27 mar 2015

L'«esprit Charlie» au lycée contre «la montée des extrêmes»

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Ce qui est bien avec l'« esprit Charlie », c'est qu'il pense. Cela fait longtemps qu'on attendait une lame de fond dans les masses, un esprit critique se levant, traversant les replis individualistes et les manières variées d'imaginer la société où l'on vit.

C'est, peut-être depuis mai 1968, la première fois qu'un tel courant idéologique atteint véritablement les larges masses. Le parallèle avec l'esprit de 1968 est d'ailleurs flagrant ; il s'agit bien sûr du mai 1968 non pas des illusions étudiantes d'alors, ses fantasmes d'être « révolutionnaires », mais en tant que courant démocratique affirmant ses exigences.

La tribune qui vient d'être publiée par des « élus lycéens » (dans Libération) reflète parfaitement cet « esprit Charlie », critique mais prisonnier de ses contradictions.

On y lit que le Front National a un programme rétrograde pour l'école, qu'il désire supprimer les échanges intellectuels, les débats, l'esprit critique de la jeunesse, empêchant alors la « naissance de citoyens engagés ». Mais en même temps, la tribune reconnaît que 61 % des 18-24 ans ne votent pas.

N'est-ce pas la preuve que dans la société actuelle, l'école a déjà supprimé, pour autant que cela ait eu lieu auparavant, les échanges intellectuels, les débats, l'esprit critique de la jeunesse ?

Tout pareillement dans la contradiction improductive, la tribune appelle à « une vie épanouie dans la collectivité », tout en dénonçant le FN qui veut « une société unanimiste dans laquelle l’individu doit s’effacer derrière la masse ».

Lien vers la liste des articles sur les attentats contre Charlie Hebdo et le magasin HyperCacherOn a là une tension entre individu et collectivité typiquement petite-bourgeoise, typiquement « Charlie ». D'un côté… mais de l'autre… Il faut la liberté complète… Mais de l'autre la morale… Sauf que la morale est universaliste et forcément autoritaire… Oui, mais en même temps il faut bien un cadre… Etc. etc.

Autre exemple : la tribune dit que « la nouvelle génération doit s’approprier les élections pour faire entendre sa voix ». Mais qui a élu ces « élus lycéens » ? Certainement pas les lycéens. Une poignée infime de lycéens les a « élus » et ils ne représentent donc nullement une expression démocratique…

Encore un exemple, très révélateur. La tribune parle « la neutralité de l’éducation à laquelle nous avons accès et la liberté qu’elle assure ». Ce sont des propos absurdes : il suffit de consulter les livres d'histoire des 40 dernières années pour voir que les avis qui y sont exprimés ont régulièrement changés. Il y a des batailles d'idées, des conflits d'intérêts économiques, des affrontements moraux, des enjeux culturels, qui sont au coeur de la vie démocratique.

S'il existe une « neutralité », alors il n'y a pas de politique, donc pas de démocratie… Et il faut être naïf pour penser qu'affirmer à l'école que Samuel Beckett soit un grand artiste n'a pas une portée idéologique immense.

C'est là le problème : la jeunesse en a assez du nihilisme post-moderne, mais elle est elle-même façonnée par lui. Elle s'ennuie devant En attendant Godot, mais elle a la même vision du monde.

Elle ne veut plus des délirants, mais elle est incapable de lire Honoré de Balzac, par manque de discipline, de capacité à un effort prolongé. Elle est très semblable au prolétariat, de ce fait.

A ceci près que le prolétariat a compris que tout devait changer, alors que la jeunesse de type « Charlie » essaie de tout neutraliser. Pourtant, il est évidemment absurde aux yeux de tous que de parler de la « montée des extrêmes », de « l’extrémisme », des « extrémistes », etc.

La menace, c'est le fascisme ; il faut toute l'hypocrisie petite-bourgeoise, pour le coup, pour parler des « extrêmes » comme si le communisme était une force puissante faisant face à un fascisme menaçant.

Il n'y a qu'une seule « menace », le fascisme, prétendre le contraire est anti-communiste et cet anti-communisme ne peut que précipiter « Charlie » justement dans les bras du fascisme.

Il faudra se rappeler de cela, lorsque demain le communisme sera fort. Même quand le communisme est faible, il semble déjà un spectre terrible pour la petite-bourgeoisie. Ses vacillements, son esprit anti-collectiviste, alors qu'elle en a besoin face au fascisme et aux monopoles, montrent bien que seule la classe ouvrière assumant sa mission historique peut prendre les commandes de la société.

 

Les représentants élus de toutes les académies s'engagent contre la montée des extrêmes et en faveur des valeurs de la République auxquelles ils sont attachés.

Alors que dimanche 22 mars un votant sur quatre a fait le choix de l’extrême droite, nous, élus lycéens de différentes académies de France, écrivons cette tribune pour dénoncer le climat malsain qui règne dans notre pays et montrer notre attachement aux valeurs de la République, mises à mal par les extrêmes.

Contrairement aux idées reçues, les jeunes peuvent et savent s’engager. En tant qu’élus, nous pensons que l’engagement passe d’abord par les urnes et que la nouvelle génération doit s’approprier les élections pour faire entendre sa voix. Hélas, ce n’est pas le cas de tous puisque aujourd’hui, 61 % des 18-24 ans ne votent pas. Cette abstention peut s’expliquer par un désintérêt, regrettable mais certain, de la chose publique. Néanmoins, elle reflète avant tout le sentiment d’abandon de la classe politique qu’éprouve une certaine partie de la jeunesse aujourd’hui. Mais cet abandon peut parfois amener au choix malheureux de l’extrémisme, qu’il soit religieux ou politique. Tous deux dangereux, ils utilisent la peur et les doutes des peuples pour prendre le pouvoir en véhiculant la haine, ce que nous refusons pour le pays des droits de l’Homme.

Contre une vision rétrograde de l’éducation

En tant qu’élus lycéens, nous souhaitons notamment montrer notre opposition à la vision rétrograde de l’éducation proposée par les extrêmes. Prenons pour exemple le «Projet pour l’Éducation» du Front National. Il y est écrit que «L’École n’est pas «un lieu de vie» où l’enfant construirait son savoir par lui-même». Les jeunes n’auraient plus la possibilité de créer de la pensée mais auraient pour seul dessein éducatif d’apprendre et d’emmagasiner des leçons passivement. Aucun échange intellectuel, aucun débat n’aurait lieu si bien que l’esprit critique de notre jeunesse serait injustement entravé, compromettant à terme la liberté d’opinion et d’expression, socle de notre République comme l’ont montré très justement les Français après les événements de janvier. Ces mesures proposées par le FN empêcheraient donc la naissance de citoyens engagés, conscients des enjeux de la vie politique de notre pays.

La neutralité de l’éducation à laquelle nous avons accès et la liberté qu’elle assure serait menacée par les extrémistes. Par exemple, il serait possible que la laïcité devienne un exutoire à la haine religieuse, que la construction européenne soit dépeinte comme la progression d’un système antidémocratique, et que l’étude d’autres cultures et civilisations soit considérée comme un déni de notre héritage judéo-chrétien. Or, nous, lycéens mais aussi citoyens, refusons un enseignement qui favoriserait le message politique à la vérité.

Pour une vie épanouie dans la collectivité

Nous qui croyons au progrès et aux valeurs de la République, pensons que le système éducatif doit s’adapter à l’élève et lui donner une liberté de penser. Nous allons à l’encontre du Front National qui propose des mesures qui astreignent l’élève à subir son éducation, visant ainsi à mettre en place une société unanimiste dans laquelle l’individu doit s’effacer derrière la masse.

Aujourd’hui, c’est en allant au delà de nos sensibilités politiques, certes différentes mais qui s’inscrivent toutes dans le cadre républicain, que nous, citoyens de demain, nous opposons à tout processus visant à déstabiliser les principes fondamentaux de notre démocratie : liberté, égalité, fraternité, mais aussi solidarité et laïcité. Ces valeurs, avec lesquelles nous avons grandi, sont indispensables à la construction d’un environnement sain puisqu’elles permettent une vie épanouie dans la collectivité. Oui, des réformes peuvent être nécessaires mais la destruction de cet équilibre serait une grave erreur qui menacerait les principes républicains. C’est en faisant ce triste constat que nous avons choisi de nous mobiliser contre la haine et l’intolérance, ces maux qui se développent dans notre société mais contre lesquels nous ne cesserons de nous battre.»

Auteurs : Cassandre LIBERMAN (Paris), Fabien LASSALLE-HUMEZ (Lille), Jan BORREGO STEPNIEWSKI (Paris), Chaïmat SILENY (Nantes), Julie GOLAZ (Orléans-Tours), Leïla MATHIAS (Lyon), Simon PERCELAY (Nice).

Signataires : Nicolas HEYN (Montpellier), Cédric SCHERER (Strasbourg), Clémentine FAIDHERBE (Versailles), Nicolas CASSE (Versailles), Maëva PAPINI (Toulouse), Léa NICODEME (Lille), Valentine MONTEIL (Rennes), Adèle PARROT (Paris), Léo HUSSAIN (Nantes), Tristan MITATRE (Rouen), Lucas DEWIER (Besançon), Thomas MONTEIRO (Versailles), Thomas BUISSON (Limoges), Jules TERRIER (Grenoble), Philippe PERNOT (Nice), Caroline PARE (Nantes), Cely Gaddacha (Nice), Dylan ROLAND (Besançon), Guillaume LATRILLE (Bordeaux), Côme JAULIN (Paris), Antonin ALBERTY (Rouen), Elise LANGAGNE (Lille), Anne-Charlotte VANSON (Lille), Iris MADELINE (Paris), Elias DRICI (Lille), Maayane PRALUS (Paris), François GOSSET (Paris), Gianni FACHINETTI (Paris), Arthur NOWICKI (Paris), Naïm SHILI (Versailles), Pierre CHOQUET (Lille), Louis BOURGEUS (Poitiers), Séléna BENNATI (Lille), Albane MAZET (Orléans-Tours), Tom VICO (Caen), Sylvain FOURNIER (Paris), Selya MAGY (Lille), Margot LEMAIRE (Paris), César BOUVET (Grenoble), Nathan LE POTIER (Caen), Arthur MOINET (Nantes), James EVERED (Orléans-Tours), Adrien RUELLOU (Orléans-Tours), Pierre MONQUET (Créteil), Lauryn CAROLE (Martinique), Yasar DASDEMIR (Nancy-Metz), Chaffanty ADIGUE (La Réunion), Arman GRUMEL (Paris), Amélie MIREAU (Paris), Victor BUS (Paris).

Des élus lycéens

 

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Ce qui est bien avec l'« esprit Charlie », c'est qu'il pense. Il y a longtemps qu'on attendait une lame de fond dans les masses, un esprit critique se levant, traversant les replis individualistes et les manières variées d'imaginer la société où l'on vit...