L'incapacité de la Gauche française à adopter une stratégie de Front Populaire aux élections législatives
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le Front National de Marine Le Pen a été largement battue aux élections présidentielles. C'est une bonne chose et il est aisé de voir à quel point cette défaite a affaibli le camp du fascisme, l'obligeant à des recompositions, des divisions et des désertions.
Pour autant, le danger fasciste n'a pas disparu, bien au contraire. Il reviendra d'autant plus fort et agressif. L'urgence pour le camps progressiste, pour la Gauche française, devrait justement être de profiter de ce moment de flottement dans le camps ennemi pour se renforcer, bâtir son unité, établir une stratégie de Front Populaire.
Les élections ne sont qu'un aspect de cela, mais elles comptent énormément dans la vie politique française. Il y a, dans la période historique qui s'ouvre, un enjeu important à ce qu'il y ait un grand nombre de députés de gauche à l'Assemblée Nationale, principalement en raison du danger fasciste, mais aussi contre la tendance à la guerre.
L'unité des forces progressistes est indispensable pour empêcher la dispersion des voix, pour créer des dynamiques favorables, notamment dans les circonscriptions, nombreuses, où le Front National a une chance de victoire.
La situation dans de nombreuses circonscriptions aux élections législatives 2017 montre que c'est exactement l'inverse qui se produit. Beaucoup de candidats de gauche se présentent les uns contre les autres, incapables de s'unir, laissant le champs libre au libéralisme, à la droite, ou au Front National.
Des exemples symptomatiques de cette dispersion peuvent être vus à Lille par exemple où dans la 1re circonscription se présentent 11 candidats de gauche et 7 dans la seconde, et cela sans compter les multiples candidatures écologistes ni les candidats d'En Marche ! qui ont totalement phagocyté le PS sur Lille.
C'est tout simplement catastrophique.
La Gauche française se retrouve torpillée à la fois par la stratégie d’Emmanuel Macron qui a su profiter de l'opportunisme d'une grande partie des dirigeants du Parti Socialiste pour créer un courant radical-socialiste, et en même temps par sa propre incapacité à se rassembler pour empêcher les opportunismes de prendre le dessus.
Il faut bien sûr reconnaître ici la grande responsabilité de la structure de Jean-Luc Mélenchon (la « France Insoumise ») dans cette division de la gauche, d'autant plus que la France Insoumise refuse de se définir comme étant de gauche. La conception de Jean-Luc Mélenchon est en quelque sorte que l'unité ne peut se faire que sous sa propre bannière, refusant tout accord, présentant des candidats contre ses alliés, ou ceux qui devraient être ses alliés. Et que la forme de cette unité ne peut se faire que sous la forme d'un front contre « l'austérité » et le libéralisme, en niant totalement toute menace fasciste.
La situation à Marseille est à ce titre exemplaire. Plutôt que d'adopter une stratégie unitaire et coordonnée pour vaincre le fascisme et empêcher un maximum de candidats FN d'être élus, Jean-Luc Mélenchon tente le coup de force en se présentant dans la circonscription (la 4e des Bouches-du-Rhone) où il a fait le plus de voix lors des élections présidentielles, pour se faire élire coûte que coûte.
Plutôt que de choisir une circonscription dans laquelle sa notoriété et la dynamique créée par sa campagne aux élections présidentielles aurait pu être utile pour battre le Front National, il choisit d'affronter le candidat socialiste Patrick Mennucci, député sortant, qui était un soutient assumé de Benoît Hamon, dans une circonscription où le FN n'a aucune chance d'être élu.
Dans le cas de cette circonscription, il est évident que le candidat portant une dynamique antifasciste et potentiellement favorable au Front Populaire n'est pas Jean-Luc Mélenchon mais Patrick Mennucci. Ce dernier avait d'ailleurs affirmé de manière tout à fait juste à propos de la candidature de Jean-Luc Mélenchon :
« Ici on ne joue pas avec le péril Front National, on ne met pas sur le même plan Macron et Le Pen. Ici on ne glorifie pas les frontières, on est attaché à la construction européenne et aux brassages des populations. Ici quand on parle des travailleurs étrangers on ne les accuse pas de voler le pain des travailleurs français comme l'a fait Jean-Luc Melenchon au parlement européen. Enfin ici, on n'a pas des pudeurs de gazelle au moment de parler des atrocités de Bachar El Assad et des crimes de Vladimir Poutine. »
Il existe de nombreux cas similaires. Par exemple à Nantes, dans la première circonscription de Loire-Atlantique. La situation est très simple : François de Rugy (député sortant élu sous l'étiquette Europe-Ecologie-Les verts suite à un accord avec le Parti Socialiste) est investit par la République En Marche d'Emmanuel Macron, et le Parti Socialiste local ne le soutient pas, mais ne présente pas non plus de candidat en face.
Le candidat issu du Parti Communiste français, Aymeric Saysseau, 4e adjoint à la Mairie socialiste de Nantes, connu localement et soutenu par Benoît Hamon possède alors des chances d'être au second tour.
Il n'y a pas de risque Front National dans cette circonscription et le candidat de la droite a peu de chance d'être élu. Il devrait être évident pour les personnes de gauche qu'il faut soutenir cette candidature communiste, pour favoriser un député de gauche supplémentaire à l'Assemblée Nationale pour y représenter une forme d'opposition aux monopoles. Cela serait utile pour l'antifascisme.
Pourtant, la France Insoumise maintient une candidature, tout comme Europe Ecologie-Les Verts, prétextant pour les deux des raisons écologistes, Aymeric Saysseau et le PCF étant en effet pour le nucléaire et favorable à l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. Seulement, là n'est pas la question, ou du moins l'aspect essentiel, et il est possible de faire front avec des forces avec lesquelles il y a des désaccords.
D'autant plus que, en ce qui concerne l'écologie justement, il y a tout à craindre de laisser le champs libre à Emmanuel Macron et de sous-estimer le danger fasciste, qui étoufferont les questions écologistes comme étant non-conformes soit au libéralisme, soit au nationalisme tout en faisant mine de les prendre en compte.
Il existe bien sûr localement quelques initiatives allant dans le bon sens, avec par exemple Benjamin Lucas dans la Somme président du MJS (un des mouvements de jeunesse du Parti Socialiste) qui se dit :
« Fier de retirer ce soir ma candidature dans la 5ème circonscription de la #Somme pour permettre l'unité de la gauche dans notre département »
Seulement, cela n'est pas la tendance mais plutôt l’exception. Il ne s'agit pas là que de simples manœuvres d'appareils politiques incapables de se mettre d'accord, mais bien d'un problème de fond, d'un problème idéologique.
Si l'on prend les rapports entre le PCF et la France Insoumise, on voit que le premier soutient officiellement dix-huit candidats du second, et que ce dernier soutient quelques candidats PCF comme Marie-George Buffet (4e circonscription de Seine-Saint-Denis), Nicolas Sansu (2e circonscription du Cher) ou Pierre Dharréville (13e circonscription des Bouches-du-Rhône) mais que ce ne sont que des candidats qui avaient apporté leur soutien à Jean-Luc Mélenchon dès le départ de sa campagne sans attendre l'avis de leur parti.
Ces appareils sont capables de trouver des accords sporadiquement. Mais sur le fond, ils ne considèrent pas suffisamment le danger fasciste pour faire front largement, ce qu'il aurait fallu faire depuis le début. Le PCF n'en a pas été capable du fait de ses faiblesses et la France Insoumise a surtout pour ambition d'écraser le PCF et le PS.
La gauche française, dispersée, écharpée, pourrait connaître une défaite historique lors de ces élections législatives. Cela serait d'ailleurs conforme à la situation politique des pays voisins où la gauche est aussi incapable de faire face.
Il naîtra forcément de cela une période politique nouvelle, avec des perspectives de recompositions nouvelles. En attendant, le fascisme et la tendance à la guerre auront le champs libre pour se développer, renforcés par l'accentuation de la crise du mode de production capitaliste.
La proposition communiste véritable, que nous portons, c'est-à-dire le Front Populaire pour aboutir à la Démocratie Populaire, est et sera d'autant plus demain la seule perspective pour le progrès social et pour l'écologie, contre le fascisme et la tendance à la guerre.
La période politique en cours, qui se déroule sur le plan électoral, doit être scrutée attentivement, nationalement mais aussi et surtout localement. Il sera nécessaire ensuite de faire le point, de voir qui a joué la division et qui a tenté l'unité, qui favorise sa propre démarche de manière opportuniste et qui est prêt à faire front contre le fascisme et la tendance à la guerre.