30 juil 2011

La construction du discours victimaire de l'extrême-droite

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Depuis la survenue du massacre d'Oslo vendredi dernier, l'extrême-droite construit un discours victimaire selon deux axes.

Le premier est défensif et de type complotiste. Il pourrait se formuler de la manière suivante : "les médias oublient délibérément de dire qu'Anders Behring Breivik est franc-maçon...". Sur cette base peut alors se développer un discours complotiste qui impliquerait une machination de vaste envergure cherchant en fait à déstabiliser l'extrême-droite.

En vérité, comme nous l'avons dit dans un précédent article, l'appartenance d'Anders Behring Breivik à une loge maçonnique est conforme à sa logique élitiste.

Le second axe est beaucoup plus offensif. Il pourrait se transcrire ainsi :

"Tout cela ne serait pas arriver sans la politique d'immigration menée en Europe. D'autres Anders Behring Breivik sont à prévoir dans le futur car la population blanche est excédée par les flots migratoires...".

La réaction hier de Jean-Marie Le Pen aux massacres d'Oslo appartient clairement à cette catégorie. Il a ainsi déclaré que la Norvège "n'a pas pris la mesure du danger mondial que représentent d'abord l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier, mais encore le terrorisme, qui est un phénomène mondial".

Ce type position conçoit le geste d'Anders Behring Breivik comme un "détonateur", un "électro-choc" pour appeler à une "prise de conscience". Le massacre d'Oslo, accompagné du manifeste de 1 500 pages diffusé sur le net, avait pour but d'éveiller les consciences et d'appeler à une grande rébellion dans un style purement fasciste.

Dans les deux cas, l'extrême-droite se pose en victime, soit parce qu'elle s'estime injustement amalgamée avec la tuerie d'Oslo, soit parce qu'elle s'estime insuffisamment écoutée sur les enjeux censés être fondamentaux dont elle parle.

Bien évidemment, les deux axes de la construction du discours victimaire de l'extrême-droite se contredisent entre eux mais, d'un point de fasciste, ils se complètent pourtant. En effet, les fascistes sont anti-matérialistes et se moquent donc éperdument de toute cohérence.

Il faut bien comprendre que le fascisme est un mouvement mou. Cela signifie que le fascisme est par essence opportuniste et s'infiltre dans n'importe quelle aspérité de la société capitaliste en crise. Cette dimension opportuniste s'explique par le fait que le fascisme est lui-même le produit de la putréfaction capitaliste qui prend de multiples formes. Par conséquent, le fascisme - qui propose de régénérer le capitalisme - est également capable de prendre de multiples formes, souvent complètement contradictoires entre elles mais néanmoins complémentaires.

Dans le discours fasciste, Anders Behring Breivik peut tout aussi bien être un illuminati à la solde d'Israël agissant en représailles de la politique internationale de la Norvège (censée être "pro-palestinienne") ou bien un fier représentant de l'Occident qui décide de prendre les choses en main.

De même, le fait que les victimes de l'île Utoeya soient des jeunes participant à un cap d'été du parti travailliste aurait été récupéré par les fascistes si le tueur avait été un islamiste. Mais comme l'auteur du massacre est un norvégien sans ascendance étrangère, les fascistes se servent de l'identité politique des victimes pour souligner leur culpabilité dans la politique d'immigration européenne. Les fascistes sont donc prêts à faire feu de tout bois sans que les incohérences ne constituent un obstacle pour eux.

Si le fascisme est un mouvement mou, c'est bien parce qu'il profite à fond de la dépolitisation massive au sein de la société capitaliste, caractéristique de la période de crise.

En raison de cette dépolitisation massive, plus rien n'a véritablement de sens, les contradictions n'en sont plus et tout peut être dit sans soulever la moindre interrogation logique. Ce contexte est particulièrement favorable pour semer la confusion. Ainsi, beaucoup de commentateurs bourgeois se sont empressés de contourner l'aspect éminemment politique du massacre perpétré à Oslo pour en faire simplement l'œuvre d'une personne "dérangée", laquelle "aurait pu appartenir à n'importe quel bord". D'ailleurs, ces mêmes commentateurs bourgeois surfent sur le confusionisme ambiant pour amalgamer extrême-droite et extrême-gauche sur le ton : "l'extrême-gauche s'est également montré capable d'actes comparables de terrorisme".

Or, ceci est entièrement faux. Seul un fasciste peut concevoir une tuerie de masse indéterminée comme un appel symbolique au réveil de l'Occident face à l' "islamisation" rampante. Seul des fascistes ont pu concevoir des attentats de masse indéterminés comme ceux de la gare de Bologne en 1980 ou à la piazza Fontana à Milan en 1969.

C'est à chaque le culte de l'action en tant que telle, le nihilisme qui s'exprime dans les actes fascistes.

L'extrême-gauche, au contraire, déteste l'aspect mou, flasque, opportuniste et les actions indéterminées du fascisme. L'extrême-gauche frappe de façon ciblée les oppresseurs du peuple. Il ne s'agit pas de susciter la terreur parmi les masses mais au contraire d'incarner une perspective de libération pour le peuple.

En cela, l'extrême-gauche est dure, inflexible car la révolution socialiste ne saurait se faire sans un gigantesque nettoyage de la société putride qu'est le capitalisme. Le terrorisme n'a aucune place à l'extrême-gauche, le terrorisme appartient au fascisme.

La guerre populaire prolongée poursuit une logique inverse car elle ne repose pas sur des "coups d'éclat" de pèlerin du néant qui cherche à exister. Son caractère "prolongé" est prépondérant : la guerre populaire épouse la bataille entre l'ancien et le nouveau ; elle s'inscrit dans une logique de destruction complète de l'ancien monde capitaliste et de construction du nouveau monde socialiste.

Ce monde nouveau naîtra d'un dépassement du capitalisme pour atteindre une nouvelle étape de civilisation. C'est très exactement le contraire du fascisme qui propose un retour en arrière car il puise dans un passé fantasmé sa seule perspective d'avenir. Si le fascisme était un temps de conjugaison, ce serait le futur antérieur.

Concrètement, la nouvelle civilisation qui s'épanouira dans le socialisme sera fondée sur les principes de la communauté universelle, et non pas d'une communauté se recroquevillant au sein d'une nation, la nation étant le cadre dont a eu besoin historiquement la bourgeoisie pour assoir sa domination.

Ainsi, les religions, y compris l'Islam, ne seront pas vaincues par un mouvement réactionnaire glorifiant des valeurs dépassés d'un Occident réinventé par les fascistes (qui ne retiennent de l'histoire qu'une symbolique surannée), mais par la science matérialiste et les bonds de géant dans la connaissance que permettra le socialisme, puis le communisme.

Ceci n'est pas une option - parmi tant d'autres - que pourrait prendre l'humanité mais bien son avenir inéluctable. En effet, c'est le mouvement de la matière qui montre clairement que le capitalisme est définitivement dépassé et qu'il doit l'être pour de bon.

Il est aujourd'hui très important de comprendre comment se construit le discours victimaire de l'extrême-droite de par l'aspect mou, flasque du mouvement fasciste qui profite de la dépolitisation ambiante. La tâche révolutionnaire de notre époque est donc de lutter contre l'apathie ambiante qui explique pourquoi tout et n'importe quoi peuvent se dire en dépit de toute vérité et logique, ce qui profite au fascisme.

Le PCMLM contribue en France à redonner une place centrale à la politique et construire une contre-culture solide sur laquelle la propagande bourgeoise et le mouvement mou du fascisme n'ont aucune prise. C'est par la compréhension scientifique du monde d'aujourd'hui que pourra s'élever une mobilisation de masse progressiste.

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