6 juil 2012

Pourquoi la jeunesse, tournée vers le passé, n'a-t-elle pas trouvé le magnifique Nick Drake ?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Tes larmes elles me disent

Il n'y a vraiment aucun moyen
De mettre fin à tes troubles
Avec des choses qu'on peut dire

Et le temps te dira
De rester à mes côtés
Pour continuer à essayer
Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à cacher. 

 

On sait à quel point la jeunesse considère qu'elle serait « née au mauvais moment », que dans le passé il y aurait eu tellement de « bonnes choses. » C'est une vision partagée par bon nombre de vieux qui regrettent le « bon vieux temps », car « avant c'était différent. »

 

Tout cela est irréaliste et le magnifique Nick Drake en est la preuve. Musicien britannique né le 19 juin 1948, il a produit une œuvre sublime afin de mourir fou et isolé le 25 novembre 1974.

 

Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on commence à saisir sa portée énorme et sa valeur inestimable. Alors si la jeunesse regardait vraiment le passé, elle trouverait Nick Drake. Or, elle ne le trouve pas.

 

Elle le laisse mourir, elle aussi ! Ce qui montre que son regard vers le passé est faux, il est consommateur : les jeunes attendent que les Beatles se produisent dans un bar à 5 minutes de chez eux, gratuitement, et en plus en leur fournissant gratuitement les albums !

 

Mais ce n'est pas comme cela que cela marche. La vie n'est jamais mal faite, la vie est production, elle se scinde, elle amène plein de choses nouvelles.

 

Et la jeunesse doit regarder autour d'elle et avoir confiance et conscience, car nombreux sont les Nick Drake aujourd'hui !

 

Et elle ne doit pas hésiter à porter un regard critique sur le passé, et justement si elle assumait et assurait, si elle regardait authentiquement le passé et non comme une fuite, elle trouverait Nick Drake, que dans le passé la jeunesse d'alors n'avait pas trouvé !

 

Et alors Nick Drake serait une actualité, malgré qu'il soit mort en novembre 1974 !

 

La jeunesse doit comprendre l'appel de Rimbaud : CHANGER LA VIE ! Elle doit se saisir d'un ouvrage aussi facile à lire et d'une force incroyable que « Stello » d'Alfred de Vigny.

 

Y sont décrits de manière courte la vie de trois romantiques, trois artistes rejetés par la société bien sûr et mourant tragiquement.

 

Seulement, ce qu'Alfred de Vigny et Rimbaud ne savaient pas, c'est que le socialisme permet aux artistes d'être eux-mêmes et elles-mêmes ! De vivre leur art, comme raconté par William Morris dans les « Nouvelles de nulle part » où chaque personne est artiste, conformément à ce qu'explique Karl Marx du communisme !

 

Dans « Stello », un jeune homme (Stello justement) se voit raconter le sort de Gilbert, rejeté par la monarchie absolue française, de Chatterton l'illustre poète anglais mourant de faim, d'André Chenier le poète royaliste rejeté par la République.

 

Et celui qui raconte, le Docteur Noir qui est en fait une sorte de médecin de l'esprit et qui veut guérir Stello de la mélancolie (les « diables bleus »), de conclure qu'il faut « séparer la vie poétique de la vie politique. »

 

Mais justement il ne faut plus, maintenant qu'on a le communisme, qui nous remet en rapport avec la nature, qui nous fait parler aux fleurs comme l'expliquait Rimbaud !

 

Que l'on pense à la fin tragique de Nick Drake, musicien talentueux mais rejeté par la société de par son apparente dimension non commerciale, musicien sombrant dans une dépression complète, finissant paralysé mentalement chez ses parents, mourant d'une surdose d'amitriptyline, un antidépresseur !

 

Mais l'art appelle l'art et Nick Drake ne peut pas mourir. Que l'on songe que le nom du groupe « The Cure » vient d'une chanson de Drake, justement.

 

« The Cure » a apporté une contribution essentielle à la sensibilité musicale par la fameuse « trilogie » consistant en trois albums, expressions terriblement tourmentés (Seventeen Seconds en 1980, Faith en 1981 et Pornography en 1982), ainsi que l'album très populaire (notamment en France Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me).

 

Le nom de « The Cure » vient de la chanson de Drake intitulée Time has told me (le temps m'a dit) :

 

Time has told me

You’re a rare rare find
A troubled cure
For a troubled mind.

Le temps m'a dit
Tu es une rare rare trouvaille
Un remède trouble
Pour un esprit troublé.

 

La musique de Nick Drake est en effet d'une grande fragilité, toujours en précaire équilibre face au tourment, avec un choix poétique des mots pour exprimer une grande sensibilité, la force d'une vie intérieure.

 

La chanson River Man est un de ses classiques ; elle est une expression très développée de ce qui passe dans l'esprit, des émotions que l'on peur ressentir, de justement ce qui fait peur à la jeunesse, qui préfère se noyer dans une consommation de mauvais films, de mauvaises séries, de mauvaises musiques, plutôt que de se confronter à cette réalité, et de chercher la libération, en assument le socialisme qui est le rapport harmonieux à la nature, à soi-même, à la société.

 

Betty came by on her way / Betty est venu par son chemin
Said she had a word to say / Elle a dit qu'elle avait un mot à dire
About things today / À propos de choses aujourd'hui
And fallen leaves. / Et de feuilles tombées.

Said she hadn't heard the news / Elle a dit qu'elle n'avait pas entendu les nouvelles
Hadn't had the time to choose / N'avait pas eu le temps de choisir
A way to lose / Une façon de perdre
But she believes. / Mais elle croit.

Going to see the river man / Aller voir l'homme rivière
Going to tell him all I can / Aller lui dire tout ce que je peux
About the plan / A propos du plan
For lilac time. / Pour un temps des lilas.

If he tells me all he knows / Si il me dit tout ce qu'il sait
About the way his river flows / À propos de la façon dont coule son fleuve
And all night shows / Et dont toute la nuit se montre
In summertime. / En été.

Betty said she prayed today / Betty a dit qu'elle a prié aujourd'hui
For the sky to blow away / Pour que le ciel soit soufflé
Or maybe stay / Ou peut-être qu'il reste
She wasn't sure. / Elle n'était pas sûre.

For when she thought of summer rain / Car, quand elle pensait à la pluie d'été
Calling for her mind again / Appelant à son esprit nouveau
She lost the pain / Elle a perdu la douleur
And stayed for more. / Et est resté pour plus.

Going to see the river man / Aller voir l'homme rivière

Going to tell him all I can / Aller lui dire tout ce que je peux
About the ban / À propos de l'interdiction
On feeling free. / De se sentir libre.

If he tells me all he knows / Si il me dit tout ce qu'il sait
About the way his river flows / À propos de la façon dont son fleuve coule
I don't suppose / Je ne pense pas
It's meant for me. / Que cela s'adresse à moi

Oh, how they come and go / Oh, comment ils vont et viennent
Oh, how they come and go / Oh, comment ils vont et viennent

 

Impossible, bien sûr de ne pas songer aux français Baudelaire et Verlaine, à l'autrichien Georg Trakl, à l'anglais Ian Curtis, chanteur de Joy Division.

Comparons par exemple le spleen de Baudelaire et ce que dit Drake. Baudelaire nous raconte :

 

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

 

Voici ce que dit Drake, dans le 'Cello song (chanson pour violoncelle), dans de magnifiques paroles :

 

You would seem so frail / Tu semblerais si frêle
In the cold of the night / Dans le froid de la nuit
When the armies of emotion / Lorsque les armées de l'émotion
Go out to fight. / Sortent pour le combat.
But while the earth sinks to its grave / Mais tandis que la terre s'enfonce dans la tombe
You sail to the sky / Tu navigues jusqu'au ciel
On the crest of a wave. / Sur la crête d'une vague.

 

Ou voici encore comment Georg Trakl raconte ses nuits blanches mélancoliques, dans le poème « Le sommeil » :

 

Soyez maudits, sombres poisons, 
Blanc sommeil 
Ce très étrange jardin 
D'arbres crépusculaires 
Empli de serpents, de phalènes 
D'araignées, de chauve-souris. 
Étranger ! Ton ombre perdue
Dans le couchant, 
Ténébreux corsaire 
Sur la mer salée de l'affliction. 
S'envolent des oiseaux blancs à l'orée de la nuit 
Sur l'écroulement des villes d'acier.

 

Cet esprit qui s'évade, qui s'éparpille, le socialisme le revendique ; le véritable romantisme ne sombre pas dans la nostalgie, il se transcende pour devenir une affirmation de la sensibilité, de la possibilité de la romance.

 

Voilà pourquoi il faut comprendre la porté de la description de la vie intérieure tourmentée, qui en dit long sur les exigences, l'appel au socialisme, le besoin de communisme compris par le PCMLM !

 

Il faut saisir de plain-pied la terrible souffrance de l'esprit, qui se dilue et s'éparpille jusqu'à la destruction. Nick Drake, nous raconte par exemple les pensées de Mary Jane :

 

Who can know /
Qui peut savoir
What happens in her mind /
Ce qui se passe dans son esprit
Did she come from a strange world /
Est-elle venue d'un monde étrange
And leave her mind behind /
Et a laissé son esprit derrière
Her long lost sighs /
Ses soupirs perdus depuis longtemps
And her brightly coloured eyes /
Et ses yeux de couleur vives
Tell her story to the wind. /
Raconte son histoire au vent.

Who can know /
Qui peut savoir
The thoughts of Mary Jane /
Les pensées de Mary Jane
Why she flies /
Pourquoi elle vole
Or goes out in the rain /
Ou va sortir sous la pluie
Where she's been /
Où elle a été
And who she's seen /
Et qui elle a vu
In her journey to the stars. /
Dans son voyage vers les étoiles.

 

Chaque jour qui passe nous rapproche de la reconnaissance de Nick Drake, de l'affirmation de la sensibilité, avec toutes ses variations, ses gammes, ses nuances. Et cette partition de la vie, le socialisme la rendra possible !

Publié sur notre ancien média: