6 juil 2013

Défense et illustration de la langue française - 2e partie : Un cadre historique concret

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Pour saisir pourquoi Jaochim du Bellay a écrit La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse, il faut bien voir que la question nationale se pose dans un cadre concret. Comme l'a expliqué Staline, la nation correspond à la définition suivante :

« La nation est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d'une communauté de langue, de territoire, de vie économique et formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture. »

Or, les âges roman et gothique se sont appuyés sur la religion catholique comme base idéologique, ce qui signifiait que le latin était la langue de référence (elle l'est par ailleurs toujours au Vatican).

Lorsqu'on pense à l'humanisme, on a parfois en tête ce préjugé véhiculé par la bourgeoisie d'un « retour » à l'antiquité gréco-romaine. C'est en fait un raccourci, car le latin était une langue pratiquée par le clergé, avec des connaissances de différents niveaux il est vrai, depuis la constitution de l’Église catholique.

La référence à l'antiquité gréco-romaine n'est donc pas en rupture complète avec les âges roman et gothique, bien au contraire même : c'est dans les régions italiennes, catholiques et issues historiquement de Rome, que les références à l'antiquité gréco-romaine seront les plus nombreuses.

Du Bellay puise son inspiration pour son ouvrage directement chez Sperone Speroni (1500-1588), un Italien auteur des Dialogo delle lingue, défendant la langue populaire contre le latin.

Cette œuvre se fonde elle-même sur la position de Pietro Bembo (1470-1547), un cardinal italien qui fut une figure majeure de l'humanisme italien et l'un des grands affirmateurs de la valeur de la langue italienne.

Du Bellay a simplement repris cette affirmation, la plaçant dans le contexte national français, où le roi François Ier avait par ailleurs un urgent besoin de renforcer l'unité, son concurrent Charles-Quint disposant d'un empire plus peuplé : l'unité nationale devait compenser l'infériorité quantitative.

En arrière-plan, les progrès de la civilisation ont de fait amené la formation d'une nouvelle « intelligence », composée d'une toute petite couche d'intellectuels et d'artistes, et capable d'avoir le niveau pour apprécier les choses de valeur produites par le passé.

Ce nouveau public, avide de connaissances et issu du développement de la France, a besoin d'un outil pour accéder à la culture ; il ne peut se permettre ni la dispersion linguistique ni une langue peu développée.

Cela exclut de fait 90 % de la population parlant un « patois », mais de par ses fonctions culturelles et idéologiques, cette minorité façonnait la société. Il est très révélateur que Du Bellay donne le conseil suivant :

« Encore te veux-je avertir de hanter quelquefois, non seulement les savants, mais aussi toutes sortes d'ouvriers et gens mécaniques comme mariniers, fondeurs, peintres, engraveurs et autres, savoir leurs inventions, les noms des matières, des outils, et les termes usités en leurs arts et métiers, pour tirer de là ces belles comparaisons et vives descriptions de toutes choses. »

Le fait de fréquenter une population capable de maîtriser des techniques montre que l'affirmation du français rentre dans un cadre général : celui de l'avancée dans le mode de production.

C'est la partie de la population à la pointe de cette progression qui va entraîner le reste dans le mouvement, sur le plan culturel et idéologique. C'est la naissance d'une nation.

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