30 oct 2017

Cinéma : Les Sentiers de la gloire (Stanley Kubrick - 1957)

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Sorti en 1957, le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick ne fut pas distribué en France avant 1975, sous la pression des courants militaristes n'appréciant pas la représentation de la direction de l'Armée française qui y est faite.

Le film se fonde en effet sur le roman éponyme de l'américain Humphrey Cobb paru en 1935, lui-même reprenant le titre d'un tableau britannique éponyme de Christopher Nevinson, datant de 1917.

Humphrey Cobb y relate un incident de 1915 connu sous le nom de l'affaire des caporaux de Souain ; on a affaire ici à une situation explosive dans son contexte, un violent décalage entre les officiers supérieurs et les troupes, l'ignominie et le cynisme de chefs cherchant le prestige à tout prix.

On a ainsi un aperçu général sur ce drame de la Première Guerre mondiale à travers le colonel Drax, joué par Kirk Douglas, ce dernier s'impliquant par ailleurs dans la production, Stanley Kubrick ne parvenant pas à trouver un financement suffisant en raison du scénario.

Devant la position française hostile avec même une demande du ministère des Affaires étrangères auprès des États-Unis, la distribution du film, United Artists, préféra éviter d'aller à la confrontation.

L'Allemagne fit également en sorte que le film ne soit pas présenté au festival de Berlin, afin de ne pas froisser la France ; le commandant du secteur français à Berlin-Ouest joua un rôle déterminant dans sa non diffusion. Lorsqu'il finit par sortir deux ans plus tard, dans le secteur français un avertissement le précédait affirmant son caractère non représentatif de l'Armée française ni du peuple français.

La Marseillaise jouée au début du film fut remplacée par des percussions dans certains pays proches de la France ; les bases américaines ne le montrèrent pas, l'Armée suisse poussa à son interdiction jusqu'en 1970 avec même une interdiction pour les journalistes de le voir, l'Espagne ne le montrant qu' à partir de 1986. L’État d'Israël l'interdit, la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande en censurèrent des passages.

Le grand souci que pose ce film aux armées fondées sur le militarisme et la hiérarchisation froide et cynique est précisément la présentation d'une situation où ces éléments sont mis en exergue dans une situation atteignant son paroxysme dans une attitude générale inhumaine, froide, indifférente.

Si la fidélité à la réalité n'est pas complète, tant sur le plan des armes, des uniformes que des processus juridiques dans l'Armée française, cela reste cependant secondaire par rapport à la démonstration très bien réalisée de la froideur de la machinerie militaire fondée simplement sur l'aveuglement militariste.

Les Sentiers de la gloire n'est donc pas tant un film de guerre, qu'une présentation de la nature particulière de l'administration cynique de la guerre ; Stanley Kubrick a sciemment contourné l'écueil qui aurait été de raconter simplement un épisode particulier, cherchant au contraire à présenter une sorte de cas d'école.

Pour cette raison, le film est également d'une extrême sobriété ; tourné en noir et blanc, il est entièrement fondé sur les contrastes qui façonnent même l'ensemble des scènes avec tout un jeu d'opposition entre les figures dramatiques des différents événements.

Couplé avec une organisation des dialogues extrêmement puissante et une démarche intense, le film va même jusqu'à une apothéose en se concluant par une défense intransigeante de la dignité du réel.

conformité avec la réalité sociale : 78 %

conformité avec la réalité nationale : 75 %

vraisemblance et caractère typique : 98 %

unité synthétique : 91 %

niveau esthétique : 90 %

portée progressiste et exemplarité : 90 %

prise en compte des multiples aspects : 80 %

accessibilité : 95 %

caractère dynamique : 90 %

dignité du réel : 83 %