17 fév 2006

Prachanda, adepte du révisionnisme moderne (2006)

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Prachanda, adepte du révisionnisme moderne

PCMLM, février 2006.

A l'occasion du dixième anniversaire du début de la guerre populaire au Népal, Prachanda a donné une interview au journal réactionnaire « The Hindu » début février 2006, interview publié le 10 février.

Prachanda y explique très longuement les nouvelles positions du PC du Népal (maoïste), qui sont en rupture avec le marxisme-léninisme-maoïsme , chose reconnue par Prachanda lui-même : « Nous pensons que nous avons contribué au développement idéologique du marxisme-léninisme-maoïsme. »

Ce « développement » consiste en la considération que la direction unique du Parti Communiste doit être abolie et que le socialisme doit céder la place à la démocratie. Etudions-les.

1.Selon Prachanda, le Parti Communiste ne doit pas diriger et doit rentrer en compétition avec les autres partis politiques

« Nous voulons analyser sur une nouvelle base l'expérience de la révolution et de la contre-révolution au 20ème siècle.

Il y a trois ans nous avons pris une décision dans laquelle nous disions que la question clef du 21ème siècle sera de voir comment nous allions développer la démocratie.

Cela signifiait que les leçons positives et négatives du 20ème siècles avaient à être synthétisées afin d'aller de l'avant. Et il y a trois ans nous avons décidé d'aller vers la compétition politique.

Sans compétition politique, il y aurait une attitude mécanique ou métaphysique. Aussi cette fois ce que nous avons décidé n'était pas quelque chose de nouveau.

En août nous avons pris de sérieuses décisions sur comment construire en pratique l'unité avec les partis politiques parlementaires. Nous ne pensons pas que la guerre populaire a été lancé contre, ou principalement contre la démocratie avec plusieurs partis.

Elle l'a été contre l'autocratie féodale, contre la structure féodale. »

Cette thèse s'oppose à la conception communiste. L'idéologie communiste veut abolir l'Etat et sa démarche est scientifique, il n'y a pas de place pour la « concurrence » ou la « compétition. »

La thèse de Prachanda correspond par contre à celle de Thorez dans son interprétation révisionniste des démocraties populaires des pays de l'Est européen : « Il n'y a pas eu une transition brusque et brutale à un autre système.
Il y a ici un phénomène qu'il nous faut étudier, auquel il nous faut réfléchir : le pouvoir de la classe ouvrière, le pouvoir exercé au nom de la classe ouvrière et du peuple, par un Parti communiste qui n'est pas seul, mais qui peut s'associer avec d'autres partis ; cela figurait aussi dans les thèses de notre Xe Congrès.
Comme en Pologne, comme en Yougoslavie, ce pouvoir s'exerce avec le maintien des formes parlementaires. »

2.Selon Prachanda, le principe de « direction communiste » est erroné.

« Lorsque nous aurons le pouvoir d'Etat et que nous serons au pouvoir, nous ne ferons pas ce que Staline ou Mao ont fait. Lénine n'a pas eu le temps d'étudier les questions du pouvoir.

Même si Staline était un révolutionnaire, il n'a pas été aussi scientifique qu'il aurait du, il était pas mal métaphysique, et alors des problèmes sont arrivés. Nous avons également évalué Mao à ce plénum. Si vous regardez sa direction de 1935 à 1976, de quand il était jeune à quand il était vieux et que même parler était difficile, doit il rester Président et s'occuper de tout? Qu'est-ce que cela? »

Prachanda accuse explicitement Mao d'avoir été un potentat. Il nie que Lénine ait écrit des ouvrages entiers sur la question du pouvoir soviétique et nie le rôle de Staline dans la construction du socialisme en URSS. Dans un interview donné à la revue Kantipur le 7 février il reprend cette même accusation :

"Le peuple a commencé à devenir monotone dans le mouvement communiste du 20ème siècle, spécialement après le décès de Lénine".

Tout cela n'est ni plus ni moins que du révisionnisme le plus complet et une soumission complète à la propagande bourgeoise ainsi qu'à l'invention révisionniste d'un prétendu "culte de la personnalité" chez les communistes.

3.Selon Prachanda, les communistes népalais ne doivent plus viser la révolution démocratique, mais seulement la démocratie.

« Auparavant, nous parlions de république démocratique populaire, mais cela ne signifie pas non plus que nous avons abandonné cet objectif. C'est juste que, vu l'équilibre de pouvoir aujourd'hui, au regard de toute la situation et des attentes des masses, et qu'il ne devrait pas y avoir d'effusion de sang, nous croyons de manière responsable que pour y arriver nous le ferons par des moyens pacifiques. »

Dans l'interview du 7 février à la revue Kantipur Publications il exprime tout autant l'impossibilité de la révolution dans un seul pays : "Dans la mesure où nous appartenons à un Parti communiste, nos objectifs maximums sont le socialisme et le communisme. Ce sont les buts maximums de ceux qui acceptent le marxisme, le léninisme et le maoïsme comme objectifs idéologiques.

Etant donné l'équilibre de pouvoir au niveau international et les réalités économiques, politiques et sociales du pays, nous ne pouvons pas atteindre ces buts pour le moment. Nous devons accepter cette réalité essentielle. Nous avons fait référence à la république démocratique et l'assemblée constituante, dans la compréhension que nous être flexible vu l'équilibre dans la lutte de classe et la situation internationale.

C'est une politique, pas des tactiques. C'est un processus également nécessaire pour la bourgeoisie et les capitalistes nationaux, sans parler des classes moyennes."

Cette conception est fondamentalement erronée; elle est totalement similaire à la thèse trotskyste de l'impossibilité de faire la révolution dans un seul pays. Il s'agit d'une capitulation, qui s'oppose à la ligne marxiste-léniniste-maoïste, pour qui : « Tant que l'obstacle n'est pas complètement levé, il faut poursuivre la guerre jusqu'à ce qu'elle atteigne son but politique. . . . C'est pourquoi l'on peut dire que la politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique avec effusion de sang. » (Mao Zedong)

Ici encore Prachanda rejoint les thèses de Thorez: « Les progrès de la démocratie à travers le monde, en dépit de rares exceptions qui confirment la règle, permettent d'envisager pour la marche au socialisme d'autres chemins que celui suivi par les communistes russes »

4.Selon Prachanda, l'instauration de la « démocratie » suffit en soi pour être « révolutionnaire. »

« Nous pensons qu'il va y avoir un grand saut en avant au Népal dans les conditions socio-économiques parce que nous allons amener le pays à une structure républicaine démocratique. »

Maurice Thorez disait également que « la démocratie, création continue, s'achèvera dans les socialisme. » La thèse de Prachanda nie que lorsque le pouvoir est pris dans tout le pays, la révolution démocratique devient une révolution socialiste; « Le Parti sert à l'établissement du Pouvoir du prolétariat comme classe dirigeante de la Démocratie Nouvelle; mais principalement à l'instauration de la dictature du prolétariat, à son renforcement et à son développement, afin qu'au moyen des révolution culturelles il puisse conquérir son grand but final, le communisme. C'est pour cela que le Parti doit arriver à la direction absolue de tous les niveaux. » (Gonzalo)

5.Selon Prachanda, l'armée rouge ne préfigure pas le nouvel Etat et doit se dissoudre dans une armée « démocratique. »

« Dans la démocratie multipartis qui vient - gouvernement intérimaire, assemblée constituante et république démocratie - nous sommes prêts à une compétition pacifique avec vous tous. Bien sûr des gens ont toujours un doute sur nous parce que nous avons une armée.

Et ils demandent si après l'assemblée constituante nous abandonnerons nos armes. C'est une question. Nous avons dit que nous sommes prêts à réorganiser notre armée et prêts aussi à faire une nouvelle armée népalaise.

Ce n'est pas une question tactique. »

Cette thèse est en opposition complète au marxisme-léninisme-maoïsme, aux principes de la guerre populaire. Prachanda l'affirme d'ailleurs également très clairement dans l'interview du 7 février à la revue Kantipur Publications :

"Les armes des deux camps devraient être mises ensemble et les deux armées devraient être transformées en une seule sous la supervision des Nations-Unies ou toute autre organisation fiable. (...)
L'armée sera formée selon les résultats de l'élection. C'est la chose au sujet duquel il faut être clair. Nous accepterons la monarchie si c'est ce que l'assemblée constituante la veut. Nous sommes flexibles même jusque-là. Nous accepterons même si le peuple dit: nous voulons un monarque au pouvoir."

6.Pour Prachanda, la guerre populaire puise sa source dans la lutte parlementaire.

«  Pendant trois années nous nous sommes battus au sein du Parlement. Nous avons été pendant trois années là-bas. Notre revendication en 40 points a été mise en avant mais il n'y a même pas eu de discussion à ce sujet. Ainsi, les germes de notre lutte armée ont été jeté au sein du Parlement, pour ainsi dire.

C'est une très grande différence entre nous et, disons, ceux qui en Inde disent qu'ils mènent une guerre populaire. Ils n'ont pas commencé au sein du Parlement. Nous étions dans le Parlement et nous avons longtemps eu de bonnes relations avec les parts parlementaires. »

Cette thèse était inévitable puisque Prachanda veut apparaître pour le vrai démocrate, tout comme l'avait fait Thorez à son époque: « Les communistes sont des démocrates. Ils sont, de tous les démocrates, les démocrates les plus conséquents, car ils entendent substituer à une démocratie encore limitée en droit et en fait, une démocratie sans entraves. »

7.Selon Prachanda, les pays impérialistes européens peuvent jouer un rôle positif.

« Nous voulions aussi envoyer un message à la communauté internationale, comme quoi nous étions différents de comment on nous voyait par projection idéologique.

Par exemple, juste en ce moment nous avons des discussions avec l'Union Européenne et d'autres, mais parmi toutes les forces internationales, l'impérialisme US est l'élément le plus dogmatique et sectaire. Les classes dominantes des USA sont dogmatiques.

Ils ne comprennent pas ce qui se passe. Nous essayons de voir le monde d'une nouvelle manière, de changer d'une manière nouvelle, et nous voulions lancer ce message.

Sur ce plan, durant le cessez-le-feu, nous avons eu assez de succès. »

Qualifier les impérialismes des USA de « dogmatiques » n'a aucun sens, pas plus que de négocier avec d'autres forces impérialistes. La thèse de Prachanda correspond clairement à la théorie des trois mondes, théorie révisionniste chinoise affirmant que le tiers-monde peut s'appuyer sur le second monde (les puissances impérialistes moyennes comme la France, le Canada, etc.) pour s'opposer au premier monde composé des superpuissances (les USA et à l'époque l'URSS).

8.Selon Prachanda, la Chine fasciste et l'Inde expansionniste ont intérêt à la démocratie au Népal, pour s'opposer aux USA.

« Nous sommes satisfaits de cette nouvelle situation qui ressort du voyage en Chine de Shyam Saran [responsable indien des affaires étrangères], il semble que la situation peut changer.

Notre mouvement va également de l'avant et je pense que dans 2-3 mois, si la lutte continue, alors il y a une chance réelle d'en terminer avec la royauté une fois pour toutes et de former une république démocratique au Népal. Cela serait le meilleur résultat pour la Chine et l'Inde, et tout le monde.

Les USA ne veulent pas cela. Ils veulent maintenir la monarchie à tout prix. »

Prachanda considère ainsi, au lieu de partir du principe de « compter sur ses propres forces » et celui de servir la révolution mondiale, qu'il vaut mieux rassurer l'Inde et la Chine et ne pas avoir de programme révolutionnaire. Cela est dans la logique de la théorie des trois mondes.

9.Selon Prachanda, les maoïstes d'Inde doivent négocier avec le vieil Etat indien :

« Et si vous considérez le mouvement naxalite comme un problème pour vous [la direction de l'Etat indien], nous pensons que nous tentons de résoudre les problèmes du Népal d'une nouvelle manière, ainsi si vous libérez nos camarades [emprisonnés en Inde] et si nous réussissons à établir une démocratie multipartis au Népal, alors cela serait un très grand message pour le mouvement naxalite en Inde.

En d'autres mots, le fondement serait établi pour qu'ils pensent d'une nouvelle manière politique. »

Cela est carrément une proposition d'alliance avec l'expansionnisme indien!

Comme nous le voyons, les thèses de Prachanda sont dans la droite ligne du révisionnisme propagé depuis quelques temps par le PC du Népal (maoïste); ce révisionnisme utilisant comme masque la "démocratie" avait déjà été utilisé par Thorez en France et a désormais comme centre le PC révolutionnaire des USA.

Le PCR des USA, par l'intermédiaire du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, a certainement influencé le PC du Népal (maoïste).

Le chef du PCR des USA, Bob Avakian, défend de plus en plus ouvertement ses thèses révisionnistes et "démocratiques". Pour lui le communisme est un "possible" parmi d'autres choses, voilà pourquoi il rejette le principe d'"inévitabilité", disant que "les choses ne se sont pas passées comme Marx et Engels l'avaient prévu." (janvier 2005, Revolutionary Worker n°1266)

Il prétend que "les bolchéviks avaient une manière "mafieuse" dans certains domaines, particulièrement dans la guerre civile suivant la révolution d'octobre 1917" (décembre 2004, RW n°1262), qu'il y avait chez les communistes une certaine tradition "autocratique".

Voilà pourquoi le PCR des USA concentre ses attaques sur Bush l'"anti-démocratique", tout comme les révisionnistes népalais luttent pour une "vraie république démocratique".

Voilà aussi pourquoi Avakian prétend fonder un "nouvel internationalisme", prétexte en fait à ne pas lutter dans son propre pays : "Il y a un appel pour combiner la position et la définition de l'internationalisme par Lénine avec une approche procédant avant tout du niveau mondial, et considérant le monde comme un tout à tout moment, afin de déterminer, par une combinaison de facteurs objectifs et subjectifs, où peuvent être faites les plus importantes poussées pour toute la lutte internationale, et afin que les partis dans les pays agissent en fonction de cela, pour donner le soutien politique en relation avec ces "poussées", même au prix d'une sorte de sacrifice de la part des partis particuliers et en terme de luttes dans "leur" pays."

Cela n'est ni plus ni moins que du révisionnisme, niant le fait que dans le cadre de la guerre populaire mondiale il faut au contraire ouvrir davantage de fronts de lutte. On comprend, quand on voit le révisionnisme du PCR des USA, pourquoi le PCR du Canada parle tant que cela du Népal alors qu'il est censé vouloir la guerre populaire dans son propre pays, et que les contradictions sociales au Canada sont censées être l'aspect principal.

La "république démocratique" du Népal est devenu le nouvel idéal de ceux qui ont déjà rejeté Staline et qui demain troqueront même le drapeau du marxisme-léninisme-maoïsme qu'ils usurpent contre un drapeau "ultradémocrate".

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