25 mar 2009

Quel «antifascisme radical»? (2)

Submitted by Anonyme (non vérifié)

En août 2007, nous critiquions déjà la revue Réflexes pour ne pas comprendre ce qu'est le fascisme, pour ne pas voir que le fascisme est une tendance historique liée à la crise générale du capitalisme (Quel «antifascisme radical»?).

Aujourd'hui, il faut recommencer cette critique. Historiquement cette revue s'est voulue, depuis le milieu des années 1980, un outil antifasciste, en fournissant des informations sur les activités fascistes.

Mais les temps ont changé et la revue Réflexes se lance de plus en plus dans la bataille politique, avec deux textes publiés coup sur coup: «Les interprétations du fascisme dans l'entre-deux-guerres» et «Sur la défaite de 1933».

«Sans vouloir dresser de parallèles avec la situation actuelle, il est indéniable que la connaissance de ces événements doit faire partie de la culture politique des militants antifascistes d'aujourd'hui.»

Voilà comment la revue Réflexes présente son article intitulé «Sur la défaite de 1933». Quant à ceux et celles visés par ces deux articles, cela est dit à la fin de l'article «Les interprétations du fascisme dans l'entre-deux-guerres»:

«Il est clair que le phénomène est complexe et qu'aucune analyse ne convient parfaitement. C'est bien sûr un aspect qui peut gêner les amateurs de prêt-à-penser.»

Le ton est donné: il s'agit d'une attaque en droite ligne de ceux et celles qui considérent que le fascisme se développe aujourd'hui de la même manière que dans les années 1920-1930, en tant que produit de la crise du capitalisme et de la marche vers la guerre impérialiste.

En clair sont viséEs les marxistes-léninistes-maoïstes, mais également tous ceux et toutes celles qui ont compris ce qu'est réellement l'antifascisme: un mouvement de front, le plus large possible, contre une tendance historique et inévitable de la société capitaliste en perdition.

Cette position de la revue Réflexes est absurde, idéaliste, et pour la défendre elle met non seulement en avant un catalogue d'auteurs universitaires traitant du fascisme de manière bourgeoise, mais raconte qui plus est absolument n'importe quoi sur des faits historiques pourtant très clairs.

Prenons ainsi ce qui est dit dans l'article «Les interprétations du fascisme dans l'entre-deux-guerres»:

«Après la prise du pouvoir en Allemagne par les NS, le parti social-démocrate comprend que l'Autriche sera sans doute la prochaine cible des mouvements fascistes et tente alors un coup de force qui amène une courte période de guerre civile en 1934.
Ce putsch de la structure militaire des sociaux-démocrates échoue et le parti entre alors en clandestinité, 1934-1938 voyant la mise en place d'un pouvoir autoritaire sous la houlette des chrétiens-démocrates (qui étaient au pouvoir lors de l'insurrection SD).
»

Cela est proprement hallucinant, car toute personne antifasciste et s'intéressant à l'histoire des mouvements fascistes sait bien qu'en février 1934 il y a non pas un «putsch de la structure militaire des sociaux-démocrates», mais bien la prise du pouvoir par l'austro-fascisme!

Sans compter que ces événements se sont déroulés exactement il y a 75 ans (Il y a 75 ans, la défaite antifasciste en Autriche).

Le Parti Communiste d'Autriche était interdit, ainsi que la vente des journaux sociaux-démocrates; le Parlement n'avait plus de fonction depuis... mars 1933! Février 1934 marque le désarmement par l'Etat des milices social-démocrates, et le refus militaire de certaines structures social-démocrates, épaulées par les communistes!

Comment la revue Réflexes peut-elle raconter cela? Le refus de subir le désarmement, serait-ce là un putsch?

Et de telles erreurs, les deux articles en contiennent toute une série!

Prenons par exemple ce qui est dit sur le KPD, le Parti Communiste d'Allemagne (improprement appelé PC «allemand»):

«La soumission à Moscou est totale et s'applique à tous. Ainsi en 1931, l'Internationale oblige le KPD, malgré l'avis de sa direction, à prendre position pour un référendum demandé par les nazis et les nationalistes. Le comité central s'incline et obéit.»

Et aussi:

«Avant cela en novembre 1932, lors de la grève des transports à Berlin le syndicat social-démocrate refusa d'entrer dans une grève illégale mais populaire. Les communistes, à l'origine du mouvement, se trouvèrent alors bientôt rejoints par les nazis qui en occupant le terrain laissé par les social-démocrates tentaient de mordre sur l'électorat ouvrier.»

Ou encore:

"Le KPD lutte à mort contre les sociaux-démocrates, allant même jusqu'à s'entendre parfois avec la base nationale-socialiste pour empêcher la tenue de meetings du SPD."

La revue Réflexes montre ici son caractère trotskyste: l'interprétation des faits, leur déformation, est celle des trotskystes. L'article de février 2007 Les «rouges-bruns»: un mythe trotskyste et social-démocrate aborde justement cette question du référendum et de la grande grève de novembre 1932, où les communistes ont démasqué la démagogie fasciste.

Quant à l'accusation de la soit disant «alliance» avec les nazis contre les socialistes, elle relève typiquement du trotskysme et ne se fonde sur aucune preuve, étant purement et simplement de l'anti-communisme.

Que la revue Réflexes publie seulement un semblant de preuve, et on en reparlera! Les seuls endroits où les communistes et les nazis se côtoyaient, c'est lorsque des communistes bravaient la mort en portant la contradiction dans les meetings fascistes, et sinon le sang coulait, comme la revue Réflexes est obligé de le reconnaître: «La compétition avec les nazis se fait plus clairement dans la rue, où le Front du Combattant Rouge, la milice d'autodéfense du KPD affronte les nazis.»

Il est ici très intéressant de voir qu'il n'est pas parlé du front unitaire à la base qu'a été l'Action Antifasciste en Allemagne, qui a été une grande contribution à la naissance du front populaire, réalisé en Espagne et en France.

Et cela d'autant plus significatif que la revue Réflexes appartient au réseau «No pasaran», un réseau anarchiste alors que «No Pasaran» est un slogan on ne peut plus «stalinien», qui signifie «ils ne passeront pas» et représentait la ligne de la république espagnole et de son front populaire...

On voit donc que la revue Réflexes tente de s'approprier le prestige de l'antifascisme, en niant la réalité historique, qui veut que l'antifascisme est historiquement une proposition de front qui est mise en avant par les communistes!

Parlant du fascisme italien, la revue Réflexes va jusqu'à nier tout simplement les analyses de l'Internationale Communiste, arrivant à passer sous silence un nom aussi illustre que Clara Zetkine...

Par contre, il est parlé sans cesse d'Otto Bauer, un social-démocrate autrichien figure de la trahison face au fascisme, et qui même après 1938 considérait comme un progrès l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne!

Il est clair que la revue Réflexes tombe le masque: tout comme une partie importante des anarchistes, elle s'est fait happée par le trotskysme.

Son antifascisme, celui des années 1980-1990, du rock alternatif et des Béruriers Noirs, est totalement dépassé, et ne consiste qu'en un paravent pour une idéologie finalement la même que le NPA de Besancenot.

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