8 fév 2013

De Louvre-Lens à Strasbourg : la révolte symbolique et plébéienne

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En l'espace de 18 heures, la lutte des classes s'est exprimée de manière très particulière ; le matérialisme dialectique seul permet d'en saisir la réalité, la nature profonde.

Ainsi, ce n'est pas seulement un « déséquilibre mental » qui a amené une femme à aller taguer « AE911 » sur la fresque d'Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, au musée du Louvre-Lens.

Car ce sigle est celui du collectif « Architects and Engineers for 9/11 Truth », une initiative « anti-conspiration » qui exige une enquête indépendante sur les attentats du 11 septembre 2001 et l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center à New York.

Graffiter ce tableau en particulier est un acte plébéien, dans l'idée c'est le « peuple » qui reprend ses droits, même si en pratique nous pouvons voir avec le matérialisme historique et dialectique qu'il s'agit d'une expression petite-bourgeoise semi-fasciste, allant à la barbarie par « révolte ».

On est d'ailleurs dans l'idée de quémander auprès des puissants, au nom du « peuple », un point de vue idéaliste, pratiquée typiquement par les syndicalistes de mèche avec la bourgeoisie.

Une autre révolte a justement eu lieu presque en même temps : mercredi 7 février 2013 s'est déroulée une manifestation syndicaliste devant le Parlement européen à Strasbourg. L'idée était de refaire un fameux « coup » syndicaliste dur et de mener un psychodrame devant les parlementaires en faisant jouer de la force ouvrière, avec une rhétorique bien encadrée par les syndicats soutenant ouvertement la cogestion du capitalisme.

Le principe est connu : cela sert de soupape de sécurité, les syndicalistes « durs » gagnent des points dans leur lutte des places, les négociations se font plus vigoureusement.

Sauf que naturellement, sans comprendre la crise générale du capitalisme, tout est tristement décalé.

Des travailleurs et des représentants syndicaux d'ArcelorMittal ont donc quitté mercredi le centre acier de Flémalle, pour rejoindre à Strasbourg un cortège de métallurgistes français, luxembourgeois et belges.

L'image était forte et symbolique : les travailleurs venaient des sites d'ArcelorMittal de Florange et Gandrange (Moselle), Schifflange (Luxembourg) et Liège (est de la Belgique).

Le principe était de soutenir une délégation rendant visite à des députés européens et au commissaire européen à l'Industrie. L'accueil a été frais : au dernier péage il y a eu des fouilles corporelles systématiques, puis les CRS ont réprimé toute velléité d'affirmation démonstrative.

Bilan pour la police avec 23 cars fouillés : du matériel traditionnel des coups de force syndicaux réformistes sur le ton psychodramatique, soit deux bonbonnes de gaz, une grenade artisanale à billes, 40 kg de boulons de grosse taille, 66 fumigènes, des ampoules remplies de peinture, des pétards K2 et K4 (interdits à la vente et à l'usage sauf par des artificiers professionnels).

Bilan du côté des masses : John David, 25 ans, intérimaire sur le site Mittal de Flémalle, près de Bruxelles, a perdu l’usage de son œil après avoir été touché par un tir de flash-ball, tandis que Frédéric Maris, salarié sur le site de Florange, a lui été touché à l’abdomen par une balle en caoutchouc.

Les syndicats auront beau protester : en vérité, ils ont amené tout le monde au casse-pipe. S'imaginer pouvoir jouer au rapport de force en pleine crise générale du capitalisme, comme au temps des années 1980, est suicidaire et mensonger. Il faut une naïveté complète pour s'imaginer pouvoir débarquer avec autant de cars et autant de matos, même n'importe quel hooligan le sait dans sa culture la plus élémentaire.

Non seulement la bourgeoisie n'a pas été dupe, mais elle en profite pour apprendre ouvertement, pour faire des cas d'école. Voici ce qu'écrit Le Figaro le 7 février 2013 :

Front social : le spectre des casseurs

Le ministère de l'Intérieur s'attend à une action musclée de l'extrême gauche, le 12 février, au siège de Goodyear, à Rueil-Malmaison. Les durs de la CGT menacent aussi d'agir, ce jour-là, à Paris. Un test pour Manuel Valls.

Dans les services de police, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre: les durs de la CGT voudraient mener des opérations coups de poing à Paris même. Le prétexte des débordements pourrait être un comité central d'entreprise de la société Goodyear, le 12 février, à son siège de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). «Les plus radicaux des coordinations syndicales des différentes entreprises en difficulté (Renault, PSA, Goodyear, donc, mais aussi Sanofi ou Candia) se fédèrent pour monter sur la capitale», assure un syndicaliste policier, qui parle d'une volonté chez certains d'aller «au contact». En clair: le ministère de l'Intérieur redoute le retour des casseurs.

Manuel Valls a déjà mis en garde les éventuels fauteurs de troubles, s'inquiétant des risques «d'implosion ou d'explosion sociale». Il a assuré, mardi, que ses services étaient mobilisés pour éviter tout débordement, dans les rues ou dans les usines, car, dit-il, «on ne peut pas casser l'outil de travail».

L'affaire a été le sujet de préoccupation des plus hauts responsables policiers parisiens réunis autour du préfet de police, Bernard Boucault, le 30 janvier. Le directeur de l'ordre public et de la circulation, responsable du maintien de l'ordre dans la capitale et dans les trois départements limitrophes, a réclamé un maximum d'informations, notamment à la Direction du renseignement de la Préfecture, pour évaluer le dispositif à mettre en place, tandis que de discrets pourparlers ont lieu actuellement avec les organisations syndicales pour tenter de raisonner les jusqu'au-boutistes. Mais les centrales syndicales contrôlent-elles vraiment la base?

Un rassemblement qui dégénérerait à Paris serait un mauvais signal, si l'on se réfère à la maxime chère à Napoléon: «Je suis plus inquiet d'un rhume à Paris que d'une épidémie en province.» Quelques rassemblements visant à faire la jonction entre les divers mouvements revendicatifs ont déjà eu lieu ces dernières semaines, mais sans incident notable, comme devant le magasin Virgin, sur les Champs-Élysées, le 29 janvier. À lui seul, le collectif contre les licenciements boursiers, qui veut rejoindre le cortège du 12 février, a réuni plus de 700 personnes très remontées devant le ministère du Travail ce jour-là.

«On n'en est qu'aux prémices»

La semaine prochaine, à Rueil, on parle de plus d'un millier de protestataires déterminés. Mercredi, à Strasbourg, douze gendarmes et policiers ont été blessés alors qu'ils tentaient de repousser un millier de salariés des sites européens d'ArcelorMittal qui convergeaient vers le Parlement européen. La préfecture du Bas-Rhin a évoqué «quelques éléments particulièrement violents et déterminés à blesser et à casser», lors d'une manifestation qui «n'avait pas été déclarée».

«On n'en est qu'aux prémices», prévient Marie Lecomte, qui a pris la tête du collectif contre les licenciements boursiers, tandis que Philippe Poutou, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), annonce que ses troupes vont entrer dans la danse. Mêmes menaces à peine voilées de la part de Jean Mangin, de la CGT d'ArcelorMittal, qui déclare: «Dans ce genre d'action, on ne sait pas très bien ce qui peut se passer…»

Pour l'heure, un haut responsable de la Sécurité publique le dit au Figaro: «Le risque doit être pris très au sérieux, et les sites à protéger ne manquent pas, de l'Élysée à Matignon, en passant par le siège de PSA, avenue de la Grande-Armée, celui du Medef, avenue Bosquet, dans le VIIe arrondissement, ou encore le ministère du Redressement productif, à Bercy.» Selon lui, «il faudra marquer quelques individus à la culotte, car ceux qui veulent en découdre sont imprévisibles».

Dans une instruction du 30 janvier, la sous-direction de l'information générale (les ex-RG) a été invitée à suivre «au plus près» les entreprises en difficulté afin d'anticiper une éventuelle «radicalisation» des mouvements sociaux.

Le document a été transmis aux directeurs départementaux de la sécurité publique dans tous les départements. «À la veille des prochaines élections syndicales, il est clair que la CGT ne veut pas se laisser déborder par SUD et les mouvements trotskistes, très actifs sur le front social», explique un haut fonctionnaire Place Beauvau.

Dans un tract rédigé le 31 janvier sur le site Goodyear d'Amiens-Nord (Somme), menacé de fermeture, la CGT brandit la menace de «l'énervement total» et de «l'embrasement social». Et d'ajouter: «La colère à exprimer» pourra l'être à Rueil, le 12 février, pour un premier grand test.

Chez PSA, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), des cadres évoquent une cinquantaine d'«énervés» sur les 2 750 employés du site. «Lutte ouvrière agit en sous-main pour les aiguillonner», confie un policier local. Les plus durs auraient, selon les autorités, des liens avec les cités avoisinantes, comme à Amiens-Nord.

«Ce n'est pas la mobilisation de masse, nuance un expert des ex-RG, mais la radicalisation progresse. En toile de fond, il y a le désespoir d'une partie de la classe ouvrière qui ne croit plus aux promesses des partis de gouvernement.»

À Florange (Moselle), le meneur CFDT d'ArcelorMittal, Édouard Martin, se dit «inquiet de la tournure que ça peut prendre». «Je pense que ça peut péter, parce que la ­situation est très, très tendue», spécule-t-il, notamment chez les jeunes. Un son de cloche récurrent, partout où les emplois industriels sont menacés.

Des heurts ont éclaté entre des manifestants et les forces de l'ordre, lors de la manifestation contre les licenciements chez PSA, devant le Salon de l'automobile, porte de Versailles, à Paris, le 9 octobre dernier.

La social-démocratie sert ici le fascisme : elle amène les masses à l'échec pratique, elle nie l'importance de la théorie et de l'objectif révolutionnaire, elle accompagne le processus d'éducation de la bourgeoisie dans les conditions présentes.

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