15 juil 2006

Psychologie de masse du fascisme : la fascination mystique pour les « vérités cachées »

Submitted by Anonyme (non vérifié)
« On nous cache tout, on nous dit rien. »
 
Cet adage l'emporte de plus en plus, dans un monde apparemment sombrant dans le chaos entre des musulmans mystiques incompréhensibles et un Georges Bush dictatorial et paranoïaque.
 
Plus rien n'est compréhensible, «On nous Claudia Schiffer/On nous Paul-Loup Sulitzer/Oh le mal qu'on peut nous faire» résume même Souchon, qui comme tous les chanteurs de variété joue sur les peurs des masses. Les masses, Souchon les décrit d'ailleurs comme TF1 ou Johnny : « Foule sentimentale On a soif d'idéal Attirée par les étoiles, les voiles Que des choses pas commerciales ».
 
A côté de la variété, qui donne du baume au coeur, à côté de l'incompréhension générale du monde, particulièrement fort chez les femmes prolétaires exclues de la vie sociale par leurs maris, s'ajoute la fascination pour l'inconnu, pour la vérité cachée.
 
Cela va des magazines diffusant les potins sur les stars, afin de satisfaire les « gens » sur le fait que les stars aussi ont une vie médiocre et des défauts, jusqu'au culte du « Da Vinci code », roman où le monde véritable est apparemment celui des conspirations des sociétés secrètes.
 
« La vérité est ailleurs » disait déjà X-Files et la France s'inquiète et s'interroge sur le coup de folie de Zidane en finale de la coupe du monde, admirablement bien mis en avant par les médias, distillant le moins d'informations possibles pour éveiller et exciter la curiosité des gens, pour que ballon rond et nationalisme restent aux premières loges des consciences.
 
Une folie donc bien partagée, et jusque par Zidane lui-même, puisqu'il avait préfacé le livre « Une balle pour la paix » de Tayeb Belmihoub, sortie aux « éditions traditionnelles ».
 
Un petit extrait de cet ouvrage mystique est révélateur : « Et si cette gesticulation autour d’une boule de cuir remplie d’air n’était pas si anodine qu’il y paraît ?
 
Et si ce désordre apparent masquait la face d’un rituel dont la trace se serait conservée précieusement dans «l’arche d’alliance » que constitue « la masse» ? »
 
Le terme de « traditionnel » est en fait employé par les « mystiques » européens et l'auteur se dit même influencé par....
 
René Guénon, mystique des années 1920 et influence majeure de l'extrême-droite traditionnaliste.
 
Quant à la maison d'édition, elle est distribuée par les éditions Dangles, grand diffuseur d'ouvrages mystiques astrologiques religieux ésotériques etc., où l'on retrouve entre autres... Julius Evola, grande figure italienne du mysticisme national-socialiste.
 
Voilà bien un drôle de monde où tout est obscur, incompréhensible, secret.
 
Les cinglés illuminés élargissent leur influence comme jamais en jouant là-dessus : la fascination pour la métaphysique, pour l'explication mystique, est en pleine explosion.
 
Des auteurs philosophiques idéalistes au possible, comme Schopenhauer ou Heidegger, reviennent en force; le pape de l'idéalisme français, Bergson, n'aura jamais quitté son bastion de la Sorbonne, même en 1968, sans parler du culte voué dans les lycées à Ionesco et Beckett.
 
Même les formes classiques de la religion, pas assez exubérantes, s'effacent devant les religions « militantes », évangéliques, sectaires ou mystiques, au point que l'Eglise se sent obligé de réagir chaqu e année contre Halloween.
 
Chaque année, des centaines de boulangeries françaises diffusent ainsi le « le gâteau de la Toussaint » avec des cartes des vie des Saints et boycottant totalement Halloween.
 
C'est naturellement en Amérique du Nord gangrené par les religions qu'on trouve encore les forcenés les plus délirants, comme David Icke qui est le dernier « grand » du genre.
 
Sa thèse est simple et malgré tout efficace dans son style : le monde est dominé par les reptiles, et d'ailleurs le plus souvent ils sont juifs.
 
Ils sont tous des descendants des Rotschild et parmi eux il y a Bush, la famille royale anglaise, etc.
 
Que faut-il comprendre, que Icke est antisémite, ou qu'il pense vraiment que Bush est un repti le de plusieurs mètres de haut, membre des « illuminati », société secrète reptilienne contrôlant le monde?
 
Lui-même affirme qu'il n'est pas antisémite (mais seulement anti-reptilien), d'ailleurs il passe sa vie à repérer le culte des reptiles dans les jouets, les logos, les photos des magazines, etc.
 
Folie? Bien entendu.
 
Mais la dimension antisémite est objectivement évidente, et il faut se rappeler que les théories nazies étaient ridicules en 1920 et limitées aux cercles ultras réactionnaires; 20 ans après elles sont devenues l'idéologie d'Etat capable de mobilisations de masse en faveur de la guerre. L'antisémitisme direct étant encore difficile à manoeuvrer, la folie antisémite passe par des thèses folles ou tout bonnement par l'association à l'Etat israélien (qui « gouvernerait le monde », aurait une pratique « pire que les nazis », etc.).
 
Tous ces délires sont des « tests », des inventions, des tentatives de pénétrer dans la conscience des masses pour les dévoyer, pour les détourner du matérialisme et du communisme.
 
La base du fascisme, c'est la mobilisation des masses contre des masses.
 
Le fond de ces délires irrationnels s'appuie ainsi sur un fond petit-bourgeois; il part d'une misère intellectuelle ou d'une folie individuelle pour tenter de devenir une idéologie de masse.
 
Prenons d'ailleurs l'exemple des nazis actuels : eux-aussi cherchent à moderniser leur idéologie. Ce que cela donne vaut largement les reptiles, dans on genre. Nous sommes en 1945 et Hitler se suicide dans son bunker.
 
Mais la vérité est ailleurs : grâce aux soucoupes volantes inventées par les nazis depuis les années 1920, Hitler se réfugie en Antarctique où l'attend une base nazie qui résiste jusqu'en 1948 aux attaques des alliés....
 
Alors les nazis rejoignent leurs amis martiens hyperboréens (qui sont leurs ancêtres) en partant loin dans l'espace, où ils avaient déjà contact avec une demi-douzaine d'espèces extra-terrestres.... pour bientôt revenir ronquérir la planète.
 
Folie furieuse ? Bien sûr. Mais en attendant la prêtresse du national-socialisme, la française Savitri Devi (1905-1982), a été une liaison essentielle dans l'appareil nazi international.
 
Cette Française, pour qui Hitler a été un Bouddha resté sur terre pour contrer l'âge du fer, est allé jusqu'à distribuer des tracts nationaux-socialistes en Allemagne en 1948; l'idée du négationnisme, c'est aussi elle qui participe à son élaboration.
 
D'autres personnes du même acabit, inconnues des masses, ont joué un rôle similaire, comme Françoise Dior (1932-1993), membre d'une famille millionnaire, décrite comme une décadente allant jusqu'à coucher avec sa fille avant de la pousser au suicide, qui terminera proche des ultras du « Parti Nationaliste Français et Européen ».
 
Au-delà des aventures individuelles des mystiques, des doux dingues et des fous furieux, toutes ces productions idéologiques sont des essais, des tentatives de développer une idéologie capable de pénétrer dans les consciences des masses populaires.
 
Elles sont le reflet de la folie bourgeoise et petite-bourgeoise, mais également, de par le statut de ces classes, elles ont immédiatement une fonction idéologique anti-communiste.
 
Le propre du petit-bourgeois, c'est de produire intellectuellement des explications irrationnelles à ce qui se passe dans le monde, afin d'éviter le « spectre qui hante le monde », la révolution communiste; le propre du bourgeois, c'est d'utiliser cette idéologie pour s'allier la petite-bourgeoisie contre la classe ouvrière.
 
Toute les folies sont essayées, du fait que la terre soit creuse et peuplée de descendants des super-humains de l'Atlantide, jusqu'à ce que la face cachée de la lune soit une base martienne, de la domination d'une société secrète par l'intermédiaire de l'UE jusqu'au traditionnel complot judéo-maçonnique.
 
Ce qui « marche » est retenu, assemblé, remis sur le marché.
 
Il faut toujours avoir à l'esprit que ces folies ont une base matérielle; elles ne sont jamais des inventions complètes, elles partent de réalités concrètes.
 
Pour prendre des exemples relevant de l'imagination dans la culture, on ne peut pas comprendre la science-fiction sans connaître l'urbanisation hyper-rapide des USA dans les années 1920, où les gens passent des champs aux gratte-ciels.
 
De même, on ne peut pas comprendre la schizophrénie de nombreux super-héros de bande dessinée sans connaître l'origine juive de leurs auteurs victimes de l'antisémitisme des grandes villes nord-américaines où ils émigrent (Superman invincible mais incapable d'affronter sa vie privée, tout comme Spiderman; le professeur Xavier et Magneto rescapés de camps de la mort qui veulent sauver le monde de manière opposée tout en partant de leur même statut de mutant, etc.)
 
Pareillement, on ne peut pas comprendre l'idéologie fantasmagorique de la Tribu Ka, nouvelle secte africaniste parisienne que Sarkozy a dans son collimateur, sans voir l'oppression néo-coloniale des pays d'Afrique et l'impact sur ses immigrés ici dans la France impérialiste.
 
Si l'on s'attarde d'ailleurs là-dessus, on voit bien que la Tribu Ka est le pur produit de cette situation impérialiste : du fait que l'impérialisme a nié le caractère africain et en partie noir de l'Egypte pour ne pas reconnaître que la Grèce « blanche » puise sa source chez une population en partie noire, on passe à un culte pour une Afrique idéalisée entièrement pharaonnique, monothéiste et supérieure racialement, qui nie toute la dimension animiste, matriarcale et culturelle en général.
 
C'est un discours de puissance, de violence patriarcale : Fanon, Lumumba et Mulele, héros de l'Afrique sociale-révolutionnaire, doivent même se retourner dans leurs tombes lorsque le leader de la Tribu Ka va jusqu'à dire dans un grand élan idéaliste que « la seule chose qui nous rapproche des nazis, et que je ne renie pas, c’est qu’ils aimaient l’Allemagne, plus que l’Allemagne s’aimait elle même. Nous aimons notre peuple plus que lui même s’aime, c’est clair. »
 
Toutes ces folies trouvent leur source dans la petite-bourgeoisie écrasée par le capitalisme, tentant de s'opposer à la bourgeoisie sans pour autant aider en rien le communisme.
 
Cette quête permanente de la troisième voie est la source de tous ces délires; elle est le fondement de la psychologie de masse du fascisme.
 
Et comme il y a plusieurs couches dans la petite-bourgeoisie, ces délires ne sont pas nécessairement fascisants aujourd'hui, certaines tentatives visent à faire en sorte que la petite-bourgeoise soit renforcée par la combativité prolétarienne.
 
Toutes les variantes existent, comme celles pour combiner anarchisme et communisme (alternative libertaire, redforum, ocl...), social-démocratie et communisme (LCR, PT...), nationalisme et communisme (les « nationaux-bolchéviks...); religion et communisme (Kadhafi pour l'Islam, à Lyon les gens de l'« Eglise marxiste réaliste »...), républicanisme et communisme (l'IRSP irlandais, les « maos » népalais...), patriotisme et communisme (le PRCF issu du « PCF », voire Chevenement...), communatarisme et communisme (MIB, Indigènes de la République...) etc.,etc.
 
Progressistes aujourd'hui, elles disparaîtront demain, ou deviendront réactionnaires; tout dépend de la profondeur de la crise capitaliste en train de broyer la petite-bourgeoisie.
 
Il y a 20 ans la LCR voulait le communisme, aujourd'hui elle veut une union de la gauche vraiment à gauche; il y a 20 ans les anarchistes voulaient détruire l'Etat, aujourd'hui ils sont aux premières loges pour défendre la laïcité.
 
Ainsi, dans tous les cas, la petite-bourgeoisie se caractérise par sa passion pour les choses cachées, du mystère, des choses «irrationnelles».
 
C'est la fascination mystique de Trotsky pour « l'entreprise stalinienne de falsification » jusqu'à Besancenot disant au sujet de l'affaire Clearstream: « C'est un vrai scandale politique. On se rend compte qu'au plus haut sommer de l'Etat, il y a des cercles obscurs qui servent aux réglements de comptes internes. » (Le Figaro, 13/14 mai 2006).
 
Voilà pourquoi le Parti Communiste authentique doit posséder une base prolétarienne : le matérialisme dialectique, c'est l'idéologie du prolétariat, une idéologie à jamais obscure pour la petite-bourgeoisie condamnée historiquement.
 
Pour le PCMLM, juillet 2006.
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