20 Jan 2012

Les polémiques autour d'Anne Lauvergeon, ex-dirigeante du groupe Areva

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Les accusations de malversation contre Anne Lauvergeon dans l'affaire Uramin et les ripostes de cette ex-dirigeante de Areva sont au cœur des contradictions qui traversent la bourgeoisie et l'impérialisme français aujourd'hui.

Depuis plusieurs semaines, Anne Lauvergeon, dirigeante historique d'Areva récemment évincée de la direction du groupe, est au cœur de polémiques. D'une part, elle est soupçonnée de malversations lors du rachat de l'entreprise canadienne Uramin en 2007. Son mari, extérieur à Areva, est également accusé d'être impliqué et d'avoir profité du rachat de Uramin. Parallèlement, Anne Lauvergeon accuse directement « l’Élysée » de déstabilisations avant son éviction en juin 2011, et affirme qu'elle et son mari auraient été la cible de mises sur écoute illégales.
 
Mais bien plus que de chamailleries ou rancœurs personnelles éventuelles, ces tensions sont le reflet de contractions intenses au sein de la bourgeoisie française. Elles marquent l'affrontement entre différentes vision du capitalisme monopoliste d'Etat - Areva est un pilier essentiel de l’industrie nucléaire, tête de pointe de l'impérialisme français. 
 

« Atomic Anne »

 
C'est Anne Lauvergeon qui a crée Areva et en a fait le « leader mondial de l’énergie nucléaire », présent aux Etats-Unis d'Amérique, en Chine, dans différent pays d'Afrique, en Inde ainsi qu'en Allemagne, en Suede et en Finlande.
 
En 1999, elle est nommée à la tête de la Cogema par Dominique Strauss-Kahn alors Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. La Cogema, compagnie générale des matières nucléaires, était une entreprise d’État spécialisée dans ce qui est nommé le cycle du combustible nucléaire. Il s'agit de gérer la production d'uranium depuis son extraction dans les mines, sa conversion et son enrichissement ainsi que de gérer le traitement et le soit disant « recyclage » du combustible usé. En 2000, Anne Lauvergeon organise le rachat des parts détenues par Alcatel dans Framatome (avant d'entrer à la Cogema, elle était directrice générale adjointe d'Alcatel).
 
Framatome, Franco-Américaine de Constructions Atomiques, a été créée en 1958 par les français Schneider et Merlin Gerin (aujourd'hui fusionnées au sein de Schneider Electric) et l'américain Westinghouse Electric (aujourd'hui sous le giron du japonnais Toshiba Corporation).
 
En 2001, Areva est crée par la fusion de la Cogema et de Framatome avec CEA Industrie, la branche industrielle du Commissariat à l’Énergie Atomique. Le CEA est une administration d’État regroupant des chercheurs dans différents domaines liés au nucléaire (énergie, défense, santé, etc.) Le CEA détient 73% du Capital de Areva (l’État en tant que tel en détient 10,2%, la Caisse des dépôts et consignations 3,3 % , EDF 2,2 %).
 
Areva est un monopole impérialiste puissant, résultat d'une ultra-concentration de différents secteurs liés à l’énergie atomique, depuis la production de matière première jusqu’au traitement des déchets en passant par la construction de réacteurs, etc.
 
Dans une interview au magazine économique Challenges en 2008, Anne Lauvergeon, souvent surnommée « Atomic Anne », expliquait cela :
 
« L'uranium est un des éléments moteurs de notre succès. Notre modèle, c'est... Nespresso : nous vendons les cafetières, et le café qui va avec. Et le café, c'est très rentable. Ainsi en Chine, nous avons vendu deux îlots nucléaires, plus 35 % de la production d'Uramin, dont nous sommes propriétaires. Cela illustre notre modèle intégré »
 

Les contractions avec EDF

 
Dans le domaine de l'industrie nucléaire, il est un autre monopole impérialiste très puissant : c'est EDF. L'entreprise étant la première cliente d'Areva, elle cherche depuis longtemps à démanteler le groupe et le faire entrer dans son giron. Anne Lauvergeon s'est systématiquement opposée à l'abandon du modèle intégré qu'est Areva - elle réussira entre autre à écarter un projet de fusion avec Alstom (plus proche d'EDF) en 2007. 
 
Tout cela est à l'origine de nombreuse tensions aux plus hauts sommets de l’État. Ces tensions s'incarnent dans des conflits ouverts entre elle et Henri Proglio, dirigeant d'EDF et proche affirmé de Nicolas Sarkozy. L'ancienne dirigeante d'Areva ira même jusqu'à affirmer de manière populiste fin 2011, qu'Henri Proglio a « fumé la moquette » lorsqu'il avait déclaré que l'abandon du nucléaire menacerait un million d'emplois en France, l'accusant d’exagérer le chiffre.
 
Toutes ces contractions seront à l'origine d'un fiasco total pour l'impérialisme français en 2009, avec la perte d'un contrat pour la construction de 4 centrales nucléaires aux Émirats arabes unis, au profit du Sud-Coréen Kepco.
 
A l'origine, Areva s'était associé à GDF-Suez et à Total en janvier 2008 afin de présenter une candidature pour la construction à Abou Dhabi de deux EPR. Mais l'absence d'EDF faisait « tâche » en quelque sorte, notamment aux yeux des dirigeants arabes. Finalement, la candidature sera remanié et EDF prendra la tête d'un consortium regroupant en plus Vinci et Alstom, sans que cela soit concluant. 
 
Quelques semaines plus tard, le premier ministre François Fillon devait aussi mettre un terme à un conflit ouvert opposant EDF et Areva, à propos de l'alimentation en uranium des centrales nucléaires, leur rappelant que : « ils doivent agir en partenaires, et non pas en concurrents ».
 
En 2010, le rapport Roussely (ancien dirigeant d'EDF) commandé par le président de la République, pointe du doigt ces dysfonctionnements entre Areva et EDF et préconise un « groupement d'intérêt économique des grands acteurs du nucléaire français ». Le rapport ne préconise pas le démantèlement d'Areva mais propose l'ouverture des activités liés à la production d'uranium par la création d'une nouvelle société, afin que, EDF notamment, puisse entrer à son capital.
 
Au passage, notons que François Roussely, est le vice-président du Crédit Suisse en Europe, chargé du développement des activités du Groupe dans le secteur de l'énergie.
 
Quelques jours avant la publication de ce rapport, Areva, en manque de capitaux, avait dû céder sa branche T&D au groupe Alstom, qui l’intègre dans une nouvelle entité, Alstom Grid. Areva T&D produisait des infrastructures de transmission d'électricité, comme des transformateurs par exemple. 
 

Le fond de l'affaire Uramin

 
En 2007, Areva rachète Uramin pour 1,8 milliards d'euros et mais ainsi la main sur ses projets d'exploitation de gisements en Namibie en Afrique du Sud et en Centrafrique. Cela devait permettre à terme de quasiment doubler la production d'uranium du groupe
 
Aujourd'hui, l'ensemble de ces projets miniers n'est pas achevé et la branche minière d'Areva est considérée comme un gouffre financier. Cela est reproché à Anne Lauvergeon et depuis peu, elle est accusée de malversations, notamment d'avoir fait gonfler artificiellement le prix de rachat d'Uramin. Son mari est également accusé d'avoir profité de cela. 
 
De son coté Anne Lauvergeon porte plainte pour des mises sur écoute illégales et dénonce des manœuvres d'intimidation. 
 
Lors d'une interview sur BFM Business ce mardi (17/01/12), elle évoquait clairement une opération de démantèlement d'Areva et notamment de vente de la partie minière du groupe « à des intérêts privés » afin d'en récupérer des morceaux. Elle accuse Nicolas Sarkozy d'avoir orchestré l'arrivée de fonds souverains du Moyen-Orient le capital d'Areva en 2010 et affirme que depuis le 15 décembre 2011 tout est prêt au "découpage", avec filialisation de l'activité minière d'Areva.  
 
Enfin, elle laisse largement sous-entendre qu'il s'agit de déprécier abusivement cet ensemble minier pour le vendre au Qatar, avant d'expliquer, avec l'aide du journaliste, que François Roussely (qui avait préconisé l'ouverture de l'activité minière dans son rapport à l'Elysée) est le conseiller du  Qatar à travers Credit Suisse First Boston, une banque d'investissement.
 

Anne Lauvergeon, une impérialiste populiste

 
Anne Lauvergon est à l'origine de modernisations dans l'industrie nucléaire française. C'est elle entre autre qui a décidée d'opérations de propagande de Areva vis-à-vis des masses (spot de pub, sponsoring d'un club de Football en Allemagne, etc.), alors que la tradition dans le nucléaire plutôt l'opacité la plus totale. La présidente de Areva n'hésitait pas non plus à se rendre disponibles pour défendre l'industrie nucléaire lors de la catastrophe de Fukushima.
 
Anne Lauvergeon était la « Sherpa » de François Mitterrand lors de son deuxième mandat de Président, c'est à dire sa représentante directe chargés notamment de préparer les rencontres importantes. Et aujourd'hui, elle s'inscrit totalement dans la culture impérialiste de l'époque Mitterrand : modernisation et renforcement du capitalisme monopoliste d’État ainsi que populisme vis-à-vis des masses populaires, notamment par la corruption de représentants ouvriers.
 
Au sein d'Areva, elle était soutenue par les organisations syndicales, et elle a toujours tenue à entretenir son image « de gauche ». Lors de son éviction de l'entreprise publique, elle a été soutenue par François Hollande et est ensuite entrée au conseil de surveillance du journal Libération. 
 
En février 2011, elle déclarait par exemple sur RTL : « Je souhaite continuer [à la tête de Areva] parce que ce qu'on fait c'est formidable et parce que j'ai l'impression de servir la France dans ce que je fais ». 
 
Cultivant le populisme, elle déclarait dans l'interview à BFM Business de mardi : « Je sais que j'ai heurté des intérêts privés, je sais que de ne pas être du club du Fouquet's pour faire du nucléaire ça devenait un vrai sujet, un handicap tout à fait significatif » avant d'affirmer que «  Areva c'est une des fiertés collectives de la France. » Elle rajoutait juste après que « c'est une entreprise qui à un avenir considérable, […] il faut arrêter de jouer avec » montra ainsi là sa véritable nature : Anne Lauvergeon est une représentante chauvine de l'impérialisme français.
 
Elle est entre autre membre des conseils d'administration de Total et de GDF Suez ainsi que vice-présidente du conseil de surveillance du Groupe Safran.
 
Selon le magasine l'Expension, elle a perçut une rémunération de 1,12 million d'euros en 2009.
 

Le renforcement inévitable de la bourgeoisie impérialiste

 
Aujourd'hui les tensions autour d'Areva se résolvent, partiellement, au profit de la bourgeoisie traditionnelle, des alliés de Nicolas Sarkozy encore au pouvoir, qui cherchent à accumuler, spéculer, peu importe la manière. Mais plus la crise du capitalisme se généralise et plus les éléments les plus impérialistes et chauvins du Capital vont se renforcer, pavant la voie au fascisme. 
 
Le capitalisme monopoliste d’État est la forme la plus moderne, la plus aboutie de l'impérialisme. Il suppose nécessairement la constitution de grands groupes monopolistes puissants, ne faisant qu'un avec l’État français. De ce point de vue, la vente des mines d'uranium à des capitaux étrangers est insupportable. Les contradictions qui opposent aujourd'hui Anne Lauvergeon à une partie de la bourgeoise française sont constitutifs de contractions importantes au sein même de bourgeoisie.
 
Comprendre ce genre d'affaire est donc fondamentale pour comprendre les mouvements internes intenses du Capital aujourd'hui en France. Cela est essentiel afin de combattre et désarticuler efficacement l'impérialisme français.
 
Nous devons donc continuer de décortiquer les mouvements des monopoles impérialistes français, comme nous l'avions déjà fait avec la SNCF. C'est cela le rôle d'un Parti Communiste, c'est cela servir le Peuple, le travail du PCMLM.
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