6 déc 2017

Antagonisme ou opportunisme, à l'exemple des années 1970 françaises

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Lorsqu'un cycle de luttes se termine, il y a deux choix qui se proposent. Le premier choix consiste à dire qu'un nouveau cycle va recommencer, sauf qu'on ne sait pas quand, ni comment.

Cela implique également une certaine remise en cause, une ouverture d'esprit par rapport à des phénomènes nouveaux.

Le second choix consiste à dire qu'il faut en rester à certains acquis formels du passé, qu'on peut se cantonner à les reproduire, en niant naturellement les faits, les changements, l'évolution de la société.

Le premier choix est celui de l'antagonisme. On sait que ce qui est important, c'est l'espace affirmant la conflictualité avec le système capitaliste. Le nouveau est faible, mais il va dans la bonne direction.

Le second choix est celui de la capitulation, du cantonnement à des formes passées, dont on sait qu'elles ont un certain prestige, même si au fond cela ne sert strictement à rien.

Les années 1970 françaises sont un bon exemple d'une telle opposition entre antagonisme et opportunisme. En effet, la Gauche Prolétarienne était issue de mai 1968, avant de s'effondrer sous le poids de multiples erreurs et échecs.

La direction avait de plus pris de court les militants en liquidant l'organisation d'un coup. Que fallait-il alors faire ? C'est là que se joue le choix à faire entre antagonisme et opportunisme.

Les militants les plus combatifs tentèrent d'abord de reconstituer la Gauche Prolétarienne. Mais cela n'était pas possible, une nouvelle Cause du Peuple qui exista brièvement n'avait pas de sens, il y avait trop de problèmes sur la table devant être résolus.

Qui plus est, il y avait de très nombreux contacts dans le pays, formant des comités d'atelier en réseaux. Cela permettait un certain élan, mais dans quelle direction aller ?

Un choix qui fut effectué alors par certains fut l'établissement d'une sorte de néo-syndicalisme. On est là dans le formalisme le plus français, dans les traditions les plus plates, les plus anti-intelligentes de notre pays.

Certains, ici rejoignirent la CNT, qui était alors un petit syndicat anarcho-syndicaliste porté par des réfugiés politiques espagnols.

D'autres formèrent l'Organisation Communiste Prolétarienne, qui rejoignit le Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF) né en 1979. Le PCOF est historiquement l'organisation reconnue officiellement par l'Albanie d'Enver Hoxha.

Cela signifie que tant les uns que les autres rejoignirent des tendances anti-maoïstes de manière virulente. La CNT était anti-communiste en général, le PCOF faisait du rejet du maoïsme le coeur de son identité politique.

Leur commun rejet du maoïsme consistait, bien entendu, en le rejet de l'illégalité, du conflit, au profit du travail syndical, associatif, la participation aux manifestations pour vendre son journal comme grande identité politique, etc.

Il n'est pas besoin de préciser qu'il s'agit là du courant opportuniste.

Qu'ont fait les autres, qui entendaient maintenir la ligne de la conflictualité, de l'antagonisme ?

Ils se sont tournés vers tout un espace politique, qui entendait trouver une voie face aux institutions. Cet espace va consister en ce qu'on va appeler, dans la seconde moitié des années 1970, l'autonomie.

En raison du très faible niveau idéologique, les maoïstes participant à cet espace étaient surtout connus comme des post-maoïstes, des maos « spontex », pour « spontanéistes », qui entendaient privilégier l'unité face aux institutions.

C'est cette continuité qui est à l'origine de groupe comme les NAPAP, qui prit la décision de tuer la personne responsable de la mort de Pierre Overney aux usines Renault, ou du choix de Georges Cipriani, ouvrier des usines Renault précisément à cette époque, de rejoindre Action Directe.

Il n'y a pas lieu ici de tracer le bilan de cet espace qu'a été l'autonomie, avec ses faiblesses, ses erreurs, etc. Mais simplement de constater que ces faiblesses et ces erreurs relèvent de la dignité du réel.

C'est par exemple cet espace qui a occupé le quotidien Libération lors de l'assassinat d'Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe, de la Fraction Armée Rouge, par l’État allemand en 1977.

Ce ne sont pas les opportunistes, pétris de légalisme et d'opportunisme, qui ont fait cela. Eux ont choisi le camp du confort, du petit jeu consistant à simuler l'existence d'une opposition révolutionnaire en France, en se cantonnant au rôle de parasite des manifestations syndicales.

Les opportunistes ont rejeté le conflit, l'antagonisme, au profit du simulacre, de l'absence de contenu, du jeu totalement stéréotypé d'une extrême-gauche sans idées, sans culture, humainement vide.

La perte de vue de ce qui est réellement en conflit avec le système capitaliste, voilà l'erreur des opportunistes, une erreur qui se répète à chaque cycle, surtout dans un pays capitaliste où le repli sur la vie individuelle, sur un mode petit-bourgeois, est si facile.

Il est si facile de promouvoir la révolution violente ailleurs, tout en se cantonnant en France à une activité de type associatif-syndical, en vivant au quotidien comme un beauf, en faisant de l'identité révolutionnaire une mascarade sans conséquences.

La fin des années 1970 est un bon exemple : il y avait ceux vendant leur journal dans les manifestations syndicales, et ceux discutant avec des membres du TKP/ML dans des squats où se retrouvaient des gens faisant des choix peut-être erronés, tant tactiquement que stratégiquement, mais qui assumaient un esprit de rupture.

Antagonisme ou opportunisme ? C'est un choix présent à chaque fin de cycle, et c'est bien entendu capital pour le cycle d'après. Si la matrice est erronée, comporte des erreurs graves, rien n'est possible par la suite.

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