7 aoû 2015

Chevènement, Beigbeder : deux aspects d'une même dynamique de fascisation

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Sur lesmatérialistes.com comme sur nos anciens médias « Voie Lactée » et « Contre-informations » nous avons souvent dit que « nous sommes à l'aube des années 1930 ». Aujourd'hui, l'Histoire avance à grand pas et la crise du capitalisme finira par la précipiter. Les impérialismes préparent de plus en plus activement leur entrée en choc frontal.

Pour cela, les bourgeoisies impérialistes ont besoin de mobiliser les masses derrière leurs projets de conquêtes, et donc elles ont besoin que naissent et se développent de grands mouvements nationalistes, assortis d'une agitation de plus en plus violente.

Dans la marche du fascisme au pouvoir, il y a en parallèle le développement du nationalisme réactionnaire appuyé de plus en plus ouvertement par des fractions des forces bourgeoises conservatrices, et celui du national-socialisme qui s'accompagne d'un nombre de plus en plus important de « transfuges » venant de la gauche et du mouvement ouvrier contrôlé par le révisionnisme et le trotskysme.

En France, les choses avancent lentement du fait des tampons retardant l'effondrement économique dû à la crise structurelle du capitalisme. Mais elles avancent sûrement.

Ces dernières semaines, deux « événements » s'inscrivent dans cette dynamique de façon très parlante.

Au mois de juin, Jean-Pierre Chevènement a annoncé qu'il quittait le parti qu'il avait fondé en 2003 et dont il était président d'honneur, le Mouvement Républicain et Citoyen. Il a ainsi « repris sa liberté » et réactivé son club de réflexion « République Moderne ».

Il a, à la suite de cela, annoncé qu'il se rendrait à l'université d'été de « Debout La France », le parti de droite nationaliste (officiellement « souverainiste ») de Nicolas Dupont-Aignan, qui comptent d'ailleurs en son sein un grand nombre d'anciens membres du MRC. Puis il a signé une tribune dans le journal social-chauvin Marianne intitulée « Nous sommes passés dans l'allégeance au suzerain américain », dans laquelle il met en avant la ligne de la partie la plus agressive de la bourgeoisie impérialiste qui vise à une alliance avec la Russie contre les États-Unis d'Amérique, mais sur un mode « social » relativement similaire à la ligne social-impérialiste de Jean-Luc Mélenchon.

Dossier sur Trotskysmes et néo-socialismes françaisC'est un événement important, car Jean-Pierre Chevènement est une figure historique importante de la social-démocratie, un des grands leaders des forces néo-socialistes et prônant une ligne ouvertement nationaliste « de gauche » depuis les années 1960 -il avait par exemple créer un club de « socialistes » soutenant l'Algérie française.

Supervisé par François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement est pas moins que l'auteur des deux programmes du Parti Socialiste alors dans l'opposition : Changer la vie en 1972, puis le projet socialiste en 1980.

Après avoir été ministre de la Défense de François Mitterrand, il quitte ce poste en opposition à l'engagement de la France dans la première guerre contre l'Irak aux côtés des USA. Puis quittera le Parti Socialiste pour fonder son propre parti, le Mouvement Des Citoyens renommé ensuite le Mouvement Républicain et Citoyen, lors de la campagne qu'il mène contre la ratification du Traité de Maastricht. L'objectif de son parti étant de rassembler les souverainistes « au dessus de la gauche et de la droite ».

Tout en étant un allié du Parti Socialiste, le MRC a été ces vingt dernières années un incubateur néo-socialistes formant des dizaines et des dizaines d'intellectuels et de dirigeants politiques mettant en avant une ligne « souverainiste » et social, les plus médiatiques d'entre eux étant le dirigeant du Front National Florian Philippot et la journaliste Natacha Polony qui sévit entre autres régulièrement et de manière très agressive dans Le Figaro.

De l'autre côté de l'arc politique, le grand patron et politicien Charles Beigbeder a récemment créé un club politique ultra-conservateur baptisé « l'Avant-Garde » qui se présente comme un « mouvement d'idées » et entend mettre au point un programme politique qui sera proposé aux différents candidats à la primaire de la droite.

En présentant sa démarche dans une interview au Lab d'Europe1, il a affirmé « je n'hésiterais pas une seconde et n'aurais aucun état d'âme à soutenir le FN » si c'est celui-ci qui met en avant le plus de ses propositions lors de l'éléction présidentielle, tout en disant de l'autre côté souhaité « rester fidèle à sa famille politique ».

Charles Beigbeder est une figure importante et son évolution est un exemple typique de la lame de fond réactionnaire lancée durant les mobilisations contre le mariage pour tous.

C'est un grand patron dont l'activité consiste essentiellement en des fonds d'investissement. Il a été le dirigeant de « Croissance Plus », qui regroupe les dirigeants des entreprises à « forte croissance », puis membre du Conseil Executif du MEDEF. Il a ensuite été secrétaire national de l'UMP qu'il a quitté pour mener une liste « dissidente » durant les dernières élections municipales à Paris durant lesquelles il a justement cherché à fédérer les voix des gens soutenant le mouvement de la Manif pour tous.

Charles Beigbeder est sur une ligne catholique ultra-réactionnaire. D'ailleurs son mouvement « l'Avant-Garde » a été fondé avec la responsable du mouvement catholique la « Marche pour la vie » Julie Graziani, l’ex-responsable de la « Manif pour tous » Anne Lorne, l'ancien député du Nord Christian Vanneste connu pour ses positions violemment homophobes et sa proximité avec l'extrême-droite « identitaire », et l'ancien ministre de la Défense Charles Millon, qui a été élu en 1998 président du conseil régional des Rhones-Alpes grâce à une alliance entre l'UDF et le Front National.

Les mobilisations contre le mariage pour tous ont vu se lever un grand mouvement national-catholique porté par des centaines de milliers de personnes. Ce mouvement a continué à être poussé grâce à l'élection du pape François qui met en avant une ligne anticapitaliste romantique « catholique sociale » très offensive.

Plusieurs mouvement catholiques conservateurs relativement importants et influents se sont créés à la suite de la manif pour tous qui gravitent entre la droite conservatrice classique et l'extrême-droite. Ils mettent tous en avant comme figures centrales le nationaliste Charles Péguy et le catholique anticapitaliste romantique Georges Bernanos.

Ce sont ces mouvements que Marion Maréchal-Le Pen d'un côté et Robert Ménard de l'autre ont pour charge de ramener vers le Front National. Et d'ailleurs Robert Ménard, Christian Vanneste et Charles Beigbeder sont très proches.

En fait, les « luttes internes » au sein du FN ne sont en fait que l'expression de la concurrence entre différentes propositions tactiques, qui forcément se renforcent à mesure que la possibilité de prendre le pouvoir se concrétise. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ces tendances se renforcent les unes les autres plus qu'elles ne s'affrontent réellement.

On a ainsi d'un côté une tendance conservatrice catholique avec Marion Maréchal Le Pen et Robert Ménard qui cherche à s'appuyer et fédérer la lame de fond réactionnaire des mobilisations contre le mariage pour tous.

D'un autre côté, Jean-Marie Le Pen qui propose de fédérer les fascistes du type national-révolutionnaire autour d'un programme clairement nationaliste révolutionnaire et antisémite.

Et enfin Marine Le Pen et Florian Philippot qui mettent en avant une ligne « nationale républicaine » et sociale qui s'appuie sur la vague néo-socialiste et s'insère en profondeur dans les masses populaires de notre pays, particulièrement celles qui étaient avant influencées par le P«C»F révisionniste.

A mesure que le fascisme progresse, il reçoit de nouveaux soutiens et est rejoint par ceux désirant faire carrière rapidement. Là où auparavant cela concernait essentiellement des second couteaux, ses « transfuges » se recrutent de plus en plus haut dans les institutions politiques et économiques françaises.

C'est précisement pour cette raison que nous avons appeler à faire barrage systématiquement au Front National lors des dernières élections. Et c'est pour cela que nous relançons cet appel pour les élections régionales de décembre 2015 dont le mode de scrutin est encore plus favorable à une prise de contrôle de pans entiers de l’État bourgeois par le Front National.

Les progressistes doivent être très attentifs à ce qui se passe et tout faire pour que soit rejeté les manœuvres néo-socialistes et social-impérialistes qui servent de pointes avancées du fascisme au sein des masses populaires. Ce qui compte pour les progressistes, c'est de comprendre la bataille culturelle en cours et la signification historique du Front populaire comme modèle antifasciste.

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