8 juil 2012

La chaîne Arte qui ose diffuser "Peur sur la ville": tout un symbole de décadence

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« Allez savoir où vont les gens, y a 48 étages dans cette putain de tour ».

Ce n'est pas un scandale, c'est bien plus, c'est quelque chose d'une portée symbolique qui doit faire froid dans le dos.

Arte, la chaîne culturelle, la chaîne des films « ennuyeux », a diffusé il y a quelques jours, le 2 juillet 2012 un film ultra-réactionnaire, un véritable brûlot fasciste : « Peur sur la ville. »

Et on a désormais les résultats de « l'audience » : une « part de marché » de 6.5%, soit1 608 000 téléspectateurs ! C'est le second record de l'année d'Arte.

A sa sortie en 1975, le film avait également été un carton, avec 3 949 746 entrées en France.

C'est d'une portée symbolique énorme. « Peur sur la ville » est normalement le film qui typiquement passait le dimanche soir sur TF1, sur une ligne beauf misogyne misanthrope paranoïaque populiste racoleur anti-« gauchiste », avec l'apologie du flic violent mais humain, sincère mais « brutal comme il faut savoir l'être » afin de protéger les masses « terrorisées » par un assassin pervers profitant de la démocratie pour commettre ces crimes odieux, visant des femmes prétextes à tout un arrière-plan sexuel racoleur.

Pour ceux et celles qui n'ont pas vu ce film authentiquement fasciste à la française, il repassera sur Arte les Mercredi 11 juillet 2012 (à 01h20) et Jeudi 19 juillet 2012 (à 01h10).

Voilà bien le symbole de toute une évolution : un film fasciste il y a 20 ans passe pour un bon film aujourd'hui. Un « classique » montrant une époque « révolue », idéalisée. « Avant c'était différent » : voilà la ligne d'une nostalgie franchouillarde dégueulasse et minable.

Sur le site d'Arte, il n'y a d'ailleurs pas l'ombre d'une critique ; on a droit à un panégyrique :

« Derrière ses lunettes noires qui dissimulent un oeil de verre, Minos est un tueur psychopathe obsédé par L'enfer de Dante. Chaque nuit, il harcèle au téléphone des femmes seules dont il juge la vie sexuelle dépravée.

Un soir, il s'en prend à Nora Elmer, pourtant barricadée au dix-septième étage de sa tour ultramoderne. Lorsque l'on découvre le corps de la jeune femme au pied de l'immeuble, c'est le commissaire Letellier qui se charge de l'enquête.

 

Obsédé par un braquage qui a mal tourné et plus habitué aux règlements de comptes avec le milieu, il a du mal à s'intéresser à cette affaire de psychopathe.

Mais au fil des jours, les meurtres de femmes vont s'intensifier et Letellier finit par faire de la capture de Minos une affaire personnelle.

Trente-sept ans après sa sortie, Peur sur la ville n'a pas pris une ride. Thriller hyperréaliste et haletant, le film est servi par des seconds rôles savoureux, de Rosy Varte à Jean-François Balmer en passant par la belle Lea Massari ou l'inoubliable Charles Denner.

C'est l'occasion de se replonger dans le Paris des années 1970, entre les vieux bars mal famés, repaires de truands à la papa, et la modernité des tours du Front-de-Seine.

Un terrain de jeu formidable pour Jean-Paul Belmondo, au sommet de sa forme, comme le montre la scène mythique où il traverse le pont de Bir-Hakeim, debout sur un wagon de métro lancé à toute allure.

Cavalcades sur les toits de Paris ou assaut de tours phalliques, l'acteur, qui a réalisé lui-même toutes les cascades, joue avec son image de brute sympathique, héros solitaire tentant de remettre de l'ordre dans "l'ultramoderne solitude" d'une société en mutation. »

La « société en mutation » a bon dos : c'est un vrai film fasciste, un très grand classique du cinéma français bourgeois des années 1970.

On y voit un « fou », un « malade mental » sadique et pervers, par définition inguérissable et que seul peut arrêter un policier qui « dépasse » la loi. Jean-Paul Belmondo, qui joue le rôle du commissaire Jean Letellier, est une sorte de « dirty harry français. »

Il y a d'ailleurs beaucoup de cascades, que Belmondo jouera lui-même, dans l'esprit bourgeois où l'acteur doit se « confondre » avec le rôle qu'il joue. C'est « La Méthode », ou système de Stanislavski ; nous proposons le PDF d'un document chinois de 1969 critiquant cette méthode : A propos du système de Stanislavski.

Comme le constatent alors les camarades de Chine :

« Stanislavski disait : « Quel que soit son rôle, l'acteur doit toujours partir de soi-même », « il faut bien retenir que dans la voie artistique, c'est soi, et rien que soi », « durant toute notre vie nous nous interprétons nous-mêmes. »

Le « moi » et le « soi-même » sont tous deux l'expression du monde intérieur des classes exploiteuses dont Stanislavski était un représentant, une conception opposée au marxisme et vouée tout simplement à ia louange de la bourgeoisie.

Dans la société de classes, il n'existe pas d'individu ni de littérature et d'art planant dans l'abstrait, au-dessus des classes.  »

Belmondo en rajoute des couches, se moquant par exemple du « gauchiste » qui est rétif à donner des informations à la police, et qui est montré comme un naïf simplet qui en pratique aide les assassins pervers courant les rues.

 

On le voit, en vrai policier « humain », tiraillé entre la traque d'un gangster et celle de l'assassin pervers, montrant que « finalement », un policier est avant tout un « individu » et non pas le membre armé d'un appareil d’État au service de la bourgeoisie.

On le voit, pareillement, largement contourner la loi, être manipulateur, tout cela afin de pouvoir véritablement « protéger » la population, toujours en prenant sur soi. En pratique, le commissaire joué par Belmondo met à de nombreuses reprises des vies innocentes en danger, mais on ne retrouve aucune critique de cela, tout est noyé derrière le rôle du « beau gosse » Belmondo, qui est alors déjà le fameux « Bébel. »

 

Il faut aussi noter que le film est sorti précisément le mercredi 9 avril 1975, soit lors du 42ème anniversaire de Jean-Paul Belmondo !

On a ici le personnage qui est l'exact contraire de ce qu'était Belmondo dans « A bout de souffle » et dans « Pierrot le fou » ; la poésie et l'utopie ont disparu, on est déjà dans le « vrai Français » qui sait gagner « quand il faut » parce qu'il a le « sens pratique. »

Belmondo a assumé totalement cette ligne, expliquant :

 

« Je sais que les gens veulent me voir dans certain rôles, déclare-t-il à l'époque. Dans La Sirène du Mississipi, ils ont été déçus parce que je jouais un type vaincu, dépassé...

Moi aussi,quand j'étais môme, j'allais voir Gary Cooper et s'il prenait des coups, je me disais :"Qu'est ce qu'il va leur mettre à la fin!". C'est une question d'honnêteté d'ailleurs: je vends un produit Verneuil / Belmondo.

Si, sous cette étiquette, je mets autre chose que ce qu'on attend, je vole ceux qui font la queue pour entrer dans la salle. (...) Pour un acteur, produire ses films, c'est une façon de croire à ce qu'il fait. » (Le Film Français, 5 octobre 1974)

On a donc Belmondo sur les toits de Paris en train de faire des acrobaties, Belmondo courant dans le métro parisien puis même sur les toits des wagons allant à 60km/h, Belmondo suspendu au filin d'un hélicoptère de la Gendarmerie Nationale...

Le tout dans un environnement urbain devant faire peur à la France profonde. « Allez savoir où vont les gens, y a 48 étages dans cette putain de tour » explique un concierge aux policiers, afin de montrer que Paris consiste en de grandes tours anonymes, où un pervers peut aisément se cacher (il s'agit en fait d'une des rares tours aussi hautes ; elle est à Courbevoie à côté du quartier de la Défense, seul quartier ayant de telles tours avec les 13 et 15ème arrondissements ; avec 129,50 m de haut , elle possède 42 étages, dont dix de bureaux).

Il y a également une scène aux Galeries Lafayettes, grand magasin avec une grande foule « parisienne » ; il y a un bar louche abritant dans la cave de très nombreux clandestins payant une fortune de « loyer » (si « Bébel » ne les dénonce pas, il ne les aide pas non plus, ayant besoin du tenancier du bar comme indic!).

Dans ce film destiné à faire peur, de très multiples invraisemblances ont lieu, voire des incohérences en série tellement le film est mal fait (personnages et voitures disparaissant, métros trop nombreux, etc.), jusqu'à la météo qui change toutes les 10 secondes (pluie/soleil) et là pour le coup certainement selon l'ambiance que le réalisateur a voulu mettre en avant, jusqu'enfin aux scènes devant taper dans l'oeil.

Un site notant les nombreuses erreurs constate ainsi :

 

« La fin de la poursuite Le Tellier/Marcucci est simplement trop invraisemblable!

Premièrement, la rame de métro avance a pleine vitesse et pourtant ne s'écrase pas sur la précédente; annoncé à 6 ou 5 minutes!

Deuxièmement, jamais, au grand jamais le conducteur du métro n'ouvrirait les portes entre deux stations, voir même mécaniquement impossible sur un MP73.

Troisièmement, la seule porte qui s'ouvre est celle devant Marcucci, et bizarrement il est touché pile à la seconde près pour être écrasé par la rame en sens inverse... »

Qu'une connerie pareille, et une connerie fasciste avec un assassin terrorisant les masses « apeurées » sauvées par notre Bébel national, passe sur Arte, voilà une belle démonstration que la prétention de la bourgeoisie à faire la « cultivée », ce n'est que de la comédie, une comédie tragique propre à une classe pathétique.

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