Together (Tillsammans) est un film du réalisateur suédois Lukas Moodyson qui dépeint la vie d'une communauté hippie en banlieue de Stockholm en 1975 (le film débute par l'annonce de la mort de Franco). L'histoire suit le parcours d'Elisabeth qui fuit, avec ses deux enfants, son mari Rolf qui l'a frappée. Elle rejoint son frère Göran qui l'accueille au sein d'une communauté hippie.

C'est précisément la fille d'Elisabeth, Eva, qui porte le regard le plus juste sur cette communauté qu'elle découvre. Eva considère, par exemple, que le mode de pensée des hippies consistent en général à dire l'exact contraire de ce que tout le monde pense et de se satisfaire de cette posture qui est contestataire seulement en apparence.

Le personnage d'Eva perçoit ainsi très bien que les hippies sont en rupture avec l'idéologie dominante, mais qu'en même temps ils s'inventent une réalité parallèle à laquelle ils se forcent à croire.

Ainsi, à l'intérieur de la communauté, Anna se réinvente artificiellement une identité de lesbienne pour se donner un genre.

De la même manière, on voit le personnage de Göran dont la copine Lena couche avec un autre membre de la communauté. Le soir, Göran attend dans le lit de la chambre d'à côté que Lena vienne le rejoindre. Göran prétend accepter cette relation « libre » qui en vérité le mine bien sûr profondément. En somme, l'idéologie hippie pousse Göran à nier la dignité du réel, à accepter l'inacceptable.

Together critique ici le mouvement hippie dans son libéralisme totalement étranger aux sentiments et aux sensations. Cette critique est juste car les sentiments et les sensations fondent la perception du réel et, par conséquent, l'approche matérialiste. Ainsi, l'erreur de Göran réside dans sa déconnexion du réel dont la reconnaissance passe nécessairement par les sensations et les sentiments qu'il éprouve. A la fin du film, Göran finira par affronter l'hypocrisie de la situation en se révoltant et en mettant Lena à la porte.

Néanmoins, le film de Moodyson souligne également l'aspect fondamentalement progressiste et émancipateur du mouvement hippie, malgré de profondes limites, dans le contexte du carcan capitaliste. Elisabeth et Rolf prennent ainsi conscience chacun de leur côté de leur aliénation à une vie de couple où chacun joue un rôle traditionnellement assigné.

Together oppose aussi la vie de la communauté hippie au modèle de la famille petite-bourgeoise qui vit dans la maison d'à côté pour mieux révéler l'hypocrisie de cette dernière. La famille petite-bourgeoise, révulsée par le mode de vie hippie, est en fait rongée par l'hypocrisie. Le père prétend qu'il va « bricoler » à la cave alors qu'il se masturbe en regardant des magazines pornographiques. Son épouse est au courant mais préfère passer outre et continuer coûte que coûte une relation en vérité déjà morte.

C'est le fils, Fredrik, qui crève l'abcès en balançant les magazines pornographiques de son père dans la chambre à coucher. Comme pour Eva, Together adopte très souvent le point de vue des enfants qui ressentent très bien les faux-semblants qui régissent le mode de vie petit-bourgeois comme le mode de vie hippie. La dernière scène est très belle réunissant les principaux personnages du film lors d'une partie de football dans la neige où s'exprime le bonheur d'individus libérés : Göran, Elisabeth, Rolf mais aussi la mère de Fredrik qui s'est détachée de sa vie morne "bien comme il faut".   

Together constitue au final une critique de gauche très intéressante du mouvement hippie. Détail significatif, Moodyson pratique des fondus au rouge entre deux scènes, au lieu des classiques fondus au noir, ce qui accentue encore davantage l'empreinte politique du film.

Voir aussi : La révolution-socialiste-libérera les sentiments, étude du film L'honneur perdu de Katharina Blum