3 aoû 2011

Sur « Le soulèvement armé » de Neuberg

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1.

a) Présentation

Dans les années 1920, l’Internationale Communiste portait son attention sur tous les pays, afin d’aider à la naissance d’un Parti Communiste dans chaque pays. Toutefois, deux pays en particulier se sont vus accorder une importance extrême : l’Allemagne et la Chine.

La raison est facile à comprendre. Dans ces deux pays, le mouvement révolutionnaire était extrêmement puissant, et un Parti Communiste s’était développé, avec de brillantes perspectives.

L’Internationale Communiste considérait qu’arriverait dans les prochaines années la révolution en Allemagne et en Chine.

Le « soulèvement armé » de Neuberg est un document qui a, dans ce cadre, une importance extrême. Il s’agit en effet du manuel destiné aux cadres du Parti Communiste d’Allemagne afin d’être capable de mener l’insurrection.

« A. Neuberg » n’était, comme on peut s’en doute, qu’un pseudonyme, derrière lequel il y avait notamment différents auteurs communistes d’Europe et d’Asie ainsi que tout un travail d’équipe de l’armée rouge.

Ce document a ainsi une grande valeur historique, puisqu’il permet de comprendre comment l’Internationale Communiste concevait la révolution socialiste. Nous qui désirons la mener en France au 21ème siècle, il y a des choses à apprendre de cela.

b) Le manuel en lui-même

En quoi consiste donc le manuel de Neuberg ? Voici une courte présentation des différents chapitres du manuel qu’est « Le soulèvement armé. »

Tout d’abord, on a une présentation de la conception bolchevique de l’insurrection, qui est opposée à celle de la seconde Internationale, c’est-à-dire les socialistes.

On a ensuite une série d’exemples d’insurrection : celle de Reval en Estonie, de Hambourg en Allemagne, de Canton et de Shanghai en Chine.

Enfin, il y a la dimension technique : le travail politique dans l’armée bourgeoise, l’organisation du prolétariat, la préparation militaire.

Ces chapitres précédant une longue explication de comment commencer l’insurrection et de comment mener la lutte armée en ville.

C’est évidemment l’aspect principal du manuel, dont on peut résumer les thèses ainsi :

– l’insurrection ne saurait se développer spontanément, elle doit être minutieusement préparée puis coordonnée par une direction éprouvée ;

– les masses ont au départ peu ou pas d’armes et doivent s’en procurer le plus vite possible, car l’insurrection doit toujours
préserver sa dimension offensive ;

– il ne faut pas tant occuper les postes ou les écoles, que les points névralgiques sur le plan militaire, la priorité militaire est la liquidation de la direction politique et militaire de l’ennemi.

c) Le modèle russo-allemand

Expliquons ici quelle était alors la conception révolutionnaire de l’Internationale Communiste. La situation devait être caractérisée par une désorganisation des classes dominantes d’un côté, et de l’autre des masses populaires en mouvement. Les classes intermédiaires doivent pencher du côté du prolétariat.

Alors, le Parti Communiste lance les masses dans un affrontement frontal avec l’État, suite à une propagande passée par plusieurs étapes (propagande pour le pouvoir ouvrier, l’expropriation des grands propriétaires terriens, etc.) ainsi que des expériences de masse à grande échelle (grèves, manifestations, etc.)

Ainsi, la révolution socialiste était considérée comme le point culminant d’une situation toujours plus conflictuelle, les armes étant finalement prises, alors que les classes dominantes en pleine décadence s’effondrent sur elle-même.

On peut donc comprendre que l’Internationale Communiste a organisé toute sa réflexion sur la base suivante : le modèle est la révolution russe, le pays où cela va se dérouler de nouveau est l’Allemagne.

Cela est tellement vrai qu’il y avait en Allemagne un document précédant le manuel, et diffusé illégalement : « Alfred Langer, La voie de la victoire – l’art du soulèvement armé. »

« Le soulèvement armé » de Neuberg est donc un manuel lui-même issu d’un document de formation destiné aux communistes d’Allemagne. Et c’est un document de formation utilisé pour l’école des cadres du Parti Communiste d’Allemagne, et qui a profité dans sa production des cadres de l’armée rouge soviétique.

Cela en dit long sur la confiance qu’avait l’Internationale Communiste en les Partis Communistes de France et d’Italie, ces deux derniers pays étant même présentés comme ayant une grande composante paysanne (dans un article écrit par Ho Chi Minh, qui était passé par la France).

Mais cela montre également la dimension non praticable du modèle marxiste-léniniste de révolution socialiste pour la France aujourd’hui, puisque ce modèle n’a pas été conçu sur une base universelle (même si ce modèle était alors considéré comme tel).

d) Le manuel et la guerre populaire

Regardons ce que dit notamment le manuel, et rappelons que c’est cela qui a causé les défaites face à l’austro-fascisme et au nazisme (en Autriche, les dirigeants sociaux-démocrates n’ont pas révélé les lieux des caches d’armes, malgré le putsch fasciste en 1934, et les communistes n’étaient pas prêts sur ce plan, ni d’ailleurs en Allemagne en 1933).

« La structure organisationnelle des organisations de combat du prolétariat diffère selon les pays. Toutefois, une chose est claire : la base des unités des organisations de combat du prolétariat doit reposer dans les masses (usines, lieux de travail, entreprises, etc.) et ces unités doivent être quantitativement fortes.

[Ici suit la première généralisation erronée :] Leur structure organisationnelle sera plus ou moins semblable à celle des Gardes Rouges en Russie, les centuries prolétariennes en Allemagne en 1923, les centuries en Chine, etc.

[Ici suit la seconde généralisation erronée :] Une Garde Rouge ne peut pas être organisée dans toute situation politique :

« La Garde Rouge est un organe du soulèvement. Leur propagation et leur création est un devoir des communistes dans une situation révolutionnaire immédiate.

En aucun cas on ne doit pas avoir à l’esprit que l’existence d’une milice prolétarienne ou d’une Garde Rouge est impensable dans le cadre de l’État bourgeois dans une situation « pacifique ». » (La lutte contre la guerre impérialiste, Protocole du VIème congrès de l’Internationale Communiste).

L’organisation de masse du prolétariat (la Garde Rouge) est seulement à constituer lorsque le Parti met à l’ordre du jour la question de la mise en place de la dictature du prolétariat, lorsque le Parti a pris la direction de la préparation immédiate de la prise du pouvoir.

Les expériences de Saint-Pétersbourg, Moscou, l’Allemagne en 1923, Canton, Shanghai et d’autres endroits montrent dans une situation révolutionnaire aiguë on peut en arriver rapidement, en comparaison, à une organisation de combat général.

Dans la règle, il faut pour cela quelques mois.

Mais une réalisation aussi rapide d’une organisation de combat capable d’action n’est possible que si sont disponibles un nombre suffisant de cadres formés militairement et politiquement. »

Cette conception est erronée, car la prise du pouvoir rapide du fascisme – pas des mois, mais quelques jours – n’a pas laissé le temps d’une telle préparation. Pareillement, lorsqu’en 1940, l’État a en France interdit du jour au lendemain le Parti Communiste, celui-ci s’est retrouvé totalement désemparé.

Pire même : le Parti Communiste d’Allemagne était préparé à une insurrection, mais cela n’a pas suffi non plus face au fascisme, car la militarisation ne se fondait pas sur une ligne de masses.

Cela, les communistes d’Allemagne l’avaient compris dans la dernière période, et c’est pour cette raison qu’a été constituée l’Action Antifasciste, afin de former un front à la base.

Par la suite, en France cela donnera le Front Populaire : si en Allemagne la social-démocratie a refusé le front antifasciste, en France, les communistes ont réussi à le constituer (avec un grand coût idéologique et culturel, mais c’est un autre aspect).

Mais ce qui compte ici, c’est la naïveté de l’Internationale Communiste, qui n’a pas considéré qu’une milice pourrait exister clandestinement. Un tel point de vue anti-dialectique est le contraire de l’initiative de Mao Zedong, qui avait justement compris la nécessité alors de l’illégalité et organisé l’armée rouge dans des bases d’appui inexpugnables (brisant les encerclements des bases, menant la « longue marche » le cas échéant).

C’est finalement la conception de l’insurrection en deux temps qui a montré son caractère erroné, alors que la guerre populaire devient la science militaire de la classe ouvrière.

Le processus révolutionnaire est prolongé ; l’insurrection n’est pas une rupture complète (ce serait une thèse militariste, niant que c’est le Parti Communiste l’élément de rupture), mais une étape.

Cela, l’Internationale Communiste ne l’avait pas compris et le manuel est entièrement fondé sur un point de vue « technique », pragmatique-machiavélique.

2.

a) Insurrection et soulèvement armé

Revenons à la première partie du manuel de Neuberg. Il est affirmé, de manière tout à fait juste, que la conception bolchevique est née en opposition au réformisme de la social-démocratie. Le manuel « Le soulèvement armé » affirme que nier la nécessité de la prise des armes revient à la négation de la lutte des classes.

Voilà pourquoi le soulèvement armé est, en fait, une insurrection. Non pas une « insurrection armée » (c’est le titre en français de la traduction du manuel, ce qui est donc erroné), car ce serait un pléonasme. Une insurrection est un processus forcément armé.

Un soulèvement, par contre, peut être mené avec des bâtons, des barres de fer, des cocktails molotov, des pierres, etc. Il échouera naturellement forcément au niveau national, sauf dans un exemple inconnu, mais très parlant.

En effet, dans les années 1930, les communistes représentaient une force très importante en Islande, et dans des combats de rue avec la police, cette dernière fut vaincue. Or, l’Islande n’avait pas d’armée, ce qui signifie qu’un soulèvement aurait pu réussir dans la capitale Reykjavík… si, par la suite, le révisionnisme n’avait pas empêché ce manque de décision et redonné sa légitimité  au régime.

De manière très parlante, on peut d’ailleurs voir que si l’Internationale Communiste considère qu’il peut y avoir des avancées et des reculs, qu’au final la victoire finale est inéluctable… elle ne considère pas, comme Mao Zedong l’a fait, qu’une compréhension dialectique de la lutte armée est possible.

La raison en est qu’aux yeux de l’Internationale Communiste, la lutte armée est une technique. Il y a un art de la guerre, et il faut l’apprendre. Il y a, en arrière-plan, la situation allemande considérée comme explosive.

Mao Zedong ne dit pas cela. Il est confiant en général, car à ses yeux, une compréhension du matérialisme dialectique permettra de comprendre n’importe quelle situation, et surtout par cette compréhension, la tendance historique, fruit du mouvement dialectique de la matière.

Voilà pourquoi Mao Zedong dit que s’il n’y a pas d’armes, il y en aura :  la révolution est un processus qu’on ne peut pas arrêter, il y a en quelque sorte un effet de boule de neige.

b) Soulèvement populaire et révolution socialiste

Cela n’est donc pas le point de vue de l’Internationale Communiste. Ce qui a une conséquence très grande. De manière syndicaliste révolutionnaire, le manuel de Neuberg affirme que :

« Le Parti soutient tout soulèvement populaire.

Si, par contre, le soulèvement ne se produit pas de manière spontanée, mais est organisé par le Parti, si les masses s’engagent dans la lutte armée en suivant l’appel du Parti, alors celui-ci assume devant le prolétariat la responsabilité pour le juste choix du moment du soulèvement, pour mener la lutte. »

Aujourd’hui, nous savons que les soulèvements populaires peuvent être marqués voire dominés par le racisme, le patriarcat, le chauvinisme, etc.

La compréhension de cela nécessite le matérialisme dialectique et la connaissance du rôle de la culture. Le Parti ne peut donc pas soutenir un « soulèvement populaire » en général.

A cela s’ajoute la question politique : un soulèvement populaire peut courir à la catastrophe ; si le Parti est obligé moralement d’y participer, il doit en souligner les limites (on peut penser ainsi à la révolte de mai 68).

Cela n’intéresse pas l’Internationale Communiste, qui considère qu’il faut pousser, pousser… ce qui ne correspondait qu’à la situation allemande.

Mais ce n’est pas tout. Il n’est pas difficile de voir les autres problèmes découlant de cette conception. Car le problème qui a torpillé les Partis Communistes est qu’en l’absence de développement révolutionnaire conflictuel, la seule position est possible est d’attendre.

Cet attentisme a anéanti un grand nombre de Partis Communistes. Ceux-ci ne se sont pas investis dans la critique de la société, s’attendant que la situation se dégrade brutalement et se cantonnant dans un attentisme composé de revendications économiques.

C’est cela qui a permis le passage si facile de Partis Communistes marxistes-léninistes formés pour l’attente du développement révolutionnaire jusqu’à l’insurrection, à des partis électoralistes se considérant comme « prêts » pour le grand coup.

Le Parti « communiste » en France en mai 1968 était « sincère » dans sa considération selon laquelle seul lui pouvait assumer la direction du pays et son refus du gauchisme, et en fait finalement de mai 1968.

On a ici une démonstration de comment une chose se retourne en son contraire. La perpétuelle attente d’une insurrection ou tout au moins d’un processus y aboutissant a transformé les partis communistes d’Europe de l’ouest  en « gardiens » d’une hypothèse.

Tout cela parce que l’ensemble de la stratégie de l’internationale Communiste ne suivait pas tant le modèle russe, que le modèle russe dans le cadre allemand…

3.

a) Une incapacité à arriver au niveau de la synthèse

Regardons de plus près les exemples d’insurrection présentés par le manuel. Le premier exemple traite de l’Estonie, un petit pays, avec alors une classe ouvrière de 34 000 personnes, dont 27 000 syndiquées. Les communistes étaient alors 2000, dont 500 dans la ville de Reval, où se déroule donc l’insurrection en 1924.

Il s’agit ici d’une insurrection urbaine, dans un pays au capitalisme peu développé (70% de la population est à la campagne), d’une insurrection qui consiste à « forcer le destin » puisque la grève générale devait suivre l’insurrection, alors que 149 dirigeants révolutionnaires sont en prison (le responsable du syndicat sera exécuté durant le procès pour avoir « insulté la cour »).

L’échec de l’insurrection est expliqué par le manuel de la manière suivante : il y avait trop peu de préparation sur le plan technique (plan des bâtiments, maniement des armes, etc.), et la population ouvrière a été prise au dépourvu.

Or, cela signifie ni plus ni moins que la situation n’était pas mûre. L’insurrection était en décalage avec l’histoire ; ce n’est pas un problème « technique » qui peut empêcher ce qui doit nécessairement arriver. Le principe même de mener l’insurrection et de tenir les masses au courant… après, est une caricature de la révolution russe de 1917, où l’initiative bolchevique était une synthèse des exigences de la base…

L’esprit de synthèse manque donc au manuel, comme on peut le voir avec le second exemple, qui traite du soulèvement armé de Hambourg, en 1923.

Cette année-là, la crise économique était énorme, en raison de l’occupation de la Ruhr par la France (était donc bloquée la principale source d’approvisionnement en fer, en acier, en charbon). Un pain coûtait des centaines de millions de marks.

Des gouvernements socialistes-communistes se forment même en Saxe et en Thuringe, mais sont immédiatement brisées par l’armée, alors que les concurrents impérialistes de l’Allemagne poussent au séparatisme, à une « république rhénane indépendante. »

Le Parti Communiste progresse alors quantitativement, et parvient à organiser 250 000 personnes dans des centuries prolétariennes, en partie armées. Il décide que c’est à Hambourg, bastion communiste, que partira le premier coup de feu.

Sauf que la social-démocratie parviendra à empêcher la grève générale des cheminots, préalable nécessaire pour nuire au mouvement des troupes de l’armée réactionnaire.

L’insurrection est donc annulée, ce qui amènera le soulèvement armé de Hambourg à se retrouver seul en raison d’un « bug » dans la diffusion de l’information… Grâce à l’abnégation des masses, il tiendra tout de même pendant 48 heures, avant de se dissoudre en raison de l’absence de soulèvement général.

On a la même situation qu’en Estonie, sauf qu’à Hambourg les masses étaient en mouvement et se sont lancées dans le processus insurrectionnel. Les deux exemples soulignent bien entendu uniquement l’aspect « technique », et c’est encore plus vrai pour les derniers exemples.

Car le manuel aborde donc, fort logiquement, l’exemple le plus connu de ce type de soulèvement armé par en haut : celui de Canton et de Shanghai.

En France, on connaît cet événement pour deux raisons : en raison du roman de Malraux tout d’abord (« La condition humaine »). Ensuite, à cause de l’énorme propagande trotskyste faite à ce sujet, travestissant la réalité afin de nuire à l’Internationale Communiste.

Le manuel est très prolixe au sujet de ces deux exemples. Il présente la situation de long en large, et explique les erreurs techniques commises…

Sauf que Mao Zedong a bien montré que le problème n’était pas « technique », mais stratégique : le problème était mal posé, il fallait prendre en compte la paysannerie.

Et finalement, il aurait été nécessaire de concevoir des stratégies appropriées pour chaque pays : c’est la critique faite finalement par les communistes de Chine à l’Internationale Communiste, et c’est officiellement pour ce motif – chaque pays est trop complexe pour que les Partis Communistes reçoivent des consignes par en haut – qu’elle procédera à son auto-dissolution.

b) Tentative de dépassement par le Parti « politico-militaire »

Cependant, le modèle russe dans le cadre allemand n’a pas que causé des dommages aux Partis Communistes en France et en Italie. Car dans le manuel de Neuberg, ce qui prime, c’est « la décision ».

Il suffirait d’être décidé, et le jour J alors la victoire sera là, car il y aura la décision d’aller jusqu’au bout.

Cela signifie que, ici, il n’est pas établi de rapport dialectique entre la situation objective et la situation subjective en général ; cette considération sur la volonté de « s’engager jusqu’au bout » tout  le temps correspond en particulier à la situation allemande.

Lorsque objectivement, il est possible d’aller jusqu’au bout comme en Allemagne, il suffit juste d’être au point sur le plan subjectif (d’être « décidé »).

Mais naturellement, les choses ne marchent pas ainsi dans les autres situations ! Les exemples de « volonté » se brisant sur la réalité matérielle dans d’autres pays sont innombrables.

Alors, le manuel présente la « clef » censée expliquer ces défaites : la dimension technique. Ce serait le manque d’expérience, de discernement, de connaissances, de préparation, qui seraient la cause des échecs ; l’art de la guerre n’aurait pas été connu.

D’où la « réponse » militariste et anarcho-syndicaliste proposée, qui explique qu’il faut mener campagne pour l’armement, pour la connaissance des opérations militaires par le peuple, qu’il faut se préparer et que l’improvisation mène à l’échec, etc.

Cela va être paradoxalement la source de la stratégie de la guérilla urbaine en Allemagne et en Italie dans les années 1960-1970-1980.

Pourquoi cela ? Pour deux raisons : en Italie, en raison de la force de la lutte des classes, en Allemagne, en raison de leurs faiblesses.

D’où, dans ce dernier exemple, la « découverte » de la Fraction Armée Rouge, en Allemagne de l’ouest, de l’illégalité comme « base », comme position, afin de ne pas succomber face aux fascistes et à la police sur le plan technique, et d’affirmer de manière « subjective » la nécessité d’aller de l’avant.

En Italie, les Brigades Rouges ont fait de même avec la « propagande armée » au service, dans le cadre de très fortes luttes de classe, de la construction du « Parti combattant ».

Assumant cette logique jusqu’au bout, les Brigades Rouges avaient donc fait sauter le « avant » et le « pendant » de l’insurrection, en revendiquant la dynamique militaire dès le départ (ce sera également la position des Cellules Communistes Combattantes en Belgique, qui ont dans leur document « La flèche et la cible » élaboré tout un schéma du processus prolongé d’insurrection).

C’est le principe de « l’organisation combattante pour la construction du Parti Communiste Combattant ».

Il est vrai que les Brigades Rouges ont également « découvert » une manière de « jouer » dans la guerre de positions dans la lutte des classes, avec « l’attaque au cœur de l’État », devant désaxer l’équilibre institutionnel et également affaiblir l’ennemi (il ne s’agit donc pas ici de « propagande armée »).

Cependant, leur démarche et celle de la RAF ont comme arrière-plan le document de « Neuberg », et la volonté de le dépasser.

La RAF explique en effet ouvertement que la lutte armée est une technique. Ce qui fait qu’elle ne veut finalement qu’apporter un élément technique de plus (l’illégalité comme position offensive, la guérilla urbaine, le foyer révolutionnaire).

Les Brigades Rouges, quant à elles, ont explicitement rejeté la conception de l’Internationale Communiste sur la question de l’accumulation de forces (de manière « passive », légale ou semi-légale). Mais elles ne font alors que tenter de faire en sorte que le processus « à la Neuberg » se lance coûte que coûte et aille jusqu’au bout… C’est du Neuberg revisité, le Parti devenant « politico-militaire. »

Le Parti Communiste du Pérou a également développé cette conception, appelée « Parti Communiste militarisé ». Il a également présenté cette conception comme une nécessité absolue face au révisionnisme.

L’idée qu’on retrouve donc derrière, c’est donc qu’en se militarisant, c’est-à-dire en existant uniquement et dès le départ de manière totalement illégale, le Parti Communiste « échappe » au révisionnisme, au légalisme.

Une telle vision est militariste, et non pas scientifique ; ce n’est qu’en étant au niveau sur le plan du matérialisme dialectique qu’on échappe au révisionnisme.

La conséquence a d’ailleurs été l’effondrement ultra rapide tant des Brigades Rouges que du PCP, une fois leur dynamique brisée.

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