10 mai 2013

L'expressionnisme - 2e partie : le Blaue Reiter vers l'abstraction

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À côté de la mouvance de Die Brücke, présente à Dresde puis à Berlin, la seconde mouvance organisée de l'expressionnisme est Der Blaue Reiter (le cavalier bleu), à Munich.

Née en 1911, elle est portée par des peintres très connus : Wassily Kandinsky (1866-1944), Franz Marc (1880-1916) et August Macke (1887-1914) et se situe dans le prolongement direct de La Nouvelle association des artistes munichois (Neue Künstlervereinigung München, NKVM), et avec le même objectif de « modernisation » de l'art.

Der Blaue Reiter va effectivement jouer un grand rôle dans l'effondrement de l'art à l'époque bourgeoise et marquer l'avènement de l'abstraction. Wassily Kandinsky est la figure la plus connue. D'origine russe, c'est en Allemagne qu'il va mener son activité, consistant à trouver un nouveau chemin pour l'art, menant en réalité à l'abstraction.

Wassily Kandinsky a une démarche idéaliste, considérant que les couleurs forment une harmonie qui entrerait en correspondance avec la psychologie. Sa conception est résumée dans Du spirituel dans l’art et dans la Peinture en particulier, publiée en 1911.

Aux yeux de Kandinsky :

« En règle générale, la couleur est donc un moyen d'exercer une influence directe sur l'âme. La couleur est la touche. L'oeil est le marteau. L'âme est le piano aux cordes nombreuses.

L'artiste est la main qui, par l'usage convenable de telle ou telle touche, met l'âme humaine en vibration. Il est donc clair que l'harmonie des couleurs doit reposer uniquement sur le principe de l'entrée en contact efficace avec l'âme humaine.

Cette base sera définie comme le principe de la nécessité intérieure. »

Dans cette perspective de l'artiste individuel et créateur, il y a une sorte de dimension mystique :

« C’est d’une manière mystérieuse, énigmatique, mystique, que l’œuvre d’art véritable naît « de l’artiste ». Détachée de lui, elle prend une vie autonome, devient une personnalité, un sujet indépendant, animé d’un souffle spirituel, qui mène également une vie matérielle réelle – un être. »

Chaque époque, portant un autre « mystère », a alors son art, sa prophétie :

« Nous avons dit plus haut que l’art est enfant de son temps. Un tel art ne saurait rendre que ce qui, dans l’atmosphère du moment, est clairement accompli. Cet art, qui ne renferme en soi-même aucun potentiel d’avenir et n’est ainsi que l’enfant de son époque, n’engendrera jamais le futur : c’est un art castré. Il est de courte durée et meurt moralement lorsque l’atmosphère qui l’a créé vient à changer.

L’autre art, susceptible d’autres développement, prend également racine dans son époque spirituelle, mais n’en est pas seulement le miroir et l’écho ; bien au contraire, il possède une force d’éveil prophétique qui peut avoir une profonde influence. »

« Ici s’ouvrent les voies d’objectivation de l’art où l’artiste n’est rien d’autre qu’un instrument secret et caché aux regards alors que l’œuvre elle-même a l’air d’être tombée toute prête du ciel : la pulsation de l’artiste ne s’entend plus dans l’œuvre, cette dernière vit avec ses propres pulsations. »

Voici comment Kandinsky en fait une théorie générale :

« La nécessité intérieure naît de trois raisons mystiques. Elle est formée de trois nécessités mystiques :

- chaque artiste, en tant que créateur, doit exprimer ce qui lui est propre (élément de la personnalité),

- chaque artiste, en tant qu’enfant de son époque, doit exprimer ce qui est propre à cette époque (élément du style dans sa valeur intérieure, composé du langage de l’époque et du langage de la nation, aussi longtemps que la nation existera en tant que telle),

- chaque artiste, en tant que serviteur de l’art, doit exprimer ce qui est propre à l’art en général (élément de l’art pur et éternel que l’on retrouve chez tous les hommes, chez tous les peuples, dans toutes les époques, dans l’œuvre de chaque artiste, de toutes nations et de toutes les époques et qui, en tant qu’élément principal de l’art, ne connaît ni espace ni temps).

Nous devons seulement traverser avec l’œil spirituel les deux premiers éléments pour apercevoir ce troisième élément mis à nu.  »

On est là dans l'éloge du spirituel, dans la négation la plus complète du matérialisme. On est dans le psychologisme le plus individualiste possible, d'ailleurs Kandinsky a résumé cela dans une citation très connue :

« Est beau ce qui procède d'une nécessité intérieure de l'âme. Est beau ce qui est beau intérieurement. »

Il est donc naturel que Kandinsky se soit toujours avancé davantage dans l'abstraction pure et simple.

Même une expérience artistique aussi sensible que celle de Paul Klee (1879-1940) fait de même. Il est aisé de voir dans ses œuvres la tentative d'expression, mais inévitablement l'abstraction qui l'emporte.

August Macke s'est opposé à cette démarche de Kandinsky. Au spirituel, il oppose la pure contemplation des choses. Cependant, il en reste à un mélange d'impressionnisme et de fauvisme, il ne parvient jamais à accrocher la réalité.

Franz Marc est dans la droite ligne d'August Macke, à ceci près qu'il a tenté de compenser le manque de réalité en passant par l'animalisation de l'impressionnisme. Si cela donne des tableaux avec une composante sensible, cela n'aboutit pas moins à être incapable de saisir la réalité animale en tant que telle.

Aussi, après avoir valorisé les animaux comme vecteur naturel d'une sorte de post-impressionnisme, Franz Marc finira par les rejeter, basculant dans l'abstraction.

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