15 Jan 2007

Que révèle l'histoire des rapports franco-irakiens sur la nature de Saddam Hussein? Quelle a été le sens de sa vie et comment est mort Saddam Hussein?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« Le nationalisme au meilleur sens du terme, et le socialisme comme moyen de mobiliser les énergies et d'organiser la société de demain sont deux sentiments très proches du coeur des Français » (Jacques Chirac au sujet de l'idéologie national-socialiste baasiste de Saddam Hussein)

Saddam Hussein est mort, liquidé par des forces au service de l'impérialisme US.

Mais il est impossible de comprendre le régime de Saddam Hussein et sa nature si on ne comprend pas le principe de la coexistence pacifique entre l'URSS et le bloc impérialiste (USA, France, Angleterre, etc.) durant les années 1970-1980.

En effet, lorsque les pays impérialistes ont dû abandonner leur pratique coloniale, ils l'ont remplacé par un néo-colonialisme, qui passait et passe par des Etats dépendants mais soit disant « indépendant », où les campagnes sont dominées par des grands propriétaires terriens et où le capitalisme est bureaucratique, c'est-à-dire relevant de la pure gestion au service des grandes entreprises impérialistes implantées dans le pays.

Les régimes de ces pays néo-coloniaux sont de type fasciste : ils s'opposent à toute révolution agraire, ils sont nationalistes, anti- communistes, policiers, etc.

Le régime de Saddam Hussein est un excellent exemple de ce type de régime; la prise du pouvoir par Saddam Hussein est en effet accompagnée par les impérialistes (putsch de 1963 et 1968), son idéologie, le baasisme, est ultra-nationaliste et anti-communiste, avec tout ce qu'il faut de démagogie pour mobiliser les masses derrière le régime (le « socialisme arabe »), avec tout le souci de modernisation de l'appareil d'Etat pour garantir la stabilité (mobilisation des masses, pseudos réformes agraires, campagnes d'alphabétisation pour former le prolétariat, etc.), avec toutes les garanties politiques nécessaires (arrestations, tortures et massacres des opposants et principalement des communistes).

A cela s'ajoute la politique de divisions communautaires permettant de « diviser pour régner » : Saddam Hussein s'est appuyé sur les musulmans sunnites (y compris des couches petites-bourgeoises), exactement dans la tradition des impérialistes anglais lorsqu'ils dominaient l'Irak. 

La stabilité de l'Irak était alors exigée autant par les impérialistes que par le social-impérialisme russe, et tous en profitaient. 70% des armes achetées par l'Irak l'était à l'URSS, mais les impérialistes - et notamment voire surtout la France - pouvaient acheter massivement du pétrole.

La France s'appuyait tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre de ces deux blocs, comme le montre une étude des rapports franco-irakiens.

La France, qui était le 23ème fournisseur de l'Irak en 1963, devint son 13ème fournisseur en 1966 puis son 5ème en 1968.

Lorsque le premier Juin 1972, l'Irak nationalisa l'Iraq Petroleum Company (I.P.C), selon les exigences de la bourgeoisie bureaucratique pro-soviétique, une délégation de dirigeants de banques franco-arabes s'organisa pour aider financièrement Badgad - avec l'UBAF dont le capital est détenu à 40% pat le Crédit Lyonnais) et la FRAB-BANK (dont la Société Générale détient le 1/4 du capital).

« La France change de camp » titrèrent alors les journaux de Londres : en effet, en avril 1972 l'Irak avait signé un traité d'amitié et de coopération avec l'URSS.

Et dès l'accord signé, Saddam Hussein vint en France et déclara le 14 Juin 1972, « nous ne sommes pas ici pour demander des armes, mais pour asseoir les relations franco-arabes sur des bases solides (...). Nous ouvrons notre porte à la France, et nous l'invitons à tirer avantage de l'occasion que nous lui offrons. Ce serait tout autant votre intérêt que le notre. »

Cette visite marqua le succès de la politique française néo- coloniale gaulliste.

La France n'était ainsi pas touchée par la nationalisation de l'IPC, dans la mesure où elle pouvait en effet enlever pendant 10 ans la part de brut (12 millions de tonnes) à laquelle elle avait droit avant la nationalisation, et ce à un prix relativement avantageux, l'Irak bénéficiant également de l'assistance de la France « pour la réalisation de projets industriels et la mise en valeur des ressources naturelles. »

En Décembre 1973, l'Irak signa avec le Creusot Loire un contrat de 600 Millions de francs lourds pour la construction d'une aciérie à Khor Zubair, dans le sud, près de Basrah; en 1974, une délégation économique de 45 personnalités des affaires françaises vint à Bagdad pour une visite de 5 jours.

Et le 14 Mars 1974, un accord de coopération économique et technique fut conclu entre la France et l'Irak, prévoyant notamment la réunion annuelle d'une commission mixte.

En Octobre 1974, Le Creusot Loire signa un nouveau contrat comportant la construction d'un réseau d'adduction d'eau de 40 Km, la construction de deux unités de production d'éponge de fer, des équipements portuaires. 

Ce fut ensuite le moment des « contrats fabuleux » (dont beaucoup ne seront pas réalisés faute de moyens irakiens) au moment où Chirac était premier ministre : le 3 décembre 1974, les bureaux du premier ministre font état de contrats d'un montant total de 15 milliards de Francs, comprenant notamment la construction par Pechiney d'une usine d'aluminium (400 millions de francs), la construction d'un hôpital militaire de 1.600 lits (800 millions de francs), d'un complexe pétro-chimique dans la région de Basrah (3,5 milliards de francs), mais aussi un réseau de télécommunication par câbles, la construction de deux usines d'assemblage par Peugeot et Saviem, et divers projets de coopération, achats d'Airbus, d'armes (40 hélicoptères Alouette sont utilisés contre les Kurdes), adoption du système français SECAM au lieu du système allemand PAL, etc.

Les Allemands intervinrent alors en force, pour devenir le premier fournisseur, avec 1,5 milliard de francs d'exportations à destination de l'Irak, faisant capoter plusieurs projets français, et les bombardements israéliens en Irak mirent fin à l'accord d'un montant de 1,45 milliard de francs concernant le nucléaire.

Le 7 Juillet 1977 on annonça que l'Irak allait acheter pour 7 milliards de francs de matériel militaire français, dont 72 Mirage F-1 équipés de missiles Magic, des hélicoptères Puma, des blindés AMX; l'Irak achètera également à la France (Thomson) un système de couverture aérienne (1 milliard de francs pour la première phase); en 1979 il y avait ainsi des allers-retours non stop entre l'Irak et la France, autant de militaires que de dirigeants économiques ou politiques.

En 1978, la France est alors le premier acheteur de brut irakien, le 3ème pays exportateur derrière le Japon, 1er avec 1 milliard de dollars, et la République Fédérale Allemande avec 800 millions de dollars, le montant des exportations françaises s'élevant à 540 millions de dollars.

A la mi-Mai 1979 fut signé un important contrat de 3,7 milliards de francs pour la construction du nouvel aéroport de Bagdad, en Décembre l'Irak acheta une nouvelle tranche de 24 Mirage F-1.

La chute du shah d'Iran précipita les choses : pendant les années 80 la France put pousser l'Irak dans la guerre contre l'Iran où les USA ont perdu pied. Le président Mitterrand déclara clairement durant son voyage en Egypte en Novembre 1982 « Nous ne voulons pas la défaite de l'Irak. »

La France vendit alors à l'Irak pour 14 milliards de francs d'armements dans l'année, faisant de la France le deuxième fournisseur d'armes de l'Irak, après l'URSS.

Mitterrand approuva même personnellement en 1983 la décision « extraordinaire » en soi de « prêter » à l'Irak, dans le cadre d'un accord de « leasing » de 3 ans, cinq avions Super-Etendard prélevés sur le matériel de l'armée de l'air française, équipés de missiles Exocet AM 39, d'un coût de 10 millions de francs l'unité. 

Mais la chute du mur de Berlin vint tout modifier.

Les USA avaient alors carte blanche et décidèrent de mettre le régime irakien sous leur coupe, après avoir fait croire à Saddam Hussein que l'invasion du Koweït serait acceptée.
En 1991 la France suivit l'agression militaire pour ne pas être en reste, les USA promettant une part du gâteau dans la redistribution, en dépit de l'opposition des partisans de la ligne nationaliste « dure » comme Chevènement, ministre de la défense qui démissionna.

L'impérialisme français comptait aussi sur la carte kurde, grâce à la tenue de la conférence de réconciliation des deux partis kurdes irakiens, le PDK et l'UPK, au château de Rambouillet du 16 au 22 juillet 1994 (montrant le rôle opaque et néfaste de « Madame Mitterrand », soit disant progressiste pro kurde).

C'est dans ce contexte que l'impérialisme français maintint sa présence, s'appuyant également sur le projet de l'ONU « pétrole contre nourriture » (qui fit un petit scandale en raison des nombreux pots de vins); la France était le premier exportateur en Irak de 1997 à 2000.

Mais la situation n'était pas suffisamment favorable aux USA et trop favorable au bloc impérialiste opposé. La réserve pétrolière irakienne était en effet drainée principalement vers ce bloc Paris- Moscou-Berlin ; en 2000 cette prépondérance se manifeste par l'adoption de l'euro à la place du dollar pour libeller les transactions pétrolières et commerciales de l'Irak.

Les USA décidèrent donc d'envahir le pays en 2003 au grand dam des impérialistes français et allemand ainsi que de l'oligarchie russe, qui firent tout pour faire capoter l'intervention anglo-américaine.

Les fait montrent clairement que si Chirac était opposé à la deuxième guerre contre l'Irak, c'est uniquement pour défendre les intérêts de l'impérialisme français, intérêts que Saddam Hussein a largement servi jusque-là.

Et d'ailleurs, de la même manière, hier la CGT et le PCF saluaient le régime irakien laïc, ouvert aux femmes et à l'éducation des peuples, qui permettait à l'économie française de tourner et aux ouvriers de produire, le « héros » Saddam Hussein.
Il est aujourd'hui salué par « l'aile gauche » du « PCF » des années 1990 désormais appelée l'Union des Révolutionnaires Communistes de France (URCF), après avoir été appelée Coordination Communiste.

Saddam Hussein a fait assassiner des milliers de communistes? Son régime était fasciste? Ce n'est pas grave, l'URCF atténue le tout en disant que Saddam Hussein «fit preuve parfois d'anticommunisme.»

De la même manière, la soumission aux intérêts français et russes pendant les années 1980, l'URCF la transforme en une chose positive: « Le président Saddam Hussein a refusé de plier devant les diktats des grandes puissances et d'obéir aux intérêts des magnats de l'OPEP. »

De la même manière, les contradictions inter-impérialistes sont niées par l'URCF qui ne voit qu'un seul ennemi : le « colonialisme anglo-saxon qui n'a jamais caché son racisme intrinsèque pour les peuples arabes. »

Critiquer de manière principale un autre impérialisme que le sien, voilà déjà une preuve de chauvinisme, mais là avec l'URCF le rôle de l'impérialisme français est totalement passé sous silence!!
Il est de plus attribué une nature « particulière » (avec le mot intrinsèque) à un impérialisme concurrent de l'impérialisme français!!!!

La position de l'URCF est totalement social-chauvine, dans la pure continuité de l'idéologie de l'aristocratie ouvrière. 

Hier l'aristocratie ouvrière saluait Saddam Hussein pour acheter des armes, permettant à la Direction Générale de l'Armement (DGA), Dassault & compagnie de donner du travail aux ouvriers.

Aujourd'hui elle pleure cette époque « glorieuse » et masque son soutien à l'impérialisme français ainsi que sa propre nostalgie derrière un verbiage progressiste :

« Le président Saddam Hussein a refusé de plier devant les diktats des grandes puissances et d'obéir aux intérêts des magnats de l'OPEP.
Nationaliste, il fit preuve parfois d'anticommunisme et commit des erreurs préjudiciables à son pays.
Nous partageons cependant l'analyse de Lénine selon laquelle, dans certaines circonstances de la lutte anti-impérialiste, la cause de la bourgeoisie nationale dans les Etats opprimés s'avère infiniment plus juste en défendant l'intégrité territoriale et la souveraineté du pays que celle des dirigeants sociaux-démocrates des pays capitalistes qui conduisent les guerres de conquête comme le travailliste Blair, laquais de Bush pour satisfaire les intérêts boursiers de l'oligarchie financière ou celle de « communistes » (révisionnistes en fait) qui misent sur l'appui des puissances impérialistes pour leur « mission ». »

Tout cela n'est que prétexte pour justifier le soutien à une clique favorable à l'impérialisme français; sous prétexte de lutte contre les impérialistes « américains et britanniques » on pratique le chauvinisme le plus éhonté, niant la thèse léniniste que l'ennemi est dans notre propre pays !

Quel culot d'attaquer les sociaux-démocrates des autres pays, qui amènent des guerres de conquête, pour en fait cacher la défense des mêmes sociaux-démocrates mais français, qui eux entendent préserver leurs conquêtes!

C'est la même tactique employée par les USA des années 1920 et l'Allemagne des années 1930 qui appelaient au soulèvement des peuples opprimés, parce qu'eux-mêmes n'avaient de colonies et entendaient bien s'approprier des néo-colonies!

Quelle honte que l'URCF ose employer le terme de « compradore » pour désigner les classes dominantes en Irak aujourd'hui et en même temps nier le caractère compradore / bureaucratique de la clique de Saddam Hussein!
L'URCF tente d'apparaître comme « révolutionnaire » en parasitant le marxisme-léninisme-maoïsme, mais tout cela restera vain!

Non, il n'est pas vrai de dire comme l'URCF le fait que «Saddam Hussein est mort dignement avec courage et détermination, en combattant anti-impérialiste»!

La vérité est que Saddam Hussein est mort comme un traître à la cause nationale arabe, comme un individu qui après s'être vendu à l'impérialisme français et au social-impérialisme russe, a été victime de l'effondrement de l'URSS et du retour en force des USA.

La disparition de l'URSS, de Milosevic, de Saddam Hussein... tout cela relève de l'histoire de la concurrence entre impérialistes; les masses populaires, elles, ont leur propre histoire à faire, celle de la guerre populaire mondiale, voilà la position authentiquement communiste, tout le reste n'est pas l'expression de la révolution mondiale !

Pour le PCMLM, janvier 2007. 

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