12 mai 2013

Jean Racine, Pierre Corneille, Nicolas Boileau, auteurs nationaux - 1re partie : la formation psychique de la nation

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« Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Nicolas Boileau, L’art poétique

La France s'est véritablement constituée en tant que nation sous l'impulsion finale donnée par la monarchie absolue de Louis XIV. Cependant, il ne s'agit nullement de la simple constitution d'un État national, centralisé et unifié dans ses principales assises.

En effet, l'élan donnant naissance à la nation amène la formation des principales caractéristiques nationales sur le plan psychique. Et selon le matérialisme dialectique, ce plan psychique repose sur la reproduction de la vie réelle, et non pas les ethnies, les « races », etc.

Par conséquent, il est nécessaire, pour comprendre la nation française, de porter un regard matérialiste dialectique sur les œuvres de trois auteurs en particulier : Jean Racine (1639-1699), Pierre Corneille, (1606-1684) et Nicolas Boileau (1636-1711).

Si en effet Molière et Jean de La Fontaine sont des portraitistes brillants, d'une très grande valeur, ils ne représentent dans leurs œuvres qu'une situation sociale particulière, selon un axe particulier, celui de la bourgeoisie tentant de gagner des positions idéologiques-culturelles.

Tel n'était pas l'objectif de Jean Racine et de Pierre Corneille, qui n'entendaient pas moins que mettre à plat les fondements mêmes de la civilisation. Ils se concevaient, en effet, comme des expressions culturelles-idéologiques étant directement l'expression du meilleur de la société de leur époque.

C'est cette raison qui a fait que ces auteurs ont puisé dans la tragédie grecque, théorisée par Aristote, qui entendait purger les passions (la « catharsis ») en présentant sur scène une action simple (unités de temps, de lieu et d'action) marquée par des moments terribles (appelant à la compassion ou éveillant la terreur).

Le choix de la tragédie grecque permettait l'expression des traits nationaux dans le domaine psychologique. Les œuvres de Jean Racine sont purement psychologiques et celles de Pierre Corneille expriment une savante symétrie des rapports humains.

De la même manière que la tragédie grecque devait épurer l'âme des citoyens, la tragédie française avait comme but la formation morale-culturelle de l'élite sociale, et, ce faisant, elle a exprimé les fondements même de la nation française.

Jean Racine et Pierre Corneille resteront d'ailleurs incontournables tant que la bourgeoisie sera capable d'avoir un État dont les cadres seront cultivés. Au début du 21ème siècle, ils sont passés à la trappe chez une bourgeoisie française ne prétendant plus représenter la civilisation.

Jean Racine et Pierre Corneille fournissent l'expression du style français, de la formation psychique française telle qu'elle s'exprime dans le cadre national. Elle révèle la base culturelle formant les fondements de l'approche française de la reproduction de la vie réelle, telle que, bien entendu, cette approche se voit, s'imagine.

Jean Racine a produit des œuvres marquantes et célébrées sous la monarchie absolue en tant que telle. Ces œuvres servent de panneaux indicateurs pour les valeurs, principalement Andromaque (1667), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674) et Phèdre (1677).

Pierre Corneille a produit des œuvres de facture moins classique, mais plus révélatrice de l'ingéniosité française qui se développe. Ont profondément marqué les esprits L’Illusion comique (1636), Le Cid (1637), Horace (1640) et Cinna ou la Clémence d'Auguste (1641)

Si Nicolas Boileau reste une figure plus mineure, rien que par quelques vers de son L'Art poétique (1674), il est incontournable par son esprit de synthèse et l'affirmation du style français.

Si on ajoute à cela René Descartes, dont le Discours de la méthode est publié en 1637, et qui devra être étudié plus en détail, on peut même affirmer que la nation française voit ses représentants idéologiques-culturels exprimer ses fondements psychiques entre 1636 et 1677.

C'est-à-dire, donc, au cœur du siècle du Roi Soleil. La monarchie absolue a établi les bases de la nation française.

Il est également très largement possible d'affirmer qu'on ne peut saisir les contradictions de la société française aujourd'hui, et la manière d'appréhender celles-ci, sans connaître Molière et Jean de La Fontaine, portraitistes lyriques annonçant l'esprit de bravade et de moquerie, le réalisme incisif.

Cependant, on ne saurait atteindre la formation psychique de la nation française sans connaître Jean Racine et Pierre Corneille, avec Nicolas Boileau également. Sans ces auteurs, on ne voit pas comment leurs œuvres expriment ce qui va être au cœur de cette formation psychique.

On pourrait dire que Molière et La Fontaine partent du style français, ils s'y appuient pour établir leurs œuvres portraitistes. A l'opposé, Corneille et Racine arrivent au style français, ils en précisent les fondements psychiques.

Et, de fait, sans saisir cette formation psychique, on ne saurait comprendre l'ensemble de la reproduction de la vie réelle en France. C'est bien le sens de la fameuse explication de Staline :

« La nation est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d’une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture. »

Comprendre Jean Racine et Pierre Corneille, ainsi que Nicolas Boileau, est une nécessité pour le matérialisme historique étudiant et transformant la réalité française.

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