seul regard, tout mes livres rangés sur cinq rayons tout autour. »

Mohamed Merah était totalement étranger à cela, non pas cependant parce qu'il était « étranger » de par la nationalité, même si cela a joué, ses origines algériennes l'emprisonnant en partie dans l'idéologie semi-féodale caractérisant l'Algérie.

C'est surtout parce qu'il était Français, pétri d'idéologie impérialiste du « tout ou rien et cela tout de suite » qu'il a pu se positionner dans une initiative aussi « consommatrice » que la sienne.

Mohamed Merah a agi ici comme un véritable nazi français et sa position anti-vision du monde, anti-théorie, anti-humaniste, est largement partagée par une jeunesse matraquée par l'idéologie impérialiste.

La jeunesse a une grande culture, mais méprise totalement ce qu'elle ne connaît pas par expérience. Pas étonnant qu'une telle jeunesse consommatrice passe d'une vie décadente à un Islam rigoriste tout autant consommateur. On est toujours dans le degré zéro de la réflexion, dans la prise des choses telles qu'elles sont en apparence seulement.

Montaigne, tous ses Essais en témoignent, cherchait inversement à aller au fond des choses, à en étudier la complexité. Il appartenait à l'humanisme, dont l'étude approfondie des phénomènes pave la voie au matérialisme et au matérialisme dialectique.

La devise de Montaigne était d'ailleurs « Que sais-je ? » et il avait placé cette devise à côté d'une balance, pour souligner la rude bataille qu'est ce jugement, qui doit être équilibré, juste.

Mohamed Merah, lui, a fait comme les spontanéistes, qu'ils soient fascistes ou syndicalistes révolutionnaires, il a foncé.

Une démarche à l'opposé de Montaigne et du matérialisme dialectique. Une démarche à l'opposé de la reconnaissance de la dignité du réel.

« Qu’on ne se moque pas de la sympathie que j’ai pour elles [les animaux]: la théologie elle-même nous ordonne d’avoir de la mansuétude à leur égard.

Elle considère que c’est un même maître qui nous a logés dans ce palais pour être à son service, et donc que les bêtes sont, comme nous, de sa famille; elle a donc raison de nous enjoindre d’avoir envers elles du respect et de l’affection.

Si on peut discuter de tout cela, il n’en reste pas moins que nous devons un certain respect et un devoir général d’humanité, non seulement envers les animaux, qui sont vivants et ont une sensibilité, mais envers les arbres et même les plantes.

Nous devons la justice aux hommes, et la bienveillance et la douceur aux autres créatures qui peuvent les ressentir. Il y une sorte de relation entre nous, et des obligations mutuelles.

Je ne crains pas d’avouer la tendresse due à ma nature si puérile qui fait que je ne peux guère refuser la fête que mon chien me fait, ou qu’il me réclame, même quand ce n’est pas le moment. » (Humanisme, Lumières, Bourgeoisie (dixième partie : Rabelais et Montaigne).

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