12 mai 2015

Jean Calvin et l'avènement de l'individu - 3e partie : la dignité complète de l'individu

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Ce qui caractérise la pensée de Jean Calvin, c'est l'affirmation de l'individu en tant qu'être autonome disposant de l'entendement. A l’Église catholique qui interdit de lire la Bible, réservant l'interprétation de celle-ci à une caste, Jean Calvin oppose les larges masses étudiant et lisant la Bible.

L'être humain, chez Jean Calvin, est capable de discerner le bien et le mal. Voici ce qu'il dit dès le début de son ouvrage majeur, l'Institution de la religion chrétienne (au français relativement modernisé ici pour faciliter la compréhension) :

« Toute la somme de notre sagesse, laquelle mérite d’être appelée vraie et certaine sagesse, est quasi comprise en deux parties, à savoir la connaissance de Dieu, et de nous-mêmes.

Dont la première doit montrer, non seulement qu'il est un seul Dieu, lequel il faut que tous adorent et honorent : mais aussi que celui-ci est la fontaine de toute vérité, sapience [sagesse], bonté, justice, jugement, miséricorde, puissance, et sainteté : à fin que de lui nous apprenions d'attendre et demander toutes ces choses. D’avantage de le[s] reconnaître avec louange et action de grâce procéder de lui.

La seconde en nous montrant notre imbécillité, misère, vanité, et vilenie, nous amène à déjection, défiance, et haine de nous-mêmes : en après enflamme en nous un désir de chercher Dieu d'autant qu'en lui repose tout notre bien : duquel nous-nous trouvons vides et dénués.

Or il n'est pas facile de discerner laquelle des deux précède et produit l'autre.

Car il est voulu qu'il se trouve un monde de toute misère en l'homme : nous ne nous pouvons pas droitement regarder, que nous ne soyons touchez et points de la connaissance de notre malheurté [caractère malheureux], pour incontinent [aussitôt] élever les yeux à Dieu, et venir pour le moins en quelque connaissance de lui.

Ainsi par le sentiment de notre petitesse, rudesse, vanité, mêmes aussi perversité et corruption, nous reconnaissons que la vraie grandeur, sapience, vérité, justice, et pureté gît en Dieu. »

On voit ici ce qu'a fait l’Église catholique : elle a résumé le calvinisme au seul aspect négatif, où il est dit que l'être humain se comporte de mauvaise manière. Pourtant, l'aspect principal est qu'il y a un Dieu idéal dont les enseignements font de l'être humain un être qui sait se comporter de manière correcte.

Ce qui importe, ce n'est pas la négation de l'être humain dans ses actes, mais la négation de ses actes erronés par le moyen de l'entendement – un entendement dont les forces féodales ne voulaient justement pas entendre parler.

La position de Jean Calvin est donc anti-féodale, car elle affirme une seule humanité face à Dieu, supprimant l'organisation d'une Église comme structure indépendante et représentant Dieu sur Terre. Dieu est dans le Ciel, il n'est plus sur la Terre.

Qui plus est, chaque être humain peut comprendre cela et se comporter de manière adéquate, c'est-à-dire devenir un être moral, un protagoniste de sa propre vie.

On a là une réalité authentiquement bourgeoise, avec un acteur agissant sur la transformation, et non plus une réalité féodale où l'individu ne fait que reproduire ce que ses parents lui ont enseigné comme métier, restant dans sa couche sociale sans aucune possibilité d'en sortir, ne se déplaçant pas de son territoire, obéissant à des rituels encastrés dans une soumission complète sur le plan intellectuel et moral à l’Église.

L'être humain agissant prend conscience de lui-même, et le figure de Jésus-Christ est ici le prétexte à la conquête de sa propre dignité, en tant qu'entité humaine autonome, capable d'entendement, de choix possiblement moral correspondant à une morale universelle proposée par un Dieu qui, comme l'a expliqué Ludwig Feuerbach et Karl Marx à sa suite, est le reflet inversé de l'humanité prenant conscience d'elle-même, dans ce qu'elle envisage de meilleur en elle-même.

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