12 mai 2013

Jean Racine, Pierre Corneille, Nicolas Boileau, auteurs nationaux - 8e partie : la psychologie du criminel

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Jean Racine exprime largement la capacité à évaluer psychologiquement les personnages. Il y a ici une maturité vraiment très grande dans la compréhension de la complexité psychologique.

Dans Britannicus par exemple, une grande importance est accordée au vécu de l'enfance, une perspective très moderne et avant-gardiste en terme de psychologie en plein 17ème siècle :

« Mais s'il vous faut, Madame, expliquer ma douleur,
Néron l'a vu mourir sans changer de couleur.
Ses yeux indifférents ont déjà la constance
D'un tyran dans le crime endurci dès l'enfance. »

Il y a un terrain propice au crime, cela est exprimé régulièrement. Dans Phèdre, on se voit même proposé une théorie des degrés :

« Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés ;
Et jamais on n’a vu la timide innocence
Passer subitement à l’extrême licence. »

Notons que Jean Racine souligne l'importance à ne pas confondre le tyran et l'Etat, et même le criminel prend bien garde à ce que les deux ne soient pas confondus. C'est la psychologie qui compte, comme on le voit dans Andromaque :

« Va le trouver : dis-lui qu’il apprenne à l’ingrat
Qu’on l’immole à ma haine, et non pas à l’État.
Chère Cléone, cours : ma vengeance est perdue
S’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue. »

Face au crime, il est inversement appelé au courage, à la dignité. Dans Andromaque encore, il est ainsi dit :

« Non, je ne serai point complice de ses crimes ;
Qu’il nous prenne, s’il veut, pour dernières victimes. »

Le crime résidant à l'intérieur de la passion est présenté de manière explicite, et condamné : l'excès conduit au crime. Il est constaté, dans Mithridate :

« Amant avec transport, mais jaloux sans retour,
Sa haine va toujours plus loin que son amour. »

Le crime appelle de plus le crime ; psychologiquement, le crime n'est pas naturel, il ne peut que troubler le criminel lui-même. Dans Britannicus, la chose est présentée de la manière suivante :

« Tes remords te suivront comme autant de furies.
Tu croiras les calmer par d'autres barbaries.
Ta fureur s'irritant soi-même dans son cours
D'un sang toujours nouveau marquera tous tes jours. »

Le renversement psychologique est également présenté ; la psychologie n'est pas considérée comme étant statique. Néanmoins, la dialectique reste incomprise et donc la perception de l'autre devient vite unilatérale ; la transformation n'est pas comprise et il n'y a pas non plus d'autocritique par rapport à une perception erronée, alors qu'elle change du tout au tout, subitement, au moindre malentendu.

Dans Britannicus encore, il est dit par exemple :

« Toujours la tyrannie a d'heureuses prémices.
De Rome pour un temps Caïus fut les délices,
Mais sa feinte bonté se tournant en fureur,
Les délices de Rome en devinrent l'horreur. »

« Vous ne me trompez point, je vois tous vos détours,
Vous êtes un ingrat, vous le fûtes toujours. »

Il est ainsi appelé à se méfier des courtisans, qui n'aident pas à la compréhension des situations :

« Titus
Que dit-on des soupirs que je pousse pour elle ?
Quel succès attend-on d'un amour si fidèle ?

Paulin
Vous pouvez tout: aimez, cessez d'être amoureux ;
La cour sera toujours du parti de vos vœux.

Titus
Et je l'ai vue aussi cette cour peu sincère,
A ses maîtres toujours trop soigneuse de plaire,
Des crimes de Néron approuver les horreurs ;
Je l'ai vue à genoux consacrer ses fureurs.
Je ne prends point pour juge une cour idolâtre »
(Bérénice)

Il est donc également conseillé de bien cerner une psychologie, afin de ne pas se tromper :

« Avez-vous de son cœur si peu de connaissance ?
Discernez-vous si mal le crime et l’innocence ?
Faut-il qu’à vos yeux seuls un nuage odieux
Dérobe sa vertu, qui brille à tous les yeux !
Ah ! c’est trop le livrer à des langues perfides. »
(Phèdre)

« Seigneur, ne jugez pas de son coeur par le vôtre.
Sur des pas différents vous marchez l'un et l'autre.
Je ne connais Néron et la cour que d'un jour.
Mais (si je l'ose dire) hélas ! Dans cette cour,
Combien tout ce qu'on dit est loin de ce qu'on pense !
Que la bouche et le coeur sont peu d'intelligence !
Avec combien de joie on y trahit sa foi !
Quel séjour étranger et pour vous et pour moi ! »
(Britannicus)

Figures marquantes de France: