De Notre-Dame de Paris à Racine, jusqu'à aujourd'hui
Submitted by Anonyme (non vérifié)La publication du dossier sur Racine est un événement important pour nos dossiers matérialistes historiques.
La publication du dossier sur Racine est un événement important pour nos dossiers matérialistes historiques.
Le français n'est ainsi pas une langue de savante construction comme l'allemand, ni de fulgurantes lancées comme l'italien ; il n'a pas non plus la ligne mélodique de l'anglais ou l'affirmation étoffée de l'espagnol. Il est avant tout un art - au sens d'une technique – d'expression. En France, on doit savoir parler comme on met la table, on doit savoir écrire comme on sait se tenir.
Les femmes sont en effet, chez Racine, le vecteur de l'affirmation de la vie intérieure.
La qualité de la tragédie de Racine tient à cette capacité à représenter la dynamique dialectique de la vie psychique ; tout se joue dans une série de nœuds contradictoires.
Le théâtre tragique de Racine s'inscrit dans une phase bien précise du mode de production féodale : la monarchie absolue, qui est son stade le plus élevé. Il correspond, pour en cadrer la situation historique particulière, au classicisme de la nation française s'étant formée au XVIe siècle.
L'espace de la tragédie fut le lieu parfait pour se faire rencontrer la vie intérieure et le néo-stoïcisme, car il est chez Racine dialectique.
C'est la vie réelle qu'entend montrer Racine et pour cette raison, si certains son troublés plus que d'autres, tous le sont. Le dérèglement est même la norme.
La tragédie de Racine s'inspire de la démarche grecque, mais la renverse dans le sens de la rationalisation ; il y a de l'émotion, mais l'ensemble n'est pas une sorte d'aventure métaphysique mystico-poétique.
Il est tout à fait logique que l'on retrouve chez Racine le même souci que chez La Bruyère et La Rochefoucauld, ou encore La Fontaine, à savoir la tendance à l’annulation de la contradiction. La monarchie absolue fait du roi une sorte de zéro absolu, absorbant l'affrontement entre aristocratie et bourgeoisie.
Racine s'est confondu avec sa mise à la disposition au service du néo-stoïcisme. Il n'a pas choisi d'affirmer la vie intérieure, en prenant son autonomie. Il a au contraire choisi la soumission.
Il est nécessaire d'expliquer le cadre particulier de l'activité de Racine, ce qui éclaire également sa soumission personnelle, en tant qu'intellectuel, à la monarchie absolue.
Racine est d'une certaine manière le premier écrivain à vivre de sa plume, si l'on met de côté Molière qui était également comédien. Mais il en vivait mal et sa marge de manœuvre financière était somme toute étroite. Cela a puissamment joué sur sa capacité à être corrompu.
Ne comprenant pas la question de la vie personnelle, de la vie intérieure telle que le protestantisme l'a exposée, le catholicisme, voire la société française, a eu du mal à saisir l'approche de Racine.
L'évolution musicale est-elle le fruit de génie intervenant de l'extérieur sur le domaine musical, ou bien est-elle inhérente à la musique, dans sa nature même s'exprimant comme expression culturelle propre à différentes sociétés ?
On peut se douter que l'écriture en contrepoint est extrêmement complexe, puisqu'il faut conjuguer plusieurs voix de telle manière qu'il en ressorte quelque chose de cohérent.
Jean-Sébastien Bach arrive à un moment historique où son activité peut être le produit de deux pôles contradictoires. Il y a, d'un côté, une véritable base luthérienne sur le plan musical.
Le première chose à saisir avec le naturalisme belge, c’est la nature élémentaire des besoins historiques aboutissant à sa naissance.
L’état d’esprit qui en forme la substance, c’est qu’on se penche vers la vie sociale, avec un certain romantisme national, bien que cela en reste à une dimension élémentaire ; la perspective est, raconte l’histoire nationale en cours, l’industrialisation et la vie quotidienne des paysans, dans un contexte très dur socialement, marqué par des modifications économiques profondes.
Le Parnasse est un mouvement littéraire ayant eu une importance capitale dans l'histoire idéologique et culturelle de la France. Il est le produit direct de la victoire de la bourgeoisie en 1848 ; il est le pas significatif pour s'arracher au réalisme et passer toujours plus dans le subjectivisme.
Une fois l'individualité affirmée, et la bourgeoisie basculant dans la décadence, il ne pouvait plus s'agir, en effet, de poser son individualité dans le monde, mais de faire du monde son individualité. C'est pourquoi le symbolisme et le décadentisme sont le prolongement naturel, dialectique du Parnasse.
Le terme de Parnasse désignant le mouvement provient d'une série de 18 recueils de poésie paru du 3 mars au 30 juin 1866, à l'initiative de Louis-Xavier de Ricard et Catulle Mendès, intitulée le Parnasse contemporain.
Le terme de « Parnasse » fait allusion au Parnasse de la mythologie de la Grèce antique, où Apollon vivait avec les neuf Muses, le terme étant par la suite utilisé en France pour désigner un rassemblement de poètes.
L'exotisme joue puissamment dans l'expression du Parnasse.
Le réactionnaire Maurice Barrès, dans Un voyage à Sparte publié dans La Revue des Deux Mondes en 1905-1906, constate cet étroit rapport entre célébration de la mystique de l'antiquité et prise de position républicaine.
Leconte de Lisle, auteur essentiel dans le Parnasse, oeuvra également à formuler la théorie républicaine - exotique du Parnasse.
Le régime bourgeois fit du Parnasse, à la fin du XIXe siècle, un élément-clef de son dispositif idéologique et culturel.
Ce qui a pu donner cette illusion de l'art pour l'art, c'est que le Parnasse c'est aussi l'art pour les artistes. Si Sully Prudhomme vise les masses, José-Maria de Heredia les lettrés ; il y a un contraste gigantesque entre les deux approches. C'est l'avènement de la sphère artistique autonome, auto-suffisante, autocentrée.
Georges Bernanos est, sans nul doute, le principal écrivain français de la première moitié du XXe siècle. La première raison qui témoigne de cela, c'est que la France, qui a en 1926 un peu plus de quarante millions d'habitants, est encore en majorité rurale (20,6 millions contre 19,8 millions).
Du point de vue du matérialisme dialectique, la partie historiquement progressiste de Georges Bernanos – une partie restreinte, mais de haute valeur, à l'instar de Pierre Drieu La Rochelle – peut être qualifié d'expressionniste, c'est-à-dire de chemin tourmenté, inabouti, vers la dignité du réel.
Si Georges Bernanos a pu écrire son œuvre, c'est pour une raison extrêmement simple : il était imprégné d'un questionnement spécifiquement luthérien.
Georges Bernanos est un partisan de l'intériorité subjective – mystique, mais il refuse toute affirmation qu'il voit comme une expression d'orgueil.
« C’est qu’il n’y a jamais eu qu’un seul matin, Monsieur le Chevalier : celui de Pâques. Mais chaque nuit où l’on entre est celle de la Très Sainte Agonie... »
Georges Bernanos regrette ce qu'il considère comme un manque de clairvoyance des soldats qui se sont sacrifiés au front de la guerre de 1914-1918.
Georges Bernanos ne voit plus de perspectives en 1918.
Georges Bernanos était antisémite, d'un antisémitisme compris comme une opposition à l'argent, directement associé ou plutôt assimilé aux Juifs.
On a ici une posture d'une dénonciation à la fois des masses et de la quantité, au nom d'une élite et de la qualité ; on a un rejet petit-bourgeois du développement des forces productives.
Georges Bernanos, de fait, a échoué à être un fasciste dans son époque, car il correspondait au fascisme français, qui n'a pas pu émerger directement en raison de la mortalité de la première guerre mondiale, s'affirmant par conséquent dans un foisonnement incessant durant les années 1920-1930 (de Georges Valois aux planistes, etc.).
Il est impossible de ne pas voir que, dans les faits, une partie significative du mouvement de mai 1968 correspondait à la démarche de Georges Bernanos.
De par sa démarche, Georges Bernanos rompait nécessairement avec l’Église catholique comme institution.
Tourner les choses dans tous les sens est prétexte chez Georges Bernanos à une approche mystique, l'empêchant de synthétiser la réalité, mais en même temps il parvient à s'arracher, à s'extraire de ce qui lui semble une voie de garage. Cette inquiétude permanente, existentielle bien plus qu'existentialiste, et à ce titre franchement expressionniste, en fait tout l'intérêt historique, toute la signification.
Il est courant d'assimiler le naturalisme à un simple prolongement du réalisme, un prolongement de type photographique. Rien n'est plus faux, car le naturalisme est un réalisme décadent. Là où le réalisme fait une synthèse, le naturalisme montre le tableau d'une expérience sociale. On voit aisément cette différence avec les deux tableaux suivants de Jean Geoffroy (1853-1924), le « peintre des enfants et des humbles » comme le précise l'épitaphe sur sa tombe au cimetière de Pantin, en banlieue parisienne.
Proche de Jules Bastien-Lepage, Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929) est un peintre qui témoigne de comment le naturalisme se détache du réalisme, tout en en retrouvant le chemin par moments.
Jean-Eugène Buland (1852-1926) utilisait également la photographie pour élaborer ses peintures ; il témoigne d'un style qu'il développe et qu'on considère aujourd'hui comme du « superréalisme », d'« hyperéalisme », etc., alors qu'en réalité on a quitté le terrain du réalisme.
Émile Friant est un peintre qui, s'il a ses défauts de par son naturalisme, la tonalité photographique, a une démarche possédant certains aspects solidement ancrés dans le réalisme.
Alfred Roll (1846-1919) témoigne tout à fait de comment le naturalisme, en raison de sa charge sociale contrôlée et de son réalisme non synthétique, pouvait tout à fait s'intégrer dans l'idéologie républicaine.
Paul Gondrexon, Paul-Louis Delance, Jules Adler ont réalisé quelques peintures engagées, mais les limites formelles reflètent une substance naturaliste incapable de faire face à la décadence anti-réaliste de la bourgeoisie.
Pierre Drieu La Rochelle dénonce Balzac et la raison sociale, mais son seul réel roman, Rêveuse bourgeoisie, se situe entièrement dans cette tradition. Il dénonce le raffinement pittoresque, mais c'est précisément le point faible de sa très grande nouvelle Le feu follet, qui décrit un dandy héroïnomane se précipitant dans le suicide.
Une œuvre artistique est une représentation ; sa substance est d’être le reflet d’une réalité donnée. Son expression appartient à un contexte donné, c'est-à-dire une époque, un cadre social, une culture particulière, un mode de production, à un stade de développement précis.
Sa réalisation est l'expression de la totalité de son époque ; l'artiste n'en est que le vecteur. Il sert d'interface à l'affirmation d'une synthèse de la réalité, posant un certain niveau de conscience à travers une représentation englobant différents aspects particuliers, tout en correspondant à l'ensemble...
Sorti en 1957, le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick ne fut pas distribué en France avant 1975, sous la pression des courants militaristes n'appréciant pas la représentation de la direction de l'Armée française qui y est faite.
Le film se fonde en effet sur le roman éponyme de l'américain Humphrey Cobb paru en 1935, lui-même reprenant le titre d'un tableau britannique éponyme de Christopher Nevinson, datant de 1917...
Le fait qu'aucun média d'extrême-gauche n'ait parlé du triste quarantième anniversaire de l'assassinat d'Andreas Baader, de Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe ne doit nullement étonner.
C'était déjà le cas il y a quarante ans, à part dans la mouvance appelée « l'autonomie ». Les autonomes français n'appréciaient pas idéologiquement la Fraction Armée Rouge, mais ils étaient solidaires. Ils en appréciaient l'esprit de rébellion, qui leur posait d'ailleurs un grand problème.
Il leur semblait étonnant, voire absurde, que des communistes soient en mesure de provoquer une telle rupture subjective. La première membre de la RAF exécutée par la police, Petra Schelm, était précisément ce qu'ils ne saisissaient pas : des prolétaires cherchant une vie alternative à travers le communisme, et non pas l'anarchisme...
Blade Runner 2049, suite du film Blade Runner sorti en 1982, n'est pas un grand succès en salles, malgré des commentaires dythirambiques de la presse, dythirambiques et unanimes. « Magnifique et cauchemardesque » dit Le Monde, correspondant bien à ce qu'on a pu lire dans la presse dans sa quasi totalité.
C'est que cette dernière, en effet, vit dans un univers mental bourgeois et elle a besoin de prétendre que le cinéma hollywoodien est encore capable de produire des choses de qualité. Elle est obligée de produire la fiction d'une non-décadence de la culture.
Mais, en réalité, quiconque porte un regard non corrompu sur Blade Runner 2049 sait bien qu'il n'a rien à voir avec Blade Runner, pour une raison très simple : l'incapacité du cinéma hollywoodien à assumer la lenteur...
Qu’est-ce que le suprématisme sur le plan pictural ? C’est là le cœur de la question, car il ne s’agit pas seulement d’une négation de ce qui est figuratif, il y a également la prétention d’ouvrir un nouvel horizon artistique.
Cette esthétique ne peut, selon Kasimir Malevitch, être que pure, c’est-à-dire d’un côté tendre à la couleur blanche, de l’autre consister en des surfaces, qui représentent une construction mentale...
La première exposition d’œuvres suprématistes eut lieu en décembre 1915, lors de la Dernière exposition futuriste 0.10, organisé par Ivan Pouni, connu ensuite en France sous le nom de Jean Pougny.
À cette occasion, Kasimir Malevitch présenta 39 œuvres, dont un Quadrilatère, qui fut désormais connu sous le nom de Carré noir. C'était le premier pas vers le carré blanc.
Il serait erroné, en effet, de penser que le suprématisme est un spiritualisme s'appuyant sur l'intuition et le subjectivisme...
Kasimir Malevitch (1878-1935) est un artiste russe d'origine polonaise qui a joué un considérable dans l'effondrement des arts et des lettres provoqué par le passage du capitalisme à son stade impérialiste.
Le carré blanc sur fond blanc, son œuvre la plus connue, n'est nullement une expérimentation artistique de type simpliste ; c'est au contraire l'aboutissement de tout un très long raisonnement dont le fondement est la séparation du corps et de l'esprit...
Nous sommes en 1616 lorsque Les Tragiques sont publiées, alors que Henri IV s'est fait assassiné en 1610, malgré qu'il ait abjuré le protestantisme en 1593. Son auteur, Théodore Agrippa d'Aubigné, figure du protestantisme et historiquement très proche de Henri IV, ne peut plus alors faire qu'un constat désabusé : « ce siècle n’est rien qu’une histoire tragique ».
Son parti, celui du calvinisme qui s'est lancé dans une grande offensive anti-cléricale, n'a pas réussi sa percée, alors que son chef même, son proche ami qu'il a toujours valorisé comme le chef des protestants, a capitulé pour devenir Roi. L’Édit de Nantes qu'il a formulé est d'ailleurs terriblement bancal et un piège se refermant sur les calvinistes...
Michel de Montaigne se donna comme devise et comme symbole une balance avec écrit « Que sais-je ? », question formée par Pyrrhon, le théoricien du scepticisme, qui appelle à tout remetre en cause. Toutefois, rien de baroque chez Montaigne ; il ne s'agit pas de nier la vérité. Il s'agit de reconnaître qu'elle est mouvante, qu'elle est de nature politique. Il faut savoir gérer et pour cela il faut savoir évaluer. La philosophie de Michel de Montaigne, s'il fallait la résumer, consiste en une apologie de l'évaluation.
Les situations changeant toutes – Michel de Montaigne ne peut pas comprendre le matérialisme dialectique encore, historiquement – il ne donne pas un manuel, par conséquent, mais des pistes, des exemples, afin de s'inspirer, d'être capable de soupeser, d'évaluer...
Récapitulons : Michel de Montaigne est un averroïste politique. Il appuie la faction dite des politiques, car elle lui semble le plus propice à la mise en avant du matérialisme, au moins relativement. Pour ce faire, il écrit des Essais où il dit tout et son contraire, afin de feindre l'incohérence pour mieux développer des thèmes laïcs et matérialistes sans que cela soit ostensible. Il s'oblige à saluer le catholicisme, mais ses raisonnements et sa culture puisant dans une Antiquité gréco-romaine est entièrement politique et morale, et nullement catholique.
Pour ce faire, il prétend uniquement être un naïf tourné vers l'esprit pratique ; il se veut candide : « Ma philosophie réside dans l’action, dans la pratique naturelle et immédiate, peu dans la spéculation. Ah ! Si je pouvais prendre du plaisir à jouer aux billes et à la toupie ! »...
Dans sa défense de Raymond Sebond, Michel de Montaigne ne parle donc pratiquement pas de Raymond Sebond. Il y parle toutefois extrêmement longuement des animaux. Raymond Sebond considérait que la religion et la Nature disaient la même chose ; quand on lit Michel de Montaigne, on a bien plutôt l'impression que l'être humain est un animal comme les autres, tout à fait dans la tradition du matérialisme. La manière avec laquelle il aborde la question des animaux est clairement athée.
Il a une réelle compassion pour les animaux, qu'on ne trouve que dans l'athéisme, qui célèbre la vie en général...
Le passage le plus connu des Essais touche, paradoxalement, la religion. Michel de Montaigne y prend la défense de Ramon Sibiuda (vers 1385 - 1436), un théologien catalan, dans un chapitre très long, bien plus long que les autres. Il semble dédié également à Marguerite de Valois, fille de Henri II et de Catherine de Médicis, femme d’Henri de Navarre, le futur Henri IV.
Ce qui est très paradoxal, c'est que Michel de Montaigne raconte un nombre incroyable de choses dans ce chapitre, mais en tout cas pas de Raymond Sebon. Il raconte avoir traduit une œuvre de Raymond Sebond à la demande de son père, qui s'y intéressait. C'est peut-être une couverture : Raymond Sebond considère en fait, dans la logique de la Renaissance, que la religion et la nature disent la même chose, que donc les sciences naturelles sont un moyen de retomber en quelque sorte sur la religion. C'est le fameux principe averroïste de la double vérité...
Avoir son avis pour soi, c'est forcément pratiquer la double vérité : on apparaît d'une certaine manière, aux yeux de l'Église, mais on a un avis personnel. Les commentateurs bourgeois ne sont jamais arrivés à trancher sur le caractère religieux ou non de Michel de Montaigne. Tout comme pour Molière, ils soupçonnent l'athéisme, mais ils voient que dans sa vie, Michel de Montaigne a respecté la religion, que dans les Essais le catholicisme est mis en avant. Ils ratent en fait le principe averroïste de présenter de manière indirecte les thèses de l'athéisme, en raison de la censure et de la répression.
On sait que chaque page des Essais contient une ou plusieurs citations d'auteur de l'antiquité, qu'il s'agit d'une oeuvre de réflexion, avec un regard critique sur soi-même. Il y a de la curiosité, un travail réel qui est fait. Or, Michel de Montaigne explique que pour apprécier la religion, il ne fait pas juger, il faut être pratiquement idiot...
Michel de Montaigne est donc prisonnier d'une contradiction : il veut des consciences organisées, mais a une lecture pessimiste de la nature humaine.
N'étant pas calviniste, il ne croit pas en la rationalité de tout un chacun. Il représente uniquement les intérêts rationalistes de l'appareil d'État. C'est l'averroïsme politique au sens strict.
Ce faisant, Michel de Montaigne n'a pas le choix : il va attribuer à son époque les faiblesses empêchant l'avènement de ce qu'il conçoit...
L'averroïsme politique prône la rationalité, et donc, avec la critique de l'Espagne catholique et la séparation de l'Église et de la pensée d'État, on trouve le rejet des superstitions et de la torture. Cela témoigne du fait que sur le plan de la civilisation, la monarchie absolue représente une étape nouvelle.
Parmi les superstitions, Michel de Montaigne classe bien entendu la confiance aveugle en les médecins. Ce qui est préfiguré ici, c'est la critique de Molière. Voici comment Montaigne se moque de la nature des médicaments proposés : « Même le choix qu’ils font de leurs drogues a quelque chose de mystérieux et de divin. Le pied gauche d’une tortue, l’urine d’un lézard, lafiente d’un éléphant, le foie d’une taupe, du sang tiré sous l’aile droite d’un pigeon blanc...»
S'il est inconséquent avec le calvinisme en raison de son averroïsme politique, on comprend d'autant mieux le choix de Michel de Montaigne de parler de l'Amérique. On sait à quel point Montaigne est choqué, ému quand il parle de la situation là-bas. Il constate ainsi :
« Peu importent leurs noms [de certains peuples des Indes nouvelles], car ils n’existent plus; la désolation due à cette conquête, d’un genre extraordinaire et inouï, s’est étendue jusqu’à l’abolition complète des noms et de l’ancienne topographie des lieux. »
C'est que le thème du nouveau monde découvert n'est pas qu'un prétexte à un discours faisant une réflexion sur la culture, la nécessité de prendre position de manière adéquate, etc. Il y a à l'arrière-plan une dénonciation indirecte de l'Espagne catholique...
Pourquoi Michel de Montaigne n'a-t-il pas choisi le camp des calvinistes ? C'est une question essentielle, qui puise sa racine dans la situation de la France au moment d'Henri IV et de l'Édit de Nantes.
Les commentateurs bourgeois considèrent que Michel de Montaigne a une visée introspective : c'est sur lui qu'il réfléchit, c'est de lui-même qu'il parle, il est sa propre fin. Ce n'est pas du tout le cas ; il y a une véritable conception générale qui se forme ici. Michel de Montaigne formule la théorie de la conscience, de la psychologie, propre au néo-stoïcisme qui est l'idéologie de la monarchie absolue. Sans Michel de Montaigne, on n'a par la suite ni René Descartes, ni Jean Racine. C'est un fait indéniable et les jansénistes l'auront très bien compris, Blaise Pascal se chargeant d'attaquer Michel de Montaigne et sa conception de la conscience.
Le premier aspect de la conscience définie par Montaigne est nécessairement celle de l'autonomie. On doit bien voir que le néo-stoïcisme est obligé, pour avoir un effet, d'emprunter une partie de la conception calviniste, afin de justifier l'action sur le monde. Montaigne utilise donc l'antiquité gréco-romaine pour mettre en avant l'idéal d'un être conscient de lui-même, capable de choix par lui-même...
Si les Essais de Montaigne sont si connus, ce n'est pas seulement parce qu'il fait l'éloge des politiques face aux factions. Il synthétise également leur style, en s'appuyant sur le stoïcisme. Cette philosophie de l'antiquité considère que le destin existe et est inévitable : on peut accepter les faits ou les refuser, ils n'en sont pas moins là, il faut faire avec. Tout semble donc relativement imprévisible dans une bonne mesure.
Michel de Montaigne travaillait dans sa bibliothèque, dans une tour de son domaine et y avait fait graver des phrases sur les poutres et les solives du plafond. On lit ainsi cette citation de Pline :
« Il n’est rien de certain que l’incertitude, et rien de plus misérable et de plus fier que l’homme. »
On y lisait aussi cette sentence de Sextus Empiricus :
« Il n’y a aucun argument qui n’ait son contraire, dit la plus sage école philosophique. »...
Michel de Montaigne vit à une époque de guerre civile ; on ne peut pas comprendre les Essais si on ne comprend pas qu'il tente de formuler un style qui corresponde aux politiques, la faction qui prône la stabilité de l'État au-dessus de tout.
Voici comment il présente la situation politique de son époque :
« En temps ordinaire, quand tout est tranquille, on se prépare à des événements modérés et courants ; mais dans la confusion où nous nous trouvons depuis trente ans, tout Français est à chaque instant sur le point de voir basculer son destin en particulier comme celui de la société toute entière... »
Michel de Montaigne s'appuie donc sur Plutarque, en empruntant massivement à sa traduction réalisée par Jacques Amyot. Mais ce n'est pas tout, il emprunte également énormément à Sénèque.
Or, justement, les œuvres de Plutarque traduites par Jacques Amyot ont eu un retentissement gigantesque sur la sphère intellectuelle française à leur parution ; les tragédies françaises qui apparaissent puisent régulièrement en elles, ainsi que dans une autre grande référence : Sénèque, justement.
Michel de Montaigne est ainsi pratiquement au démarrage de la grande vague « néo-stoïcienne » reprenant les questions de morales telles que comprises par Plutarque et le stoïcien Sénèque...
Michel de Montaigne appartient au camp des politiques, qui entendent préserver la loyauté et la légitimité du régime face à tout trouble ; l’État prime sur tout. À ce titre, Michel de Montaigne n'est pas un réel humaniste : s'il était conséquent, il prendrait partie pour les calvinistes, qui représentent le camp du progrès.
Socialement, Michel de Montaigne (1533-1592) est exemplaire du penseur au service de la monarchie absolue. Il appartient à une famille de négociants ayant fait fortune à Bordeaux, appelée les Eyquem, qui acheta la petite seigneurie périgourdine de Montaigne et se fit anoblir. Le père de Michel de Montaigne, dans ce processus, abandonna le commerce et participa à des campagnes militaires, avant de grimper les échelons municipaux, jusqu'à devenir maire de Bordeaux.
La logique de ce processus est résolument au service de l’État et de son idéologie. Ce n'est pas la religion qui domine, mais la figure de l'individu qui administre dans un cadre social précis...
Il y a cent ans, Marcel Duchamp a ouvert symboliquement toute une nouvelle époque. C'était la fin, du côté de la bourgeoisie, de toute prétention de rationalisme, d'objectivité, d'objectivisme dans le sens de la représentation des objets.
Parallèlement au développement impétueux des forces productives, la bourgeoisie a définitivement abandonné tout sens du réalisme, d'universalisme, de collectivisme, étant donné que ces valeurs relevaient maintenant de la substance d'une forte classe ouvrière...
Les Fables ont un double caractère : d'un côté, elles sont individuellement chacune un portrait, de l'autre elles forment un ensemble posant une certaine réflexion philosophique sur la vie.
Quel est l'aspect principal ? Il y a ici deux approches possibles.
Soit on les prend isolément, en les considérant une par une, ce qui a été la norme jusqu'à présent, en raison de l'esprit étroit propre à la bourgeoisie, qui a cherché à diviser l'oeuvre pour trouver, de manière pragmatique, une utilité particulière à chacune d'elle...
Jean de La Fontaine a tenté de formuler sa conception de la dignité des animaux, dans un texte en vers placé dans les Fables, sous le couvert d'un discours à Madame de la Sablière.
Celle-ci l'a hébergé de 1673 à 1693, et en plus de saluer sa protectrice, il développe toute la philosophie matérialiste concernant les animaux.
Voici l'extrait concerné, relativement ardu de par sa forme ornementale typique du XVIIe siècle et convenant bien plus aux fables qu'à la littératures d'idées...
Jean de La Fontaine avait conscience de la limite de sa démarche et il a tout de même tenté d'y faire face, en promouvant la dignité du réel.
Dans ses Fables, les animaux ne sont pas que des masques des hommes ; ils ont leur dignité, un animal peut tout à fait être une « mère éplorée », les sentiments eux-mêmes sont présents, comme dans la fameuse fable des deux pigeons.
Celui qui s'ennuie regrette amèrement d'être parti et d'avoir abandonné son amour par folie des grandeurs ; c'est là une des plus belles si ce n'est la plus belle fable de Jean de La Fontaine, qui dépasse en fait d'ailleurs l'approche propre à une fable (des sauts de ligne sont ajoutés pour faciliter la lecture)...
Quand on regarde une fable de Jean de La Fontaine et qu'on veut en saisir le sens, il faut discerner de laquelle des trois approches possibles elle relève.
Jean de La Fontaine ne parvient pas à choisir entre un néo-stoïcisme austère appelant au repli sur soi, une philosophie de l'attitude raisonnée dans quoi qu'on fasse et enfin une dénonciation pratiquement matérialiste de l'émergence du capitalisme.
D'où provient l'existence de ces trois approches, qui n'en sont en fait que deux comme on va le voir ?...
Ce qui est frappant chez Jean de La Fontaine, c'est ainsi un certain pessimisme, fondé sur un regard critique des mœurs de son époque.
En fait, les rapports marchands sont particulièrement présents dans les Fables, la raison en est simple : tout comme chez Jean de La Bruyère et François de La Rochefoucauld, on a la constatation de la prégnance toujours plus forte de la tendance capitaliste...
Ce qui caractérise l'idéologie de la monarchie absolue, c'est le néo-stoïcisme. Il faut savoir accepter son sort, lié à un ordre inné décidé par une puissance supérieure ; cette acceptation va de pair avec le fait de voir le bon côté des choses, tout en acceptant passivement un aspect négatif.
Cette idéologie bien spécifique traverse toutes les Fables et est propre à leur approche, ce qui fait d'ailleurs qu'elles ne parviennent pas à un enseignement d'ordre général, se contenant de faire passer un message par fable, avec la morale à la fin qui vise à atténuer les comportements du lecteur, en le menaçant d'une catastrophe s'il agit de manière démesurée...
Si l'on porte son attention quant à la genèse des Fables, on peut voir qu'il y a 240 fables, réparties dans douze livres.
Le XVIIe siècle est le « grand siècle » de l'histoire de France ; il est le moment-clef où la nation se forme après qu'ait été établi ses fondements au XVIe siècle, avec François Ier. Ce dernier a en effet constitué une entité étatique solide, fixant les frontières de manière strictement organisée et posant une langue comme dénominateur national.
La vie économique se développe de manière générale en s'appuyant sur la capitale maintenant une centralisation de l'ensemble de la culture, aboutissant à formation psychique française se développant par la culture...
L'hebdomadaire L'Obs, nouveau nom du Nouvel Observateur, a consacré un numéro à Emmanuel Macron. Ce dernier en a profité pour tenir de nouveau des propos dont la teneur est la même que lors de son meeting à Lyon il y a peu : il n'y aurait pas de culture française.
Voici comment il expose sa ligne cosmopolite correspondant aux intérêts d'un capitalisme qui veut des consommateurs, pas des gens s'épanouissant dans la culture.
«Votre programme culturel, de l'éducation artistique pour 100 % des enfants au pass de 500 euros à 18 ans, rappelle les principes de Jean Vilar. Le patron du TNP et compagnon de route des communistes tenait que « le théâtre est un service public, comme le gaz, l'eau, l'électricité »...
Tintin passera dans le domaine public en 2054 et les ayants droits ont un objectif très simple : faire en sorte qu'il devienne une figure du même type que Mickey, afin de maintenir des droits d'auteurs au moyen de la défense des « traits » du personnage, tant graphiquement que sur la plan de la personnalité, de la psychologie, etc.
C'est le sens de la publication de la mise en couleurs de Tintin au Pays des Soviets, célébré en fanfare dans les médias, mais critiqué comme absurde par Alain Baran, secrétaire personnel de Hergé pour les cinq dernières années de sa vie...
« La première fois tu m'as fait beaucoup rire
Tu étais si mignon et tu jouais du piano
Maintenant, mon meilleur ami c'est l'argent
Au revoir, chéri
Au revoir, mon amour »
Telles sont les paroles laissées sur un répondeur téléphonique, en français, dans la chanson Battlestations du groupe Wham !, la première démarche musicale de George Michael, décédé hier...
Le romantisme est, de fait, une démarche mystico-religieuse laïcisée. Au lieu d'avoir comme par le passé des prophètes prétendant exprimer de manière mystico-religieuse l'insatisfaction par rapport à la réalité, on a des individus affirmant leur « moi » tourmenté comme preuve de l'inadéquation de la réalité avec les possibilité d'une vie harmonieuse.
Firewatch est un jeu vidéo sorti en février 2016 qui a rencontré un grand succès auprès d'une partie des critiques de jeux vidéos, bien qu'il soit méconnu du grand public (500 000 copies du jeu furent cependant vendues dès le premier mois).
Le principe du jeu consiste à passer l'été 1989 seul dans un poste de surveillance d'incendie de la Forêt nationale de Shoshone qui borde le Parc national de Yellowstone aux État-Unis d'Amérique. On y incarne Henry qui est là pour fuir des problèmes personnels et on peut se déplacer librement sur la carte correspondante à la partie de la forêt que l'on est censé surveiller...
Otto Wagner (1841-1918) n'appartient pas directement à la Sécession, mais sa trajectoire est directement parallèle et il l'a soutenue de très près, défendant, de fait, les mêmes positions.
Toutefois, il existe une profonde nuance, dans la mesure où la Sécession était principalement liée à la bourgeoisie qui était son soutien financier, alors qu'Otto Wagner était en plus de cela lié à la monarchie tendant à être absolue...
La contradiction fondamentale au sein de la Sécession ne manqua pas de faire imploser celle-ci rapidement ; Ver Sacrum n'eut, de fait, que 12 numéros. La Sécession en tant qu'association prolongea son existence, mais elle n'avait été qu'une étape affirmative.
En l'absence de solution national-démocratique en Autriche même, la tendance exigeant la généralisation de l'art forma son propre mouvement dès 1903, les Wiener Werkstätte, les « ateliers viennois »...
Dans sa revue Ver Sacrum, les articles tendant à exposer une réalité plus qu'à se justifier idéologiquement. Le tempo de la vie exige des formes nouvelles et l'artiste est une figure réelle et activiste, désireuse de produire, conformément à son époque.
L'arriération de la culture autrichienne – désignée telle quelle, nationalement, à l'opposé de la culture allemande donc – est intolérable, car ne permettant pas de se conformer à ce rythme moderne...
A partir du moment où l'être humain a commencé à travailler, c'est-à-dire à interagir de manière technique avec la nature, son esprit s'est agrandi, c'est-à-dire que ses raisonnements ont été toujours plus nombreux, parallèlement à la transformation matérielle de la réalité.
La nature de ces raisonnements n'acquière une dimension authentiquement matérialiste qu'avec l'émergence de la bourgeoisie ; le caractère dialectique de ce matérialisme apparaît avec la classe ouvrière.
Pour cette raison, les reflets de cette transformation dans l'esprit ont pu prendre, avec le matérialisme et le matérialisme dialectique, une nature troublée, brumeuse, déformée...
Né en 1860 en Moravie, Alfons Mucha est un artiste très célèbre en France, ayant vécu longtemps à Paris, où il a réalisé notamment de nombreuses affiches, au style éminemment reconnaissable. Résumer le style Mucha à une approche simplement art nouveau serait une profonde erreur, aussi y a-t-il lieu de se pencher sur ses ressources artistiques, tenant au foklore national tchèque.
Initialement artiste autodidacte, car se voyant refuser par les écoles d'art, il commence une carrière à Vienne, puis Mikulov, avant d'aller étudier à l'académie des arts de Munich, tout en faisant partie de l'association artistique tchèque locale, la Škréta, spolek mladých českých výtvarníků v Mnichově, fréquenté également par des artistes d'Europe de l'est en général...
Quand on s'intéresse à Gustav Klimt, il faut comprendre que tout comme avec Alfons Mucha, on n'a pas affaire en tant que tel à des peintres, mais à des décorateurs.
Les ambulants, en Russie, étaient issus d'une petite couche cultivée liée à une bourgeoisie bien trop faible, les amenant à assumer entièrement la dimension démocratique, se tournant vers la réalité du peuple...
La nature de la Sécession viennois naissant à la fin du XIXe siècle se lit parfaitement quand on connaît l'évolution des forces ayant soutenu ce mouvement, dont le symbole est le « ring ».
Terme signifiant anneau en allemand, il désigne ici une avenue circulaire entourant le centre-ville, à l'emplacement des anciennes fortifications, sur pratiquement cinq kilomètres, pour une largeur d'un peu moins de 60 mètres...
La Russie avait, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, connu le mouvement des peintres ambulants, issu de la volonté d'artistes d'aller dans le sens démocratique. Pour cette raison, la monarchie tendant à être absolue a en partie soutenu ce mouvement contre la féodalité, tout en le réfutant en partie en raison de sa base démocratique, son orientation populaire.
L'Autriche-Hongrie connaissait une situation exactement similaire, avec une monarchie tendant à être absolue, se débattant contre la féodalité et les forces catholiques. On y trouve, dans un esprit parallèle aux ambulants russes, mais largement différent pour des raisons historiques, un mouvement d'artistes s'orientant vers la démocratie : le mouvement de la Sécession...
Le Discours de la servitude volontaire est incompréhensible sans saisir la définition de la nature humaine qu'on y trouve. S'il est parlé de servitude volontaire, c'est qu'à la suite d'Aristote et de l'averroïsme, la pensée est considérée comme une page blanche.
On est ici très proche de la théorie matérialiste dialectique du reflet...
Dans le Discours, il est expliqué que les aides les plus proches du tyran sont aisément sacrifiables et sacrifiés :
« Qu’on parcoure toutes les anciennes histoires, que l’on considère et l’on verra parfaitement combien est grand le nombre de ceux qui, étant arrivés par d’indignes moyens jusqu’à l’oreille des princes, soit en flattant leurs mauvais penchants, soit en abusant de leur simplicité, ont fini par être écrasés par ces mêmes princes qui avaient mis autant de facilité à les élever qu’ils ont eu d’inconstance à les conserver. »
Cela tient à la nature même du tyran, qui par définition pratique la terreur permanente pour s'imposer toujours de nouveau, cherchant à apparaître comme incontournable...
Dans le Discours de la servitude volontaire, on trouve une grande réflexion sur les aides administratives et techniques dont dispose le tyran. Ce dernier profite du soutien d'une poignée de gens, qui sont au coeur de ce que nous devons désormais appeler l'appareil d’État.
Voici comme est présenté le « secret » de l'existence même de la domination du tyran : déjà, il ne s'agit pas du pouvoir armé...
Le Discours de la servitude volontaire dénonce les superstitions, tout le folklore utilisé par le puissants pour justifier leur parasitisme général. Redonnons un exemple parlant :
« Le premiers rois d’Égypte ne se montraient guère sans porter, tantôt une branche, tantôt du feu sur la tête : ils se masquaient ainsi et se transformaient en bateleurs.
Et pour cela pour inspirer, par ces formes étranges, respect et admiration à leurs sujets, qui, s’ils n’eussent pas été si stupide ou si avilis, n’auraient dû que s’en moquer et en rire. »
Nous avons donc une œuvre, le Discours de la servitude volontaire, qui dénonce non pas une forme générale de pouvoir comme la monarchie, mais bien spécifiquement la tyrannie. Il est parlé du pouvoir et ce sont des exemples historiques qui sont donnés, mais on peut très bien appliquer ce qui est expliqué à l’Église catholique et dénoncer le Pape, pour aboutir à une forme d'organisation comme celle des protestants.
Cet appel à rejeter la tyrannie s'appuie, par ailleurs, sur un principe d'autonomie individuelle propre au protestantisme et à l'humanisme...
Comme on le sait, la monarchie française s'est fondée en lien étroit avec la religion. C'est un processus qui prolonge les périodes romane et gothique.
Ainsi, la légende catholique veut que Clotilde la femme de Clovis, alla prier avec un ermite, dans la forêt de Cruye (désormais forêt de Marly), lorsqu'un ange apparut et lui demanda de remplacer les trois crapauds de l'écusson royal par trois fleurs de lys en or.
On retrouve par la suite la fleur de Lys à l'époque de la dynaste carolingienne (à la suite de Charlemagne), avant d'être officialisé en tant que tel par Louis VII le Jeune au XIIe siècle. Il semble bien cependant que le nombre de trois fleurs de lys fut décidé par Charles V le Sage au XIVe siècle, en référence à la « Sainte Trinité »...
On se souvient que Michel de Montaigne avait prétendu dans les Essais que le Discours de la servitude volontaire était une sorte d'écrit de jeunesse d'Etienne de La Boétie, qui serait sans prétention, juste un exercice de style ayant comme but de témoigner de la connaissance de l'histoire de la Grèce et de la Rome antiques.
C'est clairement un masque pour une tentative d'analyse du principe d'opinion publique. L'auteur du Discours fait exactement comme l'auteur des Essais : il propose, soupèse, fait des digressions… Il n'y aucune rupture entre le Discours et les Essais à ce niveau...
Dans le Discours de la servitude volontaire, on trouve cet appel pathétique :
« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! c’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel...»
Lorsque dans les Essais, Michel de Montaigne annonce que c'est Etienne de La Boétie qui a écrit le Discours de la servitude volontaire, il fait une révélation à laquelle personne ne s'attendait. En feignant d'avoir voulu le publier, mais de ne plus le pouvoir, il attire l'attention de manière précise dessus.
En plaçant 29 poèmes à la place du Discours, il souligne bien l'importance de ce dernier, par son absence dont il est pourtant parlé, et qu'il faut même combler. En en parlant au sein d'un vaste discours philosophique sur l'amitié, il se couvre : s'il parle du Discours de la servitude volontaire, ce n'est qu'en référence à son ami… qui fut comme une partie de lui-même... Michel de Montaigne a de plus bien souligné par ailleurs qu'il a connu Etienne de La Boétie parce qu'il avait connu son Discours…
Toute l'interprétation bourgeoise du Discours de la servitude volontaire s'appuie sur ce que prétend Michel de Montaigne dans ses Essais. Or, on va vite comprendre qu'il serait très naïf de le faire.
Il dit au chapitre 25, au détour d'un passage n'ayant rien à voir :
« Ainsi ce mot de lui [c'est-à-dire Plutarque], selon lequel les habitants d’Asie étaient esclaves d’un seul homme parce que la seule syllabe qu’ils ne savaient pas prononcer était « non », et qui a peut-être donné la matière et l’occasion à La Boétie d’écrire sa « Servitude volontaire ». »..
Le thème du Discours de la servitude volontaire d'Etienne de La Boétie est simple : le peuple accepte un régime en lequel il ne croit pas ou ne devrait plus croire, par la force de l'habitude. Nicolas Machiavel en Italie à la même époque avait raisonné au sujet de cette question de l'opinion publique, tout comme Kautilya en Inde au IVe siècle avant Jésus-Christ. Cependant, Machiavel et Kautilya s'adressaient au Roi, tout au moins le prétendaient-il.
Or, le Discours de la servitude volontaire parle du peuple, en espérant faire réagir les couches intellectualisées non liées au « tyran ». C'est précisément la position de Jean Calvin...
Nous sommes au XVIe siècle et en août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy propage une violente onde de choc anti-protestante. La terreur catholique s'instaure, sanglante.
Voici comment l'un des plus grands juristes de l'époque,François Hotman, témoigne de son émotion dans une lettre du 30 octobre 1572, alors qu'il se réfugie à Genève :
« Hier soir, je suis arrivé ici, sauvé par la Providence, la clémence et la miséricorde de Dieu, échappé au massacre, œuvre de Pharaon…
L'Inde est un pays culturellement plein de richesses, et comment est-il possible de ne pas tomber dans la confusion devant une telle profusion ?
Voilà pourquoi il y a besoin d'une clef pour avoir accès à l'âme nationale indienne, pour comprendre l'Inde au-delà de la multitude des expressions dans la littérature, la danse, la musique, l'architecture, etc...
C'est un phénomène connu du matérialisme dialectique que le petit-bourgeois pris de rage devant le capitalisme le prolétarisant, mais incapable de passer dans le camp du socialisme de par sa propre base sociale liée au capitalisme.
Obligé de trouver une vision du monde conforme à ses intérêts, le petit-bourgeois invente alors des conspirations organisées par une oligarchie empêchant le capitalisme d'être ce qu'il est censé être : naturellement équilibré, sans monopoles, etc...
Le matérialisme dialectique considère que l'esprit est façonné par la réalité, c'est-à-dire que les pensées ne sont que le reflet, plus ou moins synthétisé, de la matière.
C'est le propre du matérialisme, dans son opposition à l'idéalisme, de réfuter la théorie du « libre-arbitre », de la spiritualité, et ce au profit de la seule réalité matérielle...
L'approche de Luigi Pirandello en littérature, dans le roman et le théâtre, trouve son plus proche parent dans le futurisme, un mouvement artistique fondé et dirigé de manière despotique par Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944).
Ce dernier puise directement dans le symbolisme-décadentisme, mais de par les particularités italiennes, cela se transforme non pas en élitisme de la mise à l'écart esthétisante des artistes, mais par l'appel à la prise de contrôle des destinées artistiques du pays...
La France a toujours possédé des liens étroits avec l'Italie. C'est une nation en quelque sorte cousine, si ce n'est sœur, et il est considéré que finalement la différence entre Français et Italiens ne tient qu'à quelques différences de tempérament, de mentalités. Historiquement, la figure de Benito Mussolini n'a ainsi jamais pu être prise au sérieux en France, pays où le classicisme et les Lumières ont amené une exigence de propreté formelle, de linéarité dans l'expression.
Benito Mussolini apparaît pour cette raison, comme une figure de la commedia dell'arte, qu'on ne peut pas prendre au sérieux. Le fascisme italien est dévalué comme une sorte d'aventure foklorique propre à l'Italie, à placer au même niveau que les simulations des joueurs italiens de football ou les frasques de Silvio Berlusconi, l'entrepreneur qui a dirigé l'Italie pendant de longues années...
Le premier point qu'il faut comprendre au sujet du réalisme en peinture en France au XIXe siècle est qu'il n'y a pas eu de mouvement réaliste, seulement une tendance. Cette tendance a été relativement puissante selon les moments et est indéniablement liée aux luttes de classes, avec les chocs populaires de 1848 et de 1871, avec également en perspective la lutte anti-aristocratique de la bourgeoisie elle-même.
Pour cette raison, le second point à comprendre est qu'il existe au sein du réalisme français en peinture deux aspects : le premier est populaire, allant au typique, dans un esprit synthétique, le second étant bourgeois, allant au particulier, dans un esprit expérimental...
Avec Jules Breton (1827-1906), on a un titan du réalisme. Il est intéressant de voir comment Emile Zola l'attaque pourtant, à l'occasion de l'exposition de 1878, en rejetant ce qui serait un réalisme idéalisé :
« Jules Breton, de son côté, s'est acquis une célébrité en peignant des paysannes idéales. Il faut voir au Champ-de-Mars les beautés qu'il habille de toile grossière et qui ont l'allure de déesses. » ...
Beau soir d'hiver
La neige - le pays en est tout recouvert -
Déroule, mer sans fin, sa nappe froide et vierge,
Et, du fond des remous, à l'horizon désert,
Par des vibrations d'azur tendre et d'or vert,
Dans l'éblouissement, la pleine lune émerge...
Le réalisme est, au XIXe siècle, incontournable pour la bourgeoisie elle-même.Voilà pourquoi on voit le réalisme émerger comme tendance, y compris très partiellement chez des auteurs ne participant pas à cette tendance. Il est impossible de comprendre Le spleen de Paris de Charles Baudelaire sans voir que la démarche est authentiquement réaliste, avec une prose portraitriste absolument éloignée des rimes décadendes des Fleurs du mal. Il en va de même chez de nombreux peintres alors.
Si l'on prend le peintre Édouard Debat-Ponsan (1847-1913), qui a été un éclectique fréquentant la haute bourgeoisie et les grandes figures politiques bourgeoises, on retrouve tout de même chez lui parfois une approche authentiquement réaliste, comme ici, avec Coin de vigne, de 1886, ou bien d'un réalisme bien plus élémentaire, une facture bien plus académique, avec Au puits (1888), Repos dans les champs, Le repos du bouvier (1893), Flirtant (1896), Le dépiquage au rouleau de pierre (1892)...
Léon Lhermitte (1844-1925) est une très haute figure du réalisme du XIXe siècle en France. Né en Picardie, dans l'Aisne, il put mener une véritable carrière d'artiste reconnue, bien que son réalisme le fit cataloguer comme passéiste et l'amena à sombrer dans l'oubli lorsque le modernisme triompha entièrement dans la bourgeoisie.
Dans la seconde partie du XIXe siècle, de par les contradictions historiques, la bourgeoisie ne fut pas en mesure de nier l'activité de Léon Lhermitte, alors que faisait encore rage le conflit avec l'aristocratie. Il reçut la grand médaille à l'exposition universelle de 1889, la légion d'honneur en 1884 puis devint commandeur de la Légion d'honneur en 1910, il participe comme jury à l’Exposition universelle de 1900 à Paris, etc...
Georges Laugée (1853-1937) est un peintre très intéressant de par son réalisme également dévoyé, typiquement dans l'esprit français d'une portraitisation « naturaliste » - au sens de Zola – d'une scène, c'est-à-dire dans le sens de l'expérience, de l'expérimentation, et non du synthétique.
Ce qui rend la peinture de Georges Laugée si particulière, c'est sa dimension démocratique, qui a certainement à voir avec son intérêt pour l'Aisne en Picardie (avec Saint Quentin et Nauroy) ou son ouverture d'esprit, son mariage se faisant dans le rite protestant à la demande de sa femme...
Gustave Courbet n'a pas été en mesure de maintenir son réalisme et cela fut également le cas pour toute une série d'autres peintres. On sent ici qu'il a manqué toute une maturité pour faire dépasser la simple volonté de représenter le peuple.
Cette faiblesse est historique ; elle touche l'art, mais également le mouvement ouvrier, qui annonce déjà l'hégémonie réformiste social et syndicaliste « révolutionnaire »...
Jules Champfleury fut l'un des principaux théoriciens tentant de formuler le réalisme. Voici ce qu'il dit à ce sujet dans son rapport avec Gustave Courbet, dans une lettre à George Sand.
Jules Champfleury y parle à George Sand de l'initiative de Gustave Courbet lors de l'Exposition universelle de 1855. Cette dernière se tint à Paris sur les Champs-Élysées du 15 mai au 31 octobre 1855, accueillant plus de cinq millions de personnes, 25 États y participant, avec notamment un Palais des Beaux-Arts...
Emile Gros-Kost a été un ami de Gustave Courbet et dans Courbet : souvenirs intimes, il a raconté la vie de l'artiste. Gustave Courbet était un fervent noctambule, un caractère entier aisément centré sur sa propre personne. Cela était d'autant plus vrai qu'il ne savait pas écrire sans faute et compensait le manque de raffinement intellectuel par une dimension bourrue.
Voici comment, avec humour et sens de la mégalomanie, il raconte son passage en Allemagne. C'est un témoignage important, allant de pair avec son éloge de l'artiste comme caractère individuel unique...
Pierre-Joseph Proudhon connaissait bien Gustave Courbet qui venait de la même région ; il existe par ailleurs un tableau de Gustave Courbet le représentant avec ses enfants, intitulé Pierre-joseph Proudhon et ses Enfants.
Dans Du principe de l'art et de sa destination sociale, publié en 1865, juste après sa mort, Pierre-Joseph Proudhon y formule sa conception de l'art, dont Gustave Courbet apparaît comme le plus grand représentant. Il y a ici une convergence dans le refus du réalisme comme système, comme base à développer, au profit d'un regard critique sur le monde, que Pierre-Joseph Proudhon résume en le qualifiant de juridique, de morale, etc...
La conception artistique de Gustave Courbet est indéniablement du réalisme ; toutefois, ce réalisme ne saurait être placé hors-contexte. Le réalisme de Gustave Courbet préfigure, au sens strict, le naturalisme d'Émile Zola : il se veut une représentation fidèle de la réalité, sans avoir à se soumettre à un idéalisme abstrait, ce qui ne veut pas dire qu'il soit un réalisme synthétique.
Voici Les casseurs de pierre (cliquer pour agrandir), un tableau emblématique de l'approche réaliste de Gustave Courbet dans ce qu'elle a de plus systématique, à défaut d'être synthétique, suivi d'une variante...
En 1850, au Salon de peinture de l'académie des Beaux-Arts, le peintre Gustave Courbet (1819-1877) exposa une grande toile de plus de trois mètres sur pratiquement sept mètres, montrant Un enterrement à Ornans (cliquer pour agrandir), son village natal.
Le cimetière avait dû être placé hors des murs du village, en raison du manque de place, au grand dam de la population. C'est dans un lieu semblant isolé que se déroule l'enterrement, décrit de manière résolument typique, faisant de cette œuvre un classique du réalisme...
Le décès hier de Prince, né le 7 juin 1958, a brutalement marqué les masses en France. Si Michael Jackson a été adulé et considéré comme un symbole de candeur, Prince était admiré comme un immense artiste portant le flambeau du funk dans toute sa dimension populaire.
Cet artiste flamboyant était lui-même issu du peuple ; son père, plâtrier, était membre d'un groupe de jazz, le Prince Rogers Trio, sa mère étant de son côté travailleuse sociale et chanteuse de jazz. Cette mise en perspective fournit bien l'arrière-plan de sa perpétuelle recherche de synthèse de multiples styles musicaux...
Il est des passions populaires qui sont surprenantes, mais c'est là la richesse de la vie. Celle-ci ne se développe pas en ligne droite, elle est forte de tellement d'aspects qu'elle prend des virages, des tournants, qu'elle fait des sauts… Et on se doute que si le peuple se prend de passions, c'est qu'il y trouve son compte.
La passion populaire pour le chanteur Renaud a ainsi sa grande dignité ; elle a pris récemment un caractère très fort, de par le combat de Renaud pour s'arracher à une déchéance psychologique et physique, due à la dépression, l'alcool, l'incapacité à être productif...
Une œuvre d'art n'est pas créée par un génie, mais est le produit d'une personne synthétisant la transformation du monde. Tel est le point de vue du matérialisme dialectique dans les arts.
La musique a connu, depuis l'émergence d'Elvis Presley et des Beatles, une généralisation marchande, dépassant le cadre précédent plus formalisé, plus en liaison directe avec les couches sociales dominantes, les milieux artistiques, etc...
Lorsque les Guns N' Roses sortirent coup sur coup, en 1987 et 1988, leurs albums Appetite for Destruction et G N' R Lies, l'impact fut immédiat de par l'efficacité à la fois rageuse et esthétique d'un hard rock solidement enraciné dans le blues rock, s'appuyant sur la force du frappe du punk, la tonalité glam rock, la mélodie du gothic rock, empruntant massivement au style du groupe finlandais Hanoi Rocks.
C'était une formidable synthèse et, en France, les masses se sont engouffrées dans cet esprit rock romantique à la Guns N' Roses avec frénésie et la réflexion sur le choix d'Axl ou Axel comme prénom du bébé devint une véritable option prolétarienne, un signe de reconnaissance, un fétiche romantique...
Dans cinq minutes la pendule va sonner dix heures, c'est un beau soir frais de printemps, exactement le 24 avril 1942. Je me dépêche, dans les limites de mon rôle, celui d'un monsieur âgé qui boite – je me dépêche d'arriver chez les Jelinek avant la fermeture de la maison.
J'y suis attendu par mon second, Mirek. Je sais que cette fois-ci, il n'a rien d'important à me dire, ni moi non plus, mais manquer un rendez-vous pourrait entraîner la panique – et il faut précisément éviter d'inutiles soucis aux deux bonnes âmes qui nous accueillent...
L'école de Port-Royal a pu profiter, dans le cadre de ses activités, du soutien d'un peintre : le belge Philippe de Champaigne (1602-1674). Au départ, celui-ci eut une carrière classique, progressant comme peintre pour le régime : d'abord pour la reine mère, Marie de Médicis, ensuite pour Richelieu, qu'il sera le seul à représenter en tenue de cardinal, onze fois au total. Il devient, dans ce cadre, en 1648, un des membres fondateur de l'Académie royale de peinture et de sculpture.
Philippe de Champaigne prend cependant le parti pris de Port-Royal, où sa fille est pensionnaire, et où il pense qu'elle a été guérie miraculeusement de sa paralysie. La voici, dans son tableau le plus célèbre, intitulé Ex-voto. En-dessous, on a le Double portrait de Mère Agnès et de Mère Angélique...
M6 a diffusé, ce jeudi 25 février, les premiers épisodes de la saison 10 puis a fait une nuit spéciale avec la rediffusion de vieux épisodes choisis par le fondateur de la série. Cette diffusion si peu de temps après le lancement de la série aux États-Unis montre que X-Files est une série qui a profondément marqué culturellement dans les années 1990. D'ailleurs, le niveau des audiences réalisé par la nouvelle saison confirme cet impact culturel : on évalue à 4,6 millions le nombre de personnes ayant regardé M6 jeudi soir (aux États-Unis ce fut autour de 13,5 millions de personnes).
Cette série a été très novatrice à l'époque de sa sortie. Car bien qu'elle garde en aspect le format classique des séries policières avec une suite d'enquêtes, elle a été une des premières avec une trame narrative se construisant tout le long des épisodes...
Avec Blaise Pascal et les peintures appelées « vanités », La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette (1634-1693) fait partie des grandes références « jansénistes » des professeurs de français au lycée.
C'est un grand « classique » qui, en fait, n'en est absolument pas un ; il est, dans ses valeurs, son expression, en contradiction formelle avec le XVIIe siècle, le grand siècle français...
Dans le film « Le dictateur », le discours fait par le sosie du dictateur Adenoïd Hynkel est d'une très grande beauté et d'une énorme signification. Dans ce film de 1940, Charlie Chaplin synthétise les valeurs de l'unité antifasciste.
On aurait tort de ne pas rapprocher ce texte de l'« esprit Charlie ». On y retrouve une approche très similaire, à la fois volontaire et bon enfant, consciente des exigences de l'époque et candide, résolument progressiste et avec des exigences démocratiques essentielles...
Nous vivons une époque régressive où c'est la facilité qui triomphe, avec une surenchère d'effets pour masquer l'inanité du contenu, son vide. Star Wars 7, qui est sorti il y a quelques semaines, n'a été qu'un film reprenant le scénario de Star Wars 4, avec tous les clichés chrétiens à la Disney (amour romantique, contrariété familiale, rédemption, etc.). Et pourtant il a très bien marché.
Et que réserve 2016 ? S.O.S. Fantômes 3, Jason Bourne 5, Rocky VII, L'Âge de glace 5, Les Visiteurs 3 (en fait 4), Brice de Nice 3 (en fait 2), Camping 3, Les Tuche 2, Joséphine s'arrondit (le 2 donc), La Tour 2 Contrôle infernale, Independence Day Resurgence, Batman Vs Superman, Point Break (un remake du film de 1991)... On voit la même chose au niveau des séries TV avec le retour de X-Files (dont le premier épisode de la nouvelle saison a été diffusé hier aux États-Unis d'Amérique), Twin Peaks, Heroes Reboot, etc...
En quelques jours, nous avons pu assister aux décès de Pierre Boulez et de David Bowie, véritables icônes du post-modernisme. Si le premier n'était connu qu'une poignée d'adeptes de la musique contemporaine, le second l'était des larges masses pour ses nombreux succès commerciaux.
Toutefois, ces deux figures possèdent une approche tout à fait commune, correspondant parfaitement à cette « modernité » que la bourgeoisie la plus « moderne » tente de nous présenter comme l'aboutissement le plus abouti de l'épanouissement individuel...
Lorsque la révolution bolchevik eut lieu, les « modernistes » menèrent une vigoureuse offensive : leurs cadres prirent le contrôle des institutions artistiques. Bogdanov théorisa la séparation des champs d'action : le Parti Communiste devait s'occuper de la politique, les syndicats de l'économie, et l'art relevait d'une sorte d'avant-garde intellectuelle, s'occupant du proletkult, la « culture prolétarienne ».
Le concept fut entièrement rejeté par les bolcheviks, ainsi que ses variantes futuristes russes que furent le constructivisme de Alexandre Rodtchenko et le suprématisme de Kasimir Malevitch...
Le triomphe de Ilya Répine au sein même des institutions d'une autocratie qu'il rejetait – confiant même son atelier pour des réunions secrètes de ses proches qui étaient bolcheviks – témoigne des contradictions de la monarchie, avec ici l'affrontement entre les forces féodales traditionnelles et la monarchie absolue.
De fait, le tsar Alexandre III, qui avait commencé son règne en 1881, ne pouvait que constater l'essor de la bourgeoisie et il décida qu'il fallait à tout prix en cesser avec le conflit avec les peintres ambulants. Aussi choisit-il de les reconnaître en tant que tel, s'ils intègrent l'académie, en quelque sorte comme courant artistique...
C'est Vladimir Stassov qui a découvert Ilya Répine, et ce peintre est considéré comme la grande figure des peintres ambulants. Né en 1844 dans la province de Kharkov dans la famille d'un militaire, il devint étudiant de l'académie de 1864 à 1871, rejoignant les expositions itinérantes à partir de 1874, pour rejoindre en 1878 la Société des Expositions itinérantes. Il devint ensuite professeur à l'académie, de 1894 à 1907.
Voici son autoportrait, et le portrait qu'il a réalisé de sa femme, Vera, ainsi qu'un autre portrait où on la voit se reposer...
A la suite des ambulants développant leur réalisme, il exista un autre courant rejetant l'académisme, qu'on peut qualifier de « moderniste ». Porté par Serge de Diaghilev (1872-1929), célèbre pour ses « ballets russes » parisiens, et Alexandre Benois (1870-1960), le modernisme avait comme organe de presse Mir iskousstva (Le monde de l'art) et défendait l'ouverture culturelle aux pays où le capitalisme s'était élancé et l'acceptation des nouvelles formes.
La menace que cela faisait peser sur les ambulants fut parfaitement compris par Vladimir Stassov (1824-1906). Critique d'art ayant joué un rôle très important pour les ambulants, devenant en quelque sorte leur porte-parole en théorisant leur démarche, il mena une fervente bataille contre les modernistes, contre leur démarche consistant, pour reprendre ses formules, en du « trash décadent » et « une orgie de débauche »...
Il serait erroné de penser que l'académie et l'association formaient deux blocs absolument distincts, en confrontation unilatérale. En effet, le régime russe était autocratique, mais la monarchie absolue tentait de trouver un chemin. Cela fait qu'au sein de l'académie, il existait une contradiction entre les forces rigoureusement féodales et conservatrices, et celles partisanes de la monarchie absolue et donc de la modernisation.
L'une des figures clefs qui témoigne de ce conflit est le peintre Vassili Perov (1834-1882). Rentré à l'académie en 1853, il va avoir une carrière pratiquement exemplaire au sein de celle-ci, tout en étant indubitablement un titan du réalisme. Il obtient ainsi une médaille d'argent dès 1856, pour l'esquisse d'une tête de garçon ; il obtient la même récompense en 1858 pour le tableau L'Arrivée du chef de la stanitza pour l'enquête, dont le réalisme et l'engagement en faveur du peuple est indubitable...
Vassili Sourikov est un excellent exemple de peintre ambulant reconnaissant toute son importance à la question historique et voici un dernier exemple très pertinent, puisque datant de 1906, l'année suivant la révolution de 1905. Stepan Razine présente ce dirigeant cosaque qui organisa une grande révolte contre l'autocratie, au XVIIe siècle, manquant de faire s'effondrer le régime et devenant un personnage de folklore...
Grigori Miassoïédov (1834-1911) étudia de 1853 à 1862 à l'académie, puis joua un rôle éminent au sein des ambulants, en tant qu'animateur et organisateur. Ses peintures concernant la paysannerie font de lui un véritable maître du genre.
Voici un tableau de 1872 intitulé Le Zemstvo déjeune (cliquer pour agrandir, ainsi que pour les autres peintures). Il s'agit de membres d'un organe administratif paysan, où l'autogestion sert bien sûr de relais aux classes dominantes. Celles-ci sont symbolisées sur ce tableau par l'intermédiaire d'une personne faisant la vaisselle, que l'on voit par la fenêtre, alors que les paysans n'ont pas d'endroit pour manger, à part la rue elle-même. Le contraste de classe est ici présenté non pas de manière abstraite, mais dans un portrait allant au typique...
L'artel avait réussi à promouvoir une indépendance des artistes réalistes par rapport à l'autocratie.
Le terme le plus exact serait ici celui d'autonomie ; l'artel avait d'ailleurs comme pratique de mener des réunions tous les jeudis, pour échanger sur la situation sociale, les questions artistiques...
Ce que Pavel Fedotov n'avait pas pu faire ouvertement, la modification de la situation permit à ses successeurs de le faire. Les institutions officielles avaient permis à partir de 1859 la peinture de la vie quotidienne, avec toutefois au maximum l'obtention d'une médaille d'argent.
Pourtant, dès 1860, Vassili Perov obtient une petite médaille d'or pour sa représentation d'un Fils d'un petit clerc, où on se moque de la fascination pour le premier uniforme, témoignant de l'obtention du premier grade du service civil.
Le choix de la peinture dite de genre fut effectué par les peintres eux-mêmes et pourtant, cela put s'insérer dans la société où le tsar décidait de tout. Comment cela a-t-il pu se passer ?
En fait, le tsar avait compris que le développement de son pouvoir nécessitait la reconnaissance de la modernisation, exactement comme avec la monarchie absolue au XVIIe siècle en France. Cela fait qu'au milieu des années 1850, c'est une seconde vague des peintres démocratiques qui intervient en fait, après l'échec de la première qui était par contre née contre le régime...
Rerpartons en arrière et voyons comment se déroula la rupture avec l'académisme qui se déroule donc vers les années 1860.
En fait, cet académisme exigeait les thèmes que le régime comptait mettre en avant. Il s'agit de ceux se fondant sur le style pseudo-classique, célébrant le conservatisme, l'approche formelle de la vie, superficielle de la réalité, quand cette dernière n'était simplement niée.
L'académisme célébrait donc les scènes de la Bible, la vie des « saints », des thèmes historiques de l'antiquité gréco-romaine, des sujets mythologiques...
Pour comprendre la dynamique des ambulants, il faut saisir la situation des arts et des lettres dans le cadre historique de l'époque. Lors de la première moitié du XIXe siècle, les peintres étaient considérés en Russie comme un simple outil idéologique de l'autocratie, qui passait des commandes et surveillait toutes les activités artistiques ; il y avait très peu de connaissances de la peinture dans les autres pays, et les artistes venaient des couches inférieures de la société, étant dévalorisés et à la merci dans un système de castes.
Il n'existait que deux lieux pour l'existence sociale des peintres, qui étaient sinon à la merci du régime, notamment du service militaire et des impôts s'ils venaient de la paysannerie et de la petite-bourgeoisie : l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg et l'Institut moscovite pour la peinture...
En France, on apprécie historiquement beaucoup la littérature russe de la seconde moitié du XIXe siècle, les fameux Fiodor Dostoïevski, Anton Tchekhov, Nicolas Gogol, Ivan Tourgueniev, Léon Tolstoï.
Il est fort étrange, à ce titre, que n'aient pas été connus les peintres dits ambulants ou itinérants, parce qu'ils organisaient des expositions à travers la Russie. Leurs tableaux (cliquer pour agrandir ceux sur cette page) sont un équivalent direct de cette littérature si appréciée ; leur niveau culturel est extrêmement élevé, leur intensité interpelle nécessairement quiconque s'intéresse à l'art et à la peinture en particulier...
Avec le décès hier du metteur en scène suisse Luc Bondy, la culture française perd une de ses personnalités les plus connues et les plus attachantes. Au point d'ailleurs que c'est véritablement la fin d'une époque.
Luc Bondy représentait, en effet, toute une tradition théâtrale des années 1970, d'orientation progressiste et démocratique. Cela n'allait pas sans contradictions, dans la mesure où c'était au sens des institutions. Luc Bondy touchait avant sa mort 200 000 euros par mois et avait été imposé par l'Elysée au théâtre parisien de l'Odéon en 2011, alors qu'il allait avoir 65 ans en cours de mandat et que c'est l'âge maximum s'appliquant aux directeurs de théâtres nationaux...
Dans un phénomène, il y a deux aspects et il y a un mouvement entre ces deux aspects. Saisir cette dynamique permet de cerner la nature du phénomène ou, au moins, d'en voir ce qui compte. Voici par exemple ce que constate Jean de La Bruyère, à travers la présentation d'une situation.
Il ne s'agit pas seulement de la critique qui est faite - cela les commentateurs bourgeois l'ont vu. Non, ce qui compte, c'est aussi l'enseignement dialectique que fait Jean de La Bruyère en nous présentant cela ainsi..
L'une des grandes leçons que doivent donner François de La Rochefoucauld et de Jean La Bruyère, c'est d'éviter les apparences qui sont trompeuses. S'ils ne parviennent pas vraiment à les expliquer, de par leur impossibilité à être matérialiste dialectique, tout au moins peuvent-ils porter l'attention sur certains aspects. C'est cela l'esprit français, capable de dresser des portraits psychologiques.
Voici par exemple ce que Jean de La Bruyère nous conseille dans le cadre des relations sentimentales : « L’on est encore longtemps à se voir par habitude, et à se dire de bouche que l’on s’aime, après que les manières disent qu’on ne s’aime plus. »...
Dans le communiqué de l’État islamique après les attentats à Paris, il est dit qu'un « groupe de croyants des soldats du Califat, qu'Allah lui donne puissance et victoire, a pris pour cible la capitale des abominations et de la perversion ». Il y a eu une version en arabe et une en français, mais pas seulement : il y a également eu une chanson, un « nasheed », et c'était même en français.
C'est d'une grande importance : si l'on ne comprend pas ce que signifie qu'une telle chanson soit mise en avant par les islamistes, on ne peut pas saisir pourquoi une salle de concert a été attaquée...
Savoir bien se comporter exige, dialectiquement, de savoir comment ne pas se comporter. François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ont une approche allant véritablement vers la dialectique justement parce qu'ils dressent des miroirs, montrant des attitudes, des postures, des manières, qui ont comme dénominateur commun d'être mauvaises. François de La Rochefoucauld est ici relativement brutal de par la forme même de ses assertions, de ses Maximes. Il nous dit par exemple que :
« La simplicité affectée est une imposture délicate. »
Ou bien encore que :
« Un sot n’a pas assez d’étoffe pour être bon. »
Puisque la hiérarchie sociale est sens dessus-dessous par l'émergence du capitalisme, il ne reste plus qu'à accorder à la vertu une valeur idéale, dépassant la société elle-même. C'est cela le sens de la valorisation de la tragédie au XVIIe siècle ; cela correspond à l'esprit propre aux exigences de l'État dans son cadre administratif. Il faut rester mesuré, ordonné, afin de ne jamais sortir du cadre de la monarchie absolue.
C'est le seul moyen d'unifier, par en haut, les couches sociales contradictoires que sont bourgeoisie et aristocratie...
François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ont constaté l'émergence du mode de production capitaliste, mais ils ne l'ont pas compris. Représentants de la monarchie absolue, ils ne pouvaient constater la société que comme un tout, comme un ensemble organique, conformément à l'idéologie de la monarchie. Cependant, cette monarchie était absolue, et le pouvoir royal en tant que plus haute étape de la féodalité s'appuyait sur l'aristocratie, mais aussi sur la bourgeoisie.
Le problème est alors qu'il faut avoir une lecture scientifique pour saisir ce qui relève de l'une et ce qui relève de l'autre, ce que François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ne pouvaient pas avoir, pour des raisons historiques. Ils sentent bien que le mode de production capitaliste est en train d'affaiblir la féodalité, mais en même temps ils ne parviennent pas à distinguer féodalisme et capitalisme naissant...
La grande qualité du XVIIe siècle est sa réfutation de la vanité, défaut si présent à la Cour, en raison de la centralisation complète et de la nécessité de plaire pour avancer dans les institutions. Il s'ensuit un éloge de l'ego absolument insoutenable, avec une élite totalement obnubilé par son amour-propre. C'est une véritable vision du monde, où tout est évalué selon la satisfaction de son amour-propre.
Cela est bien sûr renforcé par le développement du capitalisme. Les commentateurs bourgeois ont omis cela, faisant comme si les moeurs capitalistes commençaient uniquement à partir de 1789, ou bien au XVIIIe siècle avec les Lumières. En réalité, si les idées bourgeoises triomphent avec les Lumières, les moeurs bourgeoises se développent bien entendu bien avant, dès l'émergence de la bourgeoisie en tant que classe, sous la forme des commerçants, artisans et marchands dans les bourgs devenant les villes...
La contradiction propre à la monarchie absolue, c'est de développer la culture d'un côté, de la freiner de l'autre, en raison de la domination de l'opportunisme propre à la cour, parallèlement au développement des commerçants et des marchands. C'est là l'expression des forces productives, qui se développent, alors que la société la freine en partie, la base féodale rentrant en contradiction avec le mode de production capitaliste qui apparaît.
C'est cela qui écoeure Jean de La Fontaine et Jean de La Bruyère ; ce dernier raisonne directement en termes de progrès, dans un esprit qui sera d'ailleurs celui des Lumières, à ceci près qu'il ne dénonce pas le régime, mais les travers humains qu'il sépare justement du régime, ce qui le ramène paradoxalement à un point de vue pro-féodal...
Tout comme chez François de La Rochefoucauld, on trouve chez Jean de La Bruyère cette combinaison entre catholicisme et exigences de la bourgeoisie. Ce qu'il dit dans la préface de son œuvre intitulée Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle est impossible à comprendre sans le rapprocher de la civilité bourgeoise, de la rigueur protestante, de la pression catholique, de la bienséance propre à la monarchie absolue.
La Bruyère explique ainsi, dès le départ, faisant de la correction des mœurs la tache de la littérature : « Je rends au public ce qu’il m’a prêté ; j’ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage »...
On aurait tort de penser que François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ne sont que de simples témoins, avec des yeux propres à leur époque – ce serait là une interprétation mécaniste, fondamentalement éloigné du matérialisme historique et de sa valorisation de la monarchie absolue comme étape intermédiaire et temporaire dans l'effondrement du féodalisme.
Ce qui fait l'intérêt de François de La Rochefoucauld est précisément la même chose qu'on a chez René Descartes et Jean Racine : une combinaison entre le catholicisme et les exigences de la bourgeoisie française qui n'a pas réussi à développer le protestantisme...
Jean de La Bruyère (1645-1696) et François de La Rochefoucauld (1613-1680) ont rédigé des œuvres à la forme sensiblement proches. On est ici dans la culture du mot français : précis, lourd de sens, inséré dans une formule délicate, sur la base d'une morale exprimée de manière naturelle.
C'est François de La Rochefoucauld qui est le premier des deux à formuler, en 1665, des Réflexions ou sentences et maximes morales, qu'on connaît surtout sous le nom de Maximes. Jean de La Bruyère publie, de son côté, en 1688, une œuvre dont le titre est Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle...
Le XVIIe siècle est le grand siècle français; c'est à travers lui que s'est formé la France comme nation, par l'établissement d'un grand marché et la constitution d'une administration unifiée, la langue française se forgeant sur cette base.
L'un des grands soucis est que la culture nationale qui s'est alors formée s'appuie sur une monarchie absolue devenue toute puissante. La période de Louis XIV n'est plus celle de François Ier ni d'Henri IV, tout est beaucoup plus systématisé et donc, de par la base féodale, ossifié...
Dans la préface de sa pièce Cromwell en 1827, à 25 ans, Victor Hugo donne toute une série d'arguments contre les règles de la tragédie, faisant de ce document un manifeste romantique, censé annoncé la « modernité ».
Or, et c'est une chose frappante du point de vue du matérialisme dialectique, le thème de la vraisemblance est pratiquement oublié, alors qu'il s'agit du concept-clef dans la démarche de la Racine...
Le très haut niveau culturel atteint par Jean Racine ne peut être compris qu'à la lumière du matérialisme dialectique, qui permet de saisir en quoi c'est un auteur national. Il est évident que si on regarde les fondements mêmes de l'approche de Jean Racine, on a quelque chose qui appartient au fleuve culturel démocratique.
De fait, lorsque l'accent est porté sur la vraisemblance, cela annonce le réalisme. Et lorsque la bienséance est mise en avant en tant que mise en avant des comportements adéquats, cela annonce la morale socialiste...
Jean Racine (1639-1699) est le véritable représentant historique de la tragédie classique française. C'est lui qui parvient à combiner ses fondements : profondeur psychologique allant jusqu'à la portraitisation, simplicité dans l'organisation, symétrie permettant une certaine approche dialectique.
Avec Racine, on se sépare absolument de la tragédie en tant que représentation héroïque-aristocratique ayant une approche simplement morale. On arrive à une véritable dimension humaine, à un regard ample sur la psychologie, son développement, ses crises...
Pour que Jean Racine s'affirme, il faut une époque qui le produise matériellement. Il faut une forme et un contenu social adéquats. Or, ce n'est que lentement que le théâtre dispose de véritables locaux. En 1518, les Confrères de la Passion avaient arraché le monopole des représentations théâtrales, s'installant en 1548 dans une des salles de l’Hôtel de Bourgogne.
Mais leurs « mystères », représentations de scènes religieuses, furent interdits la même année, aussi ce sont des troupes ambulantes qui leur louèrent la salle. Le début du Roman comique de Scarron, en 1651, présente l'arrivée d'une troupe ambulante au Mans, de manière pittoresque, voire baroque...
A partir du moment où l’État exige des œuvres magnifiques témoignant idéologiquement de son existence, les polémiques ne pouvaient qu'être rapides et enfler aisément. Ce fut le cas lorsque Pierre Corneille publia en 1637 le Cid.
Trois grands problèmes se posent immédiatement...
L'œuvre marquante dans le cadre du combat contre l'irrégularité fut celle intitulée Pratique du théâtre, publiée en 1657 par François Hédelin, abbé d’Aubignac. Il synthétise, en effet, la question, en rétablissant ce que doit être la tragédie : non pas une catastrophe et des choses horribles, mais une situation extrêmement difficile pour quelqu'un de responsable.
C'est là le rétablissement de ce qu'aurait dû être la tragédie, si le calvinisme l'avait emporté, mais en remplaçant Dieu et sa morale par l’État et ses exigences...
L'intervention du cardinal de Richelieu dans le domaine du théâtre ne consistait pas qu'à encadrer les troupes et les auteurs et les orienter en faveur du régime. On a un saut qualitatif et le théâtre doit le réaliser.
Richelieu s'appuya ici surtout sur Jean Chapelain (1595-1674) et François Hédelin (1604-1676) connu sous le nom d'abbé d'Aubignac, dont la mission était de prôner la régularité dans les œuvres, une vraie recherche culturelle, véritablement approfondie. A ces deux figures s'ajoutent Hippolyte-Jules Pilet de La Mesnardière (16610-1663) et Jean-François Sarrasin (1614-1654)...
Ainsi, l'esprit libéré n'est que celui de la décadence baroque, de l'irrationnel. Il s'agit de s'opposer à l'humanisme et au calvinisme, par la fantaisie, le féerique, le fantastique, le romanesque sentimental.
Balthazar Baro (1596-1650) dans Célinde, insère un long passage en vers évoquant la tragédie d'Holopherne, en reprenant le thème biblique. Dans la pièce elle-même, qui est en prose, Célinde poignarde Floridan qu'on veut lui faire épouser sans son accord. Son amante Parthénice se tue, mais tous deux sortent du tombeau, tout n'était qu'illusion...
La décadence de la tragédie, associée au rejet des « anciens », correspond à l'idéologie catholique proche de la faction royale. Le divertissement d'une vie sociale et culturelle stupide irait de pair avec la religion comme seule valeur absolue.
L'apogée de ce processus se déroule avec Alexandre Le Hardy (1570-1632) dit Alexandre Hardy. C'est un écrivain typiquement au service d'une mode ; lui-même a affirmé avoir écrit six cent pièces, ce qui en dit long sur son peu d'exigence dans sa production. On ne retrouve de lui aujourd'hui qu'une douzaine de tragédies, 14 tragi-comédies, 3 poèmes dramatiques, 5 pastorales...
Sans le protestantisme pour assumer l'individu comme autonome, la tragédie ne pouvait pas se maintenir. Elle présentait les contradictions de l'individu, ses tourments face à la responsabilité : c'était là une problématique propre au calvinisme.
Il pouvait bien y avoir une récupération par la faction culturelle de la monarchie absolue, au moyen de Sénèque et de la vertu à respecter dans le cadre de l’État gérant la société, cela ne suffisait pas...
Antoine de Montchrestien (1575-1621) est une figure marquante de l'histoire de la tragédie ; il commence très tôt, avec succès : Sophonisbe jouée et publiée à Caen en 1596 marqua François de Malherbe, et à sa demande elle fut modifiée, sous la forme de La Carthaginoise ou la liberté en 1601.
La même année il écrit La Bergerie, Les Lacènes, David ainsi qu'Aman, L’Escossoise, ou le Desastre, qui devient en 1604 La Reine d’Escosse, et la même année Hector...
Regardons comme Robert Garnier, en tant que première grande figure de la tragédie française, aborde la question de la réalité selon l'angle du stoïcisme, s'opposant au calvinisme et se plaçant à distance du catholicisme.
Il s'agit de souligner ici les valeurs essentielles du stoïcisme comme idéologie conforme à l'aristocratie royale : le fait que l'ordre social soit efficace et implacable, que le sort des êtres humains doit être accepté tel quel, que la vertu est la valeur cardinale de la société. C'est là l'idéologie visant à cadrer les masses dans le nouveau régime...
Le grand secret de l'origine de la tragédie en France, de son succès, vient donc de là : c'est un moyen de s'opposer au calvinisme. La tragédie française naît du terreau stoïcien ; c'est la tragédie de Sénèque qui est la grande source intellectuelle.
Or, Jean Calvin est directement en opposition avec le stoïcisme, dont il rejette tant le concept d'apathie que celui de destin...
On a donc, au départ, une confrontation entre une version protestante de la tragédie et une version stoïcienne. Ce qui allait l'emporter dépendant nécessairement de l'histoire de la France. Si le protestantisme l'emportait, la tragédie serait restée comme esprit de témoignage de l'adversité mais cela aurait été son seul contenu ; cela ne se serait guère maintenu, s'effaçant devant le prêche.
Comme ce ne fut pas le cas, la « tragédie humaniste » s'est maintenue, s'appuyant sur la monarchie absolue se renforçant. Puisqu'on ne peut pas puiser dans le protestantisme et qu'on ne veut pas vraiment puiser dans le catholicisme, alors il reste l'antiquité gréco-romaine, les Sophocle, Euripide et Sénèque...
La découverte protestante de la tragédie eut immédiatement une réponse de la part de la Pléiade, le groupe de poètes dont la figure tutélaire est Ronsard et dont le choix fut de soutenir le régime.
La seconde tragédie écrite en français fut ainsi la Cléopâtre captive d'Étienne Jodelle (1532-1573), lui-même un farouche anti-protestant. Sa position, ainsi que celle de la Pléiade, était par contre davantage liée à la monarchie absolue qu'au catholicisme...
La grande preuve du caractère indéniablement moderne, français de la tragédie classique française est que la première tragédie écrite et mise en scène l'a été par un protestant, Théodore de Bèze (1519-1605).
En raison des persécutions à l'encontre du calvinisme, Abraham sacrifiant fut jouée à Lausanne, en 1550. Théodore de Bèze était pas moins que le successeur de Jean Calvin, et il est significatif sur le plan de l'histoire de la formation nationale de la France qu'il a qualifié sa pièce de « tragédie française »...
La France naît avec François Ier, se développe avec Henri IV, existe en tant que tel avec Louis XIV. Tel est le point de vue matérialiste dialectique sur la nation française, que les gens « de droite » s'imaginent née avec Clovis, que les gens « de gauche » croient fondée avec la révolution française.
La nation apparaît avec les tout début du capitalisme, lorsque se forme la base du marché national, les premières villes qui développent la culture. La langue se généralise sur un certain territoire ; une formation psychique commune se forme...
Dans la nouvelle Micromégas, Voltaire fait intervenir deux extra-terrestres gigantesques qui viennent sur la planète Terre. Ils n'y rencontrent que des hommes imbus d'eux-mêmes et prompts aux massacres, à part un qui, justement, s'avère un disciple de John Locke.
Les extra-terrestres l'apprécient particulièrement, et on devine bien entendu que c'est le point de vue de Voltaire, dont la Lettre philosophique XIII est par ailleurs un éloge de John Locke...
Les surréalistes ont su particulièrement mettre en scène leurs interventions artistiques, étant largement soutenus par une partie de la haute bourgeoise. Sans la vente des œuvres et la reconnaissance sociale à haut niveau, les surréalistes n'auraient pas pu exister en tant qu'artistes.
Milieu d'intellectuels et de petit-bourgeois, le surréalisme s'est naturellement tourné vers le trotskysme. En octobre 1925, André Breton saluait dans La Révolution surréaliste la publication d'un ouvrage de Léon Trotsky sur Lénine. André Breton y saluait la révolution en général, sans jamais aborder la question de l'économie politique, et la conclusion de l'article est révélatrice :
« Vive donc Lénine ! Je salue ici très bas Léon Trotsky, lui qui a pu, sans le secours de bien des illusions qui nous restent et sans peut-être comme nous croire à l'éternité, maintenir pour notre enthousiasme cet inoubliable mot d'ordre : « Et si le tocsin retentit en Occident, - et il retentira, - nous pourrons être alors enfoncés jusqu'au cou dans nos calculs, dans nos bilans, dans la N.E.P., mais nous répondrons à l'appel sans hésitation et sans retard : nous sommes révolutionnaires de la tête aux pieds, nous l'avons été, nous le resterons jusqu'au bout. »...
Le surréalisme se développe alors que la révolution russe a triomphé en 1917 et qu'un nouveau régime s'est instauré, l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Sur le plan des idées et celui de la pratique, le surréalisme n'a strictement rien à voir avec le mouvement ouvrier, ni avec la social-démocratie.
Toutefois, André Breton va entraîner le surréalisme à se prétendre communiste. La situation était absolument différente d'à la Belle Époque, où la bourgeoisie semblait critiquable pour son confort, mais également invincible...
Nadja se conclue sur une formule-choc, typique d'André Breton :
« La beauté sera CONVULSIVE OU ne sera pas. »
C'est là le principe des artistes en quête d'« événements » : il leur faut des choses qui se passent, qui soient « à la hauteur » de leur subjectivité. On a ici la même position que chez le romantisme, le « mal du siècle », où les romantiques s'imaginent nés à la mauvaise époque, étant capable de pleins choses sans être reconnu institutionnellement malheureusement, etc...
Le romantisme allemand puisant dans une riche culture médiéval, avec toute une imagerie où un homme et une femme s'avèrent fait l'un pour l'autre, le destin les liant immanquablement. Lorsque Goethe parle des « affinités électives », où des personnes s'avèrent avoir des « atomes crochus », il s'appuie sur ces traditions idéalistes du Moyen-Âge, même si en même temps bien sûr il s'agit d'un moyen également pour la bourgeoisie d'affirmer la reconnaissance des sens individuels contre la féodalité.
Le romantisme n'a rien du tout de tout de cela, à part chez Nerval qui était germanophone, et encore arrive-t-il tardivement pour le romantisme. Aussi, ce qui se produisit est l'irruption d'un symbolisme ouvertement mystique et attribuant à l'amour un rapport à l'idéal qui serait dans les cieux. Ici, l'amour est plus proche de l'esprit de la chevalerie que de l'aventure romantique allemande et d'ailleurs la femme est une figure toujours absente, résumée soit à une vierge immaculée soit à une prostituée...
André Breton est celui qui va organiser la rupture avec le dadaïsme, dadaïsme trop coupé de la tradition française symboliste-décadentiste assumée entièrement par André Breton, qui n'aura de cesse de se réfèrer aux symbolistes, considérés comme des précurseurs. Cela est tellement vrai que si les surréalistes se revendiquent ouvertement du marquis de Sade, ils le font uniquement en saluant sa rupture avec ce qui est raisonnable, sans pour autant en rien le suivre sur le terrain de l'ignoble, de la nécrophilie, etc.
Tout tourne autour du symbolisme; le surréalisme se veut un symbolisme « pur », débarrassé de son « idéalisme » et en fait, si on le comprend bien, alors on voit que le surréalisme se présente dans ce qui manquait au romantisme français par rapport au romantisme allemand...
Ayant maille à partir avec la police suisse soupçonneuse vis-à-vis des étrangers, Tristan Tzara s'installe à Paris en 1920, rejoignant le peintre Francis Picabia (1879-1953) qui lui avait rendu visite à Zurich ainsi que soutenu.
Il est alors l'invité « surprise » d'une matinée organisée par la revue « Littérature » publiée par André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault. Très vite il y a une matinée Dada, où la présence de Charlie Chaplin (censé avoir adhéré au mouvement) est faussement annoncé, et où les manifestes dada sont accueillis à coups de cris et de jets divers d'un public finissant par être évacué...
C'est un cas d'école du coup de force post-moderne, de l'imposition par en haut d'une approche subjectiviste de la vie.
En apparence, on a un richissime galeriste qui « donne » à la population un petit musée, avec des œuvres d'art permettant de faire progresser la culture. En réalité, on a un bourgeois célébrant son ego en obligeant l'Etat à lui donner son propre musée, dont la substance en elle-même est l'accumulation subjectiviste, l'irrationnel propre à l'art contemporain...
Les deux grandes jeunes figures s'agitant dans la scène artistique au début du XXe siècle sont Tristan Tzara et André Breton ; Tristan Tzara a initialement joué le rôle moteur.
Tristan Tzara, de son vrai nom Samuel Rosenstock (1896-1963), est un juif roumain, issu de la haute bourgeoisie et massivement influencé par le symbolisme français ainsi que par Guillaume Apollinaire...
L'intervention « poétique » de Stéphane Mallarmé et de Guillaume Apollinaire eut un franc succès dans la nouvelle génération d'artistes parisiens suivant immédiatement celle ayant porté le décadentisme-symbolisme. Une « poétique » apparaît, simplement subjectiviste, sans prétention idéaliste comme dans le décadentisme-symbolisme : la bourgeoisie décadente ne fait plus semblant d'avoir des valeurs idéales qu'elle porterait ou chercherait à atteindre. C'est le règne du libéralisme, c'est le culte de l'individu.
Guillaume Apollinaire tenta même de réaliser une pièce de théâtre « moderne » ; intitulé Les Mamelles de Tirésias, elle fut présentée comme un « drame surréaliste » à l'initiative du poète Pierre Albert-Birot, qui privilégiait cela à « drame surnaturaliste »...
Le décadentisme-symbolisme consistait en une construction idéologique sur une base sociale très précise : celle de la belle époque. Mais cette base capitaliste passait à l'impérialisme, débouchant sur la terrible, sanglante première guerre mondiale.
Il va de soi que l'attitude des décadentistes-symbolistes devait évoluer. La quête d'idéal, correspondant au rêve de tranquillité de la bourgeoisie s'imaginant pouvoir vivre éternellement dans le confort, devait nécessairement disparaître...
La peinture symboliste est surtout affligeante; elle reflète surtout un état d'esprit belle époque et haute bourgeoisie, avec des peintres puisant ouvertement dans « Joris-Karl » Huysmans et Stéphane Mallarmé, mais sans aucune profondeur intellectuelle ne serait-ce que mystique ou philosophique idéaliste.
La figure de « Joris-Karl » Huysmans est incontournable du décadentisme de la fin du XIXe siècle, qui est de fait principalement un romantisme noir ; le roman Là-bas de « Joris-Karl » Huysmans, paru en 1891, traite de la scène parisienne de l'occultisme, du spiritisme, de l'astrologie, avec une fascination profonde pour le diable, etc., alors que le personnage principal étudiant la figure de Gilles de Rais, le principal compagnon de Jeanne d'Arc qui fut mis à mort pour le viol et la mise à mort d'une centaine d'enfants.
En voici un extrait, dont on reconnaît le kitsch déjà présent chez Charles Baudelaire...
Voici un passage d'À rebours de « Joris-Karl » Huysmans, où le dandy décide d'avoir une tortue afin d'avoir du mouvement dans son logement, dans une couleur adapté au reste. Il finit par incruster par des pierres précieuses dans l'animal, qui finira par mourir. On a ici un exemple absolu de caprice grotesque et élitiste à prétention esthétique, typique du décadentisme.
« Le monsieur salua, déposa, dans la salle à manger, sur le parquet de pitch-pin, son bouclier qui oscilla, se soulevant un peu, allongeant une tête serpentine de tortue qui, soudain effarée, rentra sous sa carapace. »
Charles Marie Georges Huysmans (1848-1907), connu sous le nom de « Joris-Karl » Huysmans, fit publier en 1884 un roman qui devint en quelque sorte le manuel décadentiste: À rebours.
Y est en effet compté toute une période de la vie de Jean des Esseintes, dandy profondément élitiste et basculant dans le spleen alors qu'il s'est installé à l'écart de Paris...
Paul Verlaine est celui qui a joué le rôle le plus important sur le plan technique de la langue française au XIXe siècle. En ce sens, il a un rôle historique, dépassant son propre décadentisme en tant qu'aventure individuelle. Le principe de Verlaine était le suivant : il fallait insuffler à la langue française de la fluidité - tout au moins, en apparence.
La difficulté qu'il y a en effet à saisir la démarche de Paul Verlaine est propre au décadentisme : si les décadentistes apportent quelque chose de nouveau, ils prétendent en même temps rejeter la modernité...
Paul Verlaine n'a pas fait que donner un socle au culte d'Arthur Rimbaud, il a également systématisé le symbolisme à la française au moyen du concept des « poètes maudits ». Il s'agit là du titre de deux éditions, en 1884 et 1888, présentant dans trois longs articles des œuvres ainsi que leurs auteurs, mis en avant comme incompris mais exceptionnels, etc.
On y retrouve tout d'abord Tristan Corbière, Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé, à qui sont ajoutés ensuite Marceline Desbordes-Valmore, Villiers de l'Isle-Adam et Pauvre Lelian (anagramme de Paul Verlaine)...
Les auteurs du romantisme noir n'ont rien de très engageant, à part pour des membres de la haute bourgeoisie basculant dans la décadence et justifiant celle-ci par une esthétique dandy. Aussi fallait-il que soit mis en avant une figure en apparence opposée à tout cela, afin de masquer l'aspect principal décadent derrière l'aspect secondaire mystique.
C'est Arthur Rimbaud (1854-1891) qui va être utilisé ici comme « figure solaire », au moyen de toute une construction intellectuelle, dont un avatar au début du XXIe siècle tient en ces propos de la ministre post-moderne de l'éducation Najat Vallaud-Belkacem...
Les décadentistes formaient un milieu ; ils se fréquentaient, s'alimentaient les uns les autres en perspectives culturelles et idéologiques. On a ainsi la figure de Louis Ménard (1822-1901), un fervent mystique auteur notamment de Rêveries d'un païen mystique et ami de Charles Baudelaire qu'il a connu au lycée (Louis le grand, à Paris).
Féru de l'antiquité grecque et soutien intellectuel aux révolutions de 1848 et 1871, Louis Ménard n'en était pas moins quelqu'un interprétant tout dans le sens du mysticisme, voire de l'orientalisme...
Joseph-Aimé « Joséphin » Péladan ne fut que l'expression la plus pointue d'un courant généralisé au sein de la bourgeoisie « fin de siècle » : le décadentisme. Les opinions traditionalistes révolutionnaires de « Joséphin » Péladan étaient celle d'une foule d'artistes, qui tous célébraient la décadence tout en la dénonçant, précisément comme Friedrich Nietzsche en Allemagne.
Le terme de décadentiste était à l'époque équivalent de symboliste, les deux termes n'étant par ailleurs pas vraiment définis, ce qui est logique dans une démarche subjectiviste, fut-elle prétendument élitiste...
Né en Ukraine en 1895, Eugène Schkaff a suivi sa famille fuyant la révolution russe de 1917 et il devint Jean Fréville, naturalisé français en 1927. La même année il décide de rejoindre le Parti Communiste - SFIC et assiste à Moscou au 10e anniversaire de la révolution.
Il devient alors directement l'une des principales figures intellectuelles du Parti Communiste, écrivant dans l'Humanité en tant que chroniqueur littéraire hebdomadaire à partir de mars 1931 et publiant différents ouvrages au sujet du réalisme socialiste en URSS, comme Les Grands textes du marxisme sur la littérature et l'art publié en 1937 et L'art et la vie sociale — Plékhanov et les problèmes de l'art publié en 1949.
Dans ce dernier ouvrage, il précise sa vision des choses, dénaturant le réalisme socialiste en « esthétique militante », le dégradant au rôle d'orientation, sans jamais prendre en compte la théorie matérialiste dialectique du reflet...
Le colonialisme est un phénomène social qui a, au cours de son développement, élaboré une idéologie raciste. Ce n'est pas le racisme en tant qu'idéologie qui a donné naissance au colonialisme en tant que réalité matérielle, mais l'inverse.
Or, au cours du XXe siècle, le « post-modernisme » a prétendu qu'il existait un « racisme » qui serait « matériel ». Il y aurait un coupable qui serait « l'homme blanc », auquel s'opposerait une figure « pure », car toujours opprimée et jamais oppressante : celle du colonisée.
Aimé Césaire (1913-2008) fut l'un des principaux défenseurs de cette conception, participant de son côté au mouvement dit de la « négritude », jouant ainsi un rôle éminemment contre-révolutionnaire au sein du Parti Communiste français...
L'immense Honoré de Balzac était un auteur réaliste, mais son point de vue personnel le rattachait aux romantiques. Voici comment dans Sur Catherine de Médicis, il présente de manière très agressive Jean Calvin, alors que dans son roman il est, comme d'habitude avec son réalisme, obligé de faire une distinction entre le calvinisme opportuniste des nobles et celui, plein d'élan, de vigueur, de vérité, du calvinisme bourgeois.
Calvin, qui ne se nommait pas Calvin, mais Cauvin, était le fils d’un tonnelier de Noyon en Picardie. Le pays de Calvin explique jusqu’à un certain point l’entêtement mêlé de vivacité bizarre qui distingua cet arbitre des destinées de la France au seizième siècle...
Ravished Armenia (Auction of Souls) et Mayrig sont deux films sur le génocide arménien. Le premier date de 1918 alors que la plaie du génocide était béante et que l'oppression des arméniens se poursuivait de manière sanglante ; le second date lui des années 1990 et participe à tisser les liens de la mémoire.
« Ravished Armenia » (fragment) est un film difficile à catégoriser, une sorte de docu-fiction tourné aux États-Unis en 1918, donc très peu de temps après le génocide. Il ne nous reste que des fragments du film, les bobines originales ayant disparu dans un incendie.
Le scénario est basé sur le témoignage d'une survivante du génocide arménien nommée Aurora Mardiganian, qui interprète aussi son propre rôle dans le film...
La réédition de Mémé d'Arménie de Farid Boudjella en 2006 (chez Futuropolis) est un objet précieux, d'une grande valeur. Elle est d'une grande qualité de par sa conceptions physique avec du papier de qualité et des photos intéressantes dans le documentaire à la fin, de par ses dessins agréables et faisant une part belle au mouvement.
Elle est aussi d'une grande valeur de par son contenu, montrant la prégnance et l'ampleur du traumatisme des arméniens ayant survécu, montrant comment ils ont petit à petit, au bout d'à peine une génération, commencé à affronter leur mémoire et leur histoire.
Mémé d'Arménie est une bande dessinée parue pour la première fois en 2002. Elle s'inscrit dans la continuité de la série en deux tomes Petit Polio, récits autobiographiques de l'enfance de l'auteur...
Aujourd'hui, lorsqu'on regarde une encyclopédie ou un document présentant un contenu, on a l'habitude de voir une ou plusieurs images qui sont associées à l'explication. C'est à Comenius qu'en pratique on le doit.
Suivons ici son raisonnement, fondé sur une exigence démocratique. Comenius considère que « dans les écoles, tous doivent être instruits en tout ». Mais il sait qu'il y a une contradiction avec l'immensité des choses à apprendre si on se spécialise. Aussi faut-il trouver un moyen afin que l'esprit scientifique prédomine toujours face aux choses qu'on découvre, même si on ne les a pas étudiées...
Medz Yeghern, Le Grand Mal, de Paolo Cossi est une bande dessinée sortie en 2009 à propos du génocide arménien. L'expression Medz Yeghern, qui signifie davantage le grand crime, est justement employée en arménien pour le désigner.
L'album est découpé en de nombreuses petites histoires, chacune se centrant autour de plusieurs protagonistes, et l'ensemble retraçant le génocide, tentant d'en montrer le processus aux lecteurs. C'est évidemment quelque chose de particulièrement complexe; le choix de montrer différents protagonistes a comme objectif de dresser un tableau général, mais on peut tout autant s'y perdre...
Paul Éluard (1895-1952) est une figure très importante dans l'histoire du Parti Communiste français. Il représente, en effet, le courant surréaliste l'ayant infiltré, l'ayant subverti : Paul Éluard et Louis Aragon ont formé un tandem particulièrement pernicieux.
Dans les années 1920, on sait que les Partis Communistes, tant en Russie qu'en Europe, ont été rejoints par une série d'artistes vivant la bohème et imaginant que leurs propres prétentions « avant-gardistes » correspondaient au communisme...
LA RÉVOLUTION D’ABORD ET TOUJOURS !
Le monde est un entre-croisement de conflits qui, aux yeux de tout homme un peu averti, dépassent le cadre d’un simple débat politique ou social. Notre époque manque singulièrement de voyants. Mais il est impossible à qui n’est pas dépourvu de toute perspicacité de n’être pas tenté de supputer les conséquences humaines d’un état de choses absolument bouleversant...
Pour le 150e anniversaire de la naissance de Victor Hugo, Eluard a séjourné à Moscou du 25 février au 4 mars 1952; le petit-fils de Victor Hugo, Jean Hugo, était également présent. A cette occasion, Eluard prononça une allocution le 25 février, intitulée « Hugo, poète vulgaire ». Le lendemain, il tint une autre allocution, intitulée « Victor Hugo », qui est extrêmement proche.
Les voici toutes deux, précédé d'un autre discours, tenu le 1er mars devant l'école de garçons N 607. On y retrouve une version totalement bourgeoise de Victor Hugo, tout à fait en conformité avec le révisionnisme, et en rien avec le matérialisme dialectique...
Aux yeux du post-modernisme, l'histoire n'est pas marquée par le progrès de la civilisation, mais par les revendications des « marges », qui apporteraient des changements « existentiels ».
Voilà pourquoi on assiste à la diffusion totalement délirante d'articles dans une partie de la presse bourgeoise, affirmant que Molière aurait été, en quelque sorte, un « queer » avant l'heure. C'est ainsi que le montre la pièce de théâtre intitulée Le banquet d'Auteuil, et forcément cela fait écho chez les décadents.
Car pour les décadents, les seules modifications qui peuvent exister dans la société proviennent de la « marge ». Si Molière a eu un rôle historique, c'est uniquement (et forcément selon eux) parce qu'il aurait relevé de cette « marge ». D'où la réécriture de son histoire...
Le XVIIe siècle est l'avènement d'une nouvelle couche sociale qui a commencé à apparaître véritablement au XVIe siècle avec l'humanisme d'un côté, la Renaissance de l'autre: celle des artistes. A la base ce sont des artisans, qui se sont spécialisés et ont atteint un niveau élevé de connaissances et de savoir-faire, et qui ont été intégrés dans l'idéologie dominante. Les arts et les lettres ont ainsi un double aspect, cependant ce qui triomphe à cette époque c'est aussi parfois le réalisme, parce que la bourgeoisie apparaît déjà comme classe rationnelle, exigeant un regard objectif sur le monde.
La négation de ce regard objectif, même si relatif car propre à une époque donnée (par opposition à la classe ouvrière dont c'est le caractère même), est une erreur à éviter absolument. Il est intéressant de voir ici comment Abrahm Bosse présente cette couche sociale que sont les artistes, quels aspects il en souligne, alors que lui-même en fait partie...
Si René Descartes se fait l'héraut du compromis entre bourgeoisie et féodalisme, avec son rejet complet des cinq sens accompagné d'un éloge de l'activité pratique, chez Abraham Bosse on trouve, heureusement, la reconnaissance matérialiste de la réalité complexe des sens. A chaque fois, ceux-ci sont présentés dans une situation typique...
La grande difficulté quand on réalise des portraits, c'est de faire en sorte que le tout forme une synthèse d'un moment bien précis, lié à une situation donnée et à une activité donnée. Ici, c'est le sentiment amoureux qui est exposé, dans toute son inquiétude, avec sa profondeur à la fois pour le sens - la femme regarde au loin, elle attend de la nature une réalité concrète - et pour l'intellect, le livre étant là comme prétexte à réaliser tout son être. On a ici une affirmation hautement civilisée des sentiments, et ici il est expliqué que la défiance et la crainte nuisent à la reconnaissance des sentiments...
Voici comment le critique d'art Antony Valabrègue décrit la gravure montrant la galerie du palais de justice d'Abraham Bosse :
Une de ces comédies, la Galerie du Palais, jouée en 1634, sans être un des chefs-d'œuvre de l'illustre auteur du Cid, nous offre, dans plusieurs passages, des documents extrêmement précieux sur les mœurs du commencement du XVIIe siècle. Or, par une coïncidence qui peut s'expliquer par le succès même de cette œuvre, Abraham Bosse nous a donné une gravure qui semble compléter la pièce de Corneille. Un parallèle piquant va ainsi nous être offert entre le poète et le graveur.
Située au milieu de la Cité, à côté du Palais de Justice, la Galerie du Palais, qu'on appelait aussi la Galerie du Palais-Marchand, était en plein dans le grand mouvement de circulation qui avait lieu à cette époque, entre les deux rives de la Seine. Elle était devenue, à partir du règne de Henri IV, comme un centre vivant et animé.
L'immense qualité d'Abraham Bosse tient, bien entendu, dans sa capacité à refléter de manière typique le peuple travailleur. Le sens du détail, la fidélité à l'esprit de l'action, la complexité synthétique de la représentation, tout cela fait qu'Abraham Bosse est une immense figure de notre peuple. Il n'est guère surprenant que le triomphe de la monarchie absolue l'ait fait disparaître, et que la course au capitalisme tendanciellement présente dans les Lumières ait fait qu'on ait pas pu le retrouver, mais comme avec les frères Le Nain, il y a ici un monument de la culture nationale réelle.
Rien, par exemple, que la manière de se tenir du barbier montre le titanesque savoir-faire d'Abraham Bosse, sa capacité à cerner les multiples aspects de la réalité...
Qui dit portrait dit, naturellement, représentation de scènes de la vie courante, dans ce qu'elle a de plus typique. La différence entre le portrait formel et le portrait authentique, c'est que ce dernier capte toute la complexité du réel. Le portrait authentique synthétise en tenant bien compte de tous les aspects. En ce sens, la représentation de l'accouchement est ici d'une très grande valeur; elle est une véritable photographie d'un moment, non plus personnel, mais de dimension historique.
On est précipité dans un moment concret, avec toutes les caractéristiques d'une époque, en pleine reconnaissance de la réalité propre à chaque personne participant ici à l'accouchement; les objets de l'environnement participent totalement à la représentation...
Les 1600 gravures d’Abraham Bosse n'ont cessé, depuis leur réalisation au XVIIe siècle, d'être appréciés dans notre pays. La raison en est qu’Abraham Bosse est un portraitiste de très haut niveau, profitant de la vague de réalisme apporté par la bourgeoisie alors.
Son père est en effet un tailleur protestant venant d'Allemagne, tandis que son apprentissage se fait chez Melchior II Tavernier, originaire d'Anvers. Lui-même était calviniste, et cet esprit pratique se retrouve dans son œuvre Traité des manieres de graver en taille douce sur l’airain par le moyen des eaux fortes et des vernix durs et mols, qui est pas moins que le premier manuel technique de gravure...
Pour comprendre le double caractère du baroque dans certains pays, on peut prendre en exemple l'oeuvre du peintre Michelangelo Merisi da Caravaggio (1571-1610), appelé en français Caravage ou plutôt Le Caravage.
Chaque nation développe certains traits particuliers, qui formeront une contribution à l'humanité unifiée dans le processus que Karl Marx et Friedrich Engels ont appelé le socialisme, précédant la société communiste.
La société italienne n'ayant pas du tout connu le protestantisme, on doit par conséquent discerner dans quelle mesure le caractère national-bourgeois s'exprime, malgré tout, dans voire contre le baroque. Quand on voit cette terrible difficulté, on ne peut qu'être heureux des situations française et tchèque, où le baroque est clairement un objet extérieur, opposé au caractère national-bourgeois...
Le baroque espagnol est l'un des sujets les plus difficiles à interpréter. Le baroque prend son élan à un moment où l'Espagne est déjà devenue un bastion catholique, tant de par la grande opération de « reconquista » (reconquête) idéologique d'un territoire repris définitivement aux Arabes en 1492, que par la « découverte » cette même année de l'Amérique, avec la colonisation qui s'ensuit, marquée bien entendu par les opérations des missionnaires.
L'Espagne, comme l'Italie, a donc totalement évité la vague protestante ; elle a connu ce qui est appelé un « siècle d'or » de par la vigueur de la monarchie espagnole maintenant une féodalité complète, et ainsi le baroque est devenu un des vecteurs de l'affirmation nationale espagnole...
Le baroque fut un outil utilisé par la monarchie autrichienne, rejeté par la monarchie française, mais il est avant tout une expression directe du Vatican.
Historiquement, le baroque initial est avant tout italien ; la moitié des saints est historiquement italienne, comme la quasi totalité des papes : le Vatican a pu faire du pays l'abritant un bastion. Pour cette raison, le baroque italien est d'une richesse démesurée, s'appuyant également sur une aristocratie puissante, passant de la Renaissance et son faste à une affirmation féodale nette.
Là où la situation se complique d'autant plus, c'est avec le manque d'unité nationale italienne. La Sicile, Naples, Rome connaissent des variantes de baroque, même si on reconnaît évidemment la localisation dans le sud du pays, bien plus arriéré sur le plan du mode de production.
A l'opposé de la France où le baroque fut marginalisé par l'hégémonie de la monarchie en alliance avec la bourgeoisie, certains pays ont au contraire connu un baroque comme idéologie nationale, de par la domination de l'aristocratie avec l’Église, de la nécessité d'une offensive de la réaction pour maintenir le régime.
Par la suite, la monarchie tendant à l'absolutisme s'alliera à la bourgeoisie pour tenter de faire ce qui s'est passé en France, développant également un néo-classicisme....
Le culte des saints était dans l'intérêt des monarchies, puisque cela renforçait la religion et le statut du « roi de droit divin ». Cependant, les rois, lorsqu'ils parvenaient à élaborer les bases de la monarchie absolue, tendaient à rejeter l'influence par trop massive de l’Église, et on retrouve la même opposition dans l'aristocratie.
On a ainsi un style artistique royal qui existe, qui « évite » le contenu du baroque. Si l'on regarde le château de Versailles, l'hôtel des Invalides, l’église Saint-Sulpice, la chapelle de la Sorbonne, le château de Vaux-le-Vicomte, le palais du Luxembourg, le château de Maisons-Laffitte ou encore la place des Vosges, on n'y voit ainsi rien de baroque...
Le pont Charles à Prague est un véritable monument culturel, extrêmement connu. Il représente à lui seul tout un épisode du baroque et de sa dynamique agressive. Ce pont, en effet, date de la seconde moitié du XIVe siècle, alors que la monarchie absolue tchèque s'élance, que la tempête hussite bouleverse le pays quelques décennies plus tard.
Mais son identité a été façonnée par les forces ayant triomphé du hussitisme et des Tchèques : l’Église catholique et l'Autriche des Habsbourg. Le pont de 516 mètres de long s'est donc vu ajouté une trentaine de figures en vis-à-vis, au XVIIe et XVIIIe siècles, lors de la domination idéologique du baroque : on y voit Jésus, Marie, des saints dans différentes postures, comme « Saint » François Xavier baptisant des princes indien et japonais...
« Si c'est là l'amour divin, il m'est très familier » : voici ce qu'a dit quelque proche du matérialisme lorsque, au XVIIe siècle, il vit Thérèse et l'ange, sculptures de Le Bernin (1598-1680), Gian Lorenzo Bernini de son véritable nom italien.
Ce Napolitain est, de fait, la grande figure artistique du baroque, son rôle est central et son style résumé le baroque, comme en témoigne le baldaquin, qui abrite le ciboire (le vase utilisé lors des cérémonies), placé dans la basilique Saint-Pierre. Le Bernin fut le principal architecte porté par le vatican; menant une activité incessante, il est un activiste idéologique de premier plan...
Le réalisme socialiste a posé des principes très clairs concernant l'évaluation d'une œuvre d'art, ce qui permet de définir ce qu'est un chef d'oeuvre. Ces chefs d'œuvre ne sont pas des œuvres quantitativement supérieures aux autres, elles sont qualitativement différentes et par conséquent elles fournissent des repères incontournables.
* Quand on analyse une œuvre, on doit s'attacher aux points suivants : la dimension typique dans la vie quotidienne, le caractère historique concret, le niveau technique, la représentation dialectique des phénomènes, l'appui des tendances positives.
* Quand on analyse un artiste, on doit s'attacher aux points suivants : la dimension démocratique, la compréhension des tendances positives, le niveau technique.
Le document qui suit est d'une grande importance historique. Il s'agit d'une intervention publié dans le compte-rendu officiel du Parti Communiste français pour son XVIIe congrès, qui s'est tenu du 14 au 17 mai 1964.
Elle a été écrite par Jean-Pierre Jouffroy, membre de la Fédération de Paris. Né en 1933, il est peintre, influencé par Paul Gauguin, Vassily Kandinsky, Paul Cézanne, ses œuvres relevant de l'abstrait avec quelques petites touches figuratives. Il résuma sa conception de l'art de la manière suivante...
La compréhension du baroque exige une vision précise de la situation propre à chaque pays, sans quoi on arrive à des contradictions patentes. Un exemple « classique » d'erreur complète des commentateurs bourgeois en France concerne le tableau « Les ambassadeurs », de l'allemand Hans Holbein le jeune (1497-1543).
Selon eux, en effet, l'anamorphose – avec un crâne déformé « caché » au premier plan - fait que ce tableau serait « baroque ». Ce n'est nullement le cas.
En réalité, ce crâne est une allusion à la devise d'un des deux ambassadeurs représentés. Jean de Dinteville avait en effet comme devise « memento mori » (souviens-toi que tu vas mourir), et le globe terrestre à l'arrière-plan est centré sur l'Europe et indique même Policy, c'est-à-dire Polisy, le petit domaine de Jean de Dinteville...
La première œuvre de Vassili Perov montrait un commissaire en action, c'est une œuvre qui eut un très grand succès alors. On y retrouve un élément très important chez Vassili Perov: la petite touche en plus pour renforcer un aspect pathétique, social. C'est une insuffisance, car cela amène à penser que le réalisme ne suffit pas, mais il faut bien voir qu'on est ici au début du mouvement des ambulants...
Vassili Grigorievitch Perov (1834-1882) est un peintre immense, totalement inconnu des masses, et pour cause : la bourgeoisie décadente préfère les Salvador Dali et les Marcel Duchamp aux figures illustres du réalisme.
Ici, Vassili Grigorievitch Perov appartient bien sûr au courant des « ambulants », qui ont parcouru la Russie pour montrer la réalité telle qu'elle est. Il est leur figure la plus âgée et pratiquement le premier à insuffler la dimension critique dans le réalisme ; en cela, il est ici très proche des frères Le Nain.
Deux œuvres majeures sont à considérer ici : Troïka, ainsi que La dernière taverne à la porte de la ville. Ce sont deux œuvres magistrales, une affirmation du réalisme porté à un niveau formidable. On y retrouve la même acuité dans l'expression de la souffrance, pleine de dignité. Jamais le peintre n'est hautain, et il préfère forcer le trait aux dépens du réalisme s'il le faut (comme chez les frères Le Nain) afin de bien souligner l'aspect lui semblant central, cela bien entendu en conservant la complexité générale et la synthèse de la réalité...
Les saints et les reliques devinrent ainsi une composante vitale des églises. Mais le baroque utilisa de nombreuses autres armes idéologiques. Un élément significatif très connu du baroque, d'une importance extrême pour lui, est ainsi le trompe-l'oeil.
A la base une église romane, l'Abbaye de Neresheim en Bavière est un exemple significatif du baroque, puisqu'en effet elle a été « modernisée » en ce sens à la fin du XVIIe siècle; voici son trompe-l'oeil...
Un roman, c'est une œuvre de fiction qui obéit à des critères : soit il s'agit d'un roman avec un héros traditionnel, soit d'un roman réaliste dressant le portrait synthétique propre à une époque, ou bien c'est un roman moderne avec un anti-héros dans l'optique de refuser à la fois le principe de narration et celui de personnage.
La bourgeoisie traditionnelle soutient la première forme, le matérialisme dialectique la seconde, le post-modernisme et le fascisme la troisième.
Soumission, le roman de Michel Houellebecq qui sort aujourd'hui, tend naturellement à être un roman moderne, c'est-à-dire l'expression tourmentée et décousue d'un anti-héros se marginalisant et dressant un tableau cynique du monde en contradiction avec ses « pulsions vitales »...
Le baroque, forme de la contre-réforme, a réussi à mettre en place tout un système artistique autour du thème de la vanité. C'est une démarche tout à fait cohérente et aisément compréhensible : pour contrer l'humanisme et le protestantisme, qui en appellent à la raison, le baroque a affirmé de très nombreuses manières que tout est vain, que rien n'a de sens, que rien ne sert à rien.
Cela donne un mot d'ordre – « memento mori », « souviens toi que tu vas mourir » - qui devient essentiel au catholicisme, et une série de représentations, communément appelé « vanités », du terme employé dans le passage biblique « vanité des vanités, tout est vanité »
Le plus couramment existant sous la forme de peintures, les vanités montrent des « rappels » : on a ainsi un crâne, symbole de la mort, parfois un sablier pour désigner le temps qui passe. On a cependant également une systématisation de cette présentation allégorique, avec une fleur dans un vase (qui va donc faner), on fruit (qui va pourrir), une bougie allumée (qui va se consumer), etc.
L'auteur espagnol Pedro Calderón de la Barca (1600-1681) a exprimé le relativisme du baroque de la manière la plus brutale dans une œuvre capitale pour saisir l'esprit du baroque : La vie est un songe.
Dans la pièce, un roi a enfermé son fils seul dans une tour, en raison d'une prédiction sur sa nature future criminelle. Pris de remords, il le drogue et le place sur le trône pour une journée puis, devant l'échec de l'expérience, le ramène dans sa tour après l'avoir drogué. A chaque fois le jeune prince croit que ce qu'il a vécu est un songe, une illusion, et à la fin de la pièce il parvient au pouvoir.
Cette alternance de vérités relatives est propre au baroque : aucune connaissance ne tient debout, à part celle de Dieu. La vie est un songe, une illusion. Il ne sert à rien d'y accorder une véritable importance...
C'est une question qui a été un thème d'une très grande importance durant les années 1920 et 1930 : la révolution socialiste abolit-elle les superstructures du capitalisme, ou bien les dépasse-t-elle ?
Dans le premier cas, on doit abolir la famille, « révolutionner » les formes artistiques, changer totalement les goûts, les mœurs, le style de vie, etc. Dans le second cas, on prolonge ce qu'il y a de meilleur dans le passé, c'est-à-dire prendre en héritage tout le meilleur de la culture démocratique...
Jean Racine est un des trois grands portraitistes de notre pays, aux côtés de Molière et Honoré de Balzac. Comme la psychologie est l'aspect principal de son étude, ce qui est caractéristique de la démarche française du portrait, jetons un œil sur un exemple précis pour en voir les aspects matérialistes, voire matérialiste dialectique.
Regardons pour cela l'oeuvre appelée Bérénice, et plus précisément l'acte IV scène IV. Titus vient de perdre son père et doit devenir roi de Rome. Le problème est qu'il est en couple avec la reine de Palestine, Bérénice..
Hubert-Félix Thiéfaine a été un très grand artiste représentant tout un esprit poétique tourmenté typique du début des années 1980 ; son album « Soleil cherche futur », de 1982, est un grand classique. C'est une œuvre à connaître, tout autant que les incroyables bandes dessinées de Fred ayant Philémon comme personnage principal.
Aussi, il est terrible de voir comment on peut passer d'une attitude poétique visant à assumer la souffrance dans la société capitaliste à une posture fasciste. Car tel est le mot qu'il faut employer pour « Stratégie de l'inespoir », sorti aujourd'hui...
Même pas peur ! Non seulement ces gens ont, dans les années 1990, vendu la culture « garage » afin de se procurer prestige et drogues, mais en plus fallait-il qu'ils en fassent un film : « Eden », sorti hier.
Encore, les Daft Punk avaient fait une même récupération, mais pour partir dans une autre direction. D'ailleurs, lorsqu'en juin 2013, le nouvel album des Daft Punk était sorti, il était facile de constater que « ce que Daft Punk a produit n'était en effet pas fascinant, comparativement à l'immense richesse de la House music, du Garage à la Hard House. C'était seulement facile et propre »...
C'est un peu le coup de l'arroseur arrosé qui s'est déroulé le 3 octobre à l'opéra situé place de la Bastille à Paris.
L'opéra a « avoué » hier les faits : lors d'un opéra, une femme en niqab, assise juste derrière le chef d'orchestre, a dû sortir en raison de la loi sur l'interdiction de cacher son visage. En plus d'un voile masquant les cheveux et le cou, un voile clair cachait la bouche et le nez.
Or, tout le monde sait qu'aller à l'opéra exige d'être « bien habillé ». L'opéra est historiquement un lieu de très haute culture, un lieu de civilisation, mêlant différents arts...
André Fougeron a été un artiste au service du communisme, mais le problème est qu'en France, le communisme a été bien surtout un jauressisme « dur », sans base matérialiste dialectique. Tel a été le prix à payer pour l'absence historique de social-démocratie.
L'affiche d'André Fougeron employée par des « marxistes-léninistes » est ainsi une véritable honte, elle rappelle à quel point la base idéologique du communisme en France est faible. Il ne faut pas s'étonner que le « Parti Populaire français » de Jacques Doriot a pu se construire à partir de renégats du Parti Communiste, quand justement on voit la faiblesse idéologique à la base...
Jules Champfleury (1821-1889) venait de Laon en Picardie, tout comme les frères Le Nain. Et il s'avère qu'il fut un ami de Gustave Courbet, et le principal théoricien du réalisme en France.
S'il écrivit d'ailleurs « Le réalisme », il fut également à l'origine d'une œuvre sur la peinture des frères Le Nain, permettant à leurs œuvres d'être connues et reconnues.
Il était, bien entendu, un grand admirateur d'Honoré de Balzac, ce qui témoigne de l'importance de Jules Champfleury, simple autodidacte devenu journaliste, intellectuel, assumant le camp du réalisme...
Il est tout à fait dans l'esprit de l'époque que l'un des frères Le Nain, en l'occurrence Mathieu, soit parvenu à devenir peintre de la ville de Paris, avec comme tâche de dresser des portraits des marchands, des notables, des écrivains, des événements marquants de la vie de la ville, et même à dresser la décoration pour les cérémonies officielles (fêtes, naissances et enterrements ainsi que mariages princiers, etc.).
La bourgeoisie sait reconnaître ce qui lui appartient, et qu'est-ce qui lui appartient davantage alors que le réalisme ? Le tableau « La forge » fit ainsi forte impression au XVIIe siècle, montrant évidemment l'irruption du travail comme réalité dans une époque encore dominée par l'aristocratie et son mépris du progrès intellectuel et de l'activité manuelle...
Le portraitisme de Molière, d'une force incommensurable, ne pouvait bien entendu pas être isolé, et de la même manière qu'à côté de Honoré de Balzac (1799-1850) on trouve le peintre Courbet (1819-1877), qu'à côté de Denis Diderot (1713-1784) on trouve Jean Siméon Chardin (1699-1779), à côté de Molière (1622-1673) on trouve les frères Le Nain : Mathieu Le Nain (1607-1677), Louis Le Nain (1593-1648) et Antoine Le Nain (1588-1648).
C'est une question de tendance historique, et la bourgeoisie se développant, elle assume le réalisme. Il est ici particulièrement significatif que la bourgeoisie de notre époque, totalement décadente, ne comprenne plus sa propre jeunesse, et a réduit Molière à un sorte de bouffon comique, sans jamais saisir par ailleurs l'importance pour l'histoire de France de la peinture des frères Le Nain.
La peinture des frères Le Nain, il est vrai, n'apparaît dans toute sa somptuosité qu'à la lumière du réalisme socialiste, théorie matérialiste dialectique pour les arts et les lettres. Un portrait typique, avec des personnages typiques dans une situation typique, voilà leur peinture, qui retranscrit véritablement la substance d'une époque...
Deux « artistes » sont portées aux nues par la bourgeoisie en tant que représentants de l'existentialisme: Alberto Giacometti (1901-1966) et Francis Bacon (1909-1992). Si l'art contemporain reflète absolument les principes « post-modernes », tant Alberto Giacometti que Francis Bacon sont considérés comme montrant le plus ouvertement la « réalité » de la « condition humaine ».
Pour cette raison, les oeuvres d'Alberto Giacometti et de Francis Bacon valent une fortune aux yeux de la bourgeoisie. La sculpture d'Alberto Giacometti «L'homme qui marche I» a été vendue en 2010 aux enchères chez Sotheby's pour 74,2 millions d'euros, ce qui fit d'elle la sculpture la plus chère du monde.
L'oeuvre la plus chère du monde jamais vendue aux enchères est de Francis Bacon: « Trois études de Lucian Freud », vendue 106 millions d'euros chez Christie’s en novembre 2013...
La pièce En attendant Godot, de Samuel Beckett, est considéré comme faisant partie du théâtre dit de l'absurde. En réalité, il n'y a pas de différence d'approche ni de perspective entre la phénoménologie, l'existentialisme et « l'absurde ».
Et c'est précisément cette conception qui est présentée comme le thème d'actualité aux lycéens, tant en première en français qu'en terminale en philosophie. Même si les élèves n’en intègrent pas les principes, le plus souvent incompréhensibles, peu clair, voire nettement délirants ils sont au fond en accord avec la conception ultra-individualiste affirmant que le monde est incompréhensible...
Ce qu'on appelle le roman moderne, c'est en réalité la prise en main de la rédaction des romans par des bourgeois dont la vision du monde est celle de la phénoménologie. C'est cette perspective fondée sur le subjectivisme dans les phénomènes qui explique pourquoi les auteurs ont supprimé l'origine sociale des personnages, les descriptions, la représentation de la société.
Il suffit de comprendre un tant soit peu la base de la phénoménologie pour voir dans quelle mesure les œuvres d'Albert Camus témoignent parfaitement de ce subjectivisme. Ses romans L'étranger, La peste et La chute, sont entièrement construits sur cette base. Voici le tout début, l'incipit de L'étranger...
Jean-Paul Sartre, dans son roman La nausée, a tenté d'exprimer cette méthode phénoménologique. En voici un extrait significatif, reflétant parfaitement la conception de René Descartes et d'Edmund Husserl : le corps est nié, les cinq sens rejetés, seul compte l'esprit...
La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne a commencé en Chine populaire au sujet d'une pièce de théâtre. Cela ne doit pas nous étonner : de tels moments ont bien entendu existé dans d'autres pays.
La Belgique est ainsi née de la révolte nationale contre la Hollande, à la suite d'un opéra, La Muette de Portici de Daniel-François-Esprit Auber. Le public bourgeois est galvanisé par le duo intitulé « Amour sacré de la patrie, rends-nous l'audace et la fierté », alors que l'opéra lui-même raconte comment Naples (Portici étant un port voisin) se révolte contre la domination espagnole.
Les bourgeois se réunissent dans la foulée à l’hôtel de ville, reprenant les couleurs hissées là-bas et qui donneront le drapeau belge, alors que l'insurrection nationale se profile...
Hier dimanche 11 mai 2014 s'est terminé au Zenith de Paris le tournoi « All-Star 2014 ». Un tournoi regroupant des champions mondiaux du jeu vidéo en ligne League of Legends (LoL). On est là dans le « nouveau » phénomène de l'e-sport, phénomène qui existe déjà depuis un certain temps mais qui se présente désormais de manière plus massive et plus professionnelle, avec surtout un public qui suit : la finale du championnat du monde 2013 de LoL a été vue en ligne par plus de 32 millions de personnes...
Molière est donc une figure historique de la France ; c'est un artiste porté par tout un mouvement de fond, démocratique et bourgeois. La bourgeoisie aujourd'hui, devenue réactionnaire depuis 1848, le réduit toujours plus à la farce, niant la dimension de son œuvre, mais même son caractère puisque les comédies-ballets ont été transformés en comédies, et sa critique réduite à de la farce et aux bons mots.
Etudier Molière et connaître sa portée est donc une tâche incontournable pour saisir le caractère national français et comprendre l'histoire de la lutte des classes dans notre pays...
Il existe une particularité dans les œuvres de Molière, qui n'a été noté nulle part : la présence très régulière d'allusions au philosophe Aristote. Faut-il y voir ici des allusions à l'averroïsme ? C'est fort possible, puisque c'est l'averroïsme qui a été la base sur laquelle s'est développé le matérialisme en France.
La difficulté tient également au fait que les allusions à Aristote ne sont pas toujours de même nature. Dans certains cas, il s'agit de remarques faites en passant, parfois c'est même pour se moquer des philosophes pédants.
Molière ne critique pas seulement le caractère arriéré des féodaux. En effet, il y a la tentative de procéder à l'imitation de la culture, par pédantisme. Molière est une arme anti-féodale justement parce qu'il empêche la reproduction en apparence de la culture par les faussaires féodaux.
La pièce Le bourgeois gentilhomme est ainsi un rappel aux bourgeois : il faut qu'ils restent eux-mêmes, pas qu'ils copient les féodaux. Un vrai bourgeois ne doit pas se la jouer gentilhomme, il doit porter la ville nouvelle, et ne pas transposer dans celle-ci des mœurs des campagnes...
L'oeuvre de Molière possède une clef : la contradiction entre les villes et les campagnes. La féodalité consiste en les campagnes ; les bourgeois vivent dans les villes, qui étaient auparavant des bourgs fondés par les marchés tenus par les artisans.
La cour, quant à elle, choisit le camp des villes : elle est portée par l'administration de l’État s'affirmant dans un cadre nouveau : la nation...
Molière ne s'arrache donc pas à la soumission à la cour. La Comtesse d'Escarbagnas est une comédie-ballet, sans grande envergure, mais soulignant la séparation entre Paris et la province sur le plan des mœurs. A ce titre, elle célèbre la séparation villes-campagnes, en affirmant la cour et en abaissant l'aristocratie.
Le ton est le même avec Le Malade imaginaire, comédie-ballet où la pièce qui se moque des médecins est entrecoupé de danses, de chants, et de scènes à la gloire du roi et du mode de la vie de la cour...
La question de la maternité et de la sexualité par rapport à l'éducation et l'activité sociale a été un problème fondamental, comme en témoigne Les femmes savantes.
Cependant, ce n'était pas le seul écueil à l'appui fait par Molière aux femmes et à leur quête de savoir : il y a également la question de la famille. Comment s'expriment les contradictions au sein du peuple ?
Comment la contradiction villes-campagnes jouent-elles dans les rapports au sein du couple ? Comment éviter que les progrès de la culture ne tombent dans le pédantisme, et comment éviter que le pragmatisme bourgeois ne sombre dans la facilité ?
« La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix est un tableau très important de l'histoire de notre peuple. Le fait que la justice bourgeoise soit pratiquement incapable de la défendre face à une agression est significatif – mais de fait, le ver était dans le fruit en raison de la nature très particulière de cette œuvre.
En effet, en février 2013, une activiste conspirationniste a utilisé un marqueur indélébile pour inscrire « AE911 » sur la peinture, alors exposé à l'occasion de l'ouverture du musée Louvre-Lens.
La peine annoncée hier reconnaît le caractère politique de cette personne, et la libère pratiquement de toute charge...
« L'insurrection qui vient » ou plus récemment le « dude manifesto », voire Fauve ou Stromae, témoignent de l'intensité toujours plus grande de la crise culturelle que traverse notre pays.
Paradoxalement, cela n'empêche pas la France d'avoir la particularité unique au monde d'avoir un taux de fécondité constant depuis 40 ans. La France, pays de contradictions, pays de révolutions !
Raison de plus de voir les choses en face. Être progressiste, ce n'est pas opposer l'ultra-libéralisme au conservatisme, mais approfondir la culture et la civilisation, dans un esprit démocratique, en défendant l'héritage. Rappelons que Venise en train d'être assassinée par le capitalisme ; ces derniers jours c'est le site de Pompéi qui a subi les assauts des intempéries et le mépris du capitalisme pour sa protection. C'est dire la validité de notre mot d'ordre : socialisme ou retombée dans la barbarie !
Après L'Avare, Molière revient à la comédie-ballet, avec Monsieur de Pourceaugnac. C'est une comédie où on se moque des langages incorrects aux yeux de la cour, comme le picard et l'occitan, où l'on montre que, hors de Paris, tout est naïveté. La conclusion, en elle-même, témoigne du caractère divertissant de la pièce, comme reflet de l'idéologie de la cour :
« Ne songeons qu’à nous réjouir :
La grande affaire est le plaisir. »
Dans la continuité, on a ensuite la comédie-ballet Les Amants magnifiques, joué à l'occasion du carnaval de 1670, au cours des festivités appelées pas moins que Divertissement royal. Louis XIV devait monter sur scène pour danser deux rôles, mais apparemment il ne fit pas (et par ailleurs il ne le fit plus non plus par la suite)...
Un Dude est reconnu pour sa joie de vivre mais parfois il s’accorde des plages de mélancolie. Un Dude est reconnu pour sa force mais il sait que la faiblesse est une chose magique.
Molière a parfois du mal à conjuguer critique bourgeoise et critique dans le sens de la monarchie absolue des formes féodales.
L'Amour médecin, Le Médecin malgré lui ou encore Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux attaquent des figures réactionnaires.
Appuyé par le roi et les intérêts de la monarchie absolue, de la raison d'Etat, Molière peut porter dans ses oeuvres la lutte bourgeoise contre la religion catholique.
Elisabeth Vigée-Lebrun est une figure de l'histoire de notre pays ; elle appartient à ces artistes produit par la bourgeoisie, qui affirment le réalisme, et soutiennent la cause des femmes.
Elisabeth Vigée-Lebrun est donc à ajouter à la liste des combattants progressistes d'alors : les Molière, Marivaux, Beaumarchais !
Une fois la querelle de l'école des femmes ayant ouvert la voie à la démarche de Molière, il ne restait plus qu'à continuer. La pièce réellement nouvelle qui suit, Le Mariage forcé, est ainsi de nouveau une comédie-ballet.
Pour que les choses restent claires, pour ainsi dire, c'est sur ordre de sa Majesté qu'elle est jouée en janvier 1664 au palais du Louvre, puis en février 1664 par la troupe de Monsieur, frère unique du Roi, au Théâtre du Palais-Royal devant le public.
La pièce est indéniablement brillante, puissamment intelligente. Le thème est encore une fois un homme désireux de se marier, alors qu'il ne l'a jamais fait. Il a changé d'avis, parce qu'il a adopté un point de vue réactionnaire, voyant la femme comme un objet, comme une esclave satisfaisant ses vieux jours...
Avec Les Fâcheux en 1661, on a le grand tournant dans l'oeuvre de Molière. Non seulement on retrouve de développé le thème du portrait, mais on a cette fois bien plus : l'appui de Louis XIV, qui va donner une dimension historique à l'ensemble.
Comédie-ballet, Les Fâcheux décrit justement des personnes ennuyeuses, empêchant un homme d'aller voir la femme qu'il aime, parce qu'elles leur racontent une partie de cartes fameuse, ou bien parce qu'elles viennent chanter un air, etc.
On devine que ces fâcheux sont le genre d'importuns que connaît, en quelque sorte Louis XIV, qui va même, alors que l'oeuvre était encore à l'écriture mais que la liste était établie, en mentionner un qui manque : le fâcheux ne pensant qu'à la chasse à courre...
Molière a tenté, après Sganarelle ou le Cocu imaginaire, de développer certains aspects propres aux portraits. Le choix fut cependant erroné, puisqu'il tenta de faire une comédie héroïque, c'est-à-dire une comédie dont les principaux protagonistes sont des aristocrates aux valeurs typiques selon eux-mêmes : vertueux, combatifs, etc.
La pièce, intitulée Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux, ne fut pas un succès. L'intrigue consistait en fait en une farce transposée chez les aristocrates, avec un homme jaloux alors qu'en fait son concurrent, qui aide la princesse à revenir sur le trône, était en fait le frère de celle-ci. Une telle démarche ne pouvait qu'échouer.
Aussi, l'oeuvre suivante de Molière, L'École des maris, nous ramène dans la société elle-même, dans une problématique bourgeoise. Deux frères s'occupent de l'éducation de deux sœurs qu'ils veulent marier par la suite...
Avec les Précieuses ridicules, Molière fait donc passer la farce à la comédie consacrée aux portraits. Ce n'est qu'un début, bien entendu, et les figures types représentées – les Précieuses – visent plus un style, une approche, qu'une véritable catégorie de gens bien définie.
Cependant, voici un extrait de cette œuvre où justement, on trouve une mise en abyme – forme typique du 17e siècle et lié au Baroque – où l'on voit un personnage raconter... qu'il fait des portraits, alors que justement lui-même en est un.
Cette mise en abyme, cette image dans l'image, montre que Molière savait ce qu'il faisait, et c'est sa manière de l'expliquer au public...
La troisième œuvre de Molière, L'Étourdi ou les Contretemps, prolonge l'esprit de la farce : on retrouve un personnage à l'espagnol, Mascarille, valet ingénieux aidant dans une entreprise amoureuse son maître maladroit qui fait tout rater.
On est ici encore dans les bons mots, du type « Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures », tout comme dans l'oeuvre suivante, Le Dépit amoureux, où l'on retrouve Mascarille et des propos comme « On ne meurt qu'une fois, et c'est pour si longtemps ! »
Le scénario de cette quatrième pièce est toujours aussi impossible, avec un homme dépité car la femme qu'il aime se serait marié avec un autre, alors qu'en fait c'est une sœur cachée qui l'a fait, sans que son futur mari le sache par ailleurs...
Au départ, inévitablement, Molière est influencé par le théâtre populaire italien, la Commedia dell'arte qui célèbre l'ingéniosité face à la naïveté, tout en jouant fondamentalement sur la bouffonerie.
L'une des premières oeuvres de Molière, Le Médecin volant, se fonde sur cette approche avec un thème d'ailleurs traditionnel dans ce type de thếatre : le valet Sganarelle se fait passer pour un médecin ; il n'hésite pas à prétendre avoir un frère jumeau, se disputant même avec celui-ci devant quelqu'un d'autre s'il le faut, en alternant ses habits en apparaissant à la fenêtre.
Molière, pendant de nombreuses années, va porter ce théâtre là, dans le cadre d'une troupe itinérante, passant surtout dans le sud de la France...
Molière, Racine, Diderot et Balzac sont les quatre grandes figures de notre culture nationale, du génie français. Tous sont le produit d'une époque progressiste, portant un progrès de civilisation. Ils assument le réalisme, avec les caractéristiques propres aux conditions de la France d'alors : celle de la monarchie absolue pour les deux premiers, celle de la bourgeoisie ascendante pour les deux autres.
Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673), dit Molière, a été un immense dramaturge, assumant son époque selon le principe bien connu depuis de « plaire et instruire ». A l'opposé de Racine, qui avec la tragédie s'était tourné vers la psychologie dans son rapport avec l’État, Molière s'est orienté avec la comédie vers la psychologie dans son rapport avec la société.
Là où Racine dresse le tableau de portraits intérieurs tourmentés face aux exigences de la civilisation, Molière façonne des exemples typiques propres à certaines rapports sociaux...
Le quotidien Libération connaît une crise très profonde, il est en faillite et ses propriétaires veulent utiliser les locaux parisiens – une sorte d'ancien garage avec une « voie » qui monte en serpentant – pour en faire une librairie cafétéria et un plateau audiovisuel, le quotidien n'existant alors grosso modo plus qu'en ligne...
Stromae est indéniablement la grande actualité culturelle de ces derniers mois. La question de savoir ce qu'il représente est par contre indubitablement difficile ; porte-t-il un véritable contenu à travers un progressisme désabusé, ou n'est-il qu'un cynique talentueux ?
Stromae est-il issu des symbolismes et naturalismes belge, profitant de multiples cultures musicales africaines, ou bien est-il une variante post-moderne de la décadence ?
Il y a peu de temps est sorti l'album de Gesaffelstein, consistant en un collage subjectif de sons électroniques froids empruntés de-ci de-là, sans cohérence. La production musicale du groupe Fauve ≠, encensée en ce moment dans tous les médias, est précisément du même type, mais cette fois le collage utilise des mots et non des sons.
Jamais dans l'histoire de l'humanité il n'y a eu autant de moyens matériels pour produire de la culture. Accès aux instruments de musique, aux partitions, à l'histoire de la musique, accès aux livres, aux films, aux musiques, à l'histoire de la peinture, aux différentes danses... La situation actuelle est un rêve en théorie.
En pratique, l'humanité connaît une crise culturelle gigantesque. Le cinéma ne produit que des œuvres infantiles ; les rares artistes authentiques se vendent à la première occasion, tels les Daft Punk acceptant la semaine dernière, pour leur dernier album, des « grammy awards », une honte pour tout artiste authentique...
C'était ainsi que, pour ce vaisseau solidement charpenté, les guerriers combattaient. Pendant ce temps, Patrocle se tenait debout auprès d'Achille pasteur des guerriers, versant de chaudes larmes, comme une source à l'eau noire qui fait couler son eau sombre du haut d'un roc escarpé. En le voyant, le divin Achille aux pieds rapides fut pris de compassion. Prenant alors la parole, il dit ces mots ailés :
Muses daignez abandonner les hauteurs de l'Hélicon, venez dans mon âme m'inspirer mes vers. Mes tablettes sont placées sur mes genoux, je vais apprendre à tous les hommes une grande querelle, ouvrage terrible du dieu Arès : comment les rats marchèrent contre les grenouilles, comment ils imitèrent dans leurs exploits ces mortels qui passent pour être les géants fils de Gaïa.
Voici quel fut le principe de la guerre :
Seuls, Troyens et Achéens restèrent alors dans l’atroce mêlée. Et souvent, ça et là, le combat s'étendit dans la plaine, tandis qu'ils dirigeaient les uns contre les autres leurs lances aux pointes de bronze, entre les cours du Simoïs et du Xanthe.
Parmi les fabulistes chez lesquels on trouve des imitations de nos apologues [du Paṃchataṃtra], Jean de La Fontaine tient la première place...
Le cardinal de Richelieu a ni plus ni moins que repris le domaine de ses ancêtres, pour permettre à l'architecte Jacques Lemercier de réaliser un château et une nouvelle ville...
L'art contemporain répond aux exigences de l'accroissement du capital financier : une armée d'opportunistes de la pire espèce produit de pseudos œuvres d'art, afin de proposer celles-ci comme placements financiers...
L'art contemporain a une conception exactement similaire à celle du situationnisme. Considérant que dans la société industriele une œuvre d'art ne peut plus exister de manière authentique, il met en avant des expériences, des situations...
A la suite du lettrisme naît l'Internationale situationniste, dont le chef de file Guy Debord écrivit La Société du spectacle (1967), manuel d'irrationalisme pour des prétendus aristocrates de la pensée en « révolte contre le monde moderne »...
Le principe du « nouveau roman » est de nier l'importance de l'intrigue, voire même des personnages. Toute prétention au réalisme serait fausse. Pour que l'individu-lecteur existe, l'individu-personnage doit mourir...
Samuel Beckett s'appuie sur des auteurs philosophiques pour l'expression de son subjectivisme; ses pièces n'ont donc aucun sens, mais elles ont comme signification d'annoncer l'individu livré à lui-même, comme le fait l'existentialisme...
Le surréalisme est un mouvement artistique élaboré par André Breton dans le Manifeste du surréalisme. Directement fondé sur les principes de la psychanalyse, il appelle à exprimer ce qui serait la pensée « pure »...
L'apparition de l'art contemporain et de l'idéologie post-moderne est parallèle au développement des forces productives. Les développements industriel et technique ont permis aux larges masses d'accéder non seulement à davantage de biens matériels, mais, en plus, de faire en sorte que ces biens disposent d'une certaine esthétique.
La contradiction entre l'apparition de cette consommation de masse et le caractère capitaliste de la production est ainsi au cœur des questions culturelles dans le domaine des arts et des lettres...
L'artiste Gesaffelstein, mis en avant par les médias depuis des mois, monte une escroquerie. Il apparaît comme « nouveau » avec une musique qui existait déjà dans les années 1990 en en reprenant la démarche, les sons, l'ambiance, mais pas le contenu...
Bertolt Brecht a tenté de formuler sa conception post-expressionniste en une théorie sur le théâtre épique, qu'il appelle distanciation et oppose au théâtre dramatique, qui manipule les émotions.
Upton Sinclair a écrit un roman dans la veine du reportage, au sujet de la plus grande concentration industrielle d'alors, en 1906 : les Chicago stockyards, un enfer d'élevages et d'abattoirs.
Grand ami d'Egon Erwin Kisch, Joseph Roth (1894 – 1939) est une très grande figure de l'histoire du journalisme.
Henri Barbusse, avec son roman Le Feu, réalise un témoignage poignant sur la guerre impérialiste de 1914-1918 ; son reportage un URSS, sur Staline, Un monde nouveau à travers un homme, est une autre expression de son approche.
Le jeu GTA 5 est sorti il y a peu et a déjà rapporté un milliard de dollars en trois jours, dont 800 millions le premier jour. Rien qu'en France, en une semaine, le jeu s'est vendu à 1,1 million d’exemplaires. C'est l'apogée d'un divertissement à la fois reflet et au service de l'idéologie fasciste.
Kisch s'est mis au service du Parti Communiste d'Allemagne et de l'antifascisme; il a eu une activité inlassable, toujours au service de la cause.
C'est avec un œil avisé et un regard cocasse que Kisch effectue ses reportages, nous montrant de manière critique la vie des gens. Ici, il se promène dans un quartier qui n'existe plus depuis quelques années, appelé le Marais et de culture juive, dans le centre de Paris.
«Deux garçons en promenade la nuit sur le Boul'Mich' se disputent à propos du Traité politique de Spinoza ; une fois arrivés à hauteur des cafés, ils interrompent leur discussion et se mettent à ramasser des mégots sous les tables.»
Kisch ne va pas décrire de manière populiste les cambriolages, les incendies ou bien le monde de la prostitution, il va au contraire pratiquer l'immersion, plongeant dans les bas-fonds, afin de décrire les ressorts et les mécanismes des phénomènes.
Julius Fučík, né le 23 février 1903, à Smichov, un quartier ouvrier dans la banlieue de Prague, est un journaliste tchécoslovaque qui a rejoint très jeune les rangs du Parti Communiste. Son père était métallurgiste ; lui-même est le neveu de son homonyme, compositeur auteur de la mondialement célèbre Entrée des gladiateurs, notamment utilisé par les cirques.
Intéressé très tôt par la littérature, il rejoignit parallèlement l'aile gauche de la social-démocratie, qui forma le Parti Communiste de Tchécoslovaquie. Il écrivit alors pour le journal communiste de la ville de Plzeň, puis ses études finies, il participa à différents journaux et revues d'esprit littéraire...
«Rien n'est plus sensationnel dans le monde que l'époque à laquelle on vit. » « Rien n'est plus estomaquant que la simple vérité, rien n'est plus exotique que notre environnement, rien n'est plus plein de fantaisie que l'objectivité.»
Une vidéo on ne peut plus sexiste sur une musique entièrement repompée, de la part de pseudos artistes célébrés par la presse : « Blurred Lines » est un véritable exercice de style de la décadence de la bourgeoisie, une démonstration de son incapacité à produire. Le texte, bien entendu, est à l'avenant, exprimant le patriarcat et célébrant la tromperie...
La Techno parade à Paris a été une démonstration de force du capitalisme.
« Un soir, je me prélassais dans un fauteuil dans ma chambre et je pensais avec langueur à la condition de la femme indienne. Je ne suis pas sûre si je me suis assoupie ou non mais, aussi loin que je me souvienne, j'étais bien éveillée. J'ai regardé le ciel, éclairée par la seule lune, scintillant de centaines d'étoiles telles des diamants et ce, très distinctement. Tout d'un coup, une femme se tenait devant moi ; comment elle est arrivée là, je n'en sais rien. Je l'ai prise pour mon amie, Sœur Sara... »
La Défense et Illustration de la langue française est une œuvre magistrale de l'histoire de notre pays. Elle synthétise sur le plan culturel ce que la fameuse Ordonnance faisait appliquer dans l'administration.
Ainsi, la monarchie absolue peut triompher, car elle est capable de diffuser une culture supérieure. Aucune entité sociale en France ne pouvait échapper à la nouvelle forme culturelle-idéologique proposée par la monarchie absolue...
A côté de sa dimension bourgeoise, alors progressiste, Joachim du Bellay a indéniablement un aspect féodal, soumis à la monarchie absolue. Cela se voit avec son argumentation en faveur d'une sorte de mystique du long poème « national », en fait féodal.
De telles constructions seront légion au 19e siècle, servant à légitimer la nation par d'hypothétiques romans écrit en langue nationale dans le passé, etc, et relevant en réalité du folklore populaire (et ayant donc une valeur populaire et non pas « nationale » au sens strict)...
Joachim du Bellay considère donc que pour faire vivre la langue, il faut du style. C'est un appel au style français. Voici le passage le plus important, où est présenté le style français, qui se veut à la fois concis et mis en forme de manière adéquate pour exprimer ce qui doit l'être.
On a ici, bien entendu, la préfiguration de ce que formulera Nicolas Boileau dans son Art poétique...
L'époque de Joachim du Bellay est difficile à saisir, car d'un côté la bourgeoisie se renforce en décentralisant, en morcelant le pouvoir central, comme avec le protestantisme, alors que de l'autre la formation d'un grand État central la renforce également pour l'étape suivante.
C'est la noblesse qui est la cible de ce mouvement en ciseau, mis en branle par la bourgeoisie et par la monarchie absolue...
La destruction de l’hôtel particulier Lambert à Paris est une démonstration du caractère criminel dans la culture du mode de production capitaliste. La bourgeoisie est incapable de préserver le patrimoine culturel national, sans même parler de le transmettre.
L'hôtel Lambert avait été construit par Louis Le Vau entre 1639 et 1644, lui-même avait dirigé la construction du château de Vaux-le-Vicomte et l'agrandissement de celui de Versailles.
Joachim du Bellay demande un saut qualitatif en raison de la nouvelle époque : il ne s'agit pas de nier le passé, mais de le dépasser. Il faut assumer le meilleur du passé, pour assumer la nouvelle étape. Il faut connaître les grands auteurs dans leurs langues, pour connaître le haut niveau et l'exiger pour ses propres formulations.
Voici comment Joachim du Bellay présente la chose sur le plan littéraire...