3 fév 2015

Baroque et contre-réforme - 15e partie : les baroques belge et autrichien

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A l'opposé de la France où le baroque fut marginalisé par l'hégémonie de la monarchie en alliance avec la bourgeoisie, certains pays ont au contraire connu un baroque comme idéologie nationale, de par la domination de l'aristocratie avec l’Église, de la nécessité d'une offensive de la réaction pour maintenir le régime.

Par la suite, la monarchie tendant à l'absolutisme s'alliera à la bourgeoisie pour tenter de faire ce qui s'est passé en France, développant également un néo-classicisme.

En Autriche, la grande référence du baroque fut Johann Bernhard Fischer von Erlach (1656-1723), dont les réalisations suivent la victoire finale sur les forces ottomanes menaçant la capitale viennoise et contemporaines de la nécessité d'écraser les forces démocratiques des pays dominés, notamment la Bohême.

Il est à l'origine du château de Schönbrunn, sorte d'équivalent en plus réduit du château de Versailles, ainsi que de multiples monuments baroques, comme la bibliothèque royale.

La plus célèbre de ses œuvres reste cependant l'église Saint-Charles-Borromée de Vienne.

On trouve une autre église Saint-Charles-Borromée à Anvers. Datant du XVIIe siècle, elle était liée aux jésuites sous le nom d'église Saint-Ignace, et fut terminée par la principale figure du baroque belge, Pierre Huyssens (1577-1637).

Une autre église Saint-Ignace, du même architecte, existe à Namur (désormais sous le nom d'église Saint-Loup).

Charles Baudelaire, dans ses notes de voyage, remarque ainsi :

« Saint-Loup. Merveille sinistre et galante. Saint-Loup diffère de tout ce que j'ai vu des jésuites. L'intérieur d'un catafalque [estrade funéraire où est posé le cercueil] brodé de noir, de rosé et d'argent. Confessionnaux, tous d'un style varié, fin, subtil, baroque, une antiquité nouvelle. L'église du Béguinage de Bruxelles est une communiante. Saint-Loup est un terrible et délicieux catafalque. »

En Belgique, on trouve également François Duquesnoy, artiste directement soutenu par l'Autriche qui dominait alors le pays. Voici son Saint-André.

Voici sa Sainte-Suzanne.

On a encore Jean Del Cour, qui fut un élève du Bernin. On ne peut qu'être frappé par le très haut niveau culturel que l'on trouve ici.

Voici aussi une œuvre très expressive de Laurent Delvaux, et une autre de Guillaume Kerrickx.

Ici, le problème est de taille : la bourgeoisie nationale a dû se développer dans des conditions très difficiles, à travers la domination idéologique féodale. Elle a dû accepter le baroque, malgré elle. C'est précisément cela, si l'on regarde au moyen du matérialisme dialectique, qui a amené l'éclosion de l'art nouveau, justement en Autriche et en Belgique.

De la même manière, dans ces deux pays, on peut constater une vigoureuse vague néo-classique, portée par la bourgeoisie s'affirmant enfin contre la féodalité. La célébration de la ligne droite dans le design connaît ici un summum. Le baroque est cependant ici à considérer également nationalement : on ne peut pas comprendre la culture nationale-démocratique belge ou autrichienne sans connaître son baroque, ce qui est un paradoxe complet, puisant son origine dans la prolongement anormal historiquement de la domination de l'Eglise, aboutissant à des contorsions, des déformations culturelles, qui peuvent bien entendu (et doivent) se retourner en son contraire.

Le baroque peut être ici authentiquement beau, et même une expression populaire. La difficulté est bien entendu ici d'être en mesure de faire le tri.