18 Jan 2014

Empédocle (vers 490 av. J.-C. à 435 av. J.-C.)

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FRAGMENTS[1]

PRÉAMBULE. 

(fr. 115 D) Il est une loi fatale, un antique décret des dieux, | à jamais confirmé par leurs serments sans réserves : | si quelqu'un, par sa faute, souille sa main d'un meurtre | ou s'il ose violer un serment, | 5 | (lui, daimone dont la vie s'étend dans les siècles), | pendant trente mille saisons il errera loin des bienheureux, | revêtant successivement les formes mortelles de toutes sortes, | passant de l'un à l'autre des douloureux sentiers de la vie. | Tel je suis aujourd'hui exilé loin des dieux, errant, | 10 | soumis aux fureurs de la Haine... (fr. 117 D) | car j'ai déjà été garçon et fille, et arbrisseau et oiseau et dans la mer un muet poisson. | ... (fr. 139 D) Hélas ! pourquoi un jour sans pitié ne m'a-t-il pas détruit, | avant que mes lèvres eussent connu l'œuvre criminelle de la nourriture ? ... (fr. 119 D) | 15 | Loin de quel honneur, de quelle félicité sans bornes suis-je misérablement déchu dans les régions mortelles |....

(fr. 118 D) J'ai pleuré, j'ai sangloté en voyant cette demeure inaccoutumée |... (fr. 121 D) cette demeure sans joie | où le Meurtre, le Ressentiment et le reste des Kères | 20 | (les maladies repoussantes, les contagions, les œuvres périssables) | parcourent la ténébreuse prairie d'Até | ... (fr. 122 D) Là étaient la Terrestre et la Solaire aux yeux perçants, | la Guerre ensanglantée et l'Harmonie au doux regard, | la Beauté et la Laideur, la Lenteur et la Hâte, | 25 | l'aimable Sincérité, la Dissimulation à l'œil sombre |... (fr. 123 D) la Naissance et la Mort, la Torpeur et la Veille, | la Mobilité et l'Immobilité, la Grandeur couronnée | et l'Humilité, la divine Taciturnité et la Parole | ... (fr. 120 D) Nous arrivâmes sous cet antre couvert …

30 (fr. 124 D) | Hélas ! race infortunée des misérables mortels, | de quelles disputes, de quels gémissements vous êtes nés ! ... (fr. 115, 9-12 D) | Le vaste éther les repousse dans la mer, | la mer les rejette sur le sol de la terre, la terre dans les flammes | de l'infatigable soleil, et celui-ci dans les tourbillons de l'éther. | 35 | Reçus par l'un après l'autre, ils sont partout en horreur. |…

(fr. 2 D) Étroites sont les ressources que leur offre le corps, | et là-dessus, tant de souffrances viennent troubler la pensée soucieuse; | ils ne voient qu'une courte part d'une vie qui n'en est pas une,[2] et une prompte mort les dissipe comme une fumée. 40 Chacun ne croit qu'à ce qu'il a rencontré; entraînés de tous côtés, ils s'imaginent vainement avoir présent devant eux l'ensemble universel; | mais ce sont là choses inaccessibles aux yeux, aux oreilles des hommes, et même à leur intelligence. Toi donc, qui es | venu ici, | tu ne sauras pas plus que ce que peut embrasser la pensée d un mortel. |....

(fr. 4 D) 45 Détournez, ô dieux, cette folie de ma langue, | faites couler une source pure de mes lèvres sanctifiées. | Et toi, vierge au bras blanc, Muse que poursuivent tant de prétendants, | je ne demande que ce qu'il est permis d'entendre aux éphémères humains; | prends les rênes du char sous les auspices de la Piété. | 50 | Le désir des fleurs brillantes de la gloire, | que je pourrais cueillir auprès des mortels, ne me fera pas dire ce qui est défendu | …

Aie courage, et gravis les sommets de la science; | considère de toutes tes forces le côté manifeste de chaque chose, mais ne crois pas à tes yeux plus qu'à tes oreilles, | 55 | à tes oreilles résonnantes plus qu'au truchement de ton palais ; et, pour autant qu'ils ouvrent des voies à la pensée, | ne récuse aucun de tes sens; pense chaque chose en tant qu'elle se manifeste | ... (fr. 1 D) Ecoute donc, Pausanias, fis du prudent Anchitos ... (fr. 6 D) Ecoute d'abord les quatre racines de toutes choses, | 60 | le feu, l'eau, la terre et l'éther immensément haut; | c'est de là que provient tout ce qui a été, est et sera. |

 

LIVRE PREMIER. —

(fr. 17 D) Mon discours sera double : car tantôt l'un a grandi pour subsister seul | par la réunion des plusieurs, tantôt il s'est divisé pour leur donner naissance. | Ils sont donc mortels et double est leur genèse, double leur fin; | 65 | car, d'un côté, la réunion de toutes choses engendre et tue, | de l'autre, leur désunion produit et dissipe. | Or, il n'y a jamais de terme au changement perpétuel, car tantôt l'Amitié rassemble toutes choses en une, tantôt elles se séparent, entraînées par la Haine. | 70 | Ainsi, en tant que l'un naît des plusieurs, | et qu'à leur tour, ceux-ci se constituent par sa division, | en ce sens l'un et les autres commencent et ne durent pas éternellement. Mais en tant que jamais il n'y a de terme au changement perpétuel, | en ce sens ils subsistent toujours dans un cycle immuable.

| 75 | Écoute donc mes paroles, car l'enseignement accroît l'intelligence. | Ainsi que je l'ai déjà dit, en traçant les bornes de mon discours, | il sera double ; car tantôt l'un a grandi pour subsister seul | par la réunion des plusieurs, tantôt, il s'est divisé et ils ont pris naissance, | à savoir : le feu, l'eau, la terre et l'éther immensément haut; | 80 | en dehors d'eux, la funeste Haine, qui équilibre chacun des quatre; | avec eux, l'Amour, égal en longueur et en largeur. | Contemple-le par l'esprit et non avec des yeux hébétés. | C'est lui qu'on regarde comme incorporé dans les membres des mortels, | c'est grâce à lui qu'ils aiment et accomplissent les œuvres de l'union, | 85 | lui donnant alors le nom de Joie et celui d'Aphrodite; | mais il circule aussi dans tout l'univers, ce que n'a encore reconnu aucun | homme mortel. Écoute donc la véridique ordonnance de mes discours. |

Tous ceux-là sont égaux et également anciens, | mais chacun a son rôle propre, chacun a son caractère; | 90 | tour à tour ils prédominent dans le cours d'un cycle, | se perdent l'un dans l'autre ou grandissent suivant le retour fatal, | En dehors d'eux, rien d'autre ne devient ni ne cesse d'être; | s'ils avaient absolument péri, s'ils n'avaient plus été, | comment cet univers aurait-il grandi ? d'où serait-il venu ? | 95 | Et où se perdraient-ils, puisqu'il n'y a rien qui soit vide d'eux ? | Ainsi donc ils restent les mêmes, mais circulant au travers les uns des autres | ils deviennent perpétuellement autres tout en restant toujours semblables. |

(fr. 8 D) Je vais dire une autre chose : il n'y a pas de naissance d'aucune des choses | mortelles, il n'y a pas de fin par la mort funeste, | 100 | il n'y a que mélange et dissociation de mélange ; | c'est là ce que les hommes appellent naissance, (fr. 12 D) | Car il est impossible que rien devienne de ce qui n'est pas, il ne peut aucunement se faire que ce soit[3] | 105 | Mais ce sont les mauvais qui veulent résister à la parole qui s'impose; | qu'ainsi les préceptes véridiques de notre Muse | te tiennent convaincu, et que ton esprit sache faire la distinction. (fr. 9 D) | L'être qui, formé par mélange, apparaît à la lumière de l'éther, homme, | bête sauvage, arbuste, | 110 | oiseau, on dit qu'il naît; | quand il se décompose, c'est la mort funeste, suivant la loi d'un langage incorrect, à laquelle j'obéis moi-même. (fr. 11 D) | Mais c'est une folie, une étrange étroitesse de jugement | que de croire que ce qui n'est pas d'abord puisse devenir, | 115 | ou que quelque chose périsse et se détruise absolument, (fr. 15 D) | Un homme sage ne pensera jamais ainsi, il ne croira pas | que, pendant que les mortels vivent ce qu'ils appellent leur vie, | ils existent, jouissant des biens, souffrant des maux, | mais qu'avant leur formation ou après leur dissolution ils ne seront rien. |....

120 | (fr. 21 D) Allons, considère ce qui confirma mes premières paroles., vois | s'il y a, dans ce que j'ai dit, quelque forme omise : | le soleil, brillant à voir, source de toute chaleur, | l'éther[4] épandu, que baignent les blanches lueurs, | la pluie, sombre et froide entre toutes choses, | 125 | la terre, d'où provient tout ce qui est solide et pesant | Dans la Haine, ils sont tous isolés et défigurés, | mais l'Amour les réunit par un désir réciproque. | C'est d'eux que se forme tout ce qui a été, est ou sera jamais, | que poussent les arbres, les hommes et les femmes, | 130 | les bêtes, les oiseaux, les poissons que l'eau nourrit, | et les dieux à la longue vie, à qui appartiennent les suprêmes honneurs. | Tous ces êtres sont ces mêmes choses, qui circulent au travers les unes des autres, apparaissent sous divers aspects, que la dissociation fait varier. |....

(fr. 23 D) De même les peintres travaillent leurs tableaux destinés aux temples; | 135 | les hommes profondément instruits dans leur art ingénieux, prennent les couleurs aux nuances variées ; | ils les mélangent harmonieusement, plus des unes, moins des autres, | et en font les figures imitant toutes les formes, | arbres, hommes et femmes, | 140 | bêtes, oiseaux, poissons que l'eau nourrit, | dieux à la longue vie, à qui appartiennent les suprêmes honneurs. | Ainsi donc ne laisse pas tromper ton esprit et ne va pas croire qu'il y ait ailleurs | quelque autre source pour les choses mortelles, si innombrables qu'en soient les espèces; | tiens pour assurée la connaissance que t'enseigne la parole divine. | ....

145 | (fr. 16 D) Car elles ont été auparavant, elles seront plus tard, et je ne crois pas | qu'aucune des deux manque jamais dans le temps infini. | ....

(fr. 26 D) Tour à tour ils prédominent dans le cours d'un cycle, se perdent l'un dans l'autre ou grandissent suivant le retour fatal. | Ils restent les mêmes, mais circulant au travers les uns des autres, 150 | forment les hommes et les diverses tribus des bêtes. | Tantôt l'Amitié les réunit en une seule ordonnance, tantôt ils se séparent, entraînés par la Haine, | de sorte que chaque nouvelle union soit sans cesse détruite. Ainsi, en tant que l'un naît de plusieurs, | 155 | et qu'à leur tour, ceux-ci se constituent par sa division, | en ce sens l'un et les autres commencent et ne durent pas éternellement. | Mais on tant que jamais il n'y a de terme au changement perpétuel, | en ce sens il subsistent toujours dans un cycle immuable. | ....

Tout d'abord il y a quatre racines de toutes choses : | 160 | Zeus brillant, Héré vivifiante, Aïdôneus | et Nestis qui alimente la source des larmes humaines. | (fr. 36 D) Quand ils sont réunis, la Haine est rejetée au plus loin. | ...

Mais quand la Haine se fut retirée à l'extrémité | du tourbillon et qu'au centre fut venue résider l'Amitié, | 165 | dès lors toutes choses se réunirent pour former un seul ensemble. |....

(fr. 13 D) Il n'est dans l'univers ni vide ni superflu; | (fr. 28 D) mais, égal dans tous les sens, infiniment vaste, se forma | le Sphéros arrondi dans sa parfaite immobilité | ....

Alors ne se discernent pas les membres rapides du Soleil. |....

170 | Il était arrondi... [5]

Tout le lourd d'un côté, tout le léger de l'autre[6] ... | (fr. 27 D 26 a B) Alors n'apparaissait ni la splendeur du Soleil,[7] | ni le sol boisé de la Terre, ni la mer. | Tout était ennemi, sans amour et sans union.[8] |....

175 | Ainsi, au sein de la stable harmonie, reposait | le Sphéros arrondi dans sa parfaite immobilité, (fr. 30 D) Mais quand la Haine eut grandi dans ses parties, | quand elle s'éleva aux honneurs après le temps révolu, | que lui marquait le grand serment réciproquement échangé, | 180 | (fr. 31 D) alors successivement s'ébranlèrent tous les membres du dieu. | ....

... (fr. 20 D) Considère | le merveilleux ensemble des parties de l'homme; | tantôt l'Amitié les réunit en un tout, | en un corps, et la vie florissante les anime; | 185 | tantôt au contraire une funeste discorde les sépare, | et elles errent, chacune de son côté, aux confins de la vie et de la. mort. | Il en est de même pour les arbres et les poissons aux humides demeures, | pour les bêtes des montagnes, pour les oiseaux emportés sur leurs ailes. |....

(fr. 35 D) Mais je rentre à nouveau dans la route que mes chants | 190 | ont déjà parcourue; à mon discours j'ajoute le discours | que voici. Quand la Haine se fut retirée à l'extrémité | du tourbillon, et qu'au centre fut venue résider l'Amitié, | dès lors toutes choses se réunissent pour former un seul ensemble, | mais ce n'est pas d'un seul coup, et dans les différents lieux se constituent d'elles-mêmes des unions différentes. | 195 | De ce qui s'unit ainsi naissent les innombrables races des êtres mortels ; | mais en face de ce qui était associé, beaucoup reste isolé; | c'est ce qu'a retenu la Haine tout en s'éloignant; car elle n'était pas encore, de tous les côtés, | absolument rejetée à l'extrême limite du cercle; | mais elle occupait encore telle partie, telle autre était déjà abandonnée par elle. | 200 | Toutefois, à mesure qu'elle reculait, à mesure avançait d'autant | la bienveillante Amitié, dans son élan victorieux. | Dès lors étaient devenues mortelles les choses auparavant immortelles; | dès lors mélangé, ce qui d'abord était isolé. Dans ces nouveaux sentiers, | dans ces unions naquirent les innombrables races des êtres mortels, | 205 | affectant les formes les plus diverses, les plus merveilleuses. | ....

(fr. 98 D) La Terre s'y rencontra surtout en égalité | avec Héphaïstos, avec la pluie et le brillant éther; | s'ancrant dans les ports accomplis de Cypris, | en proportion soit un peu plus forte, soit un peu moindre, | 210 | elle forma ainsi le sang et les diverses sortes de chairs, |....

(fr. 96 D) La Terre, attirée à l'union dans ces larges creusets, | sur huit parties en prit deux de la transparente Nestis | et quatre d'Héphaïstos; ainsi se formèrent les os blanchissants, | divinement consolidés par les liens de l'harmonie. | ....

215 | (fr. 33 D) Ainsi, quand le suc du figuier enchaîne et cloue le lait blanchissant | ....

(fr. 82 D) Ainsi les poils, les feuilles, les plumes serrées des oiseaux, | les écailles se forment sur les membres endurcis | .... (fr. 86 D) dont la divine Aphrodite a fait les yeux perçants | ... (fr. 87 D) Aphrodite, y mettant ses douces attaches | ....

220 | (fr. 84 D) De même que celui qui se munit d'une lumière pour la route | pendant une nuit d'hiver, défend la flamme brillante | qu'il allume par la lanterne protectrice; | celle-ci repousse le souffle des vents, de quelque côté qu'ils viennent, | et la lumière jaillissant au dehors par ses parties les plus subtiles | 225 | de ses rayons infatigables éclaire le chemin.[9] | Ainsi le feu préexistant que renferment les membranes de l'œil, | perce les minces tuniques de la ronde pupille; | celles-ci le protègent contre la masse de l'eau environnante, | et le feu, jaillissant au dehors, par ses parties les plus subtiles | ....

... 230 | (fr. 24 D) Rattachant toujours différemment de nouveaux débuts | de mes paroles, et ne suivant pas dans mon discours une route unique ... (fr. 25 D) | Il faut redire deux ou trois fois ce qui le mérite. |....

(fr. 38 D) Allons, je vais te dire maintenant la première origine du Soleil,[10] | et comment s'est formé tout ce que l'on voit aujourd'hui, | 235 | la terre, la mer ondoyante, l'air humide, | le Titan (soleil) et l'éther qui resserre toutes choses dans son cercle, |... (fr. 39 D) Car si les profondeurs de la Terre étaient illimitées ainsi que le vaste éther, | suivant les vaines paroles que répètent tant | de bouches d'hommes qui ne voient qu'une faible partie de l'univers |...|.

240 | (fr. 40 D) Le Soleil aux traits perçants, la Lune douce et paisible | ... (fr. 41 D) Mais lui dans sa course parcourt le vaste ciel |... (fr. 44 D) réfléchit vers l'Olympe ses regards intrépides. | ... (fr. 85 D) Elle, au contraire, pour sa paisible lumière, subit un sort passager[11] |... (fr. 43 D) Ainsi, la lumière frappant le large cercle de la Lune | ... 245 (fr. 45 D) elle roule en cercle autour de la Terre sa lueur empruntée | ... (fr. 46 D) comme la roue d'un char, tournant tout près de la terre | ... (fr. 47 D) Elle regarde en face le divin cercle du Soleil | ... (fr. 42 D) Elle en repousse les rayons | descendant vers la Terre et produit dès lors sur celle-ci | 250 | une ombre aussi large que l'est la Lune au pâle visage. |... (fr. 48 D) La nuit est faite par la Terre, qui arrête la lumière | ... (fr. 49 D) (l'air) sombre de la nuit solitaire | ... (fr. 94 D) La couleur noire paraît aussi au fond d'un fleuve, à l'ombre, | elle se voit de même dans les antres souterrains. |....

255 | (fr. 52 D) Il y a, en dessous de la terre, beaucoup de feux allumés |... (fr. 74 D) conduisant les stupides tribus des poissons féconds |... (fr. 56 D) le sel s'est pris en masses, sous les coups du Soleil |... (fr. 55 D) la mer, sueur de la Terre | ... (fr. 54 D) Mais l'éther poussait sous la terre de longues racines ; | 260 | (fr. 53 D) car tantôt dans sa course il se trouvait ici, tantôt là | ... (fr. 51 D) Le feu jaillit brusquement en s'élevant | ....

(fr. 22 D) Car ils gardent l'accord avec toutes leurs parties | (ces éléments), soleil, terre, ciel et mer | si dispersées qu'elles soient parmi les choses mortelles. | 265 | Et de même que tout ce qui se trouve plus propre au mélange | a tendance à l'union d'amour avec son semblable, | ce qui est ennemi s'éloigne au plus loin, répugnant au mélange, | par son origine, par son tempérament, parles formes imprimées, | réfractaire à toute réunion, absolument soumis | 270. à l'empire de la Haine, qui lui a donné naissance. | ....

(fr. 103 D) Ainsi tout pense, grâce au caprice de la fortune | ... (fr. 104 D) et en tant que les plus subtiles parties se réunirent dans leur mouvement | ... (fr. 37 D) le feu grandit par le feu, | la Terre s'unit à elle-même, l'éther augmente l'éther, | ... 275 (fr. 34 D) conglutinant la farine par l'eau | ... l'unissant Amour.

 

LIVRE SECOND. —

(fr. 71-73 D) Si ta croyance est encore mal assurée là-dessus, | si tu demandes comment l'eau, la terre, l'éther et le soleil | se mélangeant ont pu constituer toutes ces couleurs et toutes ces formes mortelles | 280 | qui naissent maintenant dans les unions d'Aphrodite | ... comment les grands arbres et les poissons de la mer | ... alors Cypris humecta pendant longtemps la terre dans la pluie, et lui donna des formes que le feu vint assurer.[12] | ...

(fr. 75 D) (Les yeux)[13] dont l'intérieur est dense et l'extérieur relâché, | 285 | qui des mains de Cypris ont reçu cette contexture. | ....

(fr. 79-81 D) Ainsi les grands arbres portent comme des œufs, d'abord les olives | ... les grenades tardives et leurs fruits succulents |... l'eau, se pourrissant dans le bois, devient du vin sous la peau. | ....

(fr. 110 D) Si, voyant clairement cela dans ta réflexion profonde, | 290 | tu y consacres ta pensée pure et droite, | toutes ces choses t'appartiendront toujours, | et par elles tu en acquerras bien d'autres; car elles grandissent | dans le cœur de chacun, là où réside sa nature.[14] | Mais si tu t'attaches à des choses étrangères, comme font les hommes | 295 | pour tant de soucis pénibles qui troublent leur pensée, | elles te quitteront soudainement au temps révolu, | dans leur désir de retourner à leur origine. | Car, sache-le, il y a partout pensée et part d'intelligence. | ....

(fr. 116 D) La douce Charis a horreur de l'intolérable Nécessité. …

300 (fr. 76 D) Tu peux voir cela dans les lourdes coquilles marines, (dans les buccins et les tortues cuirassées de pierre; | la terre y est au-dessus de la peau | ... (fr. 83 D) et les oursins | ont le dos hérissé de soies piquantes, |..

305 | (fr. 95 D) Lorsque (les yeux) se formèrent d'abord dans les mains de Cypris | ... (fr. 150 D) le foie rempli de sang | ... (fr. 57 D) Ainsi poussèrent nombre de têtes sans cou, | errèrent des bras nus sans épaule, | et des yeux qui n'étaient pas fixés à des visages | ... 310 | (fr. 59 D) mais quand le divin (élément) s'unit davantage au divin, | ces membres s'ajustèrent comme ils se rencontrèrent, | et là-dessus nombre d'autres provinrent sans discontinuer ... (fr. 61 D) Il y eut donc nombre d'êtres à double visage et à double poitrine, | des formes bovines à tête humaine, et inversement | 315 | des formes humaines à tête bovine, qui possédaient à la fois les attributs de l'homme | et ceux de la femme, avec ses membres ombreux[15] |... les pieds traînants, des mains innombrables |... (fr. 62 D) Maintenant, comment des hommes et des femmes aux pleurs faciles | la race fut produite au jour par le feu qui se dégageait, | 320 | écoute-le; ce n'est pas un discours hors de propos ou frivole. | D'abord des formes indistinctes s'élevèrent du sol, | à la fois constituées d'eau et de terre. | Le feu, cherchant à se réunira son semblable, les faisait sortir, | sans qu'elles montrassent déjà le gracieux arrangements des membres, | 325 | sans qu'elles eussent la voix ni les attributs du sexe viril

(fr. 63 D) Mais l'origine des membres est distincte; partie vient de l'homme et parties de la femme....

(fr. 64 D) Ils se réunirent, et le désir les prit par les yeux ....

(fr. 65-67 D) La semence forme le mâle quand elle rencontre la chaleur et la femelle | 330| quand elle rencontre le froid ... |... les ports fendus d'Aphrodite | ... c'est dans la partie la plus chaude du ventre qu'est la place pour les mâles; | c'est pour cela que les hommes sont bruns, plus robustes | et plus couverts de poils (que les lemmes) ... |

(fr. 32 D) 335 | Toute jointure est formée de deux pièces qui s'articulent |... (fr. 68 D) au dixième jour du huitième mois apparaît le pus blanc (le lait) ... |

(fr. 89-91 D) Sache que, de toutes les choses qui sont, partent des effluves |.... Ainsi le doux cherche le doux, l'amer s'élance vers l'amer, | l'acide vers l'acide, et le chaud se répand vers le chaud | ... 340 L'eau est mieux appropriée au mélange avec le vin, mais avec l'huile | elle répugne... | (fr. 93 D) L'écarlate[16] s'unit au byssus jaunissant. | ...

(fr. 100 D) Voici comment les animaux inspirent et respirent; chez tous, le sang peut quitter | des conduits étendus à travers les chairs jusqu'à la surface du corps, | 345 | et qui viennent déboucher, par de fines et nombreuses ouvertures, | à l'extrémité des narines,[17] en sorte que le sang | ne puisse couler, mais que l'éther trouve un passage facile, | Aussi, quand le sang léger se retire, | l'éther bouillonnant se précipite avec force, | 350 |et ressort ensuite, dès que le sang revient. Quand une enfant | joue avec une clepsydre d'airain brillant, | elle pose sa main gracieuse sur l'ouverture du tuyau, | et l'enfonce dans la masse fluide d'une eau brillante. | Mais celle-ci ne pénètre pas dans le vase, elle est arrêtée | 355 | par l'air qu'elle rencontre à chacun des petits trous, | jusqu'à ce que le grand tuyau soit ouvert; alors | l'air s'échappe et l'eau peut entrer. | De même, quand l'airain est rempli par l'eau | et que l'ouverture du tuyau est fermée par la main, | 360 | l'air, pressant de dehors en dedans, arrête l'eau | à la porte du passage murmurant, et obstrue la sortie, | jusqu'à ce que la main soit retirée; alors au contraire, par un effet inverse du précédent, | l'air entre et l'eau s'écoule. | De même le sang fluide se meut dans les vaisseaux du corps; | 365 | quand il recule en arrière vers l'intérieur, | aussitôt pénètre avec force le courant d'air; | si le sang remonte, alors l'air ressort d'autant.[18] | ....

(fr. 101-102 D) Cherchant avec leur nez les gîtes des bêtes. | ... Ainsi tous participent de la respiration et de l'odorat... | 370 | (fr. 99 D) un os charnu (dans, l'oreille)... | (fr. 88 D) Les deux yeux donnent une seule vue | ... (fr. 105-106-D) (L'intelligence)[19] se nourrit dans les flots agités de sang; | et c'est de là que vient la mobile pensée des hommes, | car le sang qui environne le cœur, voilà ce qui pense. | ... 375 | D'après ce qui se présente grandit l'intelligence humaine. | ... (fr. 108-109 D) Autant les hommes deviennent autres, autant ; leur esprit leur présente d'autres pensées. | ... C'est par la terre que nous voyons la terre, c'est par l'eau que nous voyons l'eau, | par l'éther le divin éther, par le feu le feu destructeur, | 380| par l'amour, l'amour, et par la haine, la triste haine. | ... (fr. 107 D) Car c'est là de quoi toutes choses sont harmonieusement constituées, | c'est par quoi l'on pense, l'on jouit ou l'on souffre. | ....

 

LIVRE TROISIÈME. —

(fr. 131-134 D 109 a -109 b B) Si au sujet des êtres éphémères, ô Muse immortelle, | tu daignas naguère inspirer ma pensée,[20] | 385 | exauce encore mes vœux et viens me soutenir, ô Calliope, | pour que, sur les dieux bienheureux, je profère de bonnes paroles. | ... Heureux celui qui possède l'intelligence du divin, | malheureux celui qui sur les dieux n'a qu'une obscure croyance ! | ... Nous ne pouvons nous approcher d'eux, les contempler de nos yeux, | 390 | les toucher de nos mains, ce qui est la meilleure route pour que la persuasion entre au cœur de l'homme. | (Apollon)[21] n'a pas un corps surmonté d'une tète humaine, | deux bras ne sortent pas de ses épaules, | il n'a ni pieds, ni genoux légers, ni membre viril, | 395 | ce n'est qu'une intelligence sainte et prodigieuse ; dont la rapide pensée parcourt le monde entier. | ...

 

PURIFICATIONS. —

(fr. 112-114 D) Amis, qui dans la grande ville du blond Acragas, | habitez l'acropole, appliqués à l'œuvre du bien, | refuges hospitaliers de l'étranger, ignorants de la méchanceté, | 400 salut ! Je suis pour vous comme un dieu immortel, non plus un homme; | je marche honoré de tous, comme il est juste, | ceint de bandelettes et de verdoyantes couronnes, | et je vais ainsi[22] dans les villes voisines, | recueillant les respects des hommes et des femmes; ils me suivent | 405 | par milliers, demandant la voie du salut, | avides de prédictions ou, pour des maladies | qui depuis longtemps les torturent cruellement | de toutes façons, désireux d'entendre la parole qui apaisera leur souffrance. | Mais pourquoi m'arrêter à cela, comme si je faisais grand' chose | 410 | en dépassant les hommes sujets à tant de maux ? ... Amis, je sais bien que la vérité est dans les paroles | que je vais dire; mais c'est chose bien difficile | que de faire entrer la foi dans le cœur jaloux· des hommes. | ...

(fr. 126 D) (La divinité) les entourant du vêtement étranger des chairs |... 415 | (fr. 148 D) les revêtant de terre, (fr. 125 D) de vivants les a transformés et rendus semblables aux morts. | ... (fr. 128 D) Ils n'avaient comme dieux ni Arès ni le Combat, ni le roi Zeus, ni Cronos, ni Poséidon, | mais Cypris la reine ... | 420 Ils l'honoraient par de pieuses offrandes, | des peintures d'êtres vivants, de suaves parfums, myrrhe sans mélange, nuages d'encens; | c'était le miel jaunissant qu'ils répandaient en libations. | Leur autel ne se souillait point du sang des taureaux; | 425 | ce qu'il y avait de plus horrible pour eux, | c'était d'arracher la vie et de se repaître de chairs. | ...

(fr. 129 D) Il y avait parmi eux un homme d'un savoir extraordinaire, qui possédait par son intelligence la plus grande richesse, ; à qui nulle œuvre de sagesse n'était étrangère. | 430 | Sur quelque point qu'il portât l'effort de sa pensée, | il découvrait facilement chaque chose, embrassant dix ou vingt générations. | ...

(fr. 130 D) Tout était doux et familier pour l'homme, | soit bêtes, soit oiseaux; la bienveillance régnait, | 435 | (fr. 77 D) les arbres étaient toujours couverts de feuilles et de fruits, | et toute l'année donnaient une abondante récolte. | ...

(fr. 135-137 D) Une chose n'est pas permise à l'un, défendue à l'autre, mais la loi universelle sous la vaste étendue | de l'éther règne partout où brille la lumière... | 440 | Ne cesserez-vous pas ces meurtres horribles ? Ne voyez-vous pas | que dans votre folie vous vous dévorez les uns les autres ? ... | Le père saisit son fils dont la forme a changé; | il l'égorge en priant, l'insensé | La victime crie[23] | et supplie son meurtrier qui ne l'écoute pas, | 445 | mais frappe, et prépare dans sa demeure un festin criminel. | Ou bien c'est le fils qui saisit son père, des enfants qui prennent leur mère, | lui arrachent la vie et se repaissent de sa chair. | ...

(fr. 127 D) Ils deviennent parmi les bêtes le lion farouche dans sa tanière de la montagne, | ou parmi les arbres le laurier au beau feuillage... | 450 | (fr. 140 D) Abstenez-vous donc des vertes feuilles du laurier. | ... (fr. 141 D) Malheureux ! malheureux que vous êtes | que vos mains ne touchent pas les fèves ! | ... (fr. 143-145 D) Puisant à cinq fontaines avec l'airain indompté. | il faut vous purifier... | vous abstenir du mal. | 455 | Mais, puisque vous vous abandonnez à la funeste méchanceté, | jamais votre cœur ne sera délivré des soucis cuisants. | ...

(fr. 146-147 D) Enfin, les voici devins, poètes, médecins, | chefs des hommes sur la terre ; | et de là ils s'élèvent aux suprêmes honneurs des dieux, | 460 | partagent la demeure et la table des autres immortels, | sont délivrés des soucis des hommes, des souffrances et de la mort. | ...

(fr. 111 D) Tous les remèdes des maladies, et ce qui rend la force à la vieillesse, | tu vas l'apprendre, et c'est à toi seul que je révélerai tout cela. Tu sauras arrêter l'élan des vents infatigables, qui sur la terre | 465 | s'élèvent en tourbillons et dévastent les champs, | et même, quand tu le voudras, tu pourras exciter un vent contraire. | Après la sombre pluie, tu rétabliras la chaleur propice, | et dans l'ardeur des étés tu feras revenir, | pour arroser les moissons, l'eau nourricière des plantes. | 470 | Tu ramèneras de l'Hadès l'homme déjà mort....


[1] Les renvois entre parenthèses (fr. 115 D, etc.) indiquent l'ordre des fragments dans Diels, Vorsokratiker.

[2] 38. Une vie qui n'en est pas une (ἀβίου, Scaliger). Diels lit ἰδίου, leur propre vie. Mais voir infra, vers 117, et Bignone, p. 70, 134 et suiv., 388.

[3] 104. Les mss. du De Melisso XEnophane Gorgia ont θήσεσθαι. Mullach a corrigé en περιέσται, Panzerbieter en τῇγ' ἔσται. Diels, Burnet, avec cette dernière lecture, traduisent : « car il sera toujours là où on l'aura mis », et Bignone (p. 399) : « ... là où il faut qu'il s'arrête ».

[4] 123. « l'éther », ἄμβροτα. Diels et Burnet entendent par là le soleil et la lune. Mais ceux-ci, pour Empédocle, ne sont pas immortels : l'éther l'est en tant qu'élément, cf. Bignone, p. 412.

[5] 170 : mots ajoutés par Mullach.

[6] 171 : Vers fait par Karsten avec le commentaire de Plutarque, de facie lunae, 12, 926 D.

[7] 172 : doublet de 169, avec variante. Bignone (p. 220 et suiv., 421, 599-604) distingue et sépare les vers 169 et 172 : ce dernier appartiendrait au stade de dissolution, le premier au stade d'union dans les sphères.

[8] 174 : extrait de Plutarque par Mullach.

[9] 225. Diels suit Alexandre d'Aphrodise et traduit κατὰ βηλόν par « jusqu'au firmament ». L'expression veut dire « jusqu'au seuil » (du ciel), jusqu'à l'horizon (Bignone, p. 462). En fait, le chemin devant les pas du voyageur est à la fois le seuil et l'horizon le plus proche, et la traduction de Paul Tannery est très justifiée.

[10] 233. « origine du soleil ». Diels lit ἥλικα au lieu de ἡλίου. Mais voir Bignone, p. 431-432.

[11] 243. La traduction suit le texte de Karsten. Diels, au lieu d’αἵσης (sort) garde γαίης de Simplicius : « La paisible flamme (de l'œil) n'eut, pour son lot, qu'une faible part de terre »

[12] 282-283 : Diels remplace εἴδεα (formes) par ἴδεα, et traduit « apprêtant le feu ». Mais voir Bignone, p. 455, et par contre, Nacht., XXXII, 21.

[13] 284 : (les yeux). Diels : (les animaux). Bignone : (les animaux et végétaux).

[14] 293. Pour d'autres lectures, cf. Nacht. XXXII, 43.

[15] 316 : ombreux, σκιεροῖς, lecture des mss. Diels y est revenu après avoir proposé στείροις, stériles (qu'adopte Burnet, p. 248). Sur le sens spécial de « ombreux », cf. Vors. 247, et Bignone, 445. Mullach écrivait τρυφίροῖς, délicats.

[16] 343 : « L'écarlate ». Diels-Burnet « le sureau ». Bignone « le safran » Texte tout entier conjectural. Pour une discussion, cf. Bignone, 467.

[17] 346 : « des narines ». Lisez « de la peau ». La faute est d'Aristote lui-même (de resp. 473 a, 17, ῥινῶν traduit μυκτήρων), mais son commentaire est précieux. Cf. Bignone, 471; Nacht. XXXII, 27.

[18] 367. Diels (Vors. 260) traduit : « l'air ressort par le même chemin », mais il se corrige dans Nacht. XXXII, 30.

[19] 372 : (l'intelligence). Diels, Burnet : (le cœur). Mais voir Bignone, 475.

[20] 384 : « inspirer ma pensée ». D'après le texte adopté par Diels, « t'intéresser à mes efforts ».

[21] 392 : (Apollon). C'est Ammonius (de interpr. 249, 4 et suiv.) qui nous renseigne sur cette attribution, mais en ajoutant qu'Empédocle étendait ces caractères à la divinité tout entière.

[22] « ainsi », c'est-à-dire ainsi orné. Bignone, 485, traduit de même « dei quali ... adorno », contre Diels, pour qui τοῖσιν ἅμ' se rapporte au cortège d'hommes et de femmes.

[23] 443 : « La victime crie ». Le texte (Sext. IX, 129) a été diversement traité. Diels (9e éd.), Burnet 236, Bignone 503 entendent que ce sont les autres victimes qui crient et supplient. Diels (3e éd. Vors., p. 375) lit que les serviteurs répugnent à sacrifier la victime (ἀπορεῦνται; au lieu de πορεῦνται ou ἐπορεῦνται.).
Les Papyrus d'Herculanum [N. 1012, col. 18 (coll. anc. VII, fol. 15)] ont révélé un nouveau fragment que Diels classait comme fr. 142. Le texte est, d'ailleurs, d'une reconstitution difficile. Dans la dernière forme que lui donne Diels (Nacht. XXXIII, 13-27), on devrait traduire : « Celui-là ne trouvera d'accueil ni sous le toit du palais du Zeus qui tient l'égide, ni dans la demeure de Hadès, où gémit la plainte douloureuse. » Le classement de Diels lui donnerait place ici après le vers 431. Mais le classement est en grande partie problématique.