19 oct 1929

Internationale Communiste : Sur le mouvement insurrectionnel dans la nation arabe (1929)

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Résolution du Secrétariat politique du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste sur le mouvement insurrectionnel dans la nation arabe

16 octobre 1929

 

Le soulèvement des masses arabes en Palestine et les événements dans la nation arabe prise comme un tout a entièrement confirmé qu’étaient correctes les analyses faites par le 6è Congrès de l’Internationale Communiste et son 10ème plénum, au sujet de l’aiguisement des lutes entre l’impérialisme et les masses laborieuses des pays coloniaux, sur la nouvelle vague des mouvements de libération nationale dans les colonies et semi­-colonies, sur l’évaluation du gouvernement « travailliste » britannique et sur la transformation de la 2e Internationale en une Internationale social­fasciste, ouvertement social­-impérialiste.

La désunion nationale des Arabes, le caractère fragmenté de la nation arabe, rompue en un grand nombre de petits pays, la division de la nation arabe entre quelques puissances importantes, l’absence complète de droits politiques pour la population indigène, la colonisation sioniste par la force et l’usage de toujours plus de pression de la part des impérialismes français et britanniques sur les pays arabes, représentent un groupe de causes ayant motivé le mouvement insurrectionnel.

Un deuxième groupe de causes ayant motivé les événements en Palestine consiste dans le vol des terres des paysans arabes au bénéfice de la colonisation sioniste (souvent en collusion avec les grands propriétaires terriens arabes), des grands propriétaires terriens arabes et des capitalistes étrangers., dans l’intensification de l’exploitation des paysans par des fermages et des impôts plus élevés et le développement de l’usure, dans la croissance rapide de l’économie marchande et monétaire et la différentiation de classe assez rapide dans les tribus bédouines.

La maturation de la crise révolutionnaire a été accélérée par la croissance du chômage, les mauvaises récoltes de 1928, l’agitation dans les pays arabes, la dissolution du parlement syrien, la crise du gouvernement irakien, les manifestations et grèves des ouvriers de Palestine et de Syrie, le nouveau traité anglo­égyptien, et la proximité d’une offensive du sionisme en déroute spirituelle, qui a ôté son masque socialiste et apparaît ouvertement comme une agence du capitalisme (comme le montre la décision du congrès sioniste de Zurich en juillet 1929).

LE CARACTÈRE DU MOUVEMENT

Voici les traits caractéristiques du mouvement.

1. Le soulèvement palestinien, qui se tient à une époque d’agitation révolutionnaire dans les plus grands centres industriels de l’Inde, de crise de la contre­révolution en Chine, d’une vague montante du mouvement ouvrier révolutionnaire en occident, représente le commencement d’une grande vague des mouvements révolutionnaires de libération des pays arabes.

2. Ce mouvement se propage dans toute la nation arabe et a un profond caractère national. Il s’étend extrêmement vite aux autres pays arabes.

3. Le mouvement se transforme rapidement et atteint un niveau plus élevé. Si, dans les premiers jours, le clergé et les féodaux, unis dans l’Assemblée Islamique [Mejlis Islam] ont réussi à diriger le mouvement dans la voie d’une confrontation nationale judéo­arabe, par la suite les masses se sont retournées spontanément contre le Moufti de Jérusalem, contre l’assemblée islamique et contre les représentants des exécutifs arabes, stigmatisant leur trahison et leur capitulation devant l’impérialisme.

Le mouvement est en train de passer à grande vitesse d’un conflit arabo­-sioniste à un mouvement national paysan, auquel participe aussi la petite­bourgeoisie urbaine. Les fellahs et les Bédouins sont les participants les plus actifs au mouvement insurrectionnel.

4. La classe ouvrière est restée en partie passive, en aucun cas elle n’a agi indépendamment, encore moins a-­t-­elle gagne l’hégémonie dans le mouvement.

Une section des ouvriers juifs et arabes sont tombés sous la tutelle de « leur » bourgeoisie et ont pris part au conflit national-­religieux sous l’hégémonie et la direction de « leur » bourgeoisie.

Toutefois, on a vu à l’occasion des manifestations individuelles héroïques de solidarité de classe entre ouvriers juifs et arabes. 

Ainsi, malgré le fait que le mouvement insurrectionnel ait été une réponse à la provocation anglo-­sioniste, que les réactionnaires arabes (clergé et féodaux) ont cherché à mener dans la voie du pogrom, malgré le fait que dans sa phase initiale il ait été mené sous une direction réactionnaire, il n’en reste pas moins qu’il était un mouvement de libération national, un mouvement anti-­impérialiste arabe, et surtout, par sa composition sociale, un mouvement paysan.

5. Le mouvement eut lieu au moment où le gouvernement « travailliste » de Mac Donald était au pouvoir en Grande Bretagne. Le gouvernement « travailliste », avec le soutien total du Parti Travailliste Indépendant, a assumé franchement le rôle de bourreau de la révolution coloniale.

6. Le mouvement a révélé l’approfondissement des contradictions entre les impérialismes français et britanniques dans la lutte pour les sphères d’influence au Moyen­-Orient.

LE CARACTÈRE ET LES FORCES DIRIGEANTES DE LA RÉVOLUTION DANS LA NATION ARABE

La position générale de l’Internationale Communiste au sujet du caractère et des forces motrices de la révolution en Palestine et dans la nation arabe prise comme un tout, a bien passé l’épreuve du mouvement révolutionnaire et a été confirmée par l’expérience de masses. 

Le contenu socio­économique principal de la révolution est le renversement de l’impérialisme, l’unification nationale des tous les pays arabes, la révolution agraire et la résolution de la question nationale. Cela permet de déterminer le caractère de la révolution comme démocratique­bourgeoise dans le sens léniniste du terme. Les forces dirigeantes principales de la révolution sont la classe ouvrière et la paysannerie. 

La révolution démocratique­bourgeoise ne peut être conduite à bonne fin que dans la lutte révolutionnaire contre la bourgeoisie. Sans aucun doute, cette révolution démocratique­bourgeoise se transformera en révolution socialiste. 

Mais la thèse avancée par certains, sur le caractère prolétarien de la révolution dans les conditions qui prévalent en Palestine, sont non seulement complètement en décalage avec la réalité historique, et reflètent l’idéologie trotskyste de la révolution permanente, mais aussi signifieraient en tout premier lieu, dans les conditions concrètes de la Palestine, la dictature d’un petit groupe d’ouvriers juifs sur les larges masses de la population arabe.

LE RÔLE DES DIFFÉRENTES CLASSES DANS LE MOUVEMENT

La bourgeoisie sioniste coloniale et ses laquais ont joué le rôle d’agent purs et simples de l’impérialisme britannique. L’aile « gauche » du sionisme, le Poale Zion, a fusionné avec les fascistes juifs et a pris le parti de l’impérialisme britannique et de la bourgeoisie sioniste.

Les grands propriétaires arabes, les seigneurs féodaux et les sommités du clergé, unis dans l’assemblée islamique, ont capitulé depuis longtemps devant l’impérialisme britannique, et ont joué un rôle de traîtres, provocateurs et contre­révolutionnaires.

Le Congrès national pan­arabe, qui ces dernières années a révélé clairement son caractère réformiste, n’a joué aucun rôle indépendant dans le mouvement, mais son aile droite a rejoint le camp réactionnaire des féodaux et des religieux. Les fellahs, et en particulier les Bédouins, ont été les forces de base et dirigeantes du mouvement. Mais le mouvement paysan n’a pas coïncidé en temps voulu avec une action de classe organisée et indépendante du prolétariat des villes. 

Le mouvement était désorganisé et fragmenté. Le mouvement insurrectionnel arabe a révélé clairement quelques traits positifs, mais aussi la faiblesse du PC de Palestine. Le soulèvement a pris le Parti par surprise, la raison en est qu’il est composé principalement d’éléments juifs, il n’a pas de contact avec les masses arabes prises comme un tout, et en particulier il souffre de n’avoir aucun lien avec la paysannerie.

Le soulèvement a montré en pratique à quel point était juste les instructions de l’EKKI au sujet de la nécessité d’arabiser le Parti. Les déficiences et les erreurs du Parti de Palestine révélées au cours du soulèvement sont le résultat de l’échec du Parti à mener franchement et audacieusement l’arabisation du parti du sommet à la base. 

Par le passé, le parti a mal utilisé ses forces et ses moyens en concentrant son travail principalement en direction des ouvriers juifs, au lieu de concentrer le maximum de forces et de moyens dans le travail parmi les ouvriers arabes et les masses paysannes.

L’arabisation de la direction a été interprétée comme l’inclusion mécanique de quelques camarades arabes au Comité Central. Le Parti n’a pas réussi à créer de solides organisations parmi les ouvriers arabes ni dans les syndicats arabes locaux. 

Il régnait un esprit de pessimisme et de scepticisme au sujet de la possibilité d’un travail fructueux parmi les fellahs et le Bédouins, ce qui dans certains cas a mené à un sectarisme passif, à une sous­estimation des possibilités révolutionnaires dans la nation arabe, à une exagération de l’influence de la bourgeoisie réactionnaire sur les masses arabes.

En particulier lors des premiers jours du mouvement, quand il était exclusivement influencé par les événement à Jérusalem et dans d’autres villes, le Parti n’a pas su voir que le conflit national religieux était en train de virer en une action paysanne générale, nationale et anti­-impérialiste. 

Par conséquent, le Parti n’a pas pu inclure dans ses slogans les questions touchant à la prise des terres, la formation de comités révolutionnaires de fellahs et Bédouins, la révolution agraire et l’unification nationale de tous les pays arabes, et n’a pu mener l’agitation autour du slogan « Pour un gouvernement arabe des ouvriers et paysans », échecs qui peuvent être expliqués par les hésitations opportunistes de droite au sujet de ces questions dans le passé.

Le Parti a échoué à mettre en avant le slogan « Formons des détachements ouvriers juifs et arabes », à armer les ouvriers, à faire des manifestations communes d’ouvriers juifs et arabes, à déclencher une grève générale.  La critique du rôle de bourreau du gouvernement « travailliste » britannique, la critique révolutionnaire des partis et organisations juifs et arabes, en particulier du Poale Zion et de son attitude lors du soulèvement, n’ont pas été assez concrètes.

En même temps, il doit être souligné que le PC de Palestine s’est montré une organisation fermement soudée de révolutionnaires fervents, consciencieux et inquiets d’accomplir leur devoir révolutionnaire honorablement. 

Au regard de son niveau théorique et de son dévouement au communisme, le PC de Palestine tient certainement le haut du pavé.

LES TÂCHES DU PARTI 

Le PC de Palestine, ainsi que les autres sections de l’Internationale Communiste dans les autres pays arabes, doivent tirer les leçons du soulèvement. La plus urgente tâche du Parti, est de faire un effort énergique et audacieux pour arabiser le Parti du sommet à la base.  En même temps, il doit faire tous les efforts pour mettre sur pied des syndicats arabes ou mixtes juifs et arabes, et conquérir et étendre ceux qui existent déjà.

Le Parti doit à tout prix éradiquer de ses rangs tout scepticisme ou passivité concernant la question paysanne. Il doit établir un programme agraire qui tienne compte des exigences partisanes des fellahs et bédouins. Le Parti doit continuer son travail parmi les ouvriers juifs organisés dans les syndicats sionistes, de même que parmi les ouvriers non­ syndiqués. La dénonciation du sionisme, en particulier de son aile gauche, comme une agence au service de l’impérialisme, reste comme par le passé une des tâches cardinales, et il faut se servir des leçons du mouvement pour le démontrer.

Le Parti doit dénoncer l’Assemblée Islamique comme étant un agent direct de l’impérialisme britannique.  D’une façon pas moins ferme, il doit dénoncer le réformisme national incarné par le Congrès Pan­Arabe. La campagne pour le boycott actif de la commission chargée d’enquêter sur les événements, et l’organisation de ce boycott, avec l’aide des autres sections de l’IC, doit se placer au centre de l’attention du Parti.

Les leçons du soulèvement montrent clairement le besoin du contact le plus serré entre les PC des pays de la nation arabe et de l'Égypte. La forme la plus appropriée serait la formation d’une fédération des Partis Communistes des pays arabes. La condition d’une telle fédération, c’est l’arabisation des PC de Palestine et de Syrie, la consolidation des PC de Palestine, Syrie, Egypte, etc.. 

L’arabisation du PC de Syrie doit être menée une fois pour toutes, pour s’assurer que les communistes de Syrie, une fois dépassés le liquidationnisme et l’opportunisme, forment un Parti Communiste indépendant.

Ces tâches ne peuvent être menées à bien qu’à la condition de lutter énergiquement et audacieusement contre la déviation de droite dans le Parti, qui est appelée à se renforcer sous la pression de la terreur blanche et l’impact de la défaite temporaire du soulèvement. La déviation de droite dans le PC de Palestine s’exprime par la sous­ estimation des potentialités révolutionnaires, la résistance ouverte ou latente à l’arabisation du Parti, le pessimisme et la passivité au sujet du travail parmi les masses arabes, le fatalisme et la passivité au sujet de la question paysanne, la non­compréhension du rôle subsidiaire du rôle des camarades juifs, qui n’est pas celui de dirigeant des masses arabes, l’exagération de l’influence de la bourgeoisie réactionnaire, grands propriétaires terriens et clergé, sur les masses arabes, une attitude conciliatrice envers les erreurs opportunistes, la non­compréhension du besoin de l’autocritique vigoureuse et courageuse pour les erreurs faites, une tendance à émigrer sans l’accord du CC, ce qui est une désertion, la résistance face au slogan « Pour un gouvernement ouvrier et paysan. »

La caractérisation du mouvement comme un pogrom et la résistance latente à l’arabisation sont des manifestations de l’influence sioniste et impérialiste sur les communistes.  L’éradication de cette attitude est essentielle pour le développement ultérieur du Parti.

Le mouvement insurrectionnel dans la nation arabe a trouvé un profond écho international. Les partis de la Deuxième Internationale et une quantité de petits­-bourgeois pacifistes se sont rangés du côté de l’impérialisme britannique et du sionisme contre­révolutionnaire.  Les sociaux­démocrates de « gauche », comme Paxton, se sont démasqués agents de l’impérialisme. 

Les organisations communistes et révolutionnaires­nationales se sont rangées aux côtés du soulèvement arabe. En même temps, il doit être noté que dans les premières phases du soulèvement, il y eut des hésitations et de la confusion dans quelques pays (la section juive du PC des USA) ainsi que dans certains journaux communistes (même en Union Soviétique) au sujet du caractère de ce mouvement. Elles furent vite dépassées par les sections de l’IC.

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