Jean Calvin

26 juin 2017

Cette limitation historique du calvinisme en France qui s'exprime dans Les Tragiques se lit également dans la forme du recueil. L’œuvre est divisée en sept parties, appelées livres, avec chacune un titre : Misères, Princes, La chambre dorée, Les feux, Les fers, Vengeances, Jugement.

On peut y voir, dans sa structure, un parallèle avec les sept sceaux de l'Apocalypse de Jean ; on retrouve, pareillement, des descriptions de choses monstrueuses, avant que les justes soient sauvés. Misères décrit la terrible situation d'alors, alors que Théodore Agrippa d'Aubigné se présente comme un nouveau Hannibal partant en guerre contre Rome...

11 nov 2016

Nous sommes au XVIe siècle et en août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy propage une violente onde de choc anti-protestante. La terreur catholique s'instaure, sanglante.

Voici comment l'un des plus grands juristes de l'époque,François Hotman, témoigne de son émotion dans une lettre du 30 octobre 1572, alors qu'il se réfugie à Genève :

« Hier soir, je suis arrivé ici, sauvé par la Providence, la clémence et la miséricorde de Dieu, échappé au massacre, œuvre de Pharaon…

7 nov 2016

Avec l'opposition entre protestantisme et catholicisme, la situation était explosive ; avec l'existence de la faction italienne au sein de la royauté, le besoin d'une rupture devenait complet pour les protestants.

La Francogallia eut donc un impact retentissant ; en pleine guerre civile, l'appel de François Hotman possédait un sens dépassant le simple cadre protestant. C'est toute l'option ultra du catholicisme et de la faction italienne de la royauté qui apparaissait comme précipitant le pays dans le chaos...

10 oct 2015

Le grand secret de l'origine de la tragédie en France, de son succès, vient donc de là : c'est un moyen de s'opposer au calvinisme. La tragédie française naît du terreau stoïcien ; c'est la tragédie de Sénèque qui est la grande source intellectuelle.

Or, Jean Calvin est directement en opposition avec le stoïcisme, dont il rejette tant le concept d'apathie que celui de destin...

31 mai 2015

Le protestantisme est le prolongement direct du hussitisme. On doit même parler d'identité, ce que bien entendu seul le matérialisme dialectique est en mesure de constater. La forme et le contenu du hussitisme et du protestantisme sont en tout point similaire.

De fait, de la même manière qu'on y retrouve le rejet des images, on a une remise en cause des cérémonies religieuses traditionnelles et du rôle de l’Église et de son clergé.

Le vrai maître, c'est Jésus, qui parle à l'entendement, par conséquent tout doit tourner autour de lui. Son arrivée bouleverse la tradition qu'on trouvait dans l'Ancien Testament : désormais, chacun est égal face à Dieu...

30 mai 2015

En tant que vision du monde, le calvinisme avait à réaliser une tâche très importante. Le mouvement hussite – à la base du protestantisme – avait attaqué vigoureusement l’Église catholique pour son utilisation des images, dégradant la dignité de Dieu afin de servir

28 mai 2015

On comprend tout à fait pourquoi Jean Calvin a souligné l'importance de ce qui est pour les chrétiens l'Ancien Testament. En effet, s'il entendait mettre en avant une morale économique, il avait besoin d'un modèle de société, et inversement.

On ne trouve pas cela dans le Nouveau Testament, mais l'Ancien est parfaitement utile puisqu'on y trouve de représenté une communauté organisée sur de nouvelles règles. Il suffisait seulement de les interpréter de manière conforme aux exigences de sa propre époque.

Jean Calvin est ici quelqu'un qui produit une vision du monde, maniant de manière dialectique la forme idéologique et les exigences matérielles propres à la petite production s'élançant dans le capitalisme génétalisé...

25 mai 2015

Le calvinisme ne s'adresse pas qu'aux capitalistes en formation, il vise également à façonner les travailleurs libres. Chacun doit participer au grand projet entrepreneurial, à l'activité raisonnable, s'appuyant sur l'entendement.

Cette participation, on la retrouve donc dans le militantisme des pasteurs pour organiser une société marquée par de larges secteurs populaires marginalisées, issues des campagnes et formant une plèbe urbaine qui va être le futur prolétariat.

Pacifier cette plèbe fut une étape incontournable pour le développement franc du capitalisme. On a vu dans le hussitisme comment la plèbe avait joué un rôle historique de très grande importance, avec des tendances communistes...

24 mai 2015

Jean Calvin a fourni une œuvre dont la dimension économique est historiquement d'une importance immense. En fait, sa perspective est même celle d'un capitalisme organisé qui n'en est pas un ; il témoigne encore une fois ici d'une approche dialectique très poussée.

Son point de vue sur la banque est ici un exemple tout à fait pertinent dans ce cadre. Jean Calvin s'oppose ainsi formellement aux banques ; il a lutté pour qu'il n'y en ait pas à Genève...

23 mai 2015

Ce que dit Jean Calvin permet l'avènement de l'individu, en tant que forme sociale nécessaire pour le capitalisme. Il faut bien faire ici à ne pas réduire les positions de Jean Calvin à la base culturelle pour le développement des capitalistes, ce qui en ferait une religion des capitalistes pour les capitalistes.

En réalité la théologie de Jean Calvin est le reflet des besoins du capitalisme en tant que mode de production. Or, quels étaient ces besoins ? Ils ne consistaient pas seulement en l'apparition d'une nouvelle couche sociale ayant des pratiques adéquates : il faut également la couche sociale qui est son pendant dialectique...

22 mai 2015

Jean Calvin propose ici un paradoxe, l'être humain pourrait et devrait être bon, mais la chute d'Adam a bouleversé la donne :

« Nous disons donc que l'homme est naturellement corrompu en perversité : mais que cette perversité n'est point en lui de nature.

Nous nions qu'elle doit de nature, afin de montrer que c'est plutôt une qualité survenue à l'homme, qu'une propriété de substance, laquelle a été dès le commencement enraciné en lui : toutes les fois que nous l'appelons naturelle, afin qu'aucun pense qu'elle s'acquiert d'un chacun par mauvaise coutume et exemple, comme ainsi soit qu'elle nous enveloppe tous dès notre première naissance. »...

21 mai 2015

Jean Calvin considère que les « philosophes » ont eu raison de chercher ce qu'était l'entendement humain, mais que leur méconnaissance de la chute d'Adam les a empêchés de comprendre l'origine du problème.

Jean Calvin fait donc la même chose que Maïmonide ou Thomas d'Aquin : il considère que les philosophes, normalement rejetés catégoriquement par les religions, ont posé des problèmes intéressants, mais qu'ils ne pouvaient comprendre authentiquement.

On voit ici que les religions ne pouvaient plus exister sous leur ancienne forme féodale ; elles devaient élever leur niveau technique, intellectuel, théologique, s'adapter aux nouvelles conditions...

19 mai 2015

Jean Calvin, malgré sa défense de l'entendement, n'est donc pas un matérialiste : il ne peut pas assumer le matérialisme. Il n'appartient pas à une société dont le mode de production s'est émancipé de la soumission à l'environnement. Son appel à l'entendement tout puissant correspond aux exigences de la bourgeoisie qui veut transformer, qui a commencé à le faire, mais qui n'a pas encore transformé l'ensemble de la réalité.

On se doute que, forcément, par la suite les enseignements de Calvin changeront de sens pour la bourgeoisie une fois arrivée au pouvoir. En tout cas, à l'époque où il écrit, Calvin a besoin du concept de Dieu; il parle donc ouvertement des épicuriens, c'est-à-dire pour lui les matérialistes ; il aborde ouvertement les thèmes d'Aristote, qu'il reconnaît partiellement pour les contrebalancer par les thèses idéalistes de Platon...

15 mai 2015

Dieu produit la piété qui produit la religion – mais pourquoi Jean Calvin ne pense-t-il pas, tels les philosophes, que les êtres humains peuvent utiliser l'entendement – la piété – sans la religion ?

C'est parce qu'il a constaté que les esprits faisaient un fétichisme de leur capacité à raisonner. Le calvinisme n'est pas une idéologie de l'individualisme bourgeois, mais de l'individualité bourgeoise au sein de la société bourgeoise. C'est radicalement différent...

14 mai 2015

Le calvinisme a une image de grande rigueur et de grande exigence, dans un esprit particulièrement austère. Une telle approche est erronée et ne s'intéresse qu'aux apparences.

Si l'on veut comprendre la démarche de Jean Calvin, et son importance, il faut se concentrer sur comment Jean Calvin formule une théorie de la connaissance où la conscience a un rôle majeur. C'est ici que Jean Calvin révèle sa nature de classe révolutionnaire, portant la bourgeoisie qui alors brise les chaînes de la féodalité...

12 mai 2015

Ce qui caractérise la pensée de Jean Calvin, c'est l'affirmation de l'individu en tant qu'être autonome disposant de l'entendement. A l’Église catholique qui interdit de lire la Bible, réservant l'interprétation de celle-ci à une caste, Jean Calvin oppose les larges masses étudiant et lisant la Bible.

L'être humain, chez Jean Calvin, est capable de discerner le bien et le mal. Voici ce qu'il dit dès le début de son ouvrage majeur, l'Institution de la religion chrétienne (au français relativement modernisé ici pour faciliter la compréhension)...

8 mai 2015

Pourquoi Jean Calvin est-il une figure absolument française, la plus progressiste du XVIe siècle, qui soit si peu connue en France ?

La raison tient à la victoire de la réaction catholique en France, formant un obstacle au progrès qui reste encore à surmonter. L'image de Jean Calvin a été noirci au possible, comme en témoigne la présentation qu'en fait Honoré de Balzac dans son roman Sur Catherine de Médicis, par ailleurs fascinant et qui décrit justement la période décisive pour l'histoire de France où le calvinisme a été écrasé...

7 mai 2015

L'immense Honoré de Balzac était un auteur réaliste, mais son point de vue personnel le rattachait aux romantiques. Voici comment dans Sur Catherine de Médicis, il présente de manière très agressive Jean Calvin, alors que dans son roman il est, comme d'habitude avec son réalisme, obligé de faire une distinction entre le calvinisme opportuniste des nobles et celui, plein d'élan, de vigueur, de vérité, du calvinisme bourgeois.

Calvin, qui ne se nommait pas Calvin, mais Cauvin, était le fils d’un tonnelier de Noyon en Picardie. Le pays de Calvin explique jusqu’à un certain point l’entêtement mêlé de vivacité bizarre qui distingua cet arbitre des destinées de la France au seizième siècle...

7 mai 2015

De toutes les figures de l'histoire de France, Jean Calvin est celle dont l'impact culturel et idéologique a été le plus puissant. Pourtant, on pense plutôt à Maximilien Robespierre et Napoléon, ou encore Charles De Gaulle, quand on se réfère aux grandes figures de l'histoire de notre pays.

La figure de Jean Calvin reste obscure, voire inconnue ; dans la plupart des cas, si elle est un tant soit peu connue elle sera reliée au sectarisme, à un puritanisme fanatique, bref à une mort de la pensée et à des raisonnements opposés à la joie et aux sentiments.

Tout cela a une origine : le triomphe des forces féodales sur les forces progressistes portées par le protestantisme dont Jean Calvin a été le héraut, la figure la plus aboutie, la plus conséquente...

6 mai 2015

En commençant à écrire le présent livre, je n’avais pas l’intention, Sire, d’écrire quoi que ce soit à Votre Majesté : mon but était seulement d’enseigner quelques éléments simples, destinés à alimenter la piété de ceux qui éprouveraient le désir de servir Dieu. Je voulais, principalement, que mon travail soit utile aux Français, dont je voyais plusieurs avoir faim et soif de Jésus-Christ et bien peu le connaître comme il fallait. Ce projet ressort clairement du livre dans lequel j’ai utilisé la forme la plus simple possible d’enseignement. Mais, voyant que l’opposition de quelques personnes malintentionnées avait été telle en votre royaume qu’elle n’avait laissé aucune place à la saine doctrine, il m’a semblé expédient d’utiliser ce présent livre à la fois pour l’instruction de ceux que, tout d’abord, j’avais délibéré d’enseigner, mais aussi comme confession de foi, afin que vous connaissiez quelle est la foi contre laquelle s’élèvent ceux qui, par le feu et par le glaive, troublent aujourd’hui votre royaume. Je n’aurai aucune honte à reconnaître que je présente, ici, une sorte de résumé de cette doctrine que certains estiment devoir être réprimée par la prison, le bannissement, la proscription et le feu, et qu’ils déclarent avec insistance devoir être totalement éradiquée...

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