21 mar 2018

Pierre Drieu La Rochelle et le romantisme fasciste - 21e partie : «Nous nous battrons contre tout le monde»

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L'antisémitisme était d'autant plus nécessaire à la démagogie de Pierre Drieu La Rochelle, à sa fantasmagorie, qu'il savait pertinemment que sa vision du monde ne tenait pas debout. Il était à la fois rattrapé par la petite-bourgeoisie – converger, oui, mais sans la fusion – et par son romantisme.

Dans Socialisme fasciste, il dénonce ainsi le pragmatisme machiavélique qu'il recommande pourtant :

« Quelle différence entre mussolinisme ou hitlérisme et stalinisme ? Aucune.

Des élections brusquées selon la méthode napoléonienne. Une camarilla éternelle. Le machiavélisme le plus vulgaire.

Et pourtant un renouvellement de la vie humaine : ces grandes fêtes, cette perpétuelle dans sacrée de tout un peuple devant l'autel d'une idée muette et ambiguë, devant une face divinisée.

Cependant que nous autres, pêcheurs à la ligne... »

Car pour lui, il faut passer par le mal pour « renaître ». C'est à la fois une sorte d'appel à une purification chrétienne et à un nietzschéisme faisant ressortir la beauté apolinnienne des forces souterraines dionysiaques.

Il dit ainsi :

« La réaction pure et simple (…). C'est la grande réaction qu'a connue déjà la Rome impériale. Et pourtant je veux cela. La liberté est épuisée, l'homme doit se retremper dans son fond noir. Je dis cela, moi l'intellectuel, l'éternel libertaire. »

Cette vision du monde provoquera plus que de la surprise ou de la consternation auprès des gens proches de Pierre Drieu La Rochelle : on finira par considérer que le personnage est dans sa nature même ambivalent, toujours en train de chercher autre chose, se contredisant de manière assumée et régulière, etc.

C'est d'ailleurs l'excuse invoquée par ceux qui n'ont jamais cessé, depuis 1945, de vouloir le réhabiliter. Mais ce serait là ne pas voir que, refusant la production, la transformation, le prolétariat, Pierre Drieu La Rochelle acceptait le « mal » comme force de redressement.

Sa position est celle du romantisme fasciste :

« Le Parlement est une institution tuée par la Presse et la Radio comme les chemins de fer, où les parlementaires ne paient pas leur place, sont tués par l'auto et l'avion. Le dictateur est un journaliste comme Mussolini et mieux, un somnambule du haut-parleur et de la radio comme Hitler.

Démagogie du XXe siècle, le héros chuchotant vient vous séduire dans votre lit.

Mais le héros est aussi un policier. En effet, il exprime les décisions d'un comité d'économistes. L'économie aujourd'hui est une police de la production et donc indirectement de la répartition des biens.

Cette police ne peut s'exercer que par les moyens éternels de la police. Dans les périodes troubles, la police qui impose une nouvelle loi est formée pour une part des hors-la-loi d'hier ; elle montrer la manière des hors-la-loi.

C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner de voir à Hitler ou à Staline, qui furent longtemps dans l'illégalité, des façons de gangsters.

Nous sommes la proie en Europe de quelques bandes de gangsters (…)

Conditions économiques, transformation des forces de production, mouvement des inventions. Mouvement de l'invention, mouvement de l'esprit. L'esprit engendre les maux et les remèdes (…).

Les gangsters apportent l'ordre économique, du moins à l'état embryonnaire dans le cadre trop étroit des patries.

Grâce à cet ordre élémentaire, l'homme pourra peut-être se libérer de la machine, de la grande ville et renaître – l'homme, bourgeois, paysan ou prolétaire. »

Cette vision de l'Homme nouveau au-delà des classes est romantique, mais ne tient pas car elle veut rétablir au lieu d'établir. Elle cherche dans le passé ce qui est dans l'avenir. C'est un romantisme qui a été incapable d'embrasser le matérialisme.

D'où finalement, dans Socialisme fasciste, cette tendance censée résoudre tous les problèmes idéologiques :

« Nous nous battrons contre tout le monde. C'est cela, le fascisme. »