21 oct 2011

Rue 89 et le travestissement de la pensée d'Epicure

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Nous sommes le ministère de l'épicurisme car Epicure est un grand penseur matérialiste de l'antiquité grecque pour lequel la compréhension du monde repose sur les sens s'épanouissant dans la nature. Le but du ministère de l'épicurisme est donc d'éveiller les sens dans le but de mieux appréhender la réalité qui nous entoure, cette réalité que le capitalisme, en favorisant les relations d'aliénation et la rupture avec les sensations, essaie de nous dérober. Le ministère de l'épicurisme traitera ainsi des liens sensoriels avec le monde, à travers le cinéma, les jeux, les questions de société, le rapport à la nature, le rapport à son propre corps, etc.

Le terme « épicurisme » est bien souvent galvaudée. Le christianisme, qui se réfugie dans une appréhension purement spirituel du monde, a réinterprété la reconnaissance du réel à travers les sens en synonyme de « débauche ». Ainsi, dans le langage courant, un « épicurien » est un homme qui prend plaisir à mener une vie décadente où la baise facile remplace les sentiments.

 

La France présente ceci de particulier que l'aspect matérialiste de la pensée d'Epicure peut être travesti par le matérialisme mécanique issu de la période classique, c'est-à-dire le cartésianisme. En France, « matérialisme » s'oppose aux sensations et à la nature pour apparaître comme une construction purement intellectuelle en rupture avec la réalité.

 

C'est là très exactement le biais d'un article de Rue 89 consacré à Benoît Schneckenburger, présenté comme un « amoureux d'Epicure », ceinture noire de karaté et garde du corps de Jean-Luc Mélenchon.

 

Dans cet article, Epicure est juste un prétexte pour donner une image excentrique et sympathique du Parti de Gauche et de Mélenchon, à travers un personnage atypique car conjuguant l'intellect et puissance physique. Car si un article s'intéressait véritablement à Epicure, il ne pourrait ignorer la question de la nature en tant que réalité sensible où s'épanouit la vie. Dans le texte publié sur Rue 89, la nature, les animaux, les sensations, les êtres vivants, tout cela est passé sous silence. Rien d'étonnant évidemment : Rue 89 est une publication bourgeoise en France et, de son point de vue, « matérialisme » ne peut signifier que matérialisme mécaniste à la Descartes.

 

Ainsi, Benoît Schneckenburger est un intellectuel français façonné par l'école bourgeoise. Pour lui, le marxisme n'est pas une science mais un outil sociologique et, en sa qualité d'intellectuel, il hiérarchise le marxisme. Dans un cours de formation militante interne au Parti de Gauche, Benoît Schneckenburger indique que « Le matérialisme historique est le principal élément du marxisme, ce qui le structure ». Son cours est spécifiquement dédié au matérialisme historique et c'est en cela que Benoît Schneckenburger s'inscrit dans la lignée des intellectuels français héritiers du matérialisme mécaniste. Quand on l'écoute, on constate qu'il s'appuie sur l'histoire des idées, qu'il ne part pas de la matière et de son mouvement.

 

En somme, il extrait le matérialisme historique pour reconstruire une histoire sociale et il rejette le matérialisme dialectique, la dialectique de la nature. Il ne conçoit pas l'humain comme une production de la nature, mais comme un objet d'étude en lui-même. Bref, Benoît Schneckenburger a lu Marx mais pas Engels, sa « philosophie » est bancale, il ne retient du marxisme que ce qui lui est utile pour développer une démonstration sociologique.

 

D'ailleurs, Benoît Schneckenburger a soutenu une thèse sur les matérialistes français du XVIIIè siècle, ce que l'article de Rue 89 oublie de préciser. Rue 89 se contente en effet de mentionner « une thèse sur les matérialistes du XVIIIe ». Pourquoi cette omission ? Parce que, du point de la bourgeoisie française, le matérialisme est forcément français. Il s'agit là d'une erreur systématiquement répétée en France car, en réalité, « le matérialisme est né en Angleterre dans la reconnaissance de la dignité du réel ». Mais ce qui ne plaît pas à la bourgeoisie française est justement cette reconnaissance de la dignité du réel à travers les sens, dans la lignée d'Epicure.

 

Et finalement, c'est bien le Parti de Gauche que l'on retrouve dans cet article qui s'apparente plus à du publi-reportage. Le Parti de Gauche porte aujourd'hui la vision de la petite-bourgeoisie se détournant des sensations, se gargararisant de franchouillardise et d'idéologie républicaine passéiste. Au contraire, Voie Lactée produit un contenu culturel d'avant-garde qui mène à la nouvelle civilisation du bonheur tranquille, en accord avec la pensée d'Epicure.

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