11 oct 2017

Ernesto «Che» Guevara et le chiot assassiné

Submitted by Anonyme (non vérifié)

C'est le réalité qui détermine la conscience et celle-ci doit saisir le principe de la synthèse pour parvenir à comprendre le mouvement de la matière dans l'espace-temps.

Nous soulignons à ce titre, parce que les communistes ont une vision plus approfondie aujourd'hui qu'auparavant, la signification qu'il y a à reconnaître la dignité de la matière vivante.

De ce fait, si Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong n'étaient pas vegans, c'est qu'à leur époque ils ne le pouvaient pas ; en 2017, le respect de la dignité du réel les amènerait inéluctablement à aller en ce sens.

Le communisme n'a pas de « frontières » se limitant à l'Humanité ; ce n'est pas un « humanisme », mais une considération universelle sur le mouvement de la matière éternelle dont la sensibilité, pour le matérialisme dialectique, est une de ses caractéristiques mêmes.

Il n'y a pas de sensibilité venant d'autre chose que la matière ; c'est dans sa nature même.

À l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort d'Ernesto « Che » Guevara, voici comment celui-ci raconte sa propre confrontation avec cela. La dignité du réel l'a rattrapée et l'épisode est clairement sordide.

Il l'avoue lui-même, dans son journal racontant la guérilla à Cuba, et qui a été publié pour la première fois en 2011. Le récit est pathétique, révélant comment est vécu la terrible angoisse face à l'erreur commise.

Compte tenu des difficiles conditions de voyage à travers la Sierra Maestra, c'était un jour de gloire. Par Agua Revès, l'une des vallées les plus hautes et tortueuses du bassin du Turquino, nous suivions patiemment la troupe de Sanchez Mosquera ; cet assassin endurci laissait derrière lui un sillage de deuil et de fermes brûlées dans toute la région.

Son chemin l'amenait nécessairement à monter vers l'un des deux ou trois points de la Sierra où pouvait se trouver Camilo. Camilo était sorti à la hâte avec une douzaine d'hommes de son avant-garde, et cette troupe bien mince devait encore se partager entre trois endroits différents pour arrêter une colonne de cent et quelques soldats. Ma mission était de tomber sur le dos de Sanchez Mosquera et de l'encercler.

Tel était notre but essentiel, l'encercler, et c'est pourquoi nous contemplions, à distance et en rongeant notre frein, la tragédie des chaumières qui brûlaient sous le feu de l'arrière-garde ennemie ; nous étions loin, mais nous entendions les cris des gardes. Nous ne savions pas combien ils étaient au total.

Notre colonne cheminait avec difficulté à flanc de montagne, pendant que l'ennemi s'avançait au fond de l'étroite vallée. Tout aurait été pour le mieux sans notre nouvelle mascotte : un tout petit chien de chasse âgé de quelques semaines.

Malgré l'insistance de Félix qui voulait le renvoyer à notre base arrière — une maison où demeuraient les cuisiniers — le chiot suivait la colonne.

Dans cette zone de la Sierra Maestra, progresser à flanc de montagne est très ardu, faute de sentiers. Nous traversions une partie touffue, où les arbres morts sont recouverts par la nouvelle végétation, et où le passage est particulièrement laborieux.

Nous sautions parmi les troncs et les fourrés, essayant de ne pas perdre le contact avec nos hôtes indésirables.

La petite colonne marchait dans le silence qui est de rigueur en pareille circonstance, sans qu'une seule branche cassée vînt rompre le murmure habituel de la montagne.

Et voici que ce silence fut soudain troublé par les aboiements plaintifs et inquiets du petit chien. Il était resté en arrière et nous appelait désespérément pour que nous l'aidions dans un passage difficile. Quelqu'un alla lui porter secours et nous pûmes continuer.

Mais, alors que nous nous reposions plus loin au bord d'un ruisseau, un guetteur surveillant les mouvements de la troupe ennemie, le chien se remit à pousser des hurlements ; il ne se contentait plus d'appeler, il craignait que nous ne l'abandonnions et il aboyait désespérément.

Je me souviens de mon ordre tranchant : — Félix, ce chien ne doit plus aboyer. Fais-le taire, prends-le avec toi. Qu'il ne recommence plus à aboyer !

Félix me regarda avec des yeux vides d'expression. Parmi la troupe exténuée, au centre du cercle que nous formions, il était là avec le petit chien.

Avec des gestes très lents, il tira une corde de son sac, la passa au cou du petit animal et commença à serrer. Les mouvements joyeux de la queue devinrent soudain convulsifs, puis allèrent peu à peu en s'amenuisant, tandis qu'une faible plainte franchissait avec peine le canal de la gorge étranglée.

Je ne sais combien de temps cela dura, mais cela nous parut à tous très long, jusqu'à la fin. Après un dernier soubresaut nerveux, le chiot cessa de se débattre et resta là, la tête posée sur des branchages.

Nous poursuivîmes notre marche sans reparler de l'incident. La troupe de Sanchez Mosquera avait pris de l'avance sur nous, et peu après nous entendîmes des coups de feu.

Rapidement nous descendîmes le versant de la montagne, cherchant malgré les difficultés du terrain le chemin le plus rapide pour rejoindre l'arrière-garde ; nous savions que Camilo était entré en action. Nous étions encore assez loin de la dernière maison avant la montée, et nous progressions avec beaucoup de précautions, nous attendant à chaque instant à rencontrer l'ennemi.

Le tir avait été nourri mais n'avait pas duré longtemps. Nous étions tous dans l'expectative. La dernière maison était abandonnée elle aussi : nulle trace de la soldatesque ennemie.

Deux éclaireurs montèrent jusqu'au sommet et revinrent nous dire : — Il y a une tombe là-haut. Nous l'avons ouverte et y avons découvert un soldat enterré. Ils apportaient ses papiers, qu'ils avaient trouvés dans les poches de sa chemise. Il y avait eu un combat, un mort, et la victime était dans le camp adverse : nous n'en savions pas plus.

Nous nous en retournâmes lentement, fatigués, et arrivâmes à la nuit devant une maison, vide elle aussi. C'était dans la région de Mar-Verde, où nous pouvions prendre un peu de repos. Rapidement on prépara un porc, quelques patates, et le repas fut vite expédié.

Quelqu'un chantait une chanson en s'accompagnant sur une guitare, car les maisons paysannes avaient été abandonnées encore pleines d'objets ou de mobilier. Je ne sais si ce fut à cause de l'émotion de la chanson, ou à cause de la nuit et du repos...

Ce qui est certain, c'est que Félix, qui mangeait assis par terre, jeta un os. Un chien de la maison s'approcha doucement et s'en saisit.

Félix lui posa la main sur la tête ; le chien le regarda. Félix le regarda à son tour et nous sentîmes qu'il y avait dans ses yeux quelque chose de coupable.

Le silence brusquement nous étreignit.

Il y avait eu entre nous une imperceptible vibration. Près de nous, une lueur de reproche dans son regard plein de douceur, nous observant à travers les yeux de l'autre chien, se tenait le chiot assassiné.


Ernesto « Che » Guevara était prisonnier de son époque et, de toutes façons, il ne saisissait pas correctement le matérialisme dialectique. Saisir la dignité du réel n'était ainsi pas possible de sa part.

Cependant, la cruauté du fait montre bien la faiblesse du personnage, qui n'est pas un héros. Le héros, ce sont les masses, guidées par une idéologie parfaitement délimitée, scientifique. Sans cela, on n'a pas d'orientation, on est livré à soi-même. Et ici, il est clair que Ernesto « Che » Guevara a réagi de manière pragmatique-machiavélique, et donc fausse.

 
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