10 mai 2012

François Hollande et la haute bourgeoisie française

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La victoire de François Hollande à la présidentielle a été permise par une vague de démagogie social-démocrate qui a envahi le pays, et qui fonctionne depuis les primaires socialistes.

François Hollande a entretenu cette démagogie notamment avec son annonce de taxation à 75% d'une partie des plus hauts revenus (une mesure symbolique inoffensive pour la bourgeoisie qui disposent toujours de mille moyens pour protéger son capital ) ou avec ses tirades populistes « contre le monde de la finance » (avant d'aller à la City de Londres assurer qu'il n'était pas « dangereux » ).

Mais plus encore, le cinéma entretenu contre la patronne du MEDEF Laurence Parisot, qu'il a publiquement refusé de rencontrer pendant la campagne, donne à François Hollande l'image d'un véritable candidat socialiste, « contre » la bourgeoisie.

Pourtant lorsque l'on étudie la question, il apparaît clairement que c'est l'inverse qui est vrai.

En France, il existe un mythe, largement entretenu par le syndicalisme apolitique et ses suppôts anarcho-troskystes, qui consiste à confondre la bourgeoisie avec « le patronat » et à présenter le MEDEF comme l'incarnation du capitalisme.

Cette mystification apolitique sert au passage directement la progression du fascisme, l'aidant à se présenter comme soi-disant anticapitaliste. En réponse au livre  « Un Piège Bleu Marine » de Laurence Parisot, Marine Le Pen a directement pu répondre :

« Avec des ennemis comme ça, on n'a pas besoin d'amis ! ».

Le MEDEF, le Mouvement Des Entreprises de France, ne représente qu'une composante de la bourgeoisie française. Le MEDEF est traversé de contradictions, les frictions récurrentes entre l'actuelle direction et l'UIMM (l'une de ses principales branches, concernant la métallurgie) le montre largement.

Pour le moment le MEDEF est dominé par une composante bourgeoise traditionnelle qui est libérale et magnifie l'entrepreneuriat. Cette bourgeoisie industrielle était jusque là représentée par Nicolas Sarkozy ; Laurence Parisot a d’ailleurs systématiquement soutenu Nicolas Sarkozy.

Mais cette domination n'est pas absolue et inaltérable. D’ailleurs, François Hollande est un proche d'Anne Lauvergeon, présidente d'un fond qui a été lancé par l'UIMM. Et il connaît également bien le président de l'UIMM, Frédéric Saint-Geours, puisqu'il fut l'ancien directeur de cabinet de Henri Emmanuelli, membre du PS.

De toutes façons, François Hollande peut bien avoir des différends avec la direction du MEDEF, ou tout du moins entretenir l'idée qu'il en aurait, cela ne signifie par pour autant qu'il n'est pas lié à la bourgeoisie. 

Contrairement à Ségolène Royal en 2007, il a largement préparé le terrain de son accession à la tête de l’État et a depuis longtemps tissé de nombreux liens avec des membres de la haute bourgeoisie française, notamment des personnes à la tête de groupes monopolistes.

Michel Sapin, le très probable futur ministre de l’Économie et des Finances qui fut notamment chargé d'organiser des rencontres avec des responsables d'entreprises ou financiers pendant la campagne, expliquait par exemple dans Les Echos du 18 avril que François Hollande a systématiquement noué des liens avec des « grands patrons français », des liens « naturels, respectueux, sans fascination ni répulsion, comme l'est sa relation à l'argent ».

Et Les Echos de citer ensuite un « grand patron qui le connaît bien » :

« Il veut tout simplement réconcilier la gauche et l'entreprise. »

Michel Sapin expliquait au passage :

«  Je n'en ai jamais vu autant [de patrons], même quand j'étais ministre de l'Economie ».

André Martinez, haut responsable du groupe ACCOR (1er groupe mondial d’hôtellerie) avec qui il organisait la campagne de Mitterrand pendant leurs études, et Emmanuel Macron, banquier d'affaire haut placé dans le groupe Rothschild qui avait refusé de servir Nicolas Sarkozy, étaient avec Michel Sapin chargés d'organiser ces rencontres.

D'après Les Echos, les liens avec les donateurs pour la campagne étaient gérés par Bernard Cottin (ancien dirigeant de Numericable) et Jean-Jacques Augier, un inspecteur des Finances issu de la même promotion de l'ENA que Hollande et Michel Sapin. Jean-Jacques Augier a été directeur financier du trust monopoliste français CGE (Compagnie Générale d'Electricité devenu Alcatel) puis a monté le groupe de location ADA et investit dans le secteur du livre (grandes librairies, maisons d'éditions, etc.) ; aujourd'hui il est un grand bourgeois vivant et investissant à Pekin, « là où ça bouillonne ».

Dans ses meetings ou à la télévision, François Hollande se la joue socialiste, mais dans la presse destinée aux cadres bourgeois « son ami l'avocat Jean-Pierre Mignard » explique qu'il « connaît tous les patrons ».

En fait cette attitude n'est pas propre à François Hollande, c'est l'apanage du Pati Socialiste depuis 1981 que d'avoir laissé croire à ceux qui le voulaient bien que les chars soviétiques attendaient l’élection de Mitterrand pour arriver en France, tout en étant en fait pieds et mains liés à la grande bourgeoisie française, notamment celle des monopoles.

Les cadres du Parti Socialiste sont pour la plupart issus des grandes institutions qui forment la bourgeoisie française ; François Hollande pour sa part a fait HEC, la plus perstigieuse des écoles de commerce, et l'ENA, École Nationale de l'Administration.

C'est à HEC que François Hollande s'est lié à André Martinez (voir plus haut), Jean-Marc Janaillac de la RATP, Denis Kessler du groupe de réassurance SCOR, Loïc Armand président de L'Oréal France ou encore Jean-Claude Meyer. Ce dernier fut débauché du groupe Lazard dans les années 1980 pour participer à l'émergence de Rothschild & Cie, l'une des principales banques d'affaires française lancée après les privatisations de 1986.

A l'ENA, François Hollande s'est lié à d'autres pointures du capital financier français comme Jean-Pierre Jouyet, le président de l'AMF, l'autorité des marchés financiers ou Henri de Castries d'AXA (banque et assurance). Selon le magazine Challenges, ce dernier, alors qu'il « ne partage pas [ses] opinions politiques [...] apprécie suffisamment son ancien compagnon de promotion pour avoir versé 7.500 euros à son parti. »

Durant les dernières semaines avant son élection, ce sont quasiment tous les grands dirigeants des groupes monopolistes français qui ont été rencontrés par François Hollande ou son équipe : Maurice Lévy de Publicis, Carlos Ghosn de Renault, Christophe de Margerie de Total, Jean-Paul Agon de L'Oréal, Charles Edelstenne de Dassault ou encore Pierre-André de Chalendar de Saint-Gobain, Alexandre de Juniac de Air France, Stéphane Richard de France Telecom, Jean-Charles Naouri du groupe Casino.

D'autres, de part leurs relations ou leurs passés d'anciens membres de cabinets de gauche, sont directement liés à la personne de François Hollande : Gérard Mestrallet de GDF Suez, Louis Gallois d'EADS, Jean-Pierre Clamadieu de Solvay, Luc Vigneron de Thales, François Roussely du Credit Suisse ou Paul Hermelin de Capgemini.

Enfin, certains comme Bernard Spitz, le président de la Fédération Française des Sociétés d'Assurance Mutuelle, Matthieu Pigasse de la Banque Lazard ou Anne Lauvergeon, qui avait monté le groupe Areva, sont clairement étiquetés comme étant des proches de François Hollande. 

Paul Boury, un « lobbyiste » français, qui de part sa position connaît la plupart des dirigeants d'entreprise et a servi la campagne de François Hollande, expliquait tout simplement : 

A quelques exceptions près, les patrons ne sont pas aussi hostiles qu'ils veulent bien le dire à François Hollande. Ils le perçoivent comme un modéré, qui connaît les enjeux de l'entreprise, et a conscience de la nécessité de relancer la croissance.

La bourgeoisie, ce n'est pas seulement des dirigeants d'entreprises, c'est une classe sociale diffuse qui dispose de tous les pouvoirs et de nombreux moyens pour préserver ses privilèges et garantir l'existence de la propriété privée. François Hollande est un représentant de cette classe, c'est un cadre de la bourgeoisie directement au service du capitalisme monopoliste d’État français.

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